Chapitre 32 ~ Après l'heure, ce n'est plus l'heure
Plus je le regarde et plus ce type m'amuse. Il dévisage son assiette avec un mélange de curiosité et de dégout sur son visage.
« - Vous ne mangez pas Richard ?
- Si, si... »
D'un grand coup de fourchette, il pique dans son assiette et enfourne une grosse bouchée.
« - Quoi ?
- Vous avez de la salade entre les dents. »
Sébastien éclate de rire tandis que ma tante prend un air désespéré. Camelia, elle, semble toute enjouée et je me rappelle bien de mon premier séjour ici avec William, elle aurait bien aimé se le faire, ça tombe bien, il a un frère frais et dispo ! Tente ta chance cousine.
« - Donc comme ça vous êtes le frère de William, hein ? C'est étonnant, vous ne vous ressemblez pas vraiment. À part peut-être le regard...
- Avant de faire un projet parfait, il faut faire un brouillon non ? William est le brouillon. Je suis bien plus beau et bien plus charmant que lui ! »
Oui et clairement plus modeste également.
« - Vous m'en direz tant. Vous appréciez votre séjour ici ?
- Oui. J'avais besoin de calme et je trouve l'endroit parfait. »
Calme ? C'est le premier à avoir crié quand il a trouvait une souris cachée dans son mocassin.
Pauvre bête, elle n'avait rien demandé.
« - Donc ce qui veut dire que vous êtes un membre de la famille, non ?
- Pardon ?
- William est un peu le futur père des enfants de Marguerite. »
Je manque de m'étouffer devant une telle déclaration. Je déciderais de qui sera ou non le futur père de mes enfants, non, mais oh ! C'est quoi cet arrangement mondain là ?
« - Oh ? Vous m'en direz tant. J'ai bien cru comprendre pourtant que cela ne marchait pas fort entre eux. »
Toi...Espèce de...
« - Richard ?
- Oui Marguerite ?
- Vous aimez les petits pois ?
- Mais bien sûr !
- Attrapez donc ! »
Pliant ma cuillère en plastique chargée de petits pois, je lui lance dessus telle une catapulte du Moyen-Age tandis qu'il se choque de mon geste.
« - Marguerite ! On ne joue pas avec la nourriture ! Quel âge as-tu bon sang ?
- C'est vrai ça...Marguerite voyons.
- Vous savez quoi ? Je n'ai plus faim. »
Je dépose ma serviette à côté de mon assiette et retourne dans ma chambre.
Je ne voulais pas entendre parler de William. Je commençais petit à petit à me faire à l'idée que lui et moi, allions traverser ce que j'appelle : L'océan des problèmes. Je sais que rien n'est tout rose dans une relation, mais j'aurai espéré que William et moi...Je croyais...Que lui et moi, on était différents.
Stupide Marguerite.
« - Je peux entrer ? »
On toc à la porte et avant même que je n'eus le temps de dire quoi que ce soit, voilà que Sébastien apparaît.
« - Sympa le lancer de petits pois. Très original.
- Ahaha ! Ça lui apprendra. Tu es venu pour ?
- Pour rien..Pour discuter. Un vieil ami n'a-t-il pas le droit de venir discuter ?
- Si, assis toi va. »
Mais je ne le connaissais que trop Sébastien. Que trop bien même.
« - Tu ne penses pas qu'il serait temps que tu rentres chez toi Marguerite ?
- Tu veux te débarrasser de moi, c'est ça ?
- Non, du tout. Franchement, si ça ne tenait qu'à moi, je te garderais ici pour toujours, mais je ne suis pas assez égoïste pour te voir malheureuse à jamais. Je ne prétends pas savoir ce que vous traversez le maigrichon et toi et je ne prétends pas comprendre non plus. En fait, je ne veux rien savoir de vos histoires, tout ce que je veux, c'est revoir le beau sourire de Marguerite, qui fut pendant un temps, le plus beau sourire de cette ferme. Tu ne crois pas que tu devrais aller le voir et lui dire ce que tu as sur le cœur ?
- Le truc c'est que...Je ne sais pas...Tu sais Sébastien, j'ai beau être douée avec les mots, être à l'aise à l'écrit...À l'oral...Dire ce que je ressens, ce que je pense, ça me parait tellement difficile.
