Chapitre 30 ~ Allô, c'est moi
Cela faisait déjà deux jours. Deux jours. Vingt-quatre appels manqués. Trente-deux messages et une migraine absolue.
« - Tiens, bois ça. »
Je regarde vaguement Sébastien déposer un verre de jus d'orange sur ma table de chevet tandis qu'un long soupir lui échappe.
« - Quoi ?
- T'as la gueule de bois.
- Non, je n'ai pas la gueule de bois.
- Tu sais Marguerite, l'alcool, ça n'a jamais résolu les problèmes.
- Hé, t'étais bien content que je sois ta copine de buverie hier soir.
- Oui, mais moi j'ai bu deux bières. Toi, t'as bu quatre shoots de tequila et deux whiskys-coke. Je ne sais même pas dans quel état est ton estomac.
- Il va bien...C'est plutôt ma tête là...
- Tu m'étonnes. Ça t'apprendra. »
Sébastien et ses grands discours moralisateurs.
Il fut, je crois, le premier étonné à me voir débarquer ici en précipitation et il fut également le premier à vouloir faire le chemin jusqu'en ville afin d'aller trouver William et je cite « Lui faire manger les pissenlits par la racine ». Charmant.
Je suis la première à vouloir lui faire manger les pissenlits, mais je crois que je ne suis juste pas d'humeur. D'où le fait que j'évite soigneusement ses appels et ses messages qui s'accumulent et s'entassent sur mon téléphone.
« - Tu ne comptes pas lui répondre à l'autre gringalet ?
- Ne l'appelle pas comme ça...
- C'est toi qui l'a insulté hier soir...De « goujat » si mes souvenirs sont bons.
- Oui, mais moi j'ai le droit de l'insulter. Pas toi.
- Si tu le dis. Bon, j'ai du travail dans les champs. Tu devrais sortir t'aérer les neurones. Ça te ferait du mien. Camelia est au marché, elle ne devrait pas tarder à rentrer.
- Et ma tante ?
- Certainement dans l'étable si tu veux mon avis. »
Ils devraient sérieusement envisager d'engager du personnel ici. Comme si c'était possible de tenir convenablement un gîte à trois personnes seulement. Je vous jure.
Après avoir tenté de lutter tant bien que mal contre ma gueule de bois, j'ai pris une douche, je me suis habillée et j'ai décidé d'aller mettre mon nez dans les papiers. Tout ça manquait clairement d'ordre et d'organisation et j'étais douée dans ça.
« - Bonjour. Excusez-moi ! »
Tiens, il y a quelqu'un.
« - Excusez-moi ! »
Ouais, ça va, j'arrive. Encore un client mécontent parce qu'il a trouvé un papillon de nuit dans sa chambre ?
« - Que puis-je faire pour vo... »
À peine avais-je levé le nez qu'un cri m'échappe. Cri échangé avec mon interlocuteur.
« - Vous !
- Vous ! »
Richard Harwel.
Frère détestable et détesté de William.
C'était la dernière ça. Il fallait absolument que je tombe sur lui dans un trou pareil !
« - Mais quelle joie de vous revoir Marguerite !
- Joie non partagée. Qu'est-ce que vous voulez Richard ?
- J'ai réservé une chambre. Pourrais-je avoir ma clé ?
- Je croyais que votre genre c'était les grands hôtels chics ? La campagne risque de vous abimer le teint, vous savez ?
- Je vois que vous êtes toujours aussi charmante. Un délice. Bon, ma clé.
- Et le mot magique ?
- Comment ça le mot magique ?
- Vous ne connaissez dont pas les bonnes manières, sale rustre !
- Mais c'est votre travail de me servir ! Le client est roi !
- Roi de mes fesses oui ! Mot magique !
- Hors de question.
- Pas de mot, pas de clé. »
Pas de bras, pas de chocolat.
« - Mon frère n'est-il pas avec vous ?
- Mêlez-vous de vos affaires, importunant personnage.
