Chapitre 25 ~ Loup dans la bergerie

Assise à mon bureau, j'ai aperçu Jessica se précipitant du haut de son mètre quatre-vingt-cinq - ou tentant de se précipiter - en ma direction.

« - Marguerite ! »

Vous êtes bien sur le répondeur de Marguerite, je ne suis pas là pour le moment, mais veuillez laisser un message après le bip sonore...BIP !

« - Marguerite !

- Quoi ? Que puis-je faire pour toi Jessica ?

- Il faut que tu viennes avec moi.

- Hein ?

- Viens, je te dis ! Ne discute pas ! »

Théoriquement parlant...Je ne suis pas censée être celle lui donnant des ordres ?

Elle m'attrape par le bras, m'entraîne à l'étage et à peine on vit la silhouette de William s'en retournant dans son bureau avec un grand sourire, qu'elle me plaqua au sol derrière une imprimante.

« - Qu'est-ce que tu fiches bon sang ?!

- Chut. Observe. L'ennemi est là. »

L'ennemi ?

Je me pousse un peu plus tandis que la secrétaire est largement affalée sur moi.

« - Regarde-moi cette fille... »

Alors que je tentais de percer à travers les grands gestes enthousiastes de William, je vis, assise en face de lui, les jambes croisées et les mains baladeuses sur ses bras...Mon alter ego.

Fleur.

Ou Rose pour les intimes.

« - Regarde comment elle se permet de le toucher !

- Oh, mais je vois ça...

- Tu ne trouves pas que c'est un scandale ?

- Si...totalement.

- Cela fait un moment qu'elle vient régulièrement ici et qu'elle a ce genre de comportement. »

Elle s'arrête un moment et me redresse d'un coup sec, prenant son air le plus choqué.

« - Et s'ils sortaient ensemble ? Si William sortait avec Fleur ?

- N'importe quoi. Tu vois William avec...cette bouffonne ? Honnêtement, pas moi. Il doit bien avoir quelqu'un d'autre dans sa vie. Il vaut...Mieux que ça non ?

- Oui, mais regarde Marguerite ! Le regard pétillant qu'il a ! Je sais qu'il est heureux de la sortie de son dernier roman, mais quand même ! Apparemment, il prévoit même dans l'emmener dans une tournée de dédicace. »

Ah bon ? C'est nouveau ça.

« - Fleur ?

- Oui, son livre sort la semaine prochaine donc la campagne promotionnelle est à faire, non ?

- Ah...oui...

- Je pensais que tu travaillais sur ça ? »

Moi ? Tout à fait. J'ai dû enterrer ce dossier quelque part.

Il est vrai que je n'ai pas fait attention à ce que j'avais à faire en ce moment ou pas. Tout se ressemble tellement.

« - De quel droit elle se permet autant de liberté avec lui ?

- Bonne question...

- Si vraiment il avait quelqu'un, il n'aurait pas ce regard mielleux. Non, mais regarde-moi ça ! Regarde comment il la matte et tout. Aaaah ! Ça me révulse.

- Ça se trouve ce n'est rien du tout...C'est juste...

- Non Marguerite...Crois-moi, j'ai lu assez de romans pour savoir que tout part d'un regard complice. Crois-moi. »

Ouais enfin...non. Il n'y a pas si longtemps William m'a fait l'amour sous la douche en me disant qu'il m'aimait alors qu'il n'ose ne serait-ce que me faire ça dans mon dos...Je crois qu'il pourrait dire « adieu » à son entrejambe.

« - Bon, je retourne travailler moi.

- Tu ne restes pas ? Et si l'ennemi frappe à nouveau ?! »

Si l'ennemi frappe ?

« - Tu as carte blanche pour t'en occuper Jessica. J'ai toute...Confiance en toi. »

Même si ça me fait mal de le dire, je sais que Jessica aura à l'œil cette « relation » là.

Et comment cela se fait-il que je ne sois pas au courant de toutes ces choses-là ?

Attends un peu qu'il rentre à la maison celui-là.

On va discuter lui et moi.

Mine de rien, les paroles de Jessica résonnèrent en moi toute l'après-midi durant. J'étais intimement convaincue que ce n'était rien. Juste un échange cordial et plein de bonnes intentions, c'est tout. Un rendez-vous de travail entre un homme et une femme...Mais...Je ne saurais l'expliquer, tout mon cerveau resta sur cette image de la main de Rose posée délicatement sur l'avant-bras d'un William grand sourire se laissant totalement faire et n'étant même pas dérangé par son geste.

Pourquoi ?

Pourquoi faut-il que je me focalise sur ça ?

Je pourrais me dire « Mais non ma pauvre Marguerite, tu sais bien que ce n'est pas ça. Ils ne font que travailler et William est bien trop gentil pour dire quoi que ce soit », mais de l'autre côté j'ai « Marguerite Ashely Pauline ! Pourquoi tu n'es pas allée dans son bureau défoncer cette femme qui se croit tout permis avec ton chéri et certainement le futur père de tes enfants ?! »

Le diable et l'ange.

