|CHAPITRE 6| Quelque chose que l'on ressent
Sorbet citron !
Hello ! Comment ça va vous ? Ici, c'est la grande fatigue (c'est d'ailleurs pour ça que je n'ai pas pu poster hier, j'aurais pu avoir le temps mais j'étais trop KO).
BREF. Le chapitre d'aujourd'hui. Sincèrement, ça fait un bail qu'il est écrit (comme beaucoup) (pas comme le 12 qui attend toujours d'être terminé) et je me rappelle que je l'avais beaucoup aimé (spoiler : c'est toujours le cas). Donc j'espère qu'il vous plaira aussi !
Sinon, je ne sais pas encore si je pourrais poster dans deux semaines ou non, tout dépendra de mon avancée. Je vous tiens au courant de si je fais une pause ou non sur le mur de mon profil !
Bonne journée et bonne lecture ^^
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Note des bêtas lectrices :
Hellllooooooo! C'est Marie !! Je sais ça fait longtemps, je vous ai manqué etc etc. Maiiiis me revoilà !J'adore ce chapitre ! Il est tout bonnement magique. Chaque détail est parfait honnêtement, entre la musique et l'alchimie. Wow.Je suis fan de Lin'.Bref, je vous souhaite une bonne lecture ! À plus!
Heeeeey ! C'est moiiiii, votre deuxième beta préférée ! On se retrouve cette semaine pour un chapitre super, qui m'a enchanté au début, tellement la musique est belle. Oh et dans la deuxième partie, je me suis reconnue dans un personnage auquel jamais j'aurais cru m'identifier. Vraiment j'étais étonné. Bref, c'est pas vraiment important. Bonne lecture !Ah et aussi, pour apprécier pleinement le talent de Lina et de ses transitions, relisez la dernière phrases du dernier chapitre !
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|CHAPITRE 6| Quelque chose que l'on ressent
Et si Romeo pouvait arrêter de ronfler, ce ne serait pas plus mal. Erwin s'était mis au lit une éternité plus tôt mais, comme il s'y était attendu, il n'avait pas pu s'endormir. Il s'était retourné un nombre incalculable de fois dans ses draps et il avait beau changer son oreiller de position, il n'en restait plus un coin froid.
Il décida de se lever. Il enfila des pantoufles, une robe de chambre, attrapa son violon et sortit du dortoir. Imaginer la mélodie ne suffirait pas aujourd'hui.
Puis il y avait cette plaque d'eczéma qui le faisait souffrir sur son poignet depuis la fin de soirée. La démangeaison se faisait de plus en plus forte et sa peau le brûlait quand il essayait de gratter. Il n'avait pas besoin de le voir pour imaginer son épiderme à vif et les petits vaisseaux sanguins en surface qui n'auraient pas survécu à la démangeaison intensive, de ridicules gouttelettes rouges constellant son poignet.
Il sortit de la Salle Commune, baguette allumée en main. Il ne pouvait pas risquer de réveiller les dortoirs en jouant. Il traversa les couloirs étonnamment vides : il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était mais l'absence du concierge, Cole Edwards, lui disait qu'il devait être deux heures du matin passées.
Il prit un passage secret pour sortir dans le parc sans avoir besoin de passer par la Grande Porte - fermée à cette heure-ci. Il ne faisait pas si froid dans les jardins enneigés. Il ne sentait pas l'humidité transpercer ses chaussons, la morsure du froid sur ses joues et les plaques de verglas qui bordaient le chemin. Il avançait, apaisé. En journée, il aurait déjà été congelé sur place. Mais la nuit, l'atmosphère était différente. Les températures négatives ne l'agressaient pas, elles lui tenaient simplement compagnie.
Il s'arrêta au bord du lac gelé. Il ne se risqua pas à mettre un pied dessus : il préférait éviter de tomber. Il s'installa, les deux pieds bien ancrés dans le sol de galets. Le dos droit, il posa son violon sur son épaule et, archet en main, il inspira profondément. L'air froid réveilla ses poumons une bonne fois pour toutes. Il leva les yeux vers le ciel étoilé et salua de la tête chacune des constellations. Il les connaissait par cœur. Et cette nuit, il jouerait pour l'espace.
