|CHAPITRE 12| Acharnement sur les Botrucs

Sorbet citron !

Helloo ! Comment ça va, vous ? Ici, ça va ! Même si j'ai mes grands oraux à préparer parce que le Grand Oral blanc est dans 3 semaines - merci l'administration du lycée :) Sinon hier, je suis allée m'acheter des vêtements donc j'étais contente (ma nouvelle chemise est trop belle !!). 

Bref, je me doute que ça ne vous intéresse pas. Sachez que la pause a été bénéfique ! J'ai fini le chapitre 15 ! Je me doutais bien qu'avec le BAFA, si je postais, je ne pourrais plus tenir le rythme. Alors voilà, j'ai toujours 2 chapitres d'avance ! Les vacances d'été approchent, en plus... 

Je sens qu'on approche de la fin de LVT, ça me fait tout drôle. Il y a 3 ans, je commençais à écrire LVDNS. Il y a bientôt 2 ans, je finissais de l'écrire (j'avais un rythme de fou, j'ai écrit 50 chapitres en à peine plus d'un an... aujourd'hui, c'est 15 en presque deux ans xD). J'ai commencé à bosser sur LVT juste après et ai vité commencé à l'écrire (je pensais avoir fini en un an max, j'étais drôle). Finalement, j'en vois le bout... C'est dingue quand même.

Bref, je vous laisse lire tranquille ! A dans deux semaines, bonne lecture ^^

***

Note des bêtas-lectrices :

Hello ! Comment allez vous ? Aujourd'hui petit chapitre tout doux, que je pense que vous allez aimer ! C'est tout mignon tout beau. Mais profitez, il se peut que ça ne dure pas.... Bref. Bonne lecture, et bon weekend de trois jours !

***


|CHAPITRE 12| Acharnement sur les Botrucs


Le mois de mars passait à une vitesse affolante. Le temps libre d'Erwin lui filait entre les doigts et il lui semblait passer de plus en plus de temps en compagnie d'Albus Dumbledore. Entre les cours, les devoirs à la bibliothèque, les soirs dans la tour d'astronomie... Non pas pour lui déplaire, il avait appris que Dumbledore était une personne très cultivée, au-delà même des cours, et qu'il s'intéressait à beaucoup de choses sur le monde autour de lui. Leurs discussions s'en trouvaient facilitées et Erwin trouvait qu'ils s'enrichissaient énormément l'un l'autre.

Pourtant, qui disait plus de temps avec le Gryffondor disait moins de temps avec Zephyr. Et c'était ce qui trottait dans la tête d'Erwin chaque fois qu'il troquait un moment avec son petit frère contre un moment avec le Préfet-en-Chef.

- Moi, je suis content pour toi que tu sois moins avec Zephyr. Pas que je ne t'aime pas ! fit Hélios, sur la défensive. Mais je comprends que tu ais besoin de te retrouver, c'est normal. Et c'est pour ça que Robbins et moi, on prend le relai.

- Pour tout te dire, avoua nonchalamment Robbins, ton frère est assez stable en ce moment. Il est pas aussi éveillé qu'il a pu l'être dans de rares occasions, je te l'accorde. Mais il n'est pas non plus complètement absent. Regarde-le, ça va.

Les trois tournèrent la tête vers Zephyr. Erwin l'observa attentivement. En effet, il fixait le sol. Mais ses yeux n'étaient pas perdus dans le vide.

- P'tit frère ?

Au surnom, Zeph' tourna immédiatement la tête vers son frère, attentif. Il ne le regardait pas tout-à-fait dans les yeux mais c'était si rare qu'Erwin ne s'en formalisa même pas. Et si Zephyr n'était pas forcément en état de communiquer avec tout le monde, Erwin savait que, lorsque son petit frère se comportait ainsi, il pouvait le comprendre.

- C'est vrai qu'il est loin de ce qu'il peut être parfois et que ça fait un moment qu'il est stable, répondit Erwin en revenant vers Finley et Hélios. Ça me rassure un peu, je sais que je peux vous faire confiance mais c'est vrai que je me sens mal de le laisser un peu plus seul en ce moment.

