|CHAPITRE 9| Brise de minuit

Sorbet citron !

Hello tout le monde ! Ca fait longtemps, comment vous allez ? Ici, on est toujours aussi fatiguée. J'ai une sinusite qui traîne depuis deux semaines, je n'en peux plus. Puis avec la pression du bac, de parcoursup... Vous voyez le topo. Enfin, c'est les vacances dont je vais pouvoir gérer ça de chez moi et en essayant de me reposer. 

Sinon, les choses sérieuses, qui risquent d'autant vous peu vous plaire qu'à moi : après avoir posté ce chapitre, il ne me restera que 3 chapitres d'avance. Littéralement, c'est très peu. Si vous voulez vous faire une idée de pourquoi il m'en reste si peu : j'ai commencé à publier un tout petit peu après avoir terminé d'écrire le chapitre d'aujourd'hui. Et j'ai commencé à publier en septembre. Voilà quoi. DUCOUP je sais déjà qu'il n'y aura pas de chapitre dans deux semaines : je préserve mon avancée minime, surtout qu'avec le bac dans un mois, c'est chaud de prendre le temps d'écrire. 

Voilà pour les nouvelles peu réjouissantes, je suis vraiment désolée de vous imposer un tel temps entre chaque chapitre. Je n'aime pas attendre non plus quand je lis et je comprends la frustration, déjà que je trouve qu'un chapitre toutes les deux semaines, c'est peu (il y a deux ans, pour LVDNS, je carburais à un chapitre par semaine - et je gardais mon avancée. Mais c'était le covid, j'étais en 3e/2nde donc j'avais le temps et moins de travail qu'aujourd'hui en terminale donc je me rends à l'évidence).

Je vous laisse lire, bonne lecture ^^

***

Note des bêtas-lectrices :

Oh mais ? Que lisez-vous ? Camille a fait une note ? Incroyable ! Je suis, enfin, de retour ! Après plusieurs semaines un peu débordée, je peux ENFIN vous retrouver. (bon, faut que je profite, parce que les révisions recommencent dès lundi.... )
Breeeef ! On est pas là pour raconter ma vie, mais pour vous parler du chapitre ! Chapitre très sympathique, où j'ai trouvé un truc dont Lina nous avait parlé à Marie et moi en rigolant, et je suis contente de le lire xD (oh et encore un autre truc m'a fait sourire, mais ça non plus vous pouvez pas savoir hihihi). Sur ce, je vous laisse découvrir le chapitre !

***


|CHAPITRE 9| Brise de minuit


Le coeur battant, parchemin en main, il s'arma de courage. Il monta une à une les marches de l'escalier en pierre. Le courant d'air commençait à se faire ressentir et l'odeur de la volière lui monta au nez. Arrivé en haut de la tour glacée, il chercha des yeux Cosmos. Il repéra le volatile endormi et un flash de ses rêves récurrents lui passa devant les yeux.

Erwin secoua la tête. Non, non. Ce n'étaient que des rêves. Cosmos ne parlait pas. Il n'avait pas la possibilité de dire des mots et ne pouvait certainement pas sortir des sons autre que des hululements. Puis ça n'avait aucun sens. Quel hibou disait à son maître « Souviens-toi » ?

La volière était silencieuse. Seuls les sifflements du vent hivernal venaient perturber ce calme apparent. Il ne fallut pas beaucoup de temps à Erwin pour repérer l'oiseau : il était le seul hibou qu'il avait vu se pendre par les pieds comme une chauve-souris. Et sa grande taille n'y était pas pour rien non plus.

Erwin préféra s'approcher plutôt que de le siffler. Le volatile se réveilla, l'œil endormi et l'air de le fusiller du regard.

- Ne me regarde pas comme ça, râla Erwin. J'étais occupé. J'ai une lettre pour les parents. Tu veux bien t'en occuper ?