Ses doigts cornés se positionnèrent sur les cordes rêches et il fit glisser l'archet. Les notes s'égrenaient, lentement, les unes après les autres. Erwin ne savait pas encore où est-ce qu'elles l'emmèneraient, quelle poésie elles raconteraient au ciel. Mais il savait qu'elles ne pourraient qu'être justes. La mélodie, c'était la façon qu'avait son cœur de s'exprimer. Il ne la prévoyait pas, incapable de la comprendre sans musique. Mais il avait une certitude : les notes qui s'aligneraient cette nuit sauraient parler à sa place. Les étoiles entendraient ce discours que son violon lui leur chanteraient et elles en seraient ravies.
Il commença à jouer un peu plus fort. Le rythme lent lui convenait, il voulait juste entendre la musique frémir dans son corps, chaque note résonner dans chacune de ses cellules, son âme devenir la mélodie.
Il sentit à peine la présence s'asseoir à côté de lui, en pleine transe. Il n'avait pas besoin de lâcher la nuit des yeux pour le savoir : c'était Elijah qui venait de se poser à ses côtés. Lui non plus n'arrivait pas à dormir. Ça lui arrivait rarement. Erwin n'y prit pas attention jusqu'à ce que quelque chose remue dans son corps. Les touches d'un piano s'accordaient au son de ses cordes. Pourtant, Elijah ne pouvait pas ramener son piano depuis le dortoir des Serpentard. Erwin baissa le regard, quittant les étoiles des yeux l'espace d'un instant. Il vit Eli', les yeux fermés, concentré sur le mouvement de ses mains. Erwin aurait presque cru qu'il avait rendu son instrument invisible.
Elijah fredonnait mieux que personne, son chant était réellement semblable à l'instrument aux touches noires et blanches. Alors, Erwin releva les yeux. Il regarda la nuit briller et sa mélodie se superposa à celle d'Elijah. Ça l'enchantait de jouer avec son ami, il sentait la magie couler dans ses veines. Il était heureux qu'ils puissent trouver la même voix du cœur, que leurs battements puissent pulser en rythme et leurs pensées se diffuser, gracieuses, danseuses.
La nuit solitaire en seule spectatrice et le lac insensible accueillirent le silence lorsqu'il fit son entrée. Erwin avait joué si longtemps que ses doigts pourtant cornés à force de jouer souvent le brûlaient légèrement. Il se baissa et s'assit à côté d'Elijah, posant son violon. À sa droite, Eli' avait le souffle court et ses triceps semblaient le tirailler. Il était certainement resté trop longtemps les bras dans le vide comme s'il jouait, à chantonner ses notes.
Ils ne disaient rien, assis sur les galets inconfortables. Le froid ne les touchait toujours pas, comme enveloppés d'une chaleur incongrue. Ils contemplaient les étoiles, le lac et le parc illuminés par la lune claire.
Ce fut Elijah qui éternua le premier. D'un accord silencieux, ils se levèrent et repartirent en direction du château. Seuls les ronflements des tableaux venaient troubler le calme ambiant des couloirs.
***
Les répercussions de ses insomnies à répétition se virent trois jours plus tard, alors qu'Erwin s'endormait dans son petit-déjeuner. Julia lui donnait de temps à autres des coups de pied dans le tibia mais rien n'y faisait, il sentait que ses paupières se fermaient seules. Il n'avait même pas le courage de se retourner pour vérifier si Zephyr était en forme ou non, tout reposait sur Hélios. Le bavardage incessant de la Grande Salle et les bruits de vaisselle étaient les seuls éléments l'empêchant de sombrer. Et le chocolat chaud d'Eli', aussi.
- Par les chaussettes sales de Merlin ! C'est brûlant ! s'exclama Elijah après un cri de douleur. Wini', tu te rends compte ? Ils ont fait n'importe quoi en cuisine, ce matin.
- C'est parce que c'est moi qui te le verse, d'habitude, bougre d'imbécile, grogna Erwin en léchant sa main qu'il avait trempé dans la marmelade. Je m'évite la torture que sont tes plaintes en te servant ton précieux chocolat chaud tous les jours alors, sois un bon ami, épargne-moi tes pleurnicheries.
