|CHAPITRE 14| La rate au court-bouillon
Sorbet citron !
Hello ! Comment allez-vous ? Comme vous le voyez, moi, ça va plutôt bien puisqu'en effet, j'ai réussi à terminer le chapitre 17 cette semaine : j'ai donc suffisamment d'avance pour vous livrer celui-ci (et je sais que vous l'attendez). Sinon, je suis rentrée à la fac mercredi ! Ces deux premiers jours ont été intenses mais j'ai beaucoup aimé même si ça fait vraiment bizarre de me dire que je suis "étudiante".
Merci beaucoup pour les quelques retours sur le dernier chapitre ! Ca me fait toujours très plaisir et ça me redonne de la motivation ! Encore merci et n'hésitez pas à continuer ;)
A nouveau, la publication exacte du prochain chapitre est inconnue mais ce sera évidemment dans au moins deux semaines ^^ D'ici là, je vous souhaite un bon courage pour la rentrée et une bonne rentrée. Vous rentrez en quoi ? Vous avez hâte ? Ou vous préférez oublier, peut-être.
Bonne lecture et à la prochaine ^^
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Note des bêta-lectrices :
Pas de relecture ni de note cette semaine ;)
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|CHAPITRE 14| La rate au court-bouillon
- Wini' ! Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?
Le cri d'Elijah ne sembla pas alerter Julia plus que ça. Erwin soupira, il n'échapperait pas à cette conversation.
- Je me suis disputé avec Albus, nuança-t-il.
- Et tu reviens trempé, boueux, les cheveux en pétard et la main en sang ? Tu t'es bagarré, oui ! Et sous la pluie, en plus !
- Non, je me suis juste disputé, je te dis, Eli'. J'ai frappé le mur, c'est pour ça que je saigne, c'est tout.
L'air circonspect d'Elijah l'épuisa plus qu'autre chose. Erwin aurait voulu se laisser tomber dans le fauteuil le plus proche. Mais, trop conscient d'être dégoulinant de boue et d'eau, il se força à rester debout jusqu'à ce qu'il puisse aller se changer.
- Et tu ne dis rien, McIntosh ?!
- J'étais sûre que ça finirait comme ça. Il n'est pas en état de tenir une conversation normale depuis que Zephyr est parti, c'était plus que probable que ça dégénère. Et s'il est allé essayer de se chopper la mort sous cet orage, c'est de sa faute écoute, qu'est-ce que tu veux que j'y fasse, Croupton ?
Erwin tira la langue à Julia avant d'aller se doucher. Ses vêtements lui collaient désagréablement à la peau et il eut maintes difficultés à se déshabiller. Même son caleçon était imbibé d'eau et gouttait sur le sol de la salle de bain. Frissonnant, l'eau brûlante caressant sa peau lui fit le plus grand bien.
Reprenant petit à petit ses esprits, il s'en voulait de ne pas avoir essayé de comprendre le point de vue de Dumbledore. Il aurait au moins pu le laisser terminer. Les éraflures sur ses phalanges le piquaient.
Amorphe, il n'arrivait plus à penser correctement. Même son inquiétude pour Zephyr s'était légèrement assoupie.
Lorsqu'il se sécha, un éternuement le secoua de la tête aux pieds : Julia avait raison, il allait tomber malade. Devant le miroir, ses cheveux étaient si emmêlés qu'Erwin comprit qu'il était impossible de les démêler à la main et dut emprunter la brosse à cheveux de Romeo Holland. Pour une fois, il n'avait cure de sa cicatrice. Son visage cerné de ne pas avoir dormi paraissait d'autant plus pâle qu'il n'avait pas vraiment mangé depuis deux jours.
Une plaque d'eczéma subitement apparue sur son pied se mit à le gratter sérieusement. Le moindre frottement ne faisait qu'empirer la démangeaison. Il fit attention à bien appliquer sa pommade pour être soulagé. Son pied rougi semblait se moquer de lui. L'éraflure sur sa main lui faisait un peu honte, il n'aurait pas dû s'emporter ainsi.
Erwin attrapa son violon et remonta dans la Salle Commune. Il se posa dans un coin reculé et se prépara à jouer. Les cordes commençaient à être vraiment dans un mauvais état, il allait falloir qu'il fasse quelque chose. Son archet dans la main, il inspira profondément et se remémora toutes les émotions ressenties depuis que Zephyr avait disparu.
