Chapitre 97 : Effacer les erreurs

 Dans le violon de cristal, Syara ne comprenait plus rien. Un instant, l'être corrompu était la pire chose qui puisse exister en ce monde et celui d'après, il ressemblait à un enfant qui venait de se faire réprimander par ses parents. Même si elle n'y connaissait rien en dragon, il était évident que celui qui l'avait giflé était la même personne.

Tandis que la chose tombait à genoux, la beast se sentit de plus en plus légère. Ses pieds se détachèrent du sol et elle commença à s'élever dans les airs.

— À bientôt, lui lança Fos d'en bas.

— Le plus tard possible j'espère. Autrement, cela voudrait dire qu'elle a repris le contrôle.

— Pas forcément... répondit-il avant d'être hors de portée de voix.

Alors qu'elle continuait à s'élever, la violoniste voyait la dimension sous ses pieds qui s'éclairait peu à peu et reprenait sa couleur bleue habituelle. Elle sentit aussi une présence hostile au dessus-d'elle qui se rapprochait rapidement. Dans son ascension, elle croisa l'être corrompu qui semblait furieux. Lorsqu'elle passa au plus près, la chose tenta de la saisir au cou, mais n'y parvint pas, tout juste hors de portée.

— La prochaine fois, ça ne se passera pas comme ça, grogna-t-elle. Ton corps m'appartiendra bientôt !

Troublée, la beast continua son ascension. Jamais la chose n'avait poussé autre chose que des grognements ou des cris aigus à en percer les tympans. Était-elle en train d'évoluer ? Syara n'eut pas le temps de réfléchir plus amplement à la question qu'une intense lumière l'aveugle. Un instant plus tard, elle se trouvait à genoux, le regard vissé sur les bottes d'un inconnu et la joue endolorie.

Lorsqu'elle releva la tête, elle vit que l'homme lui tendait une main amicale pour l'aider à se relever. Elle allait pour accepter, mais s'interrompit dans son mouvement au moment où elle aperçut, derrière lui, le corps d'une harpie, inerte sur un toit. Au lieu de se relever, Syara balaya le village du regard.

Les corps jonchaient la place. Il n'y avait pas un seul endroit où il n'y en avait pas. Combien de vies avait-elle prises ? Bien trop selon la beast qui, toujours à genou, se mit à pleurer silencieusement. Si, lors de sa première transformation, elle s'était sentie mal les jours suivants, elle n'était au final que responsable de la mort du cerbère. Ici, c'était elle le monstre qui était venu dans le village pour faire un carnage.

Voyant qu'elle était redevenue normale, Sae se précipita vers elle et lui sauta au cou.

— Je suis désolé Sae. Tout est de ma faute. Je ne veux plus qu'il y ait de mort... Je ne veux plus utiliser cet instrument maudit.

À son tour, Elyazra s'approcha avec Telak et Rael qui aidaient Gard à marcher. Syara se rappela alors qu'elle l'avait blessé et qu'elle avait tenté de tuer Sae. Tout ceci la conforta dans sa décision de ne plus utiliser son instrument. Elle l'invoquerait juste une dernière fois pour le soigner et s'en débarrasserait, même si elle ne savait pas comment s'y prendre.

— Shay, tu peux le soigner s'il te plaît ? demanda Elyazra.

D'un mouvement de main, le dragon fit disparaître la blessure dans le dos du satyre, puis se tourna vers la beast.

— Le pouvoir qui est en toi est puissant, mais aussi très dangereux, commença-t-il.

— Ne vous en faites pas, je n'utiliserai plus jamais cet instrument. Plus personne ne mourra par ma faute.

— Tu n'y penses pas ! s'exclama Elyazra.

— C'est de loin la pire idée que tu pourrais avoir, répondit calmement Shay. Je pense que quelques explications s'imposent, je vais vous emmener chez moi.

— Attends ! Tu ne peux rien faire pour les victimes ?

— Ça me coûterait beaucoup d'énergie de toutes les ressusciter.

En entendant le dernier mot, Syara écarquilla les yeux. Pouvait-il réellement ramener toutes les victimes à la vie ? Pouvait-il effacer cette erreur et soulager, ne serait-ce qu'un peu sa conscience ? Si c'était le cas, il devait le faire !

— Je vous en pris, si vous pouvez vraiment les faire revenir, faites-le.

