Chapitre 4 : Le peuple de la Forêt
Le lendemain, en se réveillant, ils eurent tous droit à un petit déjeuner quelque peu frugal.
— Ce n'est pas beaucoup ! estima Karel en considérant son morceau de pin beurré. Je me souviens que la première fois que nous sommes venus dans c'pays, Doni Macho...
— Tchoma, rectifia Pjotr. Tchoma, pas Macho.
— Oui, lui, là, peu importe, fit Karel en agitant la main comme s'il chassait un nuisible. Il nous avait donné des tas de — oh, pardon, Angela (il lui avait donné un coup, sans le faire exprès cela va de soi) — des tas de trucs à manger et j'ai même bu de la bière une fois, conclut-il en prenant un accent belge, l'air triomphant.
— Karel, dit Irwin, les accents racistes c'est vraiment limite.
— Tu as bu de la bière ? répéta Pjotr, éberlué.
Un peu plus loin, Laszlo était en grande conversation avec Angela.
— Je le trouve très amusant, votre ami Karel, disait Laszlo. Il ferait un excellent trouvère.
— Oui, approuva Angela, il m'a raconté une excellente blague, l'autre jour. Qu'est-ce ce qui est transparent et qui court dans les champs ?
— Je ne sais pas, avoua Laszlo.
— Un troupeau de vitres, répondit alors Angela.
Rosen, Mefisto et Detroit discutaient tous les trois, regroupés comme s'ils manigançaient un complot.
— C'est bien, d'être mage ? demandait Detroit d'un air curieux.
— C'est dur, mais ça a ses avantages, répondit le Mage.
— J'aimerais bien être un mage, plus tard, dit rêveusement Detroit.
— Difficile, mais pas impossible, dit le Mage en haussant des épaules, mais Detroit crut sentir une fausse légèreté dans sa voix. Et toi, Rosen, tu as un métier, un travail, une fonction ? ajouta-t-il comme pour changer de sujet.
— Moi ? Un profiteur de guerre, rien d'autre ! s'exclama le demi-elfe d'un ton détaché.
Detroit fronça les sourcils, étonné qu'on puisse se sentir aussi enthousiasmé par un métier aussi peu honnête.
— Pourquoi vous appelle-t-on par votre nom de famille, et non par votre prénom ? l'interrogea-t-il.
— Mon prénom n'est pas des plus fameux, répondit Rosen en regardant intensément son interlocuteur. Et toi non plus, personne ne t'appelles par ton véritable prénom, que je sache.
— Cela me regarde.
Lanz se leva à ce moment précis.
— Je dois annoncer quelque chose d'important, alors veuillez, s'il-vous-plaît, vous calmer et vous taire ? dit-il.
— Tu as entendu, Pjotr le Pustuleux ? Tais-toi et tiens-toi tranquille ! lança Karel à l'adresse de son voisin comme s'il s'était montré particulièrement bruyant et agité.
— Nous devons monter une expédition pour retrouver Leno Tampiar, dit Lanz. Nous allons pour cela nous rendre à Sian pour demander de l'aide à Soska, puis nous réfléchirons à un plan.
— Est-ce qu'on vient avec vous, nous quatre ? interrogea Angela.
— De toute façon, si on vous laisse, on retrouvera la ville en feu, fit remarquer Hadwin.
Lanz hocha la tête avant d'ajouter :
— D'autres questions ?
— Oui, répondit Karel. Pourquoi quand je regarde mon reflet dans le creux d'une cuiller, il est à l'envers ?
— Bon, dit Lanz d'une voix forte, si personne n'a de pensée constructive à exprimer, alors la séance est levée.
— Hé ! s'écria Karel. Faut d'abord finir de bouffer !
Il engloutit sa tartine et vida sa tasse d'un trait avant de concéder :
— Voilà ! Il faut aller prendre une douche, maintenant.
Après s'être lavé, tout monde revêtit les habits civils des elfes : une petite tunique sans manches avec une encoche au milieu du col et une paire de bas, l'ensemble de couleur beige-marron. Ensuite, Lanz fit la sélection de ceux qui iraient jusque Sian.
— Moi ! s'écria Karel. Moi ! Mooo-aaa !
— Karel, si tu continues à hurler comme ça, on t'enferme dans le saloir et tu ne seras pas du voyage, prévint Hamish.
— Ma lame est toujours prête à servir mon Roi, dit Laszlo.