Angoisse, peur, colère, frustration, tristesse, fatigue.
Ainsi lorsque les cordes commencèrent à chanter, il savait qu'il allait enfin pouvoir évacuer tout ce surplus sans pleurer, sans crier, sans se blesser. La musique était le meilleur moyen de ne faire de mal à personne.
Inconscient de tout ce qui se passait autour, ses doigts courraient d'une corde à l'autre et son archet glissait selon la mélodie. La colère accumulée en lui depuis sa dispute avec Dumbledore sortait enfin, libérée de la prison matérielle de ses cellules, du moindre atome qui le composait. Sa respiration se dégageait et il s'apercevait qu'il avait eu l'impression de suffoquer depuis qu'il avait envoyé son poing dans le mur de la tour d'astronomie.
Sentant tout le poids de ses problèmes s'envoler, il se mit à fredonner une mélodie à bouche fermée. Puis, un son qu'il reconnaîtrait parmi tous le rejoignit : Elijah s'était mis à chantonner. S'il ne le connaissait pas si bien, Erwin aurait cru que son ami avait ramené son piano dans la pièce tant les notes étaient claires. Mais le talent d'Elijah pour chanter les notes de son clavier avec une justesse étonnante se suffisait à lui-même lorsqu'il s'agissait d'accompagner Erwin.
Alors Erwin continua de fredonner. Il n'avait jamais pensé à vocaliser de manière si éloignée de la mélodie qu'il jouait en même temps – il avait plus l'habitude de reproduire les notes qu'il jouait au violon. Mais alors qu'il jouait sur un tempo rapide, absolument effréné pour libérer toute sa frustration, ses cordes vocales semblaient chanter ce qui aurait pu ressembler à air funèbre. Dans les octaves les plus graves que sa voix lui permettait, résonnant dans sa bouche fermée, les notes étaient longues et lentes.
Et Elijah accompagnait ceci magnifiquement bien.
- Il est temps que tu ailles voir un luthier, Wini', fut la première chose qu'il lui dit lorsqu'ils eurent fini. Il grince, ton violon.
- Ah bon ? Je ne m'étais pas aperçu que c'était à ce point-là mais les cordes vont lâcher bientôt, de toute façon. J'irais à Londres pendant les vacances d'avril.
- Parle moins fort, lui intima Elijah. McIntosh s'est endormie pendant qu'on jouait.
Surpris, Erwin tourna la tête. En effet, Julia était affalée sur son fauteuil préférée, son livre ouvert sur la poitrine, un bras sur le ventre et l'autre pendant vers le sol.
- Merci pour ce soir, chuchota-t-il. Ca faisait longtemps qu'on n'avait pas fait ça, ça m'avait manqué.
- Tu en avais besoin, je crois bien, se moqua Elijah. Il est tard, tu vas aller te coucher tout de suite ?
- Je crois que je vais aller dormir sur le canapé, comme Julia y est déjà.
Elijah se joignit alors à lui. Tous les deux échoués sur le canapé, avachis l'un sur l'autre, Erwin avait l'impression que ça faisait des années qu'ils ne s'étaient pas couchés ainsi. Le sommeil fit tomber ses paupières plus vite que jamais et, très vite, il sombra dans les bras de Morphée sans avoir le temps d'à nouveau s'inquiéter pour Zephyr, juste heureux d'être là et de savoir qu'il pouvait compter sur Julia et Elijah.
***
L'angoisse ne le quittait plus.
Depuis que Fawley lui avait annoncé la terrible nouvelle, Erwin ne pouvait plus réfléchir. Il avait essayé, il avait essayé de se poser contre un mur, de contrôler sa respiration et de récupérer un rythme cardiaque normal. Ça n'avait pas fonctionné. Et depuis, son angoisse montait au fur et à mesure qu'il courrait dans le château.
La menace d'Orkan pesait lourdement sur sa conscience alors qu'il parcourait tout Poudlard à la recherche de celui qui comptait le plus au monde pour lui. Erwin savait qu'il n'aurait pas dû les écouter, il aurait dû savoir qu'à la moindre occasion, Orkan profiterait de son absence à ses côtés.
Un pas de plus et encore un, puis un autre.
Un couloir de plus et encore un, puis un autre.
Plus le temps s'écoulait, plus le cœur d'Erwin s'emballait. Ce n'était pas possible... Ça ne pouvait pas arriver, pas maintenant ! Pas après tous ses efforts ! Il ne lui avait même pas vraiment dit qu'il l'aimait.