Cosmos se remit à l'endroit sur son perchoir et tendit sa patte. Erwin évitait de trop le solliciter : l'Irlande était loin et il ne voulait pas fatiguer son hibou. Alors, la plupart du temps, il restreignait le nombre de lettres qu'il envoyait. Ce n'était pas comme si cela embêtait qui que ce soit : Erwin ne savait jamais quoi raconter, Zephyr n'avait jamais pris cette initiative, leur père devait à peine y jeter un coup d'œil histoire qu'ils soient toujours en vie. Walter O'Sullivan était un homme très occupé. Erwin admirait cette force. Seule leur mère devait être heureuse lorsqu'elle recevait le parchemin enroulé. Elle s'inquiétait de l'inclusion de Zephyr et des résultats d'Erwin, même si elle ne le disait pas à voix haute. Erwin n'avait jamais compris cela : son talent naturel faisait qu'il n'avait jamais vu de mauvaise note sur sa copie.

Il accrocha le parchemin à la patte de Cosmos, lui grattouilla la tête, lui donna une poignée d'Hibou Gourmand et le regarda s'envoler.

***

Son pouls résonnait dans tout son corps. La veille de la sortie à Pré-au-lard était arrivée.

Et tout allait mal.

En préparant le chocolat chaud d'Elijah au petit-déjeuner, Erwin s'était brûlé les doigts. En sept ans de ce rituel qui lui évitait maintes plaintes, cela ne lui était jamais arrivé. C'était un mauvais présage.

Il n'avait pas vu Hélios et Zephyr à la table de Serdaigle. Ce n'était pas normal non plus.

Après ce petit-déjeuner où il n'avait pas avalé grand-chose, Erwin eut besoin de prendre l'air. Il devait absolument se changer les idées avant d'être traîné au village. Et son violon était trop loin pour qu'il puisse le chercher.

Une main se posa sur son épaule. Erwin sursauta. Il se retourna et ne vit que Julia, accompagnée d'Elijah. Julia haussa les sourcils, moqueuse.

- Mais alors, c'est vrai ! T'es vraiment sur les nerfs, O'Sullivan !

Erwin ne chercha même pas à nier. Il grogna un assentiment et s'assit sur les galets froids au bord du lac. Julia et Elijah se posèrent chacun d'un côté, silencieux. Erwin soupira. Il était peut-être temps. Il s'éclaircit la voix et, comme il s'y était attendu, ses deux amis se tendirent brusquement. Ils attendaient quelque chose de sa part.

- Hum... Et bien... j'imagine que je vous dois des explications pour mon comportement de ces derniers jours.

Le soupir d'Elijah lui servit de réponse.

- Je sais que j'aurais dû vous en parler avant. Mais je ne savais pas s'il fallait le prendre au sérieux ou non, je croyais que je serais capable de protéger Zephyr seul. Après tout, j'ai déjà réussi une fois, et on était petits. Mais, apparemment, j'ai beau me creuser la tête dans tous les sens, je suis perdu. Je ne sais plus quoi faire.

Le silence lui répondit avant qu'Elijah ne chuchote :

- Certes, tu l'as déjà protégé. Mais c'était de la totale improvisation, un instinct, un coup de chance. Et tu n'en es pas sorti indemne.

- Ce n'est qu'une cicatrice, Eli', minimisa Erwin. Je m'en fiche que ce ne soit pas esthétique, c'est juste du physique.

- Je ne parlais pas de ça.

Le ton brutal d'Elijah poussa Erwin à ne pas renchérir. Il toussota avant de reprendre dans ses explications.

- À la dernière sortie, j'étais seul avec Zephyr. Tout s'est bien passé – ou presque. Quand on se baladait à la lisière de la forêt, l'atmosphère est vite devenue très étrange. Le brouillard était tombé brutalement, plus aucun son ne nous parvenait. Et une certaine Orkan nous a parlé. M'a parlé. Et elle m'a dit qu'elle était capable de savoir ce que Zephyr désirait, ce qu'il voulait dire et ses envies.

Maintenant que cela était dit, un poids s'envola des épaules d'Erwin. En parler était le bon choix.

- Tu sais ce qu'on dit à propos d'Orkan, commença Julia. Je ne sais pas si on peut se fier à ce que cette femme peut dire.

- Et ça n'explique pas tout, continua Elijah. Une simple proposition de ce genre, ça ne te mettrait pas dans des états pareils, Wini'. Il y autre chose.