— Parfait, Laszlo, tu viens. Saoirse, Hamish, Rosen, vous venez également. Mefisto, je voudrais que vous restiez ici, ainsi que Bienfaiteur.
— Chouette ! s'exclama Karel. C'est comme si on était la communauté de l'Anneau. Regardez, moi je suis Aragorn le super badass, et Laszlo, c'est Gimli.
— Non, toi, tu es Pippin, rectifia Pjotr.
— Mêle-toi de tes oignons, Merry.
— Qui est ce Gimli ? s'enquit Laszlo.
— Un vieux nain tout barbu qui te ressemble beaucoup, expliqua Karel avec le plus grand sérieux.
— Les nains ont disparu il y a bien longtemps, fit remarquer Laszlo.
— Il est temps d'y aller, annonça Lanz. Tenez, voici des glaives.
— C'est moche.
— Karel ! s'écria la voix de Hadwin ou Hamish, impossible d'être plus précis.
— Mais...
— Pas de mais.
La petite compagnie se mit alors en route, quittant la montagne de Ljuba pour de jolis sentiers dégagés.
— C'est quoi, notre itinéraire ? demanda Angela.
— Nous avons cent-vingt kilomètres à parcourir, expliqua Saoirse. Nous nous arrêterons à Lenka, puis au Delta et enfin nous arriverons à Sian. Le voyage devrait durer deux jours ou trois.
— Deux jours ou trois ! répéta Karel ! Moi, je marche à deux à l'heure, alors ça va être long.
— Tu pourrais rester là, si tu préfères, répliqua Hamish.
Puis il ajouta tout bas en se tournant vers Lanz :
— Pourquoi on ne les laisse pas ici, pour de vrai ? Il y a toujours Hadwin au château.
— N'oublie pas que c'est Leno Tampiar à qui nous portons secours, répondit Lanz, l'air grave.
Ce soir-là, ils arrivèrent enfin dans la Forêt, et dormir entre les arbres touffus. Le lendemain, ils se mirent en marche bien assez tôt et passèrent la journées à arpenter les petits chemins bordés de végétaux et ils durent secourir Karel qui était tombé dans un gouffre. Dans l'après-midi, ils firent une pause au Delta avant de repartir et, le soir, ils étaient à Sian.
Ce fut Soska, un homme de haute taille aux cheveux d'un roux flamboyant qui les accueillit.
— Suivez-moi, dit-il.
Ils se rendirent au palais de Shan, le Seigneur du peuple de la Forêt en passant entre les très hautes tours. Ils entrèrent par la suite dans le gracieux palais de marbre blanc et parvinrent dans la salle du trône, où ils virent Shan, qui s'était installé sur son trône d'une manière bien singulière : il avait la tête renversée vers le bas sur le coussin du siège, le dos appuyé contre le dossier, les pieds l'un tendu vers le haut, l'autre replié et il avait les yeux fixés sur un croquis qu'il tournait entre ses mains.
— Vous êtes qui, vous ? demanda-t-il sans détacher son regard du croquis.
Karel s'avança et Irwin sentit venir le carnage.
— Je suis le très célèbre baron Karel le Magnifique ! Voici mes nobles compagnons, tous de grands et vaillants chevaliers, bien qu'ils soient tous des marauds en trois dimensions qui font tout en trois dimensions. Irwin l'Ignoble, Angela l'Affreuse, Pjotr le Pustuleux, Laszlo le Larmoyant...
— Ça suffit ! protesta Laszlo. Je refuse d'être traité ainsi ! Moi, Laszlo Roza-Berg de Ljuba la prospère, suis un humble Guerrier elfe aspirant à devenir... le garde du corps personnel de Lanz, le Roi, le souverain, le bienfaiteur de tous les elfes !
— Aaah ! s'exclama Shan. Je me souviens de vous ! Enfin non, pas de vous, Laszlo machin machin de chais-plus-trop-où-là, mais de vous, Karel, Irwin, Angela et Pjotr. Et vous, vous vous souvenez de moi ?
— Sûr, acquiesça Karel.
— Shan, interrompit Lanz, nous sommes venus pour une raison bien précise.
— Donc, poursuivit Shan en ignorant royalement Lanz, vous vous souvenez de ma requête ?
— Shan, l'apostropha Hamish.
— Vo... votre requête ? balbutia Pjotr.
— LES FUSAINS !!!