- Mais il n'est pas seul justement ! revendiqua Hélios. Il nous a nous et tu sais bien que si on trouve qu'il a besoin de toi ou qu'il redevient perdu, on vient te chercher immédiatement.

- Puis c'est pas comme si tu n'étais jamais là non plus, rit doucement Robbins. Disons que tu es dix pour cent moins présent. Sur le total habituel, ce n'est rien du tout. Je suis sûr qu'il ne s'en est même pas aperçu.

Erwin sourit. Il savait que Finley Robbins minimisait la chose pour ne pas le faire culpabiliser plus mais, quelque part, cela l'apaisait d'autant plus. Ça voulait dire que malgré tout, il ne dérogeait pas à son rôle. Il s'était juste assoupli et ce n'était en aucun cas un problème.

La discussion qu'il eut à ce sujet avec Elijah et Julia fut bien moins houleuse que ce à quoi il s'était attendu. Préparé à ce qu'une dispute éclate, à se prendre les reproches de Julia, les regards déçus d'Elijah, il avait même accepté en lui-même de moins côtoyer Dumbledore si ses amis le lui demandaient. Plus légitimes, il comprenait que ceux-ci puissent se sentir mis à l'écart. Pourtant à aucun moment il ne s'était attendu à ce qu'ils s'entendent, qu'ils lui disent que ça ne les dérangeaient pas car au moins il travaillait un peu plus. Le coup fatal lui avait été donné lorsqu'Eli' l'avait battu aux échecs. Ce dernier ne s'était d'ailleurs pas privé pour le lui répéter toute la soirée qui suivit :

- Ma parole, t'es vraiment distrait, Wini', riait-il. Continue de voir Dumbledore, c'est bénéfique ! Ah, si j'avais cru un jour te battre aux échecs... Merlin et Morgane se sont réunis en ma faveur ! Par tous les dieux du chocolat, merci !

***

Quand Erwin arriva dans la tour d'astronomie ce soir-là, Dumbledore y était déjà. Il mettait cela sur le fait qu'il traînait toujours un petit peu pour dire bonne nuit à Zephyr : jamais il n'était arrivé le premier.

- Si tu t'excuses à nouveau de ton « retard », je te préviens, je te jette depuis la tour, O'Sullivan. On ne s'est pas donné d'horaires, tu n'es donc pas en retard. Puis je comprends que tu veuilles voir tes amis le soir.

Erwin, qui s'apprêtait en effet à lancer un mot d'excuse referma sa bouche : il n'avait pas très envie de savoir ce que ça faisait de tomber du point le plus haut de Poudlard.

- Je n'étais pas avec Eli' et Julia, rectifia-t-il cependant, j'étais avec Zephyr. Mais tu as raison, je ne suis pas en retard.

Un éclair de compréhension passa dans les yeux bleus du Gryffondor. Jamais Albus Dumbledore ne semblait supposer qu'Erwin était avec son frère, malgré le fait qu'ils se côtoyaient presque quotidiennement depuis plusieurs semaines. Erwin se disait que c'était à cause de la relation distante que le Préfet-en-Chef avait lui-même avec son petit frère : il avait peut-être du mal à imaginer qu'on puisse avoir envie de passer du temps avec ses frères et sœurs.

Appuyés contre la barrière, le moment était hors du temps, comme chaque fois qu'ils se retrouvaient là. A la lumière légère du croissant de lune, en face à face avec Vénus, l'ambiance était calme. Les nuits s'adoucissaient en ce mois de mars et, bien qu'Erwin garde son manteau pourpre et écharpe argentée – élégance oblige – il sentait que le vent se faisait moins froid que le mois précédent.

Moins glacial que lorsque la main brûlante d'Albus avait frôlé la sienne.

- Tu te rappelles que je t'avais dit que je ne savais pas quoi faire après Poudlard ? amorça Erwin pour faire passer la crispation qui venait de le prendre dans le ventre. Finalement, je crois que je vais me diriger vers l'astronomie. Au moins, avec cette filière, on peut autant s'enrichir du côté moldu que sorcier.

Un tic fit sauter subrepticement la joue de Dumbledore.