À sa plus grande horreur, il sentait l'espoir le quitter. Il voulait essayer de se convaincre, essayer de penser que ce n'était rien de grave, que c'était déjà arrivé avant sans qu'il ne s'en inquiète. Il voulait essayer de croire la voix d'Elijah qui le suivait depuis des heures en essayant de le rassurer. Il voulait croire en ce qu'avait chuchoté Julia pour l'apaiser. Il voulait croire mais c'était plus fort que lui.
Cette fois-ci, les conditions étaient différentes, il était le mieux placé pour le comprendre. Son angoisse n'était peut-être pas rationnelle mais il s'en fichait : il était en danger et lui, Erwin, devait le sauver.
C'était sa mission.
- Erwin...
***
Erwin reprit sa respiration brutalement. Une goutte de sueur froide coulait le long de sa tempe. Assis sur le canapé, il faisait encore très sombre dans la Salle Commune. Encore un cauchemar. Assis, la tête entre les mains, il réussit à se calmer plutôt vite. C'était un cauchemar, rien de plus normal après ce qui lui arrivait. Et celui-là, sans trop savoir d'où lui venait cette intuition, il était sûr que ce n'était pas Orkan qui aurait pu le lui souffler.
Non, c'était un cauchemar habituel, avec toujours la voix de Zephyr qui finissait par le réveiller. Avec un profond soupir, il attrapa le grimoire de Julia qui reposait sur la table basse. Il s'agissait apparemment d'un recueil de poèmes de poètes français du Moyen-Âge... La pléiade, d'après le livre. Erwin leva les yeux au ciel. Elle se moquait de lui et Elijah quand ils disaient avoir appris le français mais elle lisait des poèmes traduits.
Ce fut pourtant bien ce livre qui l'empêcha de s'ennuyer jusqu'au réveil de ses amis endormis.
Les couloirs étaient toujours endormis, l'heure était bien matinale. Les tableaux s'éveillaient à peine. Elijah marmonnait qu'il ne savait ce qui lui avait pris de promettre d'aller chercher Zephyr à une heure pareille tandis que Julia le frappait derrière la tête chaque fois qu'il osait se plaindre. Erwin, lui, était reconnaissant de voir que malgré tout, ils restaient avec lui.
Nick Quasi-Sans-Tête leur indiqua n'avoir croisé personne dans les couloirs depuis la veille au soir. Alors qu'ils marchaient sans réel but depuis une bonne demi-heure, Julia et Elijah décidèrent de le forcer à aller prendre un petit-déjeuner avant de continuer à chercher Zephyr.
Contrairement à ce qu'il avait pu pensé, manger revigora Erwin. Malgré sa gorge qui commençait à le picoter et son nez qui coulait à intervalles réguliers, il se sentait mieux. L'inquiétude planait toujours, profondément ancrée dans son coeur, le piquant douloureusement dès que ses pensées divaguaient vers autre chose.
Hélios et Finley Robbins les avait rejoints pour les aider avant le début des cours.
Malgré cela, chaque fois qu'ils passaient un couloir de plus, Erwin sentait ses épaules s'alourdir. Une migraine s'installait insidieusement en lui, rendant encore plus insupportables ces recherches.
Cela faisait plus de quarante-huit heures que Zephyr avait disparu. Même Elijah et Julia qui n'avaient fait que de lui répéter que cela lui était déjà arrivé semblaient commencer à perdre espoir.
Erwin ne pouvait plus suivre la conversation que tenaient Julia, Eli', Hélios et Robbins. Sa respiration devenait bancale et il ne pouvait s'empêcher de se répéter : c'est le dernier étage, on ne le retrouvera jamais.
Le pas lourd, lent, il essayait de rappeler à lui le peu de rationalité qui lui restait. Mais rien n'y faisait. Plus ça allait, plus son pouls s'accélérait, plus il désespérait. Même s'ils pouvaient avoir mal vus, même si Zephyr avait pu aller d'un étage à un autre sans qu'ils ne s'en aperçoivent, même s'il s'était trop bien caché pour être vu, ce que retenait Erwin c'était qu'il avait pu lui arriver malheur.
Soudain, Robbins s'arrêta et fit taire tout le monde d'un geste du bras.
- Chut ! Vous n'entendez pas des bruits de pas ? Ce n'est pas une aile très fréquentée, pourtant. Si ?