La dualité ultime.

J'aurai aimé ignorer cette voix qui hurlait en moi. Celle qui s'est scandalisée à l'instant même où Jessica m'a montré une telle scène.

Je sais que ce n'est rien et pourtant...Je n'arrive pas à effacer cette image de ma tête.

Putain.

« - Coucou, c'est moi ! »

Le voilà qui rentre, tandis que je l'attends de pied ferme, les bras croisés et remontés contre la poitrine, l'air le plus autoritaire qu'il soit possible d'avoir.

« - Houla...ça ne va pas toi. »

Si ça ne va pas ? Si ça ne va pas ?!

« - Tu n'aurais pas oublié de me dire quelque chose ?

- Euh...Non.

- Tu en es sûr ? Sûr et certain ?

- Oui, pourquoi ? Tu m'as l'air bizarre, ça va ?

- William...

- Quoi ?

- Tu es sûr que tu n'as rien à me dire ? Une information peut-être à me donner ?

- Mais...non...Je t'assure que non. »

Il fait mine de réfléchir, hausse des épaules et part vers la cuisine se prendre un verre d'eau.

« - Après tu sais, je ne suis pas devin, donc si tu pouvais me dire...Ce que je suis censé TE dire, ça m'aiderait fortement.

- Tu sais quoi ? Laisse. Ce n'est pas grave. »

Je me lève et pars d'un pas décidé vers ma chambre pratiquement vide. Mes affaires me manquent. Je rêverais de lui faire un scandale, de hurler dans la maison, de lui balancer un livre à la figure et lui claquer la porte au nez pour couronner le tout, tel un bouquet final.

« - Mais attends ! »

Il me suit, posant son verre sur le comptoir de la cuisine, perdu, confus.

« - Marguerite ! Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi es-tu si énervée ?

- Ah parce que tu ne le sais pas peut-être ?

- Non. Honnêtement, non. Tout va bien entre nous. Ce n'est pas ton anniversaire. Ce n'est pas une date importante...Je n'ai rien oublié. Donc, dis-moi...Qu'est-ce que je n'ai pas fait ?

- Et tu n'aurais pas oublié de me dire que tu emmènes Rose en dédicace pour « Vanille & Chocolat » par hasard ? »

Il s'éloigne, comme surpris que je sois au courant.

Eh oui mon gars. On travaille dans la même boite maintenant, il va falloir faire attention.

« - N'est-ce pas normal qu'un éditeur prenne soin de son auteur ?

- Pardon ? Rappelle-moi qui elle est et rappelle-moi qui je suis ? C'est qui l'auteur entre nous deux ?

- Attends...Ce n'est pas ce que je voulais dire. Rose, « Fleur », c'est ta couverture non ? C'est normal que l'on me voie discuter avec elle non ?

- Tu sais quoi ? Je veux rompre le contrat. Je veux que l'on dise que c'est moi la vraie « Fleur ». Je veux que l'on sache que je suis celle qui écrit tous ces livres.

- T'es pas sérieuse...À une semaine de la sortie officielle, tu ne peux pas me faire ça.

- Comment ça ?

- Enfin, tout le monde sait maintenant quel est le visage de « Fleur »...Tu crois qu'annoncer ou plutôt, que de dévoiler, une telle supercherie n'impactera pas les ventes ?

- Et ? Je m'en fiche, je suis l'auteur. Tant pis si je gagne moins.

- Oui, mais moi je suis l'éditeur et jusqu'à présent, je suis celui qui a obtenu les droits de ton livre. »

Alors ça...Me ressortir ça comme ça...ça ne va clairement pas se passer comme ça.

« - T'as peut-être eu une mauvaise journée. Je te laisse te reposer. Je dormirais dans ma chambre ce soir.

- C'est ça....Demain je n'aurai pas changé d'avis. Je veux être « Fleur » et tu ne peux pas m'enlever ce droit !

- Je ne te l'enlève pas ! Je te dis juste d'attendre. Est-ce trop te demander ?

- Mais je ne veux pas attendre ! Tu m'avais dit en signant le contrat que je pouvais le rompre à tout moment.

- C'est vrai, mais pas dans le moment actuel.

- Mais je m'en fiche du moment !

- Pas moi ! Je suis responsable de ton livre et de la maison, je ne te laisserais pas tout foutre en l'air à la dernière minute pour un caprice. »

Un caprice ? Pardon ?

« - Où est-ce que tu vas ?

- Dans ma chambre, j'ai dit ! »

Il sort et disparaît dans la chambre voisine tandis que je lui lance un coussin à la figure qui se répercute contre la porte.

Tu veux la guerre mon petit ? Tu vas l'avoir.

Mon livre !

Mes droits !

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