Chapitre 178 : L'histoire du pénitent
Avec le réveil du petit frère d'Élane, le moment tant redouté était arrivé. Si l'ange épargna aux autres la vision dévastatrice d'un enfant pleurant la perte de son père en l'emmenant à l'intérieur de la grotte, ses cris et ses pleurs leur parvinrent tout de même et leur déchirèrent le cœur.
En silence à l'extérieur, le groupe accusait en silence le coup de leur échec. Si Elyazra se montrait la moins affectée en apparence, Syara finit tout de même par remarquer les perles écarlates qui s'échappaient de ses mains. La demi-dragonne serrait tellement les poings qu'elle s'en était ouvert la paume.
— Petite sœur, je peux te poser une question ? Demanda-t-elle.
— Bien sûr.
— Non pas que je veuille te rappeler un souvenir douloureux, mais quand tu as dû annoncer la mort de tous les adultes du village où tu avais fait étape, comment as tu fais pour encaisser ces cris ?
— Je ne l'ai pas encaissé. C'est Telak qui s'est occupé de tout. Moi, j'étais amorphe et je n'ai relevé la tête que très longtemps après. Quand nous nous sommes rencontrées, je venais tout juste de sortir de cet état léthargique. Malgré tout, assister à une telle scène une seconde fois ne la rend pas moins douloureuse que la première.
— La branche de notre famille commune est véritablement pourrie, grinça-t-elle en serrant les dents. Que ce soient des êtres aussi abominables qui détiennent de tels pouvoirs est d'une telle injustice !
— C'est peut-être justement ce pouvoir démesuré qui l'a rendu comme ça, commenta Phi.
— Fort heureusement, ça n'est pas une généralité, ajouta Orélius. Dans notre monde, ceux ayant les plus grands pouvoirs sont les dragons et s'ils ont, pour la plupart, mauvais caractère, ils ne sont pas mauvais et ne cherchent pas à conquérir le monde. Quant à votre famille, vous êtes la preuve que même une branche pourrie peut donner des fruits sains.
Restant sur ces paroles pour cette discussion, le groupe patienta dehors toute la journée, mangea sans grand appétit, puis parti se coucher sans revoir une seule fois les enfants du baron défunt. Allongée sur son lit, Syara ne cessait de ressasser la phrase du demi-dragon. Des fruits sains ? Pour l'une comme pour l'autre des sœurs, il s'en était fallu de peu.
Si Shavi n'avait pas pu se défaire de l'enchantement en voyant sa fille et qu'il ne s'était pas enfui avec et si son propre père n'était pas allé jusqu'à donner sa vie pour la mettre en sécurité, que seraient-elles devenues ? L'une aurait servi de réceptacle pour que leur mère récupère ses ailes et l'autre serait devenue un outil sans volonté qui aurait obéi au moindre de ses ordres. Vu le fanatisme que la famille royale avait avec le sang pur et l'interdiction totale de se mélanger, il y avait peu de chance qu'elle aurait été traité d'une autre manière que celle qu'elle s'imaginait.
Malgré ces idées noires et le peu de fatigue physique, toutes ses émotions négatives avaient épuisé la beast qui finit par s'endormir sans vraiment s'en apercevoir. Son sommeil ne fut cependant pas réparateur et elle ne se réveilla d'ailleurs pas d'elle-même. Au lieu de cela, la violoniste émergea en sentant que quelqu'un la secouait légèrement et, à mesure que ses sens s'éveillaient, entendit une voix qui l'appelait par son nom.
— Syara, murmura Élane.
Tout en s'assaillant dans son lit, Syara se frotta le visage pour se réveiller encore un peu plus, puis fixa l'ange avec des yeux mi-clos qui indiquaient qu'elle avait déjà dormi plusieurs heures.
— Comment va ton frère ? Demanda-t-elle finalement.
— Comme tu pourrais l'imaginer, souffla-t-il. Il a fini par se rendormir, mais comme je le pensais, il se sent responsable. Il pense que tout ça est arrivé parce qu'il n'a pas été assez rapide.
— Et toi ?
— Moi, j'en suis toujours au même point, même si je me force à être fort pour lui.
— Si tu veux en parler, tu sais que je suis là.
Accompagnant sa proposition d'une tape sur le lit, Syara l'invita à s'asseoir auprès d'elle. Dans d'autres circonstances, elle aurait prié pour que sa sœur n'entre pas au même moment pour tout interpréter de travers une fois de plus, mais même la fourbe demi-dragonne n'aurait sans doute rien dit si elle les surprenait à cet instant.
— Merci, mais peut-être plus tard. Si je t'ai réveillée, c'est parce que je me suis souvenu où j'avais entendu les dernières paroles de mon père.
Cette fois-ci, la nouvelle eut sur elle l'effet d'une douche froide et finit instantanément de la réveiller. Il s'agissait bien d'un message codé que seul ses enfants pouvaient comprendre.
— Ça m'est revenu lorsque j'ai essayé de calmer mon frère en lui racontant une histoire comme le faisait mon père avec lui il n'y a pas si longtemps. Ma mère et lui faisaient pareil avec moi lorsque j'avais le même age et il s'agissait de l'une de leurs préférés.
— Et que dit cette histoire ?
— Elle parle d'un voyageur qui découvre une tour perdue sur une île déserte. De là où il est, il peut voir de nombreuses richesses à l'intérieur. Pour lui, elles n'ont que peu d'importance, il voyage pour l'aventure et pour étancher sa soif de découverte, mais il n'est pas seul et ceux qui l'accompagnent veulent immédiatement s'emparer de ces trésors. Alors qu'ils volent avec avidité vers la tour, une puissante bourrasque les repousse et assomme la plupart d'entre eux. Seul lui est resté en arrière vu qu'il avait remarqué qu'aucun oiseau ne s'en approchait. Il réfléchit et continua à analyser la situation pendant que les autres se réveillaient et tentaient encore d'atteindre la tour en volant. C'est là qu'il remarqua un unique petit oiseau au sol qui avait dépassé le mur de vent et qu'il comprit que la seule issue pour accéder à la tour était en marchant. Le voyageur tenta sa chance et passa sans problème le mur de vent, puis continua vers la tour. En le voyant, ses compagnons avides tentèrent de l'imiter, mais furent tous repoussés malgré tout. Arrivé au pied de la tour, les grandes portes s'ouvrirent comme pour l'inviter à entrer. Comme il l'avait vu depuis l'extérieur, elle était remplie de richesses, mais il n'y toucha pas et monta les escaliers jusqu'au dernier étage, poussé par sa curiosité bien avant sa cupidité. En haut, il y rencontra un vieil homme qui l'accueillit et se présenta comme le maître des lieux. Il disait connaître toutes les vérités de ce monde et lui accorda une question. Le voyageur aurait pu demander absolument n'importe quoi, mais il se contenta d'une question. Pourquoi ai-je pu passer alors que les autres ont été repoussés, même après s'être posé ? Le vieil homme parut étonné de sa question, mais lui répondit tout de même. Parce que les autres n'étaient pas dignes d'entrer en ces lieux. Lui qui avait fait pénitence et renoncé à sa cupidité était le seul à avoir pu atteindre le trésor. Satisfait de la réponse, le voyageur remercia le vieil homme pour son accueil, puis repartit sans même chercher à dérober le moindre trésor dans la tour.
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