Erwin tendit l'oreille. Tac. Tac. Tac.
En effet, on pouvait entendre de légers bruits de pas – ou tout du moins cela y ressemblait-il. Son coeur s'accéléra tout-à-coup. Ses jambes qui avaient paru réticentes à le soutenir plus longtemps se mettaient maintenant à courir à travers les couloirs. Manquant de trébucher sur une pierre irrégulière, Erwin entendait à peine les autres lui crier de ralentir, leurs voix étouffés par les battements erratiques de son coeur.
C'est alors qu'à l'angle d'une galerie, il le vit. Zephyr était là, marchant nonchalamment et observant les tableaux et les fenêtres.
Erwin eut l'impression de se voir courir au ralenti. Il l'appela, plusieurs fois même si une seule avait suffi à attirer l'attention de son petit frère. Sa voix se cassait encore plus chaque fois qu'il l'appelait à nouveau. Courant vers lui, essoufflé, épuisé, Erwin n'y croyait plus. Peut-être était-ce un rêve ?
C'était bien réel. Zephyr était là, à quelques centimètres de lui. Il le regardait, l'air de se demander ce qui lui prenait. Un rire le prit derrière ses larmes qu'il laissait enfin couler. À genoux, sanglotant tout son soûl comme il en avait rêvé la veille au soir sous la pluie, il prit Zephyr dans ses bras et le serra contre lui. Zeph' devait comprendre que quelque chose n'était pas comme d'habitude car il ne se retira pas tout de suite, lui qui détestait pourtant le moindre contact physique.
Erwin ne sut combien de temps il pleura ainsi. Il ne savait pas qu'il était possible d'éprouver un tel soulagement.
Lorsqu'il reprit ses esprits, les chuchotis des autres qui les avaient rejoints formaient un amas incompréhensible. Les yeux fermés, il tenait toujours très fort Zephyr contre lui. Cependant son petit frère paraissait de nouveau mal à l'aise avec cela. Ses muscles étaient contractés et quand Erwin regarda autour de lui, le visage de Zeph' était tout crispé. Erwin desserra son emprise, un peu à contrecœur. Zephyr resta quand même près de lui.
Erwin essaya de se relever mais, à peine debout, il tangua. Elijah eut le bon réflexe de le soutenir avant qu'il ne tombe :
- Tu es brûlant, Wini' ! Ah, je te l'avais dit, à sortir par une tempête pareille !
Erwin hocha faiblement la tête. En effet, il ne sentait pas au meilleur de sa forme. Son nez coulait, sa gorge le brûlait et sa tête lui paraissait trop lourde pour être portée. Une toux rauque le plia en deux et il vit le regard de Julia, l'air de dire qu'il en faisait un peu trop.
Si seulement c'était vrai. Il aurait préféré. Mais apparemment, une fois tout le stress retombé, son corps avait arrêté d'ignorer les symptômes.
Un petit poids se posa sur son avant-bras. Erwin baissa les yeux, surpris. C'était Zephyr. Il le regardait, un soupçon d'inquiétude dans le regard. La moue de sa bouche et le petit pli sur son front rendaient bien plus simple d'interpréter ses émotions, même malgré la fièvre.
- Ne t'inquiète pas, p'tit frère, souffla Erwin entre deux toux. J'ai juste eu un peu peur. Et j'ai fait l'imbécile en allant danser sous la pluie hier soir. Il y avait beaucoup de vent, tu aurais aimé.
Il éludait les choses mais il préférait ne pas parler de cette crise d'angoisse qui l'avait pris la veille au soir. Ni du fait que le vent n'avait fait que le rendre plus malheureux encore.
C'était du passé.
***
Le chemin jusqu'à l'infirmerie avait été un enfer. Elijah n'avait pas arrêté de le réprimander et, titubant, Erwin avait manqué de tomber à chaque escalier. Robbins et Hélios avaient insisté pour que Mrs. Clifford ausculte aussi Zephyr, histoire d'être certain qu'il aille bien.
Julia, elle, s'était contentée de soupirer chaque fois qu'Erwin se plaignait d'avoir la tête qui tournait. Il ne pouvait pas lui en vouloir, elle lui avait suffisamment rappelé qu'il finirait par se rendre malade à s'angoisser ainsi. Frustré qu'elle ait toujours raison, Erwin ne disait rien. Il savait que la moindre parole à ce sujet permettrait à Julia de se vanter d'être la meilleure.