- En effet, soupira Erwin. Depuis la rencontre avec Orkan, je fais des rêves étranges. Une fois, Cosmos me disait « Souviens-toi », une autre c'était une déformation de... l'incident avec Zephyr. Et chaque fois, ce sont des rêves qui paraissent réels, ils ont une texture différente... Je ne sais pas trop comment expliquer ça. Et puis, je ne sais pas si c'est lié, mais ce sont des rêves qui me réveillent à chaque fois. Alors, j'ai fini par associer ça à Orkan. Et me dire que sa proposition n'était pas si désintéressée et qu'il y a autre chose derrière.

Elijah avait descendu ses lunettes sur son nez et se mordillait la lèvre inférieure. Il réfléchissait très intensément. Julia, elle, s'était allongée sur les galets, le bras croisés sous son cou, en silence.

- McIntosh ! s'énerva Elijah. Tu crois pas qu'il y a mieux à faire que de faire la sieste au bord du lac ?

- Ici, il n'y a absolument rien à faire, Croupton. Juste retrouver Zephyr et Fawley avant demain, aller à Pré-au-lard et voir s'il se passe quelque chose. Si oui, on improvisera. Si non, O'Sullivan se sera fait du mouron pour rien et puis c'est tout.

Soudain, exaspéré et frustré, Elijah se leva d'un bond en poussant un cri de rage. Erwin ne sut qui de lui ou Julia était le plus visé mais il entendit toutes les insultes qu'Eli' ne prononça pas, pure politesse de sa part.

- Eli', attends... Reviens !

La main sur les galets froids, en train de se relever pour rattraper son meilleur ami, les doigts de Julia attrapèrent son poignet et l'arrêtèrent.

- Qu'est-ce que...

- Laisse-le, conseilla-t-elle à Erwin. Il a besoin d'être seul. Il reviendra de lui-même après.

- Depuis quand tu le connais mieux que moi, toi ?

***

De ce qu'il se rappelait, il avait toujours connu la tour d'astronomie de nuit. Depuis sa première année, il lui arrivait de venir se reposer ici, le soir après les cours, à l'encontre totale du règlement. Seul, en compagnie du vent et du ciel étoilé, il se sentait bien.

Mais comme tout semblait aller mal depuis le matin de cette veille de sortie, ce soir-là, Erwin n'était pas seul. Une grande silhouette était appuyée au rebord de la tour, les cheveux volants sous la brise de minuit.

Surpris, Erwin ralentit le pas. Il vint tout de même, à son tour, s'appuyer au rebord de la tour.

Dumbledore semblait faire fi de sa présence, perdu dans ce qui semblait être une contemplation de la pleine lune qui faisait surface entre les nuages de février. Le courant d'air sifflait dans cette nuit gelée. Entouré de son manteau pourpre et emmitouflé jusqu'au bout du nez dans son écharpe grise, Erwin toussota.

Albus Dumbledore sembla sortir de sa rêverie. Il se tourna vers Erwin et l'observa en large et en travers. Erwin haussa un sourcil surpris. Les yeux bleus du Gryffondor le mettaient assez mal-à-l'aise en temps normal, se sentir regardé ainsi ne pouvait être plus désagréable. Pour couper au moment, il décida de prendre la parole.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Je pourrais te retourner la question.

Dumbledore s'était à nouveau tourné vers la lune. Erwin décida que sa présence lui importait peu. Il leva la tête, chercha Vénus et Mars parmi les étoiles du ciel voilé. Puis, il se laissa tomber contre le mur en pierre, s'asseyant au sol froid de la tour d'astronomie.

- Ne trouves-tu pas que les soirs de pleine lune sont fascinants ? lui demanda alors Dumbledore.

Erwin releva la tête vers lui, légèrement méfiant.

- Ce sont des soirs où tout le monde dort sur ses deux oreilles, continua Albus à voix basse. Tout le monde... Sauf les personnes qui n'ont pas de toit, ceux qui profitent de la luminosité pour mettre en route leurs mauvais coups. Et les loups-garous. La population entière est fascinée par la pleine lune. Tu crois que le loups-garous en ont peur ? Ou est-ce qu'il attendent ce jour avec impatience, la hâte au ventre, heureux de pouvoir redevenir animal et tuer en toute légitimité – sous prétexte qu'ils ne se contrôlent pas ?