- Oh ? Tu ne relèves pas que je t'ai appelé « Wini' » ? Je peux continuer, alors ?
- T'es un gamin, Croupton, soupira Julia.
- Je te retourne le compliment, McIntosh.
Au moins, l'enthousiasme d'Elijah et ses disputes avec Julia avait eu le mérite de réveiller un peu Erwin. Il regarda sa main, encore toute collante de confiture. Il devait avoir sacrément peu les yeux en face des trous pour confondre sa main avec un couteau. Julia lui tendit un mouchoir en tissu blanc et Erwin accepta avec soulagement.
Il dut traîner les pieds jusqu'en cours. Pourtant, la première heure était une heure d'alchimie, une option que l'on pouvait choisir à partir de la sixième année et qu'il appréciait particulièrement. Erwin avait décidé de suivre les cours du professeur Flamel, à l'instar de quelques autres de ses camarades.
C'était des heures vraiment différentes des autres cours. Ils étaient peu à s'inscrire alors la classe mélangeait sixième et septième années, toutes maisons confondues. Ils avaient très peu de cours magistraux, Nicolas Flamel les faisait plutôt travailler sur de vrais recherches d'alchimie et il en profitait pour leur enseigner les bases de la matière. Selon lui, l'alchimie c'était « quelque chose que l'on ressent, pas des phrases toutes répétées d'un manuel ».
Ils travaillaient en duo et le professeur Flamel avait vite décidé de le mettre en binôme avec Albus Dumbledore. Les deux élèves les plus brillants de leur promotion - et de l'école - pouvaient d'après lui fournir un travail exceptionnel, surtout quand leur rivalité était entretenue depuis sept bonnes années maintenant. En entendant cela la première fois, Erwin avait soupiré. Ça l'agaçait de l'admettre mais c'était tout aussi vrai qu'en études des runes : lorsqu'il travaillait avec le Gryffondor, il avait toujours envie de se surpasser, de lui montrer qu'ils étaient au même niveau (avec un peu de mauvaise foi, certes, Erwin était conscient que Dumbledore était meilleur que lui).
- Mal dormi ? s'enquit Albus en s'installant.
Erwin grogna une réponse peu audible et s'assit lourdement sur sa chaise. Il attendait déjà la fin de cette journée avec impatience. Dumbledore continuait de badiner tout seul à voix basse. Erwin lui lança un regard sceptique : le Préfet-en-Chef croyait-il vraiment qu'il allait répondre ?
Le professeur Flamel commença son cours. Il était question d'une théorie comme quoi le sang de dragon aurait des propriétés qui pourraient être utiles à la société. Le but était de leur donner suffisamment d'informations pour qu'ils planchent en binôme sur des recherches dès le prochain cours. Ainsi fonctionnaient les cours de Nicolas Flamel. Erwin remarqua qu'un sixième année de Serpentard, Ivor Dillsonby, avait l'air très intrigué par essayer de trouver ces fameuses propriétés. Et rien que cette avarice agaça Erwin : il ne supportait pas de voir quelqu'un s'intéresser à quelque chose seulement lorsque cela pouvait leur rapporter ensuite. Or c'était exactement ce qu'était Dillsonby. Il lança un coup d'œil à Dumbledore et croisa son regard électrique qui pétillait. Erwin sentit la fatigue le quitter un peu et un sourire se dessiner sur ses lèvres. Visiblement, ils étaient sur la même longueur d'onde.
Erwin passa le cours à écouter le professeur Flamel, prendre des notes sur les premières idées d'expériences à faire et à essayer de ne pas soupirer dès que Dumbledore tentait d'engager la conversation. Non pas qu'il n'appréciait pas avoir une discussion intelligente, il était juste trop fatigué pour aligner trois phrases sensées et réfléchies.
Pourtant Albus Dumbledore continuait de raconter ses cours ou de donner son avis sur le cours du professeur Flamel. Erwin venait à s'en demander s'il était fou, lui qui pensait Dumbledore bien moins bavard.
- Tu en as des choses à dire, fit Erwin à voix basse lorsqu'il n'en put plus.