Mrs. Clifford était en colère. Elle l'avait couché dans un lit, sous une couverture chauffée, l'avait forcé à boire une tisane et lui avait interdit de se lever. Tout de même pas si méchante, elle lui avait assuré que Zephyr se portait comme un charme. Sa journée se découpa en mini-siestes, parfois entrecoupées d'un sirop ou d'une nouvelle tisane. Sa nuit fut très mauvaise mais au moins savait-il pourquoi : la fièvre n'avait pas baissé d'un iota.
En se réveillant le lendemain, il se sentait pourtant en pleine forme. L'infirmière lui confirma que le virus était passé.
- Vous êtes un vrai angoissé, Erwin, grognait-elle en l'auscultant une dernière fois. Ca faisait longtemps que je n'avais pas passé ma nuit à surveiller un élève fiévreux. Et je ne parle même pas de votre eczéma ! Quand je vous dis que le stress ne fait qu'empirer les choses ! Vous regarderez votre dos et vos jambes ce soir, tiens. J'ai fait ce que je pouvais mais il va falloir maintenir votre traitement au taquet pendant plusieurs jours.
Erwin se sentait coupable. Et même si le fait qu'elle l'appelle par son prénom adoucissait un peu la réprimande, il savait qu'il avait encore été trop loin.
- Je vais engager le petit Croupton pour vous empêcher de gratter le moindre millimètre carré de votre peau, vous allez voir. Je vais lui promettre du chocolat en salaire, ça marchera tout de suite. Enfin, Erwin, il faut que vous compreniez que même si votre petit frère est différent et qu'il a besoin de vous plus qu'un autre – certes, je vous l'accorde – il n'est pas en sucre ! Vous vous mettez la rate au court bouillon pour pas grand-chose. Je sais que ce n'est pas facile mais ça n'en vaut peut-être pas la peine d'aller déverser votre colère, frustration, angoisse ou que sais-je dans une tempête pareille. Je suis sûr que vous en avez conscience.
***
C'était à cause de Dumbledore qu'il avait été dans le parc, d'abord, rageait-il de mauvaise fois une fois dans les couloirs. Il admettait avoir été trop loin mais si Albus n'avait pas dit de Zephyr qu'il était malade, cela ne serait jamais arrivé.
Dispensé de cours pour la journée le temps de se remettre de ses émotions, Erwin flânait dans les couloirs. C'est là qu'il aperçut deux têtes blondes qu'il connaissait très bien, depuis la bibliothèque.
- Fawley, Zeph' a disparu assez longtemps comme ça, non ? Qu'est-ce que vous faites dans les bouquins ? Tu lui apprends à sécher les cours ?
- Non, on n'a pas cours. Et Zephyr m'a traîné ici, il voulait voir un livre sur des insectes je crois. Donc j'en profite pour lire un roman moldu. Tu veux t'asseoir avec nous ?
A l'entente de son nom, Zephyr releva la tête de son grimoire d'entomologie. Semblant à moitié surpris de voir son frère, son regard bleu lui sourit en un éclat à peine perceptible avant qu'il ne rebaisse la tête sur les coccinelles et scarabées. Parfois, Zephyr avait des lubies que même Erwin ne comprenait pas.
Peut-être avait-il disparu parce qu'il cherchait des insectes ? Cela ne le surprendrait même pas.
Erwin s'installa sur un fauteuil. En observant Zephyr, il s'aperçut d'à quel point il était sale. Ses cheveux était emmêlés et ternis, de la poussière maronnasse lui collait à la joue.
Sans faire de gestes brusques, doucement, Erwin sortit un mouchoir de sa poche qu'il humidifia d'un coup de baguette et il commença à frotter le visage de son petit frère. C'était toujours Erwin qui s'occupait de sa toilette du soir. Depuis plusieurs jours qu'il avait disparu et la veille au soir quand Erwin était malade, il se doutait bien que Zephyr ne s'était pas lavé depuis un moment. Il fit venir la brosse et, mèche après mèche, entreprit de démêler la touffe blonde. Les boucles revenaient petit à petit, au plus grand plaisir d'Erwin qui adorait y passer sa main quand Zephyr l'y autorisait.
***
- On ne dirait pas que c'était la tempête il y a deux jours.
Le soleil était éblouissant et la chaleur printanière faisait oublier le vent un peu frais. Julia avait raison, l'été approchait.