- Tout dépend de s'ils ont été capables de garder leur part d'humanité, répondit laconiquement Erwin.

- Tu crois que c'est possible ? Tu ne penses pas qu'à un moment ou à un autre, la bête et leur soif de sang prend forcément le dessus même lorsqu'ils sont sous forme humaine ?

- Je n'en ai jamais rencontré, je n'émets que des suppositions. Mais je pars du principe que toute personne est doté d'un esprit, une intelligence et d'empathie. J'imagine qu'ils pourraient être effrayés par la pleine lune s'ils sont suffisamment conscients d'eux-mêmes.

Rien que d'en parler, Erwin s'imagina dans la position d'un lycanthrope. Impossible pour lui d'imaginer avoir hâte de la nuit de pleine lune. Il avait entendu dire que la transformation était terriblement douloureuse. Puis, ça l'effraierait d'être capable de retirer une vie humaine sans s'en apercevoir. Cela pourrait tomber sur n'importe qui. Elijah. Julia. Zephyr.

Erwin secoua la tête. Non, non. Malgré les rumeurs de loups-garous incontrôlables, il était inimaginable pour lui de vouloir laisser sortir sa part bestiale pour le simple plaisir de tuer et la soif de sang frais.

Un frisson hérissait sa nuque quand le Préfet-en-Chef se retourna et s'assit à côté de lui. Erwin le suivit du regard, surpris d'à quel point ses yeux bleus et ses cheveux roux ressortaient malgré la nuit qui les entourait.

Il aurait eu envie de sortir son violon. Là, maintenant. Il ne savait pas trop pourquoi – c'était si soudain – mais cette pulsion lui tendait les muscles. Il n'avait pourtant jamais joué devant d'autres personnes que sa famille proche ou Elijah et Julia. Mais son esprit de compétition envers Dumbledore était si violent qu'il ressentait l'envie irrépressible de lui prouver à quel point il maniait à la perfection cet instrument difficile. À quel point la musique vivait en lui.

- J'ai très envie de faire quelque chose avec toi, lança Dumbledore, coupant les pensées d'Erwin.

- Pardon ?

- Je ne sais pas, moi. Aller se balader quelque part, peut-être ? Pré-au-lard, autour du lac, dans les couloirs interdits... Faire quelque chose de moins scolaire, tu vois ?

- J'ai déjà des choses de prévues à Pré-au-lard, fut la seule réponse qu'Erwin fut capable d'aligner. Pour demain.

C'était vrai. Et d'ailleurs il ne voulait pas y penser. C'était pour cela qu'il était monté dans la tour. Pour se libérer encore un peu plus de ce poids.

- Oh mais pas forcément demain, reprit le Gryffondor. Et je ne t'oblige à rien. C'est juste que tu es la seule personne dans cette école avec qui on peut avoir de vraies discussions. Je ne dis pas qu'Elphias n'est personne, c'est un garçon dont on sous-estime trop la valeur. Juste... Ce n'est pas pareil qu'avec toi.

Erwin comprit très bien ce qu'il voulait dire : lui aussi n'avait pas les mêmes conversations avec Dumbledore qu'Elijah ou Julia. Et c'était vrai, parfois l'ambiance était différente, difficilement comparable.

Il hocha la tête. Il ne pouvait pas le formuler à voix haute. Il ne savait pas trop pourquoi, donner ainsi raison à Dumbledore le dérangeait un peu. Il préférait laisser planer le doute sur ses propres ressenti à propos de leurs sujets de discussion.

Le silence retomba. Seuls les hululements des hiboux en chasse et le vol des chauves-souris emplissaient le parc. Les pierres du sol de la tour d'astronomie étaient froides. Tout était calme. Erwin sentait que tout était parfait. À sa place.