— Très bien, céda-t-il. Rassemblez les corps pendant que je me prépare. Vous par contre, restez près de moi. Il ne faudrait pas que les autres habitants vous croient encore corrompue.

Pendant que le groupe et les trois sœurs harpies se séparaient, Shay s'assit en tailleur et ferma les yeux pour se concentrer. Peu à peu, tandis que le groupe rassemblait les victimes, les harpies sortirent de leur cachette et se rassemblèrent de nouveau au centre du village.

Alors que Guard allait s'emparer du corps de la reine, le harpie mâle qui avait plaidé en leur faveur s'interposa et lui barra le passage.

— Pas elle. Nous avons bien assez souffert sous son règne tyrannique. Elle ne mérite pas de revenir.

Croyant d'abord qu'il était le seul à penser ça, le démon tenta de passer tout de même, mais plus il insistait, plus les habitants se massaient derrière le harpie. Voyant qu'il en venait de plus en plus, Telak céda et les laissa s'occuper du corps.

Lorsque toutes les victimes furent enfin rassemblées, le dragon se releva et ouvrit les yeux. Ses pupilles luisaient d'un blanc éclatant et une lumière plus intense encore apparut dans ses mains. Shay leva les bras en l'air tout en fixant les corps alignés et généra un pilier de lumière qui les engloba tous. Lorsqu'il s'estompa après plusieurs minutes où personne ne put garder les yeux ouverts, les victimes se relevèrent une à une.

À bout de forces, le dragon tressaillit et fut retenu par Elyazra qui se tenait à ses côtés.

— Merci infiniment, souffla Syara.

Après s'être assuré que tout le monde allait bien, l'homme harpie s'approcha du dragon et du groupe d'aventurier.

— Merci beaucoup pour ce que vous avez fait. Même si je ne comprends pas encore très bien ce qui s'est passé, le résultat est là. Aucune victime n'est à déplorer excepté la reine. Vous avez réalisé ce que personne ici n'osait faire. Son règne despotique est enfin terminé. Comment pouvons-nous vous remercier ?

— Après ce que je vous ai fait, je ne suis pas en droit d'exiger quoi que se soit, répondit Syara.

— À la base, nous étions venus récupérer un coffre qui avait été volé par votre clan à des alchimistes qui se trouvaient en bas des montagnes.

— Encore une lubie de la reine... Suivez-moi, je vais vous le remettre.

Le harpie, suivi du groupe, entra dans la demeure de la reine et fouilla dans ses affaires. Il trouva rapidement ce qu'il cherchait et le leur tendit. Le petit coffre était tel que les alchimistes l'avaient décrit, ivoire avec une armature dorée.

— Personne n'a réussi à l'ouvrir, mais je pense que c'était surtout l'or qu'il y a dessus qui l'intéressait. Tenez.

Même si elle disait qu'elle n'avait rien à exiger, c'était à Syara qu'il avait remis la boite. Au moins, elle avait réussi sa mission. La beast s'empara du coffre et faillit tomber à la renverse. Dès qu'elle l'avait touché, un sentiment de chagrin et de désespoir l'avait envahi.

— Ely, prête-moi ta rapière, demanda-t-elle.

— Qu'est-ce que tu comptes faire ? s'inquiéta Rael.

— Ouvrir le coffre, répondit-elle, déterminée.

— Tu n'y penses pas. Ils ont dit que le composant ne supportait pas la lumière. Même si cet endroit est sombre, si tu détruis le coffre, nous ne pourrons pas le ramener !

— Ely, si tu me fais vraiment confiance, donne-moi ta rapière.

Sans chercher à comprendre, la chasseresse dégaina son arme et devança les actions de l'elfe en se postant entre lui et son ami. Au lieu de lui donner son arme de prédilection, elle lui tendit plutôt la dague qu'elle cachait dans sa botte.

— Vous allez ruiner la réputation de tout le monde ! s'énerva le mage d'air, se sachant impuissant face à Elyazra.

Ne l'écoutant pas, Syara s'attela à forcer le coffre avec sa dague. Elle continuait à sentir tous ces sentiments, auxquels s'ajoutait une profonde peur lorsqu'elle avait commencé à glisser la lame dans l'interstice de l'ouverture. Lorsqu'elle réussit enfin à forcer le coffre, Syara s'empressa de jeter un coup d'œil à l'intérieur.

— Mais... C'est impossible... Ça ne peut pas être... balbutia-t-elle.

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