Assis au bord du lac, ils prenaient le temps de ne rien faire. Juste discuter, arracher distraitement un peu d'herbe, rire, se taire. Erwin se sentait bien. Il ne savait pas où était Zephyr mais il avait confiance en Hélios. Puis, il avait bien vu que Zeph' rentrait à nouveau dans une période où il était moins éloigné.
Seul Elijah restait complètement silencieux en ce bel après-midi, lançant de temps à autre un caillou dans l'eau claire. Cela ne lui ressemblait pas tellement mais Erwin ne s'en inquiétait pas trop, il était peut-être juste fatigué.
- Oh mais il fait tellement bon ! s'extasiait Julia. Oh par Merlin, je suis nulle de ne pas profiter. A plus les garçons, moi je vais me changer puis je vais aller courir autour du lac ! Ce serait trop bête de rater ça !
Erwin lui fit un signe de la main tandis qu'elle s'éloignait. A nouveau debout, il profitait de la brise qui secouait légèrement ses cheveux.
- Eli' ? Ca te dirait de venir te promener au bord de la forêt interdite ?
En souvenir de nos jeunes années, fut ce qu'il aurait voulu ajouter. Ils avaient l'habitude de passer des heures dans le parc, à la recherche de la moindre créature magique. Maintenant, Erwin avait l'impression qu'ils ne prenaient plus jamais le temps.
- Mmh... Non, j'ai pas envie.
Erwin fronça les sourcils. Comment ça, il ne voulait pas ? Il adorait ça pourtant.
- T'es trop fatigué ? Ou tu sens patraque ? Mince, à dormir avec toi l'autre nuit, j'ai dû te refiler mon virus...
- Raah ! Tu m'énerves, Erwin !
L'usage de son prénom donna un coup au coeur à Erwin. C'était rare qu'Elijah ne l'appelle pas « Wini' ». Elijah était maintenant levé, face à Erwin, le regard noir.
- J'essaie de ne rien dire, j'essaie de me rappeler à l'ordre, de me contenir. Et toi, tu ne vois même pas que j'ai envie d'être tranquille !
- Quoi ? Eli', je... Pardon, je ne pensais pas...
- C'est ça le problème avec toi : tu ne penses pas ! Tu te mêles de ce qui ne te regardes pas et en même temps, tout est toujours centré sur toi-même ! Regarde ! Tu te demandes si je ne suis pas tombé malade mais tu penses que c'est de ta faute ! Tu me reproches de ne pas assez t'inquiéter de mes propres frères et sœurs et de l'autre côté il faut absolument qu'on soit avec toi à chaque fois qu'un truc t'inquiète, qu'on t'écoute parler de ce qui ne va pas parce que sinon qui sait ce qui arriverait ? Quand on en vient à ta relation avec Zephyr, tu deviens désagréable, tu te braques et on ne peut rien dire, pas même souligner le moindre truc qui – d'un regard extérieur – ne va pas ! Alors on écoute, on te conseille en se préparant à se faire rembarrer, on écoute patiemment tes critiques et tes remarques. Et en retour ? Ah tiens, ça faisait longtemps, et si on entendait parler des problèmes de Monsieur Erwin O'Sullivan pour une fois ?
- Eli', je-
- Non ! s'écria Elijah, exaspéré. Je parle, tu m'écoutes, pour une fois. Tu dis que je suis ton meilleur ami, que tu ne fais autant confiance qu'à moi, patati patata mais moi ce que je vois c'est que la seule personne que tu écoutes un petit peu, c'est Julia. C'est Julia, c'est toujours elle ! C'est la raisonnable, la voix de la raison, je ne sais pas mais, dans ton estime, elle est plus haute que moi. Si tu as besoin d'un conseil, c'est moi que tu viens voir ? Non ! C'est Julia, toujours Julia. Si elle et moi te faisions le même reproche, tu m'enverrais bouler tout de suite alors que si c'est Julia qui te dit la même chose, tu l'écoutes et essaie de faire des efforts.
Le souvenir de la fois où il avait entendu Elijah avouer cela à Julia le percuta. Lui qui pensait avoir pourtant essayé de pallier à ce problème depuis...
- Tu dis qu'on compte autant pour toi, tous les deux ! Ah, ouais ? Alors pourquoi son avis à elle est plus légitime que le mien ? Pourquoi ?!