Doucement, Erwin perçut un mouvement près de sa main. Sans bouger, il s'amusa à essayer de deviner ce qu'essayait de faire Dumbledore. Il perçut le bout des doigts fins du Gryffondor effleurer ses propres doigts cornés par la corde du violon. Et même si ce geste surprit Erwin, il n'en fit rien : il commençait à avoir froid et Dumbledore avait les mains chaudes, c'était une bonne coïncidence.

Erwin continua de faire comme s'il ne savait pas qu'Albus Dumbledore lui avait attrapé les doigts sans raisons. Comme s'il n'avait pas parfaitement conscience de la minceur de ses phalanges délicatement posées sur ses propres mains.

À son réveil, tout le corps d'Erwin était courbaturé. Et Dumbledore était parti. Les oiseaux chantaient et la rosée avait humidifié ses cheveux. Lentement, Erwin déverrouilla chacune de ses articulations. Les craquements le firent grimacer et il se maudit de s'être endormi ainsi. Son corps entier s'était crispé de s'être ensommeillé dans une si mauvaise position et malgré tout les étirements qu'Erwin put essayer, il finit par se résigner : il devrait attendre que ses muscles se détendent d'eux-mêmes.

Il se frotta les yeux et le visage avec les gouttes de rosée qui avaient mouillé le bord de la tour pour mieux se réveiller. Il ouvrit les paupières et découvrit le ciel prêt à se lever. Cette journée avait fini par arriver : c'était le jour de la sortie à Pré-au-lard.

Étrangement, Erwin se sentait plutôt détendu. Après tout, qu'est-ce qui pourrait mal se passer ? Il avait Julia et Elijah prêts à l'aider, Hélios serait à leurs côtés. Et il allait fêter son anniversaire – en avance, certes.

Il se pressa de descendre de la tour d'astronomie avant d'être repéré – Andrew Trevlig avait beau l'apprécier, ce n'était pas son genre de lui faire ce type de faveur.

La Salle Commune de Serpentard était presque vide, à l'exception de quelques troisième année, ravis de retourner à Pré-au-lard. Erwin se précipita dans son dortoir, tout en faisant attention à ne pas faire de bruit : Elijah et Romeo n'étaient sans doute pas réveillés.

- Par les entrailles de Merlin, Erwin Walter Louis O'Sullivan !

Par pur réflexe, Erwin se baissa pour éviter le grimoire qu'on lui avait jeté à la figure. D'un coup d'œil furtif, il vit que les rideaux de la chambre étaient ouverts, son lit complètement défait, les lampes à huile allumées. Il remarqua les lèvres pincées de Romeo Holland et – surtout – l'air fulminant d'Eli'. Eli' qui avait utilisé son nom complet.

Il n'avait pas prévu ça.

- On peut savoir ce que tu faisais ? Je t'ai cherché toute la soirée avec McIntosh ! Et je t'ai attendu toute la nuit ! Et toi, tu débarques à six heures et demie du matin, encore tout habillé et les cheveux trempés !

- Alors, je tiens à préciser quelque chose, intervint Romeo. Je me fiche de ce que tu faisais. Mais sache que Croupton n'a pas fait que t'attendre, il a littéralement enragé toute la nuit malgré mes suppliques pour qu'il me laisse dormir. Alors bon courage, mais moi, je demande du repos.

D'un geste instinctif, Erwin plaça une bulle de silence autour du lit de Romeo. Il ne savait pas si ses encouragements étaient réellement une bonne chose pour lui, Elijah lui faisait plutôt peur pour le moment. Enfin, au moins, il comprenait mieux l'état de son lit.

Soudain, une claque bruyante s'appuya sur sa joue. Surpris, Erwin porta sa main à sa pommette. Il croisa le regard furieux d'Elijah et détourna les yeux. Parfois, il détestait être capable de lire les émotions des autres d'un simple coup d'œil.

- J'espère au moins que tu te rends compte d'à quel point tu as merdé. Hier matin, tu nous racontes qu'Orkan te pose des problèmes. Et le soir, tu vas te balader sans rien dire ?