- Mais ça n'a jamais été facile...Pour personne.
- Je sais... »
Aujourd'hui est le jour où William doit prendre l'avion avec Rose. Je ne sais pas vraiment où ils vont, ni pour combien de temps.
Je sais seulement qu'au moment où l'avion partira, qu'il décollera, alors ça sera trop tard.
« - Tu es une femme forte Marguerite et une fille impressionnante. Tu ne te laisses pas démonter quoiqu'il puisse t'arriver. Tu te bats sans cesse contre le monde. Tu aimes à chaque fois avec tout ton cœur, alors que ce dernier saigne encore. Tu sais, j'ai toujours été admiratif devant toi. Je crois que c'est ça qui a fait que j'ai été un jour amoureux de toi.
- Ah parce que tu ne m'aimes plus ?
- Si, toujours, de façon inconditionnelle, mais non réciproque et c'est pour ça que je te dis tout ça. Parce que c'est difficile pour moi de te voir ainsi : malheureuse. Pas épanouie. Tu es là, tu fais semblant pour pas que l'on s'inquiète ou pour éviter les questions en tout genre...Mais, crois-moi, ton combat s'arrête aujourd'hui et maintenant. Tu as assez fait semblant. Va le retrouver Marguerite. Retrouve-le et dis-lui. Dis-lui tout ce que tu as à lui dire. »
Et s'il ne m'écoute pas ? S'il ne l'entend pas ?
« - Seb ?
- Hmm ?
- Merci. »
Je l'embrasse sur la joue, attrape mes affaires, mon téléphone et me retourne vers lui : « - Je peux abuser de ta gentillesse ?
- Que Cendrillon s'accroche, le carrosse se met en route ! »
On monte tous les deux dans la camionnette de la ferme et on se met en route.
Il avait raison, j'ai été stupide. Stupide de croire que partir arrangerait tout. Stupide de tout laisser en plan, de nous laisser en plan. J'aurai dû lui dire. Lui dire ô combien je l'aimais. Ô combien j'aimais son rire, son humour, ses répliques cinglantes et sa culture musicale. J'aimais jusqu'à son plus petit défaut et son caractère autoritaire quand il s'y mettait. J'aimais tout ça.
« - Allez. Cours Marguerite. »
La scène de l'aéroport dans la romance moderne reste un classique. Un incontournable. On court, on se précipite au panneau des horaires, on cherche, on scrute. On fouille.
On espère.
On espère le voir. Le trouver. Lui courir dans les bras.
« - Vite Marguerite, vite ! »
Et puis on se dit des choses. Beaucoup de choses, par exemple : On dit que pour se retrouver, il faut savoir se quitter.
Je n'ai jamais réellement compris cette phrase jusqu'à maintenant. Elle me semblait sans réelle importance, sans réel impact dans ma vie.
Oui, jusqu'à maintenant.
« - Vite, vite, vite ! »
« Mesdames et Messieurs, le vol A325 en direction de Paris est sur le point de décoller »
Je l'ai regardé partir.
J'arrive trop tard.
Trop tard.
« - PUTAIN ! »
Je l'ai regardé s'en aller et fallait se l'avouer, ça faisait mal. Presque autant que cette scène dans Titanic quand Rose dit adieu à un Jack « glaçon ».
Je suis restée au milieu de ce gigantesque hall, les yeux rivés vers la piste.
L'avion est parti et lui avec.
À cet instant, j'aurais très bien pu chanter
« Goodbye my lover, goodbye my friends » de James Blunt et j'aurais rendu un bel hommage à cette chanson mythique.
« Goodbye my lover, goodbye my friends.
You have been the one.
You have been the one for me ♫»
Je n'ai jamais trouvé de paroles plus justes que celles-ci.
Je présume qu'il est dorénavant trop tard pour avoir des regrets.
La fin d'une histoire entraîne le début d'une nouvelle.
T'en veux-tu Marguerite ? T'en veux-tu de ne pas l'avoir réalisé plus tôt ? De ne pas l'avoir compris plus tôt ?
Cendrillon n'aura finalement pas trouvé le prince au bal.
Il est minuit passé et la fête est terminée.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top