- Oh non, pas tant que ça, répondit Dumbledore, un étrange sourire aux lèvres. J'attendais que tu réagisses. Si tu m'avais écouté correctement, tu te serais aperçu que j'ai répété plusieurs fois les mêmes choses. Tu viens de me répondre, j'éprouve une certaine fierté.
Erwin leva un sourcil sceptique. Y avait-il vraiment dans ce monde des gens qui parlaient pour ne rien dire, simplement pour attendre une réponse de leur interlocuteur ?
- Tu es bizarre, Dumbledore, soupira Erwin. Pourquoi voudrais-tu que je te répondes alors que – tu l'as dit toi-même – tu ne disais rien d'intéressant ?
- Parce que j'aime bien te parler. Et je préfère encore quand tu réagis ! J'apprécie ta voix. Et tes discussions. Alors je suis fier d'avoir réussi à tirer quelques mots de ta bouche muette.
Erwin ne sut que répliquer à la remarque, si brutale. Il savait être une personne intelligente et, de ce fait, se doutait avoir des conversations plutôt agréables avec les personnes ayant de l'esprit. Mais personne ne lui avait jamais dit apprécier sa voix ? Qui disait cela d'ailleurs ? C'était un bien étrange compliment. Il convenait que Dumbledore veuille converser avec lui : il était le seul élève à peu près à son niveau. Mais que venait faire son timbre ici ? Erwin ne comprenait pas.
Cela le dérangea toute la fin du cours. Il n'arrivait plus à écouter, trop occupé à réfléchir aux sens de ces paroles divinatrices. C'était incongru, disconvenu. Ce n'était pas le genre de choses que l'on disait aux gens. Ni même ce qu'on pensait.
Jusqu'à la fin de l'heure, Dumbledore ne prononça plus un mot. Pourtant, son sourire satisfait soufflait à Erwin qu'il n'était pas vexé de son silence. C'était contradictoire mais Erwin s'en serait un peu voulu de l'avoir vexé : c'était le seul élève de cette école avec qui il pouvait rivaliser et, même s'il l'admettait rarement, il appréciait cette rivalité et aimait en jouer.
- Abelforth va bien ? s'enquit Erwin à la fin du cours sans comprendre pourquoi il s'était senti obligé de demander.
Albus Dumbledore parut surpris de le voir engager la conversation et Erwin le comprit bien : il en était lui-même tout autant stupéfait. Pourtant ses yeux pétillèrent derrière ses lunettes dorées.
- J'imagine que oui. On se parle peu. Mais quand je le vois, j'ai l'impression qu'il va bien.
Erwin hocha la tête. Qu'est-ce qui lui prenait de lui parler, lui poser une question pareille ? Ce n'était pas comme si, en plus, la seule chose avec quoi il avait du mal chez Dumbledore, c'était ses relations fraternelles ! À Poudlard, il était d'ordre commun que les deux frères ne discutaient que rarement, qu'aucun des deux n'avait vraiment l'air de compter pour l'autre. Et c'était quelque chose d'aberrant pour Erwin. Il avait beau savoir avoir une relation parfaite avec Zephyr, il savait que ce genre de liens pouvaient parfois être plus tendus. Elijah, par exemple, était né dans une grande fratrie dont il se plaignait souvent. Pourtant, Erwin, savait qu'Eli' exagérait et aimait ses frères et sœurs, à sa manière. Mais chez les Dumbledore, cet amour paraissait inexistant. De l'extérieur, mis à part leur forte ressemblance physique, rien ne permettait de deviner qu'ils vivaient dans le même foyer.
C'était contradictoire. Erwin ne parvenait pas à se l'imaginer, lui pour qui son frère avait toujours été sa raison de vivre. Dumbledore dut voir son incompréhension car il eut un étrange sourire assez différent de son habituelle sérénité.
- Je pense que c'est quelque chose que tu as du mal à comprendre, entonna le Gryffondor. Mais il faut que tu saches que ça n'a pas toujours été comme ça. Et que quelques fois, la vie pose des obstacles si énormes qu'il est compliqué de les traverser sans voir tout ce qu'on a vécu être bouleversé.
Erwin imagina qu'Albus Dumbledore parlait de l'emprisonnement de son père, Perceval Dumbledore, qui avait eu lieu peu avant leur première année et dont absolument tout le monde avait eu connaissance. La grande et noble famille des Dumbledore était déchue et avait quitté leurs racines.