- Tu ne crois pas qu'il vaudrait mieux te concentrer chez nous ? Ainsi, ce serait un cerveau de plus à plein régime, ça nous permettrait peut-être de dépasser les avancées moldues, aller plus vite qu'eux.

- Je ne sais pas, je n'ai pas vraiment réfléchi comme ça, avoua Erwin en haussant une épaule. D'ailleurs, toi, tu veux faire quoi après ?

- Je pense que j'aimerais bien travailler au ministère, grimper les échelons et, qui sait, peut-être devenir ministre de la magie.

Erwin hocha la tête. Oui, Dumbledore avait parfaitement les capacités pour réaliser son projet. Il l'imaginait déjà derrière le grand bureau, ravi de traiter des affaires toutes plus difficiles les unes que les autres. Si rester derrière un bureau à longueur de journée n'ennuyait pas autant Erwin, il aurait probablement voulu tenter aussi.

Alors que le silence s'installait, Erwin sentit les doigts de Dumbledore passer derrière son dos et attraper doucement sa main opposée. Surpris et curieux, il se laissa faire. La légère chaleur qui s'en dégageait suffit à le ravir – quoiqu'il ne pouvait voir ladite main, à son plus grand malheur.

Il n'y avait plus rien dans le monde d'Erwin, juste deux mains entrelacées perdues dans le néant. Le ciel, la tour, Poudlard, plus rien n'existait. Chaque centimètre carré de sa peau qui touchait celle d'Albus Dumbledore semblait crépiter, presque douloureusement, mais son corps en ébullition l'empêchait de bouger ne serait-ce d'un iota. Il avait parfaitement conscience de son coeur emballé, de ses lèvres asséchées et de la chaleur sur son visage. Pour une fois, lui qui détestait pourtant que ce qu'il ressente puisse transparaître, Erwin n'en avait cure. Malgré l'explosion à l'intérieur de lui, tout était calme, comme s'il avait atteint un but suprême. Comme si avoir la main d'Albus dans la sienne était la réponse à toutes ses inquiétudes. Sa peau lui paraissait même douce, comme si son eczéma avait subitement disparu : il ne s'en apercevait qu'à ce moment précis, il y avait toujours un endroit qui le démangeait jusque là.

Détendu, Erwin se laissait faire. Il détestait ne pas savoir ce qui allait arriver et tout prévoir faisait partie de son quotidien. Mais en ce soir printanier, il avait envie de se laisser aller, sa curiosité lui intimait de voir ce qui pouvait encore arriver. Il touchait enfin cette main qui l'obsédait tant, que pouvait-il se passer après ?

Surprenamment, Dumbledore ne bougea pas tout de suite, comme s'il attendait quelque chose, un signe avant de continuer ce qu'il avait entrepris. Erwin attendit avec patience : son envie de savoir dépassait tous ses sentiments négatifs habituels.

Puis, toujours la main dans celle d'Erwin, Albus le tira vers lui. Erwin ne put déterminer si le geste avait été doux ou brutal, trop occupé à réfléchir s'il devait poser sa tête sur l'épaule du Gryffondor ou non.

Ce dernier choisit à sa place : Albus quitta des yeux la nuit noire et plongea son regard bleu dans les yeux d'Erwin. Perturbé, il sembla à Erwin que ses pensées se mettaient subitement à dysfonctionner. Une pensée fugace se demandait en quoi ses pauvres yeux gris pourraient reproduire chez Dumbledore la même profonde sensation de chaleur, une autre s'alarmait : il n'avait plus aucune idée de ce qui allait se passer ensuite.

Si près de son visage, Erwin s'apercevait que le nez de Dumbledore était assez peu commun. Légèrement aquilin, tâcheté de tâches de rousseur plus foncées que celles de ses joues, il tirait un trait direct jusque sa lèvre supérieure. Un sourire très léger semblait d'ailleurs la décontracter mais Erwin n'en était pas certain : il avait trop vu le Gryffondor afficher de grands sourires de circonstances ou être simplement concentré.

Il inspira une grande bouffée d'air fraîche. Le contraste avec la chaleur de son corps le surprit, il n'avait pas l'impression d'avoir si chaud. Il déglutit sa salive tant qu'il en était encore capable.

Et Albus se décida enfin.

