Chapitre 9 ~ Corrida
Occupée à regarder le duel entre la carotte et William, je perdis de vue tout le reste de la ferme tandis qu'au loin, un cri strident résonna :
« - AAAAHHH ! UNE BOUSE ! J'AI MARCHE DANS UNE BOUSE ! UNE GROSSE BOUSE DE VACHE ! »
Paniquée, affolée et apeurée, Mathilde sortit précipitamment de l'étable à cloche-pied en continuant à hurler.
« - Pied droit ou pied gauche ?
- Quoi ?
- Tu as mis le pied droit ou le pied gauche dedans ?
- Je n'en sais rien et puis on s'en fiche non ! C'est dégoutant ! Regarde Marguerite, j'en ai partout !
- Pour les superstitieux, ça compte...Tu as de la chance en fonction du pied.
- C'est horrible...Où est-ce que je me peux me rincer ?
- Il doit y'avoir un tuyau quelque part vers le garage...Viens avec moi. »
Elle me suit tout en sautillant sous le regard amusé de Vincent et le rire hilare de Camélia.
Il faut croire que j'ai ramené toute la ville avec moi dans mes bagages.
« - Aller tends ton pied que je nettoie ça. »
Elle s'applique à le faire tout en se penchant légèrement en arrière pour avoir un aperçu du garage.
« - Pssst !! Marguerite !
- Quoi ?
- C'est qui cette bombe sexuelle là ?
- Tu veux parler de Sébastien ? »
Je n'ai même pas besoin de jeter un œil pour savoir qu'il est soudainement devenu l'attraction numéro une pour Mathilde.
Pauvre Vincent. Sur l'instant, je compatis.
« - Tu le connais ?
- C'est un ami. »
À l'instant même où j'ai dit le mot « ami », la bouse collée amoureusement à sa chaussure ne comptait plus. Elle me saisit par les épaules en me secouant dans tous les sens.
« - Mais Marguerite !
- Quoi ?
- D'abord William et maintenant lui. T'es un aimant bordel ! »
Enfin d'abord Sébastien théoriquement et ensuite William.
« - Tu nous présentes ?
- Et Vincent alors ?
- Je ne vais pas me marier avec non plus. Juste faire connaissance »
Sauf qu'à chaque fois qu'elle me disait ça à la fac, ça finissait toujours par un plan d'un soir au moins.
« - Si tu veux. »
De toute façon, ils finiront bien par se croiser si l'on reste ici quelques jours alors autant faire les présentations maintenant.
On entre toutes les deux dans le garage tandis que Sébastien s'essuie le visage plein de cambouis avec son bras.
« - Seb' ! T'as cinq minutes ? Je voudrais te présenter mon amie.
- Ouais si tu veux. »
Il pose sa clé et son tournevis dans un coin, sur un meuble, et se redresse à notre hauteur.
« - Voilà Mathilde, je te présente Sébastien. Sébastien...Mathilde. »
Je vois des étoiles dans ses yeux. Que dis-je ! Des comètes défilantes à vive allure.
« - Enchanté...Je ne savais pas que Marguerite connaissait...
- Ouais, ouais, moi de même. »
Je sais que l'on est à la ferme, mais je trouve ça vache de sa part de lui foutre un râteau.
Sans faire de jeu de mots.
Sentant le froid s'installer, Mathilde quitte le garage, la mine grisée.
« - Hé ! T'étais pas obligé de faire ton paysage moyen !
- Tu veux quoi ? Que je la prenne dans mes bras, que je lui fasse la bise et que je l'accueille très chaleureusement ?
- Non, mais tu pourrais clairement te montrer plus cordial ? C'était quoi cette attitude pourrie là ?
- Oh ça va...T'es pas venue là pour me faire la morale. Sainte Marguerite ! »
Waw. Je ne le reconnais plus.
« - T'es vexé parce que j'ai dit que j'étais venue avec quelqu'un ? C'est ça ?
- Tu m'as pris pour un gamin ? Je ne vais pas faire la gueule pour ça.
- Dit-il avec son air le plus grognon. »
Il fait un pas en avant, réduisant en une enjambée, toute la distance qu'il y avait entre nous. Comme si soudainement, son torse était plaqué à ma poitrine.
« - Tu ne recules pas ?
- Pourquoi reculerais-je ? Si tu as quelque chose à me dire Sébastien, dis-le.
- T'as pas changé hein ? Toujours à jouer avec le feu. »
Il se décolle finalement de moi pour reprendre son travail, me tournant alors complètement le dos.
« - À trop jouer avec le feu Marguerite, on finit par se brûler. »
Est-ce un avertissement ?
Je repars de garage au moment même où ma tante appelle tout le monde. C'est l'heure du déjeuner.
« - Bien ! Personne à table tant que l'on ne s'est pas lavé les mains. Aller ! »
Retourne en enfance quand tu nous tiens.
Une fois à table, une certaine ambiance semblait régner. William était assis en face de Sébastien. Camélia en face de moi, Mathilde à côté et Vincent entre William et moi, comme servant de tampon.
« - Je pense que les présentations sont faites...Je remercie tout le monde de donner un coup de main. Vous avez bien mérité de déjeuner ! Servez-vous ! »
Alors que la salade circulait autour de la table, William et Sébastien ne se lâchèrent pas une seule fois du regard. On se croirait dans l'un de ces vieux westerns mal faits.
« - Ça te dirait de m'aider après ?
- Ouais pourquoi pas.
- J'ai besoin d'une autre paire de bras.
- Si ça peut dépanner. »
Camelia me donna alors un coup de pied dans le genou comme pour signifier qu'un orage se préparait.
Je le savais. Je n'étais pas aveugle non plus.
« - Je suis contente ! Tout le monde semble bien s'entendre déjà ! »
Vas-y tata, rajoutes-en une couche. Enfonce le clou plus qu'il n'est déjà enfoncé.
Les voir ainsi me fait penser à une chanson étrangement. Ne me demandez pas pourquoi.
Je devrais arrêter les comédies musicales.
« Tybalt, Tybalt, tu vas mourir
Tybalt, Tybalt, finit de rire
Tu n'es qu'un fat, non, tu es pire
Ton âme boite, mais toi tu crois courir
Le son de ta voix, ta façon de marcher
Tout, en toi me donne la nausée
Tybalt, Tybalt, je vais te tuer
Mercutio, regarde-toi !
Tu as de l'esprit, mais tu n'as que ça !
Tu n'es qu'un bouffon un poète raté,
Et quand j'entends ton nom
Je me bouche le nez
Maintenant, c'est terminé
Depuis notre enfance je n'ai qu'une idée
Enfin, ma patience va être récompensée
Mercutio, je vais te tuer
Arrêtez, vous êtes fous, vous n'avez pas le droit
En vous tuant, vous tuerez nos idées et nos lois
Arrêtez !
Vivre on veut tous vivre
Sans se haïr sans en mourir
Vivre, et se parler, se respecter, et même s'aimer
Libres, on est tous libres, de ne pas suivre, de refuser ♫ »
Je n'ai jamais été une grande fan des corridas et des combats de taureaux alors on va calmer le jeu.
« - Je viens avec vous moi aussi. »
Et je ne demande pas votre avis.
Je viens aussi.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top