Chapitre 6

Laura accompagna Miriam chez elle, puis se dirigea vers l'endroit prévu pour le rendez-vous. Il y avait tout juste près d'une heure, elle et sa camarade de classe avaient eu l'information de la part de ses parents au sujet de la date de son départ étant fixé désormais. La scène s'était déroulée dans la cuisine, tandis que les deux filles s'apprêtaient à prendre un goûter ensemble pour la première et dernière fois.

— Laura ? l'avait appelé sa mère, tendant sa tête dans la cuisine.

— Oui ? On va prendre un goûter, ça ne te dérange pas non ? avait répondu sa fille d'un air inquiet.

— Oh, oui bien sûr... Mais viens trois secondes avant dans ce cas. Nous avons quelque chose à t'annoncer.

Laura leva les yeux au ciel.

— J'imagine une mauvaise nouvelle ? Maman, j'y suis désormais habituée alors ne t'en fais pas, dis tout en face.

Sa mère avait soupiré et Laura et Miriam allèrent dans le salon, où étaient assis toute la famille, ainsi que Tama qui roulait sur le dos.

— Laura, nous avons fixé la date de ton départ, avait commencé son père d'une voix prudente.

— Ouais, en gros ce sera demain après-midi plutôt tard.

La mère et le père lancèrent à son frère insoucieux un regard rempli de reproches.

— Bah quoi ? De toute manière s'il faut qu'elle le sache, autant que ce soit rapide. Moi j'aurais préféré ça plutôt qu'un truc long de deux heures de votre part, avait marmonné son frère, ce qui lança une dispute entre eux trois.

— Franchement, tu peux faire des efforts !! Tu es plus grand qu'elle je te le rappelle !! avait hurlé sa mère sur son fils.

— Bah non, ce n'est pas par ce que je suis plus grand qu'elle que je ne la comprends pas. Je la comprends mieux je vous tous réunis !

— Ah oui ?

Laura avait alors pris Miriam du bras pour l'emmener dans sa chambre pour prendre le goûter calmement. Cette dernière semblait déboussolée face à cette réaction brutale de la part de sa famille plus que Laura elle-même. Car oui, la jeune malade n'étant guère surprise ni déboussolée, elle avait tout simplement soupiré lorsque la dispute commença de nouveau entre ces trois membres de la famille. Elle n'avait eu presque aucune réaction, comme si elle n'avait ressenti aucune frustration ou sentiment quelconque. Cependant, tout cela n'était qu'une simple pensée. Oui, bien évidement qu'elle avait senti son cœur se serrer lors de cette nouvelle si brutalement survenue. Elle s'en voudrait presque de ne pas s'y être préparée. Mais elle n'en rapprochait rien à son frère, autant qu'à ses parents. Rien n'était de leur faute, tout était de sa faute à elle. C'était elle qui était malade, et qui causait tant de soucis et de disputes au sein même de sa famille. Elle s'était donc assise au fond de son fauteuil, tandis que sa camarade s'asseyait de nouveau par terre, en silence.

Après un long silence, ce fût Miriam qui le brisa la première.

— Bonne chance et bonne continuation Laura. Si tu dois partir demain après-midi, je ne veux pas te gêner pour tes derniers préparations et adieux à ta famille. Profite à fond ce précieux moment, et à un de ces jours j'espère, avait-elle dit d'une voix sincère.

C'est à ce moment-là, que Laura comprit. Miriam était devenue une amie. Ou même, une bonne amie précieuse, puisqu'elle était la seule à tout savoir à son sujet, ainsi que la première ormis ses parents. Elle eut honte en repensant à ses premières pensées en la rencontrant. Elle ne voulait pas d'elle, elle ne voulait pas parler avec une nouvelle. Mais non, elle avait tort. Même si elle était nouvelle, au fond-elle, Miriam semblait être la première personne de la liste auquel Laura raconterait toute sa vie et ses problèmes. Elle se promit donc de ne jamais abandonner cette nouvelle amie. Quel que soit l'endroit où elle soit. La distance ne comptait rien en cette matière. Elles auraient beau habiter de l'autre côté de la Terre, elles auraient été de très bonnes amies. Dommage qu'elle devait partir si tôt, songea Laura, soudainement amère.

A présent, après ses brefs adieux à sa nouvelle amie, Laura marchait devant l'église en frissonnant. On avait beau être en septembre, l'air était toujours glacé ici dans le coin. Surtout si l'on est à la l'orée de la ville. Une longue route sortait de la ville depuis l'endroit où se tenait Laura et l'église du point de rendez-vous. Cette route, se séparait en deux branches un peu plus loin. D'un côté, le chemin se dirigeait droit vers des montagnes, tandis que l'autre débouchait sur une autre ville, plus grande. C'était là qu'attendrait le train du destin de Laura, demain. On pouvait compter près de trente minutes pour arriver à destination, ce qui laissait largement le temps à la malade pour observer une dernière fois le paysage.

D'ailleurs, pourquoi pensait-elle au fond d'elle-même, la dernière fois ? Ce n'était sûrement pas la dernière fois, puisqu'elle y retournait certainement en hiver à Noël, ou pendant les vacances. Sauf si, bien entendu, son état s'aggravait, et dans ce cas, elle ne pourrait pas quitter l'hôpital. Mais sa maladie ne pouvait pas être si grave, et s'aggraver aussi facilement, si ? Elle n'avait jamais eu de cas grave jusqu'ici, sauf dans sa plus jeune enfance. A cette époque-là, elle avait passé carrément le nouvel an à l'hôpital, et sa famille fût donc contrainte de passer elle aussi cette fête de fin d'année au même endroit que la fille.