Il fondit sur les lèvres d'Erwin, réduisant les quelques centimètres entre leur visage plus vite que le passage de n'importe laquelle des dernières secondes écoulées. Au premier abord, Erwin sentit un frisson d'excitation lui remonter du talon au haut du crâne. S'il n'avait pas pensé à cette éventualité, elle lui semblait maintenant évidente et la meilleure solution. Les lèvres d'Albus lui paraissaient encore plus chaudes que les siennes. Plus douces encore que ses mains ; Erwin sentit un deuxième frisson le traverser.

Sans même réfléchir aux mouvements de son corps, il se rapprocha de celui de Dumbledore et passa ses mains dans son dos. Collés l'un à l'autre, leurs lèvres agissaient de leur propre chef – ou alors le Gryffondor embrassait très bien. Grisé, Erwin pensa à respirer un instant avant de retourner goûter à la bouche sucrée d'Albus. Ces mains qui l'avaient tellement torturé lui tenaient maintenant la joue et passaient derrière son cou. Erwin sentait le picotement particulier de sa cicatrice à chaque fois que Dumbledore passait son pouce dessus mais, mêlée aux autres, la sensation n'était pas désagréable. Au contraire, elle lui paraissait ajouter quelque chose, épicer le moment. Unique, c'était peut-être la première fois de sa vie qu'il l'appréciait tant et ressentait une certaine fierté à pouvoir expérimenter cette impression exclusive.

Ivre de sentiments et de plaisir, Erwin approfondit un peu plus le baiser. Ses mains cornées par les cordes du violon resserraient leur poigne autour du pull de Dumbledore. Celui-ci souffla du nez contre sa pommette, chatouille inattendue.

Erwin ne saurait estimer au bout de combien de temps il reprit ses esprits.

Toujours était-il qu'il était désormais assis sur le sol dur, la tête en arrière contre le mur tandis que celle d'Albus reposait sur son épaule.

Sa respiration restait laborieuse et le sourire frémissant qui lui collait au visage refusait de partir. Son esprit restait embrumé. C'était reposant, pour une fois, de ne penser à rien.

- Tu te rappelles que je t'avais proposé une sortie à Pré-au-lard ? chuchota Dumbledore en rompant le saint silence.

Erwin acquiesça d'un signe de tête. À l'époque, il avait trouvé la proposition saugrenue et sortie de nulle part. Ce soir, tout faisait sens.

- On peut se rejoindre à l'entrée du village après-demain, si tu veux ? continua le Gryffondor. Ce sera dimanche, on passera inaperçus, tout le monde sera occupé soit à réviser soit à sortir, eux aussi.

Erwin ne répondit pas, il n'oubliait pas Zephyr, Julia et Eli'. Pourtant, il le savait bien : Hélios avait proposé de rester au château avec Zeph', Julia préférait terminer son livre qui la tenait en haleine depuis plusieurs semaines et Elijah avait décidé de réviser ses ASPICs.

- Je t'aime bien, tu sais, lança Dumbledore une dernière fois, le silence d'Erwin ne semblant pas le perturber le moins du monde. Je voudrais bien que tu m'appelles par mon prénom.

- Pourquoi pas, fit Erwin en se relevant. Quand Elijah et Julia auront enterré la hache de guerre, je le ferai. Autrement dit, quand les Botrucs seront devenus inoffensifs.

Albus étouffa un rire peu surpris. Erwin, satisfait, se retourna une dernière fois avant de quitter la tour d'astronomie.

- Pour dimanche, à moins que mes plans changent d'ici-là, c'est d'accord. Mais on devra passer au Clair de lune, j'ai promis à Galilée de prendre des nouvelles de son fils.

Les couloirs lui parurent étrangement suspects, sur le chemin du retour. Les tableaux dormaient, les fantômes étaient absents. Pourtant, tout semblait l'accuser de chacune de ses dernières actions et paroles. Il secoua la tête pour chasser cette pensée : il n'avait rien fait de mal. Puis, le goût des sucreries qu'Albus avaient mangées lui était resté dans la bouche et cela suffisait à lui rappeler qu'il ne regrettait en rien ce qui venait de se passer, pour le moment.