Et avant même qu'Erwin ne puisse répliquer, les mains d'Elijah se serraient sur les pans de son manteau ouvert. Sentant toute la colère et la frustration d'Elijah dans ce simple geste, Erwin décida de ne pas répliquer. Eli' le secoua, dans tous les sens. Puis il le lâcha, lui criant de se défendre, avant de se mettre à le rouer de coups de poings désespérés dans le torse.
Impassible de l'extérieur, Erwin se mordait la lèvre pour ne pas répondre. Il comprenait, il avait été injuste. Il n'avait pas à dire à Elijah qu'il était malhonnête pour se mettre à le frapper ainsi. Ce serait faux et ne ferait qu'attiser le feu qui brûlait en son meilleur ami.
- ERWIN ! Réponds-moi, putain ! REPONDS ! Pourquoi ? Hein ? POURQUOI ?! Pourquoi Julia et pas moi ? Pourquoi Zephyr et pas nous ?! Pourquoi tu ne dis rien ? Réponds, merde ! Bouge-toi !!
La cage thoracique d'Erwin tremblait qu'un nouveau coup de poing s'y abattait, toujours plus douloureux. Son nez se mit soudain à le lancer et il sentit du sang s'en écouler. Pourtant, la cadence en ralentissait, preuve de l'épuisement d'Elijah. La voix cassée par ses cris, la colère d'Elijah se transformait petit à petit en une tristesse profonde, probablement contenue depuis longtemps.
À bout, les genoux d'Elijah finirent par le lâcher et il tomba au sol. Comme si c'était le signal attendu, Erwin décida enfin à faire un mouvement et le rejoignit immédiatement à terre.
- C'est ça, ais pitié de moi, grogna la voix enrouée d'Elijah. Viens à ma hauteur me parler comme à un enfant et je te jure que je te frappe encore plus fort.
- Je suis désolé, fit Erwin à mi-voix après une grande inspiration. Je suis fautif, c'est vrai. Je te dirai bien que je n'en avais pas conscience – ou pas tout-à-fait – mais je ne sais pas si tu pourrais me croire, ce que je comprendrai. Tu me demandais pourquoi je t'ai laissé me frapper ? Parce que je crois que quelques bleus seront moins douloureux que ce que j'ai pu t'infliger.
- Tes beaux mots arrivent toujours trop tard, trembla Elijah, un sanglot dans la gorge. Ca n'enlève rien au fait que ton frère passe toujours avant nous, quoi qu'il arrive. Que tu n'acceptes aucune remarque à ce propos et que, par conséquent, tu ne fais pas attention à nous. Erwin, je... Je ne voulais pas te le dire comme ça mais...
La fin de sa phrase resta en suspens. La tête de nouveau relevée vers lui, Erwin voyait maintenant les grosses larmes qui coulaient sur ses joues, torrent de tristesse jamais avoué. Manquant de mots assez forts pour s'excuser, Erwin ouvrit ses bras. Éreinté, Elijah s'y jeta sans hésiter. Peut-être que ç'avait été cela qui lui avait le plus manqué ? Un câlin de confiance, pour lui rappeler que malgré les épreuves et les désaccords, Erwin serait toujours là pour lui. Et que oui, malgré les signes ambivalents qu'il avait pu parfois envoyer, Elijah comptait autant que Zephyr pour lui.
- Contrairement à Zephyr, tu es quelqu'un de très autonome, commença Erwin après un moment. J'ai plus de facilités à lui montrer combien je tiens à lui. Plus qu'avec toi. Parce que c'est mon petit frère et que j'ai l'irrépressible envie de le protéger. Mais tu sais, toi, t'es un peu comme mon frère jumeau.
- Arrête d'essayer de me flatter pour te faire pardonner. Je boude toujours.
- Je te promets que c'est vrai. J'essaie de me détacher de Zephyr, en ce moment. Avec la façon dont j'ai déraillé pendant sa disparition, j'admets que tu ne me crois pas tout de suite. Mais je t'assure que je fais de mon mieux. Et pour toi aussi, d'ailleurs. Je te jure de faire plus attention à l'avenir aux différences que je peux faire entre toi et Julia. Elles sont inconscientes mais maintenant que je comprends ton point de vue, je vais faire de mon mieux pour changer ça. Et si tu te rends compte que je fais n'importe quoi, je te donne le droit de me frapper.
- Je n'ai pas besoin de ton autorisation pour ça, ne t'en fais pas.
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