Le vent se lève
Les yeux clos, l'air marin me chatouille les narines. Mon cœur bat un peu trop vite. J'ai peur. J'ai juste envie de crier. Au bord du gouffre, autant physiquement que mentalement. Je suis à bout, la vie me ronge de l'intérieur, je veux en finir. Maintenant. Je prends une grande inspiration. Sans doute l'une de mes dernières.
- Tout va bien ? m'interromps une voix.
Et merde.
- Tout va bien ? reprends l'inconnu, avec une pointe d'inquiétude dans la voix.
Je rouvre les yeux. Je me retourne. Re-merde. L'inconnu me dévisage, les sourcils montre sa peur. Il doit avoir mon âge, aux alentours des seize ans. Il est beau.
Je ferme brièvement les yeux, honteux. Je le regarde à nouveau, et acquiesce. Alors que je passe devant lui pour m'enfuir, il me retient par la manche.
- Laisse moi te donner ton numéro, juste au cas où.
Je soupire, il a compris. Pas besoin de mots, il connait mon intention. J'allume mon téléphone et le met à la bonne page, il créer sa fiche contacte. Il prend son temps alors que je voudrais juste être six pieds sous terre. Littéralement. Il me le rend, et je jette un coup d'œil a ce qu'il a inscrit. Jun. Dans d'autres circonstances, je l'aurais remercié, un joli garçon qui me donne son numéro relève du miracle. Mais là, j'ai juste envie de partir en courant pour fondre en larmes, et me retrouver seul.
- Prends soin de toi, ajoute-t-il avec un gentil sourire, et n'hésites pas.
Je lui tourne le dos, et fuis, loin, très loin.
***
Quand j'arrive à la maison, je cours vers ma chambre, me jette sur mon lit, et enfouie ma tête dans mon oreiller. Oh. Mon. Dieu. Je n'arrive plus à discerner mes émotions, il y a sans doute de la honte, mais le reste est confus. Je ne veux plus jamais sortir de mon lit. Jamais. Les larmes me montent aux yeux.
Il a compris. Il a compris mon intention. Il a compris que je voulais en finir.
Il a contrarié mes plans, je le déteste pour ça, et je me déteste de m'être mis dans cette situation. Comme toujours, j'en revient à me détester, ou encore plus fort : me haïr. Après la pluie le beau temps mais l'inverse est aussi vrai. J'ai une pensée pour l'enfant souriant que j'étais. Ou est donc passé cette joie ? Je crois que me suis fâché avec elle, qu'un lien s'est brisé entre nous deux. Et ce depuis trop longtemps. Il faut que j'en finisse avec la vie. J'ai trop souffert, trop subi. J'ai encore des flashs des rires à l'école. Ils reviennent me hanter la nuit dans mes cauchemars. Ils motivent mes idées noires. C'est aussi ce qui me motive à me lever pour me trainer jusqu'à la salle de bain.
Le plan A n'a pas fonctionné. Place au plan B.
Je sors une boite de cachets. Ceux de ma mère. Le regard inquiet du jeune homme de la falaise me revient en tête. J'en avale un. Je me rappelle sa main sur son épaule. Je dégluti à nouveau. Ses boucles qui tombent sur son front. Troisième gorgée d'eau. La peur me prend au ventre. Et si je faisais une erreur ? Je me fais face dans le miroir. J'ai juste envie de frapper celui que me renvoi mon reflet. Dix minutes, ou plus s'écoulent. Tétanisé, je me dévisage. Je n'ai plus le contrôle de mon corps, j'ai comme l'impression de tomber en attente du sol. Plus les secondes files, plus je m'attends a trouver le sol dans mon dos.
J'entends une sonnerie au loin. Puis une seconde. La troisième me tire définitivement de la déréalisation. Je ne pense même pas a consulté le message, je le déverrouille, cherche dans mes contacts un J, clique sur la fiche et n'hésite pas avant d'appeler. « N'hésite pas, m'avait-il dit ». Je serre les dents. La sonnerie s'éternise. S'il te plaît, réponds...
- Allo ? fais sa voix.
Je lâche un soupir de soulagement.
- Allo ? répète-t-il.
- Oui... je réponds tandis que je fonds en larmes.
Je tente d'expliquer ma situation, ce à quoi il répond :
- Où es-tu ?
***
Une vingtaine de minutes plus tard, la sonnette de l'appartement résonne. J'ouvre la porte, il se jette sur moi et me serre dans ses bras, contre son torse. Nous restons ensemble, comme ça, l'un contre l'autre.
Je relève la tête et observe une larme couler sur une de ses joues.
- Tu n'es plus seul, lâche-t-il du bout des lèvres. Personne ne doit se sentir si seul...
Il ouvre les yeux et un sourire naît sur son visage.
- Moi c'est Jun, et toi ?
- Aris.
C'était un mois de juin.
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