- Oh ! Oh ! Y'aurait-il du gaz dans l'air ?
- Oui, ça s'appelle de l'oxygène.
- J'attends toujours ma clé.
- À ce rythme-là, vous feriez mieux de dormir dehors.
- Dans la niche du chien ? Non merci, trop peu de confort pour moi.
- Tant pis alors.
- Marguerite...Auriez-vous..l'obligeance...De me donner la clé...S'il vous plait ? »
Il le dit avec tellement de volonté. C'est mignon. Il est devenu bien sage le petit Richard.
« - Merci ! »
Me la prenant de la main, il ramasse alors son sac, traînant à ses pieds.
« - Vous voulez un coup de main pour vous installer ?
- Non...merci ! Ça ira ! »
Faute de pouvoir me défouler sur l'un, je prendrais l'autre. Ça m'ira très bien.
De nouveau seule, j'en profite pour aller voir Sébastien dans les champs. Il doit bien avoir 5 minutes à m'accorder.
« - Sébastien !!! »
C'est fou ce qu'un homme torse nu, assis sur un tracteur, ça peut vous faire un drôle d'effet.
Parfois, j'oublie ô combien les paysages campagnards sont beaux.
Trop beaux.
« - Hé ho ! Allô la lune ici la terre.
- Oh...Pardon. »
Il me dévisage, curieux, et finit par me sourire.
« - Qu'est-ce qu'il y a ? T'es enfin sortie de ton moment de déprime.
- Tu ne devineras jamais qui vient d'arriver ! »
Je lui raconte alors la présence de notre nouveau client et il se met à rire. À exploser de rire.
« - Je vois...Donc comme ça, ils sont deux hein ?
- Celui-là, t'as le droit de le martyriser un peu si tu veux.
- Un peu seulement ? Je te pensais plus généreuse que ça.
- Ne soit pas trop brusque avec lui. Il n'est pas le genre de type...Fréquentant la campagne.
- Oh je vois. Eh bien écoute, je ferais de mon mieux. »
M'attendant à une rencontre explosive entre Richard et Sébastien, mon sourire se dressa de lui-même sur mon visage.
Ça, c'est fait.
Suivant.
Le nez dans les papiers, je ne pus m'empêcher pour décompresser, d'attraper mon téléphone.
Il m'avait laissé tant de messages que je n'étais pas certaine d'avoir à emprunter un roman à ma tante pour m'occuper le soir.
Et puis, il y eut ce message :
« Marguerite ? C'est moi. Encore. Écoute, je ne sais pas où tu es, ni ce que tu fais, je ne sais même pas si tu écouteras ce message, je l'espère tout du moins. C'est tout ce qu'il me reste te concernant : De l'espoir. Ça ne fait que deux jours que tu es partie et c'est fou comme tu me manques déjà. J'aimerais que tu me dises où tu es, ce que tu fais, si tu es au moins en sécurité ? Ça me rend fou. Écoute Marguerite...Je sais que ce qui s'est passé te déplaît fortement et ...et je m'en veux, si tu savais comme je m'en veux, mais j'aimerais que l'on en discute tous les deux. J'aimerais...Que l'on se voit avant que je ne parte avec Rose. Dans exactement trois jours, je prendrais l'avion et...Ô Marguerite...J'aimerais que tu me répondes. J'aimerais que tu me dises que tu reviens. Si tu savais comme je suis fou, comme je t'aime et comme j'enverrais ce boulot en l'air juste pour ta simple présence à mes côtés. Reviens. »
Dis-moi William, pourquoi ça fait si mal d'entendre ta voix à nouveau ? Pourquoi ça fait si mal de penser à tes larmes ? Pourquoi ça fait si mal de t'imaginer, là, tout seul ?
Hé...Dis-moi...Pourquoi ai-je si mal en pensant à toi et à tes bras ?
Pourquoi mon cœur pleure-t-il ?
Pourquoi y'a-t-il fallu qu'il en soit ainsi ?
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