Erwin ne répondit pas. Il était en faute. Eli' et Julia savaient bien qu'il lui arrivait de se balader dans les couloirs hors couvre-feu. Mais il revenait toujours. Cette fois, Dumbledore avait perturbé ses plans et il s'était endormi. Cependant, ce n'était pas une excuse.

Elijah sembla estimer ses reproches suffisants puisqu'il recula. Il s'assit sur son lit et se mit à enfiler ses chaussettes.

- Change-toi, tu pues. Et dépêche-toi, j'ai faim. Le petit-déjeuner est dans un quart d'heure. T'as intérêt à trouver un moyen pour refroidir mon chocolat chaud pour te faire pardonner.

Erwin retint un soufflement du nez, rassuré. Elijah avait dû être plus inquiet qu'en colère, finalement.

Elijah était si lent pour se préparer le matin qu'Erwin fut prêt avant lui malgré tout. Il en profita pour se presser vers la Grande Salle et, comme à son habitude, lui préparer son bol de chocolat chaud.

Lorsqu'il passa les grandes portes, peu de monde était déjà attablé – dimanche oblige. À la table des Serpentard, les plus jeunes mangeaient ensemble. Et Julia était assise seule, au bout du banc. Ses doigts tapotaient rapidement la table, sa jambe tremblotait. Devant elle trônaient une tasse de thé à peine fumante et une assiette de bacons à moitié vide.

Coupable, il s'approcha de la table et s'assit devant elle. Julia leva les yeux, désappointée.

- Le pire, c'est que je savais qu'il ne pouvait rien t'être arrivé de grave et que tu avais dû t'endormir d'épuisement quelque part. Mais entre l'angoisse de l'autre Croupton et ce que tu nous avais dit hier matin, je t'assure que j'ai très mal dormi.

À nouveau, Erwin ne répondit rien aux reproches. Il les méritait et selon lui, dans ces moments-là où il était consciemment fautif, il valait mieux assumer ses erreurs et faire profil bas.

- Je te jure, si tu nous fais ta tête de chien battu et désolé toute la journée, ça va m'énerver, lui asséna Julia alors qu'il se servait d'œufs brouillés.

Depuis la table des Serdaigle, Hélios lui faisait des grands signes. Lorsqu'il croisa son regard, un large sourire illumina son visage. De sa main gauche, il leva son pouce en signe d'encouragement pour cette journée. De sa main droite, il attrapa la main de Zephyr à côté de lui et lui fit reproduire le geste. Erwin ne put s'empêcher de leur sourire en retour. Alors qu'Elijah venait s'affaler à son côté, il entama ses œufs avec bonne humeur. Il allait fêter son anniversaire avec les gens qu'il aimait, en avance pour pouvoir être en dehors de l'école, et son petit frère paraissait assez enclin à les faire profiter de sa présence.

Son coude le démangeait.

***

- Wini' ! Pour la dix-neuvième fois, arrête de te gratter !

Erwin lâcha à regrets son bras et fit la moue. Elijah leva les yeux au ciel, sans doute exaspéré mais très visiblement satisfait de sa dix-neuvième réussite.

Ils s'étaient installés dans un tout nouveau pub, Les Trois Balais, tenu par un ancien élève de Poudlard qui s'était toujours plaint du manque d'auberge au village. On disait que l'endroit avait servi de quartier général lors de la révolte des gobelins de 1612 mais, quoiqu'il en était, depuis le local avait toujours paru abandonné. Désormais plein de vie, chacun profitait de la sortie à Pré-au-lard pour s'installer au chaud et échapper au froids glacial qui régnait au dehors. Même certains professeurs s'étaient aventurés dans l'antre et semblaient passer du bon temps autour de leur boisson tout en discutant avec le gérant, un gérant dont le nom échappait à Erwin. Petters, peut-être ?

- Alors... Un chocolat chaud pour Elijah, deux bièraubeurres pour moi et Hélios, deux jus de citrouille pour Erwin et Zephyr, commanda Julia.

- Et un whisky Pur-Feu pour moi ! fit Galilée Sombrero en se frayant un passage vers eux.

Le serveur repartit avec leur commande et Galilée se fit une place à leur table. Son visage était tiré et il était inhabituellement cerné. Pourtant un grand sourire illuminait son visage. Zephyr le regardait, l'air étrangement curieux.