Erwin se dirigeait vers la Salle Commune de Serpentard quand il changea d'avis et de direction. Il ne pourrait pas se coucher immédiatement, l'adrénaline était encore trop puissante. Son coeur pulsait toujours aussi fort dans sa poitrine. Faisant un détour dans le château, il se rendit dans le parc, à un endroit où il savait qu'il ne pourrait pas être vu depuis la tour d'astronomie. Si Dumbledore y était toujours, il préférait ne pas être vu, il avait besoin de se savoir seul. Seul au monde, si seulement il en avait la possibilité.

Assis sur les galets du lac, il s'amusa à en faire ricocher quelques uns sur la surface plate de l'eau. Puis, il s'allongea, les bras derrière le cou. Là où il aurait voulu avoir son violon en temps normal, il était très heureux de ne pas s'en être encombré. Aucune mélodie ne lui venait à l'esprit ce soir. Peut-être que le plaisir qu'il avait ressenti l'avait tant apaisé qu'il n'avait pas besoin de tripoter un instrument en bois pour se sentir mieux ce soir. Il était intéressant de savoir que tripoter un être humain à la place avait les mêmes bienfaits.

Erwin n'avait que les étoiles au-dessus de sa tête. Il connaissait ce ciel par coeur. Un air de déjà-vu, néanmoins toujours différent de la fois d'avant. Rassurant, toujours présent, jamais défaillant. C'était ce qu'Erwin appréciait dans les nuits étoilées, cet espace infini.

Il soupirait de confort en regardant les constellations quand un phénomène attira son attention. Quand il regardait une étoile en particulier, les autres semblaient disparaître de son champ de vision. Cette étoile qu'il n'avait pourtant jamais plus remarqué que les autres.

Et c'est là que la pensée le frappa. Dumbledore était son étoile perdue parmi les autres. Il avait suffi d'un regard pour qu'elle capte toute son attention et efface les autres autour, toujours plus intrigante au fur et à mesure qu'il la regardait.

Peut-être que c'était cela, tomber amoureux. Sans s'en rendre compte, une personne devenait soudain importante et brillait plus fort à nos yeux.

En revenant dans la Salle Commune ce soir-là, il était épuisé. Toute la fatigue accumulée lui retombait dessus. Son lit lui criait de le rejoindre mais c'était sans compte Elijah et Julia qui l'attendaient de pied ferme sur les canapés.

- On doit te parler avant que tu ailles te coucher tout habillé, Wini'.

- Je ne vais pas me coucher tout habillé.

- Vu ta tête, je n'en serais pas si convaincu, se moqua Julia en jetant un œil par-dessus son livre.

À contrecœur, en baillant comme s'il n'avait pas dormi depuis des mois, Erwin vint s'installer en face d'Eli'. Celui-ci sembla renoncer à sortir son plateau d'échecs tout en étouffant un rire peu discret. Si Erwin n'avait été aussi épuisé, il aurait sorti lui même le jeu de société pour prendre sa revanche.

- Bon, Wini', j'espère que tu es bien assis. McIntosh et moi, on a décidé d'établir un contrat de paix.

Erwin fronça les sourcils. Il ne voyait pas trop où Elijah voulait en venir.

- Ne fais pas cette tête, j'ai l'impression de parler français. Ça me vexe.

- Je ne ferai pas cette tête si tu me parlais français, assura Erwin. Je suis le premier né d'une énième génération d'une famille d'aristocrate : j'ai appris à parler français avant même d'apprendre à écrire. Tu es un Croupton, tu ne me feras pas croire que tu n'as pas subi la même chose.

- Si, justement. Mais contrairement à toi, je n'ai jamais rien retenu. Puis soyons sincères : le français, c'est trop compliqué. Je n'ai jamais compris comment on pouvait savoir si tel ou tel objet était masculin ou féminin. La seule chose dont je me souviens c'est « Bonjour, je m'appelle Elijah Croupton. Pourriez-vous m'indiquer où se trouve la gare la plus proche ? ».

Erwin gloussa. L'accent britannique d'Eli' ressortait encore plus lorsqu'il parlait une langue étrangère.