Tout le monde sursauta, y compris les elfes. Shan, quant à lui, décolla sa tête de son trône et tomba à la renverse. Il se redressa, épousseta sa robe et replaça son fauteuil correctement.
— Les fusains ! répéta-t-il. Vous avez oublié les fusains, c'est ça ?
— Oui... mais non, dit Angela.
— Oui mais non ! Mon anniversaire est passé et NOËL ARRIVE PENSEZ À MES FUSAINS BON SANG DE BOIS !
Il était debout à côté de son trône et, brusquement, il le renversa. Puis il le redressa. Il le renversa de nouveau. Il le redressa une nouvelle fois, mais cela ne sembla pas le satisfaire, alors il donna un coup de pied dans son bureau.
— AÏE !
Il commença alors à sauter sur place en tenant son pied puis, de dépit, poussa le bureau, qui s'effondra, répandant tout son contenu tout son contenu sur le sol.
— Keep cool, Shan, dit-il pour lui-même.
Il remit son bureau sur pied.
— Keep cool, répéta-t-il. Bon, maintenant qu'on est tous calmés, vous allez m'expliquer ce qu'il se passe, par les moustaches du Mage d'Améthyste.
— Le Mage d'Améthyste n'a pas de moustaches, répliqua Karel.
— Je ne t'ai pas demandé ton avis, le bleusaille, rétorqua Shan.
— Je ne suis pas un bleusaille, rebondit Karel. Je suis un baron en quatre dimensions et demi qui se meut en huit dimen...
— C'est ça, c'est ça, coupa Shan.
— Notre ami Leno Tampiar a été enlevé, expliqua Lanz.
— Ah oui, je me souviens de lui. J'espère que lui se souvient de moi — ou plutôt de mes fusains. Et qui est le fils de... ses parents qui a enlevé le cieux Leno Tampiar ?
— C'est Breshka, répondit Lanz.
— Hein ? s'étonna Shan.
— C'est le type qui se balade toujours avec une capuche sur la tête, dit Karel.
— Ah mais oui ! C'est bon, OK, dit Shan. Et qu'est ce que ça peut ben me faire, que Leno se soit fait enlever ? À part s'il cachait des fusains nouvelle génération dans la doublure de sa veste ?
Shan secoua sa tignasse roux clair et s'assit sur son trône.
— Nous aimerions que Soska et quelques autres fantassins nous aident, le pria Lanz.
— Mais c'est qui, ce Leno, à la fin, pour que vous vous préoccupiez autant de lui ? demanda Shan en gribouillant quelque chose sur un morceau de papier. C'est un grand fabricant de fusains, ou quoi ?
— C'est presque ça, ironisa Karel.
— La raison pour laquelle nous tenons tant à le sauver... c'est pour qu'il nous sauvé lui-même ! s'écria Lanz. Leno Tampiar est le Sauveur ! Il doit nous débarrasser du Sardiomage et de ses sbires ! Tu as déjà oublié ?
— Ah oui, dit Shan. C'est presque ce que je disais. Mais les fusains restent plus importants. Prenez Sozuk et ses copains, si cela vous tient tant à cœur. Mais laissez-en quelques uns ici, tout de même.
— Vous... vous acceptez ? ânonna Lanz.
— Indeed.
À ce moment précis, un homme aussi blanc que la neige entre dans la pièce sans faire de bruit et commença à trier les objets qui étaient tombés du bureau de Shan.
— Oh, laisse, Solen, dit Shan. Je peux m'en occuper. J'aime bien que tout soit rangé à ma façon. Par contre, j'ai très soif.
— Votre bureau était aussi rangé que si c'était moi qui m'en étais occupé, observa Karel.
— C'est pas grave, dit Shan. J'aime le bazar, tant que je m'y retrouve. Maintenant, sortez, s'il-vous-plaît. Allez allez.
Lanz, Hamish, Rosen, Saoirse, Laszlo, Irwin, Karel, Angela et Pjotr sortirent de palais, puis bientôt de la ville, accompagnés par Soska et quelques uns de ses fantassins. Ils commencèrent alors à redescendre la Forêt.
— Euh... le palais de Breshka est au nord-ouest, non ? demanda Irwin.
— Précisément, acquiesça Lanz.
— Alors pourquoi va-t-on au sud ? insista Irwin.
— C'est généralement ce qui arrive quand on va à l'ouest et qu'on tourne à gauche, dit posément Lanz.
*
voilà normalement j'étais censé.e publier donc comme qui dirait here we are ._.
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