Laura cru un instant qu'elle allait rester gelée sur place toute sa vie, jusqu'à ce qu'elle voie la silhouette peu distincte d'une fille courant vers elle. Louise, songea-t-elle. Elle regarda l'horloge de l'église. Il restait cinq minutes à attendre avant que Jade n'arrive. Et si elle n'arrivait pas, elle ne pourrait pas rester plus longtemps, elle devait rentrer chez elle. C'est pour cela que Laura s'était munie d'une simple veste légère. Elle n'attendrait pas plus longtemps que prévu, tant pis pour elle si elle n'arrivait pas.

— Laura ! Comment vas-tu ? Tu n'étais pas là aujourd'hui... Est-ce que c'est par rapport à ta maladie ? lança son amie d'un mine inquiète.

Et elle semblait vraiment inquiète, très sincère, ce qui mit mal à l'aise Laura. C'était tout ce qu'elle aurait voulu éviter. Inquiéter ses amies.

— Je te le dirais à 15h pile. Et si Jade n'arrivait pas, je n'attendrais pas plus longtemps. Je te dirais donc ce que j'ai à te dire, et tant pis pour Jade. Tu pourras lui dire si tu le souhaite.

— Oh, elle arrivera, j'en suis convaincue, assura-t-elle alors.

Seuls ses yeux trahissaient son expression : elle n'en était pas convaincue d'elle-même. Pendant ces dix minutes restantes, les deux amies parlèrent de tout et de rien. Cependant, l'ambiance était légèrement différente de d'habitude... L'air tendu, moins de rires...

Tandis qu'elles parlaient de ce qui s'était passé aujourd'hui, les cloches de l'église sonnèrent à tout allure. Des petites cloches sonnèrent à tout rompre, irrégulièrement. Ensuite, tout s'arrêta, et la plus grande cloche, le bourdon, sonna lourdement. Une fois. Deux fois. Puis trois. Et quatre, cinq, six, sept, huit, neuf. Et enfin, une dernière et dixième fois.

Louise regarda aux alentours comme pour chercher son amie, mais celle-ci n'était pas au rendez-vous.

— Pourquoi est-elle toujours en retard !! se plaignit Louise en croisant ses bras d'un air contrarié.

— Ce n'est pas grave, répondit la malade en haussant les épaules. Si tu as envie, tu pourras le lui dire demain quand tu la verras.

— Mais toi demain tu ne viendras pas à l'école encore ? s'étonna-t-elle alors.

Laura hésita longuement comment aborder le sujet si délicat qu'il ne l'est.

— Viens, on va marcher.

Son amie la suivit sans mot dire, le regard plus que jamais inquiet. Laura ne savait pas elle-même où elle la conduisait, car elle réfléchissait à ce qu'elle devait lui dire. La voyant tergiverser ainsi, ce fût Louise qui prit la parole la première.

— Laura, où m'emmènes-tu ? Prends ton temps, je resterais près de toi jusqu'à ce que tu sois prête.

Celle-ci sentit son cœur se réchauffer. "Bah oui, comment oses-tu tergiverser ainsi ? c'est ta meilleure amie, vas-y aussi directement que ton frère et l'affaire sera terminée."

Laura croisa le regard de son amie.

— Louise, je suis venue ici pour te parler d'une chose importante. Cette nouvelle va changer toute ma vie. Avant de tout commencer, je voulais te dire que tu m'as été plus importante que n'importe qui. Et je ne l'oublierai jamais. Où que j'aille.

Son amie se retint de répliquer quelque chose, et l'écouta sans protestation. Seul son regard trahissait sa surprise.

— Tu sais, dans de moments difficiles, tu as toujours été là. Mais maintenant, tout va changer. J'imagine que je n'aurais même plus le temps de songer à toute l'amitié qui m'a été accordé.

Laura rit doucement.

— Je vais partir loin de toi, loin de tout le monde. Avec Tama. Je serais quelque part, sans aucune de vos nouvelles, à cause de cette maladie. Ici, l'hôpital est si petit qu'il en risquerait ma vie selon les médecins et mes parents. Personnellement, je n'en sais rien et ça m'étais égal. De toute manière, je suis différente des autres alors à quoi bon vouloir rester ici ou partir ? Rien n'y changera. Je voulais donc juste te dire...

Elle sentit une boule se nouer dans la gorge.

— Qu'où que je sois, je n'oublierais jamais ces moments passés. Mais je m'en vais, je dois y aller. J'espère que ça ne te rendra pas triste, et qu'on se reverra très bientôt ! Cependant, ne le dis à personne d'autre. Je hais que les gens sachent tout à mon sujet. Promis ?

Son amie de toujours ne répondit pas. Elle la regardait d'un air abasourdit, la bouche bée, muette comme une carpe. En voyant la mine de son amie, Laura éclata de rire.

— Ne fais pas cette tête ! Je ne pourrais même plus partir maintenant !

Louise ferma sa bouche et ses yeux. Secouant lentement sa tête comme pour tout oublier, et prit les mains moites de Laura, et la secoua vivement, les larmes coulantes le long de ses joues. En voyant cette scène, la jeune malade ne sût que dire. Elle soupira, et se mêla à sa meilleure amie. Elles pleureront ensemble, comme toujours.

— Tu nous manqueras Laura. Prends bien soin de toi, et je te souhaite un bon courage et un bon vent, finit-elle par dire, sans que ses larmes s'arrêtent.

Laura acquiesça d'un signe de tête. Le soleil brillait moins que d'habitude, les nuages étant gris. Il va pleuvoir. Oui, même le ciel pleure pour Laura. Car bien loin de là, une autre vie l'attendait. Une vie, dure ou facile, elle n'en savait rien. Mais elle savait une seule chose : elle reviendrait un jour.  

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