- Si tu te moques de mon accent français ridiculisé parce que j'ai vécu à Londres toute mon enfance, je te rappelle que tu as un accent irlandais à couper au couteau, même quand tu parles anglais.

- Mais je suis très fier de mes origines irlandaises, Eli'. Contrairement à d'autres qui rejettent leur famille alors que c'est une des familles sorcières les plus prestigieuses d'Angleterre. Moi au moins, je porterai toujours fièrement le nom de mon père.

- Je t'ai déjà dit pourquoi je me détache d'eux, soupira Elijah. Puis, je ne m'en vais pas totalement. Je n'ai pas oublié mon futur héritage, tu sais.

Peut-être était-ce la fatigue, peut-être était-ce l'adrénaline qui lui restait du début de soirée, peut-être était-ce le coup de froid qu'il avait probablement attraper en restant dehors la nuit alors que l'hiver se terminait à peine, peut-être était-ce que le clin d'oeil qu'Elijah avait ajouté, peut-être était-ce un peu un mélange de tout cela. Mais le fou rire inarrêtable qu'Elijah et lui étaient en train d'avoir était un soulagement. Il se demandait même si lui et son meilleur ami avaient déjà ri autant dans le passé.

Alors qu'ils essayaient de reprendre leur souffle, plié en deux pour faire passer le mal au ventre occasionné, en faisant tout pour ne pas croiser le regard de l'autre pour ne pas faire redémarrer leur hilarité qui finirait par réveiller tous les dortoirs, Julia prit la parole sans pour autant lever les yeux de son grimoire fétiche :

- Bon, les aristos, ce n'est pas que j'ai envie d'aller dormir mais cette discussion a dérivé et vos histoires de famille et d'accents ne m'intéressent pas des masses.

- Explique-lui toi-même, McIntosh. C'était ton idée, quand même.

- N'importe quoi, grogna Julia en levant les yeux au ciel. Bon, Erwin, Croupton vient de te dire qu'on avait établi un contrat de paix. Pose tes questions maintenant si tu en as parce qu'après, je vous laisse rire des sommes d'argent qui reposent dans les comptes Gringotts de vos familles qui vous apprennent le français pour rien.

Erwin avala difficilement sa salive et inspira profondément pour faire passer le rire qui le reprenait depuis quelques secondes. Sans regarder les yeux de sa meilleure amie pour ne pas repartir, il articula :

- Je ne comprends pas le principe de « contrat de paix », tout simplement.

- Tu vois à quoi ont ressemblé chacun de tes repas, de tes voyages, des tes soirées, de tes journées, de tes sorties à Pré-au-lard à chaque fois que tu étais à la fois avec Croupton et moi ? Et bien, on a décidé de t'enlever ce poids de tes épaules et de ne plus se faire la guerre à chaque fois qu'on est à moins de deux mètres l'un de l'autre. Par contre, je te rassure, j'ai posé mes limites quand il a proposé qu'on soit plus courtois en s'appelant par nos prénoms.

- Pardon ?

Erwin ne voyait plus quoi dire. Son hilarité brusquement disparue, il n'arrivait pas à comprendre. Après des années à se battre, Elijah et Julia décidaient d'arrêter ? Comme ça, sans raison ? C'était étrange et suspect.

« Quand Elijah et Julia auront enterré la hache de guerre, je le ferai. Autrement dit, quand les Botrucs seront devenus inoffensifs. »

- Par Merlin, qu'est-ce que vous avez fait aux Botrucs ?

Ses deux amis le regardèrent avec des yeux de merlans frits, l'air de se demander pourquoi il se mettait à sortir des phrases aléatoires.

- Laissez tomber, je ne cherche plus à comprendre comment vous fonctionnez. Après, si je peux éviter les lancers d'insultes – ou de fourchettes – à sept heures du matin tous les jours, je vous donne ma bénédiction. Je n'ai pas besoin de savoir les clauses de votre contrat. Ça fait sept ans que j'attends l'armistice, je ne vais pas m'en plaindre.

***

Il n'avait pas dormi aussi bien depuis si longtemps qu'il était incapable de se rappeler de quand était la dernière fois. Le dortoir était étrangement silencieux. Au travers de ses baldaquins fermés, Erwin ne percevait ni le ronflement singulier de Romeo ni les mouvements agités d'Elijah.

