Chapitre 182 : L'île céleste isolée

 Comme ils s'y attendaient, si la préparation de leurs affaires n'avait pas pris bien longtemps, la séparation des deux frères avait été autrement plus compliqué. Firène voyait ce départ comme un abandon et craignait par dessus tout de le perdre, lui, sa seule famille restante. Syara lui aurait bien promis qu'elle veillerait sur lui, mais vu que ses promesses avaient la fâcheuse tendance à se retourner contre elle, la beast s'abstint et resta spectatrice.

Ce ne fut qu'après une longue demie-heure de cris, de pleurs et de marchandage que le jeune ange se résigna, ou plutôt partit s'enfermer dans sa chambre en claquant la porte. Cela peinait Élane de le quitter ainsi, mais il retrouva un peu le moral lorsque Fos lui assura qu'il allait s'occuper de lui.

Tout comme ils l'avaient fait pour se rendre à la capitale, le groupe descendit au dernier sous-sol et marcha longuement dans le couloir aux nombreuses portes. Pendant qu'ils avançaient, le déchu expliqua au seul membre du groupe capable d'activer les portails en quoi les siens étaient différents et comment il devait s'y prendre pour créer le tunnel qui les ferait revenir.

Syara avait beau tendre l'oreille, elle avait l'impression qu'ils parlaient sous forme de code, comme s'il faisait exprès pour qu'elle ne puisse en déduire la manière de faire globale et ainsi se jeter sur le portail de la capitale pour retourner voir ce qui était arrivé à Elirielle. Elle se faisait des idées, se dit-elle. S'il s'agissait bien de quelque chose que pouvait faire Fos, elle voyait mal Élane entrer dans son jeu et en faire de même.

Lorsqu'ils furent arrivés devant la bonne porte, le déchu les laissa entrer et invita l'ange à s'exercer en ouvrant la voie qui allait les conduire sur cette nouvelle île céleste. Il lui fallut quelques tentatives pour s'habituer au nouveau procédé, mais Élane réussit malgré tout à créer un passage que Fos considéra comme étant aussi stable que s'il l'avait lui-même ouvert.

Ce fut donc sans aucune crainte ni appréhension qu'ils s'engouffrèrent à l'intérieur et se retrouvèrent instantanément de l'autre côté. Dans la capitale, ce cercle qui servait d'armature au portail était dissimulé dans un mur. Là, sans aucune construction angélique pour le camoufler, celui-ci s'était intégré à une paroi rocheuse et était bien plus visible.

En face d'eux, le groupe ne voyait absolument aucune tour comme indiqué dans le compte. Il ne s'agissait que d'une étendue d'herbe, vallonnée et sans aucun arbre. En face d'eux, une grande pente leur cachait le reste de l'île.

— S'il y a une tour, elle doit être derrière, supposa Orélius.

— Phi, Élane, vous pouvez aller voir ? Demanda Elyazra. En deux coups d'ailes, vous devriez pouvoir vous trouver assez haut pour voir toute l'île.

— Si nous suivons le conte, il y a une zone autour de la tour qui empêche les personnes de voler. Si ça se trouve, elle est plus étendue et tenter une telle chose même d'ici nous projetterait violemment à terre, répondit l'ange.

— Bof, il existe plus d'un moyen pour savoir si ce qui est dit dans ce conte est vrai, relativisa-t-elle avec un haussement d'épaule.

Accompagnant les gestes à la parole, Elyazra se baissa et prit une pierre aussi grosse que son poing qu'elle soupesa avant de la lancer en l'air devant elle de toutes ses forces. D'accord, les vents étaient censés pouvoir balayer des personnes de taille humaine, mais il y avait aussi la prise au vent qui entrait en compte, pensa Syara. Que voulait-elle prouver en jetant ce genre d'objet qui savait voler aussi bien qu'il savait nager ?

À son grand étonnement, la pierre se mit à ralentir une fois arrivée assez haute, puis redescendit dans leur direction à une vitesse fulgurante. Elle avait littéralement fait demi-tour et frappa la demie-dragonne, qui ne s'attendait certainement pas à un tel comportement, en plein milieu du front.

Elyazra tomba en arrière et s'étala de tout son long tandis que le projectile retombait presque à l'endroit exact où il avait été pris.

— T'as pas bientôt fini de faire ton intéressante ? Souffla Syara.

— J'ai mal... Connasse, grogna-t-elle face à ce manque d'empathie tout en se tenant la tête.

— Vous vous êtes mis des coups bien pires hier avec Orélius, alors arrête de faire ta chochotte et relève-toi.

La voie des airs étant condamnée, Syara se mit à avancer sans se soucier de sa sœur, toujours étendue par terre. Orélius, après un haussement d'épaule, ne tarda pas à l'imiter et à grimper la colline qui leur faisait face.

— Qu'est-ce que j'ai fait pour avoir une sœur comme ça ? Gémit la demie-dragonne tandis que Phi et Élane l'aidaient à se relever.

— C'est la question que je me pose presque tous les jours depuis que je sais qu'on est sœur, lança la violoniste par-dessus son épaule.

— Ne pense pas que je vais en rester là, murmura-t-elle pour elle-même. Ma vengeance sera aussi terrible qu'inattendue.

Si les mots avaient de quoi inquiéter l'ange, Phi était, elle, bien plus habituée à ce genre de chamaillerie et lui sourit sans rien dire pour le rassurer. Si vengeance il y avait, elle ne serait pas violente. Pour elles, ces petites bagarres étaient un peu comme leur manière à elle d'exprimer leur amour sororal.

La jeteuse de pierre remise sur pied et soignée, les trois retardataires rattrapèrent ce qui avaient avancé sans les attendre et continuèrent à grimper cette pente qui leur paraissait absolument interminable. Arrivé tout en haut de la colline, la supposition d'Orélius se confirma. La tour du conte se trouvait belle et bien derrière, à plusieurs centaines de mètres de distance d'après ce qu'ils voyaient.

À première vue, elle était assez imposante pour servir d'habitation et un escalier en colimaçon était visible au travers des nombreuses fenêtres de la bâtisse. Dans celles qui ne donnaient pas sur l'escalier, de nombreuses richesses y étaient visibles et scintillaient à la lumière du soleil. La description du conte collait parfaitement, mais Syara ne pouvait s'empêcher d'y voir un piège, un appât bien trop gros pour ferrer les cupides.

— N'oubliez pas. Même si vous apercevez de choses qui pourraient vous intéresser, vous devez y renoncer pour pouvoir avancer, rappela Élane.

— Nous ne sommes pas venus pour piller, mais pour avoir des réponses, répondit Syara.

— L'argent ne m'intéresse pas, ajouta Orélius.

— Si ça avait été de bonnes bouteilles, j'aurai été tentée, mais là, ça me fait surtout mal aux yeux, commenta Elyazra. Et pour ce qui est de Phi, elle est reine d'un royaume prospère. Si elle veut de l'or, elle n'a qu'à y retourner et se baisser pour en avoir.

Si les dernières paroles étaient fausses, les fées, n'ayant absolument aucun attrait pour l'or, elle avait malgré tout raison sur un point. Personne n'allait jouer le rôle des gens cupides de l'histoire. Si tout se passait bien, ils n'allaient avoir aucun problème à rejoindre les portes qu'ils voyaient depuis leur position.  

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