- Où habites-tu, d'ailleurs ? demanda Erwin.
- Godric's Hollow, fit Albus.
Erwin remercia Merlin lorsqu'il fut enfin dans le couloir. Cette conversation avec Dumbledore n'avait ni queue ni tête, il en avait la migraine. Associée à sa fatigue, il ne savait comment tenir jusqu'au cours suivant.
- Tu as quoi comme cours après la pause ? l'accosta Dumbledore.
- Astronomie théorique, fit machinalement Erwin sans même plus se poser de question sur cette insistance.
- Oh ! Moi, j'ai étude des moldus. C'est fascinant d'étudier leur vie sans magie, je me demande souvent comment ils ont pu évoluer autant sans baguette à la main.
Erwin tut le fait qu'il pensait plutôt que les moldus étaient bien plus avancés que les sorciers qui, eux, se complaisaient dans leur petit confort et se servaient de la technologie moldue lorsqu'ils la trouvaient intéressante pour la modifier à leur guise et leur donner une nature sorcière. Le Poudlard Express était l'exemple le plus flagrant de cette tricherie sorcière.
- ERWIN ! cria une voix de garçon en pleine mue dans le couloir. Oh, Erwin, je t'ai cherché partout !
Cela eut l'effet de le sortir de sa réflexion. Hélios Fawley, aussi essoufflé que s'il venait de parcourir l'Irlande au pas de course, avait l'air soulagé de tomber sur lui. Erwin ne trouvait pas cela rassurant et se précipita vers le Serdaigle de troisième année.
- Où est Zeph' ? le pressa Erwin de répondre.
- C'est pour ça que je viens te voir, articula Hélios, courbé en deux et mains sur les genoux pour reprendre sa respiration. Il est à l'infirmerie, il est malade depuis ce matin. Je voulais te prévenir avant que tu ailles en cours mais tu avais quitté la Grande Salle avant que je n'y sois.
Cela suffit à Erwin pour abandonner Hélios à sa crise d'asthme et un Dumbledore complètement confus. Il se mit à courir dans les couloirs, malgré les réprimandes de Cole Edwards, le concierge, qui lui promit de le mettre en retenue tout le week-end s'il le reprenait à avoir cette attitude dans les corridors. Erwin leva les yeux au ciel : Edwards n'avait jamais osé et n'oserait jamais le punir. C'était un ami de son père et Walter O'Sullivan ne resterait jamais ami avec quelqu'un capable de salir la réputation de son excellent fils aîné. Ce serait détruire son propre honneur.
Erwin n'adhérait pas à tous les principes de son père, ceux-ci compris. Mais il devait avouer qu'il l'aimait quand même et qu'il l'avait remercié toute sa scolarité d'avoir une autorité sur Edwards : le concierge n'avait jamais aimé Erwin et ce dernier savait que s'il n'y avait pas eu cette menace, Edwards aurait bien profité de son statut de supérieur hiérarchique.
Toujours était-il que les couloirs étaient bondés, chacun se dirigeant vers sa prochaine salle de classe. L'accès à l'infirmerie était compliqué, Erwin dut jouer des coudes pour atteindre enfin la porte tant attendue.
Non qu'il ne se soucie plus de la politesse, des bonnes manières, de l'attitude noble qu'on lui avait inculqué mais il ne fit pas très attention au ton qu'il prit lorsqu'il s'adressa à Mrs. Clifford, l'infirmière.
- Où est Zephyr ? demanda-t-il brusquement, criant presque.
L'infirmière aux boucles grises fronça ses sourcils. Elle posa les draps blancs qu'elle avait en main sur le lit le plus proche et s'approcha de lui, un sourire bienveillant plissant ses yeux et son visage ridés.
- Vous me ferez le plaisir de parler moins fort, Mr. O'Sullivan, le pria-t-elle sans se départir de son ton doux. Je sais l'importance de votre frère pour vous mais je vous prie de respecter mes patients, dont Zephyr fait partie, je vous le rappelle. Suivez-moi dans mon bureau, nous pourrons y parler au calme.