Détendu, son corps à la température parfaite, un peu lourd, Erwin refusait de bouger d'un iota pour le moment. Il poussa un soupir de confort. C'était donc ça, le sommeil, le vrai. Il se serait bien rendormi mais ses yeux ne se fermaient plus. Étrangement, il ne se souvenait même pas s'être réveillé en sueur au beau milieu de la nuit. Pas l'once d'un rêve étrange, de souvenir effrayant ou de cauchemars ne lui revenait en tête. Satisfait, il étouffa un baillement reposé.

La soirée de la veille lui revint en mémoire, lui arrachant d'abord un sourire, vite transformé en grimace. Maintenant qu'il revoyait les images à tête reposée, il se demandait ce qui lui avait pris de rentrer dans le jeu de Dumbledore. Les sensations incroyables lui manquaient déjà, certes. Et sentir son coeur s'emballer rien qu'à la pensée des yeux pétillants du Gryffondor confirma à Erwin qu'il avait peut-être bien des sentiments pour lui.

Mais pourquoi ? Il n'avait jamais vu un garçon en aimer un autre, ça ne devrait pas être normal. Ses parents lui avaient toujours demandé s'il s'était trouvé une future fiancée, pas un. Pourtant, tout avait été si naturel... Et Dumbledore n'avait pas semblé se poser ses questions. D'ailleurs, Erwin non plus ne s'était pas interrogé sur le coup.

Tout le monde savait qu'Albus était un excentrique donc si les autres venaient à apprendre qu'il embrassait des garçons dans la tour d'astronomie une fois le couvre-feu passé, ça ferait scandale mais tous passeraient vite à autre chose. Mais si c'était d'Erwin dont on venait à parler ? Est-ce que les gens lui trouveraient une excuse valable ? Est-ce qu'Eli' voudrait toujours bien lui parler ? Il n'avait pas trop de doutes sur Julia, elle était devenue son amie justement car il ne la voyait pas comme une potentielle fiancée comme tous leurs autres camarades. Alors si en plus il lui avouait qu'Albus Dumbledore brillait bien plus dans le ciel qu'elle, elle serait rassurée. Il ne faudrait peut-être pas qu'il lui dise comme ça tout de même...

- Argh ! fit-il, frustré en attrapant son visage dans ses mains.

Voilà qu'il s'imaginait l'avouer, au moins à Julia. Mais qu'est-ce qui lui prenait ? Deux garçons qui s'aiment, c'était anormal. Et bien que tout son corps lui crie qu'il avait trouvé sa voie et que l'idée ne lui avait jamais paru ahurissante, rien que savoir que ses amis pourraient lui tourner le dos en apprenant cela le dégoûtait et l'attristait.

Essayant de retrouver la félicité qu'il avait éprouvé au réveil, il s'assit sur son lit et ouvrit les rideaux de son baldaquin. Dehors, le jour était levé depuis plusieurs heures. Il n'y avait personne dans le dortoir. Surpris d'avoir raté le petit-déjeuner, Erwin s'habilla en vitesse et monta dans la Salle Commune.

- McIntosh est partie courir autour du lac, l'informa Elijah en lui tendant une tartine de marmelade. Tiens, j'ai pu te ramener ça de ce matin. Dans ma grande bonté, j'ai décidé de ne pas te réveiller et j'ai fait en sorte de suffisamment menacer Romeo pour qu'il en fasse de même, je pense qu'il était prêt à te jeter de l'eau à la figure pour te faire te lever.

Erwin lui adressa un sourire reconnaissant et savoura la tartine du mieux qu'il pouvait. Il ne put empêcher un long soupir relaxé de sortir. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas autant profité juste en ne faisant rien.

- Ça te va bien de bien dormir, commenta Elijah. Tu devrais essayer plus souvent.

- Je vais à Pré-au-Lard avec Dumbledore demain. Si ça ne vous dérange pas.