- Vous m'excuserez de ma visite impromptue, les enfants. C'est le petit Robbins qui m'a dit que vous étiez là pour fêter ton anniversaire, l'Irlandais. J'ai cru que j'avais oublié la date mais il m'a rassuré. Puis, moi aussi, j'ai quelque chose à fêter.

Un silence s'instaura autour de la table puis, n'y tenant plus, Galilée lança avec la plus grande joie :

- Ellana a accouché ! C'est un garçon, on l'a appelé Atlas, comme mon père.

Des félicitations et des accolades éclatèrent tout autour de Galilée. Erwin avait oublié que c'était pour dans ces semaines-ci, c'était une bonne surprise. Les yeux de Galilée pétillaient plus fort que jamais, sa barbe frissonnait tant il souriait. C'était mignon à voir. Erwin n'avait pas besoin de mots pour exprimer ce qu'il ressentait ; un échange de regard avec le gérant d'Au Clair de Lune suffisait.

Robbins avait fini par les rejoindre, déclarant que sa sœur ne voulait pas de lui aujourd'hui. Son visage penaud avait fait céder Erwin. Après tout, Finley était un gentil garçon. Le premier à accepter Zephyr, le premier à l'aider. Et il ne pouvait que comprendre la souffrance d'une soudaine distance fraternelle.

Après avoir trinqué en l'honneur des dix-huit ans d'Erwin et de la naissance du petit Atlas, le groupe se sépara. Finley, Hélios et Zephyr semblaient suivre Galilée jusque sa boutique. Quant à Elijah, Julia et Erwin, ils partirent de leur côte pour se balader seuls.

Pas encore très serein ou détendu, Erwin mit sa main dans sa poche et tripota son violon qu'il avait rétréci au cas où il lui prenait l'envie folle de jouer en plein milieu du village. Au toucher, l'instrument lui parut soudain vraiment usé. Remarquant son geste, Julia et Elijah l'encouragèrent à jouer. Ils se tenaient seuls, au bord d'une rivière qui se réveillait de l'hiver rude.

Alors il sortit son violon, dans l'intention d'honorer la naissance du petit garçon de Galilée – et uniquement pour ça, il l'avait bien précisé.

La corde usée et le bois vieilli donnaient un autre aspect au violon, une autre texture. Erwin avait l'impression de le redécouvrir. Et alors que ses doigts se plaçaient instinctivement et que l'archer frottait les cordes, il profitait autant du son envoûtant que du toucher ancien. Ses mains qui connaissaient l'instrument par cœur étaient sensibles à l'aspect usé. C'était alors tout un panel de sensations qui l'envahissaient, ses yeux fermés.

Le manque de vernis, le bois sec, les cordes fatiguées, le son qui résonnait, la mélodie qui palpitait en lui, les notes qui lui brûlaient la peau. La joie d'être avec les personnes qu'il aimait le plus, d'avoir appris une bonne nouvelle, sa hâte de rencontrer le petit Atlas, le soulagement d'avoir partagé ses angoisses, l'étrange rencontre avec Dumbledore la veille au soir.

Tout explosait alors qu'il ne contrôlait plus aucun de ses mouvements. Il n'avait plus conscience de son environnement, ses spectateurs, la date du jour. Rien. Sauf la musique qui envahissait ses pores, s'infiltrait dans ses veines et artères, remplissait son ventre et sa tête, faisait trembler ses jambes et dessinait sur son visage un sourire inédit.

Lorsque son rythme cardiaque redescendit et qu'il rouvrit les paupières, le regard d'Elijah et Julia le ravirent. Malgré les années, malgré les nombreux duos avec son meilleur ami, ils ne se lassaient jamais de l'écouter jouer et c'était toujours aussi agréable à savoir.

Ce fut en levant les yeux vers le soleil qu'il s'aperçut que la brume avait couvert le ciel entièrement bleu qu'ils avaient quelques minutes auparavant. Toutes les endorphines qu'il avait emmagasinées grâce à la musique semblèrent soudain s'évaporer.

Elle était revenue.

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