Honteux, Erwin baissa le menton. S'il y avait bien un adulte dans cette école qui était capable de le faire se sentir comme un enfant pris ou faute ou encore capable de le réconforter, c'était Mrs. Clifford.
Le bureau de l'infirmière était toujours très accueillant. Les couleurs étaient chaudes, la lumière rentrait bien même les jours de pluie, les fauteuils étaient confortables.
- Bien, fit Mrs. Clifford. Tout d'abord, ça fait un moment que je voulais vous convoquer, O'Sullivan. Je vous avais informé en septembre que la dose d'Anxicalme de Zephyr resterait la même que l'an dernier. Et bien, sachez que cette dose a été réduite d'un quart il y a deux mois.
Erwin la regarda, surpris. L'Anxicalme était une potion à base de plantes que devait prendre Zephyr depuis le début de sa première année, ce depuis la fois où dès le lendemain de la rentrée l'angoisse lui avait fait faire un malaise. Hélios Fawley était celui qui lui administrait la potion dans le verre de jus de citrouille du petit-déjeuner de Zephyr, c'était une des seules choses desquelles Erwin ne se préoccupait jamais. Hélios gérait.
Il était surpris que la dose ait été diminuée. Ce n'était pas la première fois, certes, mais il ne se souvenait pas que Fawley l'ait prévenu. Il avait dû oublier, ça arrivait souvent. Enfin, quand même... Erwin était fier d'apprendre cela. Chaque progrès que pouvait faire son petit frère l'émouvait alors savoir que plus le temps passait, plus Zeph' était capable de gérer son stress, ça le ravissait.
- Je sais que vous n'êtes pas là pour ça, reprit l'infirmière. Mais je savais que ça vous ferait plaisir de le savoir. Pour répondre à votre question que vous avez – sans doute inconsciemment – hurlé dans mon infirmerie, Zephyr est dans le lit le plus proche de mon bureau. Ainsi, j'ai toujours un œil sur lui, quoiqu'il arrive. Vous savez bien que je fais attention à sa santé.
La gratitude qu'éprouvait Erwin pour cette femme était incommensurable. Il faudrait qu'il pense à la remercier pour tout ce qu'elle faisait pour eux, un jour.
- Je ne veux vous déranger plus longtemps, chuchota presque Erwin. Mais... puis-je au moins savoir ce qu'il a ? Hélios n'a pas pu me donner des détails...
Parce que je suis plus débile qu'un Veracrasse et que je me suis paniqué pour rien, se fustigea-t-il intérieurement. Il détestait se rendre compte qu'il n'avait pas cru en Mrs. Clifford. Cette femme était comme Merlin, pour lui.
- Oh, ne vous en faites pas, sourit-elle. Vous ne me dérangez pas. Zephyr a attrapé une mauvaise grippe. Il a de la fièvre, est très fatigué et tousse beaucoup. Je le garde sous haute surveillance pour surveiller qu'il ne délire pas et que sa respiration reste stable. Était-il suffisamment habillé lors de la sortie à Pré-au-Lard ?
L'image de Zephyr dans la neige, à peine couvert d'une cape d'intérieur lui revint à l'esprit. Erwin se pinça les lèvres : il le lui avait dit, pourtant !
- Hmm... pour vous dire la vérité, je pense qu'habillé comme il était, il aurait même pu attraper froid en avril... Mais Fawley m'a dit qu'il n'a rien pu faire pour le forcer un peu, il ne voulait même pas enfiler un bonnet.
- Tout s'explique, alors. Ne vous en voulez pas trop pour ça, Erwin. Je ne peux entièrement expliquer le comportement de votre frère et ne peux m'imaginer les raisons de ce refus. Mais rappelez-vous qu'il n'a sans doute juste pas pensé aux conséquences. Et cette grippe ne m'a pas l'air dangereuse. Allez le voir ! Je suis certaine qu'il sera heureux de vous voir.
Erwin la remercia d'un signe de tête et rejoignit le lit caché derrière le rideau blanc. Il adorait Mrs. Clifford. Au-delà même de sa gentillesse, sa patience, elle faisait de son mieux pour essayer de comprendre le monde de Zephyr et, au fur et à mesure du temps, elle avait été capable de le soigner presque comme les autres. Elle était même capable de voir si la fièvre le faisait délirer ! Erwin n'était pas certain que beaucoup d'autres le pourraient. Ça le rassurait de savoir qu'en ce bas-monde, quelqu'un pouvait soigner son petit frère sans lui faire de mal.