- Ça n'a rien à voir, tu as vraiment un don pour échapper aux conversations que tu n'apprécies pas. Mais pas de problème, je dois travailler de toute façon. Je ne sais pas ce qu'en pense McIntosh mais à mon humble avis, elle va préférer son livre à toi – et tant mieux parce que je n'en peux plus de l'entendre geindre à chaque fois qu'elle doit s'arrêter de lire avant chaque cours. Mais si c'est ce que tu veux, il n'y a vraiment pas de soucis. Tu sais, en général, c'est toi qui es plus inquiet que nous.

Erwin haussa les épaules. Certes, il avait peut-être tendance à faire valider plusieurs fois chacune de ses envies pour être sûr qu'elles ne dérangent personne mais il savait où cela avait pu mené, bien qu'Elijah ne lui ai jamais fait la remarque en face.

« Je sais comment il fonctionne et j'ai pu voir quelles différences il faisait entre toi et moi ». Cette phrase qu'Eli' avait dite à Julia le hantait toujours par moments. Bien qu'il ne fut pas censé l'entendre et qu'Elijah ne lui ai jamais fait quelconque reproche, Erwin essayait tant bien que mal de se rattraper comme il pouvait. Et en faisant passer les désirs de son meilleur ami avant les siens, il estimait se racheter un petit peu.

C'est ainsi qu'il se retrouva à Pré-au-lard le lendemain, accompagné par un Dumbledore aux anges. La conversation était presque à sens unique et pourtant, Erwin devinait que cela ne gênait pas le Gryffondor. Puis ce qu'il lui disait sur l'alchimie était tout de même très intéressant, ça pourrait leur servir en cours. Au fur et à mesure qu'ils avançaient ensemble, Erwin se surprit à délier sa langue, à répondre, raconter quelques anecdotes sur son enfance ou sur son village. Ils passèrent chez Galilée et rencontrèrent le petit Atlas. Erwin fut surpris d'à quel point un bébé pouvait être petit.

Lorsqu'ils se dirigèrent vers la forêt, Erwin se sentait un peu moins serein. C'était là qu'Orkan était apparue les dernières fois. Mais cette fois-ci, rien ne se passa. Alors, même si une plaque d'eczéma était réapparue sur son bras gauche, Erwin se sentait bien. Il s'assit sur un rocher froid et sortit son violon miniaturisé de sa poche. Un sourire lumineux éclaira le visage d'Albus et Erwin se mit à jouer. Sous ses doigts, les cordes usées lui rappelaient qu'il devrait passer chez le luthier pendant les prochaines vacances. La mélodie chantait avec les oiseaux et le ruissellement de l'eau, le printemps était bien là.

Sur le chemin du retour, Erwin se demanda comment il avait pu penser un seul instant que ce n'était pas normal. Tenir la main chaude d'Albus quand ils n'étaient que tous les deux, s'embrasser au bord du ruisseau, partager une bièraubeurre aux Trois-Balais... Même à l'abri des regards indiscrets, ça lui semblait exceptionnel. Son ventre n'avait pas cessé de faire des cabrioles au moindre contact – et pour une fois ce n'était pas parce qu'il était inquiet pour Zephyr.

Ils se quittèrent lentement, un dernier baiser dans un recoin des jardins du château avant de partir chacun de son côté. Pour plus de sécurité, Erwin partit le premier. Le hall d'entrée était presque vide, à l'exception de deux petites têtes qu'ils reconnaissaient très bien.

- Ah, Erwin, on te cherchait ! Par Merlin, tu rentres tard ! Zephyr a disparu, personne ne l'a vu depuis ce midi !

Le coeur d'Erwin lui tomba dans la poitrine. Tout le bien-être accumulé depuis deux jours s'envola, laissant à la place à un paquet d'angoisses. Il vit à peine Albus rentrer à son tour et l'interroger du regard. Instantanément, son réflexe fut de gratter son eczéma à vif. Puis de se tourner vers Hélios et Robbins, pâles et stressés.

La respiration saccadée, il leur marmonna une instruction puis courut jusque la Salle Commune. Là, il jeta son manteau et son écharpe sur les canapés puis chercha d'un regard affolé Elijah et Julia.

- Vite ! les informa-t-il. Zeph' a disparu depuis ce midi, Robbins et Hélios ne l'ont pas vu depuis.

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