- Salut, p'tit frère, chuchota Erwin en s'approchant du lit. Comment ça va ?
Pas très bien, à première vue. La tête de Zephyr reposait lourdement sur son oreiller. Sa peau paraissait grise et ses cheveux ternes à côté des draps blancs. Ses lèvres et ses ongles avaient bleui et les yeux qu'il tourna vers lui brillaient de fièvre. Il avait sans doute été en meilleure forme.
Erwin s'assit au bord du lit. Il approcha lentement sa main du front de Zephyr et, comme celui-ci ne sembla pas réagir, Erwin tenta de frôler ses cheveux. Contrairement aux habituelles grimaces, rejets et regards de reproches qu'Erwin récoltait lors de contacts physiques avec son frère, cette fois-ci Zeph' se contenta de fermer les paupières.
Erwin s'autorisa alors à passer doucement sa main dans les boucles blondes de Zephyr. S'il ne disait rien, c'était qu'il en avait besoin, il le connaissait suffisamment pour ça. Une mélodie s'inscrivit dans sa tête, en fin de journée. Il se leva et partit dans son dortoir. Il avait l'autorisation de l'infirmière de jouer sa musique dans l'infirmerie lorsque Zephyr n'allait pas bien. Il se pressa de descendre jusqu'aux dortoirs de Serpentard, attrapa son violon et remonta dans l'antre aux odeurs antiseptiques. Mrs. Clifford approuva son idée d'un signe de tête et Erwin se retrouva à nouveau devant le lit de son petit frère affaibli.
Il se positionna de manière à être confortable, posa son archer et joua. La corne au bout de ses doigts semblait disparaître chaque fois qu'il touchait les cordes, tant il en ressentait le moindre frottement, le moindre mouvement. Ses notes étaient accompagnées dans sa tête, par le délicat toucher du piano d'Elijah. Il fit vibrer chaque son, chaque note dans l'infirmerie, une musique douce et apaisante pour ces élèves malades.
Lorsqu'il s'arrêta de jouer, il lui sembla qu'il venait à peine de commencer. Pourtant, il remarqua la nuit déjà tombée dans le parc et les gargouillis de son estomac ne se firent pas discrets. Mrs. Clifford lui apporta un plateau-repas.
- Le dîner est presque terminé et le couvre-feu ne devrait pas trop tarder. Mangez, O'Sullivan, et ne revenez que demain soir. J'ai excusé votre absence à vos professeurs en leur disant que vous ne vous sentiez pas très bien mais je ne leur mentirai pas deux jours de suite. Ne vous en faites pas pour votre frère, il sera bien pris en charge.
Erwin lui sourit et entama sa soupe de citrouille en regardant le ciel sombre au travers des grandes fenêtres de l'infirmerie. Il n'y avait pas d'étoiles ce soir, il faisait probablement nuageux et très froid. Erwin ne serait pas étonné qu'il neige d'ici le lendemain.
Lorsqu'il fut de retour dans la Salle Commune, Elijah et Julia l'attendaient étonnamment calmement. Hélios devait les avoir prévenu des raisons de sa disparition.
- Ça va ? s'enquit Julia alors qu'Eli' disposait les pièces sur l'échiquier entre eux.
- Mrs. Clifford a dit qu'il s'en remettra, c'est juste une grippe, répondit Erwin avec un hochement de tête. Pas de quoi s'inquiéter, apparemment.
Ni Elijah ni Julia n'insistèrent. Pourtant, il était évident que la question ne concernait pas Zephyr. Si la situation avait été grave, il aurait été bien plus paniqué. Mais Erwin préférait jouer à l'ignorant et faire croire qu'il n'avait pas compris à qui s'adressait l'interrogation. C'était mieux ainsi.
Lorsqu'il observa son violon avant d'aller se coucher, il se surprit à remarquer que la corde gauche commençait à vieillir. Elle devenait fragile. Il faudrait qu'il aille voir un luthier avant que le corde ne rompe.
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