Chapitre 30
— Laura Perrot, de France !
La salle fut remplie de nombreux applaudissements, encore plus denses que lors du dernier tour. Laura leva la tête, et s'avança d'un pas assuré sous l'éclat de la lumière venant des projecteurs. L'instrument précieux dans sa main, la dernière finaliste de la catégorie marcha rapidement vers le centre de la scène, le chef d'orchestre la suivant juste derrière elle. Les applaudissements ne s'arrêtant pas une seule seconde, Laura salua son public, le regard et le sourire pétillant.
Une fois le public rendu au silence profond, Laura prépara son violon et commença à l'accorder, la tête à demi ailleurs. Elle portait une robe noire brillant d'éclat sous les projecteurs, ainsi qu'un instrument lui allant à merveille. Elle se retourna pour regarder le chef d'orchestre et le premier violon, et acquiesça comme pour leur donner signe qu'elle était prête.
Dirigé par le chef d'orchestre, les cordes de l'orchestre commencèrent à jouer. La mélodie du concerto numéro cinq de Mozart, le génie, voltigeait dans toute la salle, remplissant le cœur des personnes assistant à la finale d'une humeur apaisante. Le chef regarda Laura pour lui dire, que c'était à elle de changer le cœur des jurys et du public.
Laura ferma les yeux, et écouta attentivement le silence qui suivit les derniers accords de l'orchestre. Un long son aigu, lent, puis un deuxième, et un troisième, sortit du bout de l'archet de Laura. La mélodie lui donnait tant de frissons en jouant ! Elle se sentait plongée dans un tout autre univers, son seul et unique monde que personne d'autre ne pourrait le connaître de lui-même. Laura sourit en reconnaissant son passage favori si joyeux. Elle discutait, le cœur léger, avec tout l'orchestre, avec chaque instrumentiste ici présent. Tout son corps dansait à mesure que la musique continuait, son expression comme transportée dans les cieux. Elle avait dix minutes pour savourer cet instant.
Tragique, mais joyeux. Pourquoi le compositeur était-il si contrastant émotionnellement ? Mais Laura le comprenait parfaitement. Elle aussi avait vécu les mêmes épreuves. Le joyeux était un moment inoubliable, autant que le tragique. Lorsque l'on est dans un état tragique, triste, émotionnellement à moitié mort, cela donnerait à un nouveau jour encore plus joyeux. Il n'y a pas de soleil sans orage !
Ses doigts virevoltants sur la manche de son instrument auquel elle s'était si bien adaptée depuis l'apparition de sa professeure, de ses nouveaux amis, et toute sa nouvelle vie, Laura se remémorait de tous les souvenirs, comme pour ne pas les laisser échapper.
Elle remarqua alors qu'elle se retrouva seule à jouer, l'orchestre s'étant arrêté net. La Cadenza !
Elle chanta, et raconta toute son histoire, elle pleura avec son violon, pour les autres personnes venues l'écouter. Tous les yeux étaient rivés sur elle et son instrument, mais Laura n'en avait pas peur, et n'y prêtait guère attention.
Un accord accompagné d'une mélodie, suivis d'un trille, et Laura tendit le bâton de la musique à toute l'orchestre après avoir dit son tout dernier mot.
Le cœur battant à tout rompre, et les membres tout tremblants, la violoniste finaliste releva sa tête, après ce premier mouvement terminé. La salle fut remplie de nouveau de chaleureux applaudissements, d'autant plus convaincants qu'à son arrivée sur scène. Elle crut voir du sourire sur le visage des jurys, et des spectateurs.
Elle entendit d'autres applaudissements plus résonnants juste derrière elle, et faillit sursauter. Laura se retourna en vitesse vers l'orchestre, et s'approcha du chef d'orchestre qui lui tendit un bras chaleureux.
— Bravo, bien joué ! lui lança-t-il avec un sourire radieux.
Laura lui répondit avec des yeux pétillants de joie. Elle le sentait, elle avait fait le mieux qu'elle le pouvait. Lorsqu'elle passa devant le premier violon de l'orchestre, elle saisit de nouveau sa main en le remerciant.
Elle marcha donc vers la loge, une personne lui ouvrant la porte en applaudissant.
C'était donc ça, réussir sur scène...
"Les résultats seront délibérés en fin de journée" leur avait dit la personne de l'accueil. Laura s'était donc dépêchée de retrouver son amie l'attendant à la sortie de cet endroit. Lorsqu'elle vit son amie dans son champ de vision, Valentine accourut vers elle, les bras grands ouverts.
— Bravo ! C'était super, tu as bien géré ! lui dit-elle en lui criant à demi.
— Merci !
Laura se sentait dans les nuages, des ailes lui poussant dans le dos.
— Tu veux qu'on marche un peu en attendant les résultats ou tu veux écouter les autres finalistes des catégories ? lui demanda Valentine en penchant sa tête.
Laura hésita longuement. Devait-elle les écouter, ou bien pouvait-elle partir de là... ?
— Je... pense que je ne vais pas écouter les autres... Par ce que...
— Sinon ça va te stresser ? la coupa son amie. Oui je sais, je me le suis dit aussi.
Laura laissa échapper une lueur de surprise, mais se ravisa rapidement à lui répondre.
Ainsi passa sa journée, et la dernière heure vint à une vitesse hallucinante. Et ce fut à cette dernière heure, que Valentine ouvrit pour la première fois la bouche pour se confesser auprès de son amie.
— Mmm... Tu sais ? Je pense que tu t'es souvent posée des questions à mon sujet lorsque je changeais d'expression... Même dès le jour où je t'ai fait visiter près de l'Opéra Garnier, tu te souviens ?
Laura hocha la tête, l'écoutant attentivement.
— En fait, tu as sûrement dû voir que... J'ai un peu guéri, bien entendu, mais que je n'ai jamais parlé de ma maladie, non ?
— Je ne sais pas si tu as été assez intelligente pour le remarquer, mais... je ne suis pas vraiment malade.
Un long silence froid interrompit la discussion. Laura ne comprit rien à ce que disait Valentine. Comment ?
— Ce n'est pas vraiment une maladie, c'est juste que j'ai l'esprit tourmenté depuis longtemps...
— Quand j'étais petite, j'ai toujours été proche de mon père dans ma famille, plus que n'importe qui, commença-t-elle à raconter. C'est aussi lui qui m'emmenait un peu partout pendant le week-end. Et il m'a fait découvrir la musique un jour, en allant à l'Opéra Garnier à Paris !
— On a écouté un opéra de Mozart, un des plus connu, la flûte enchantée. C'était si beau, magnifique !! La nuit de ce jour, je n'ai pas réussi à m'endormir. La musique me restait encré dans ma tête. Et le jour suivant, j'ai décidé de commencer la musique classique. Mon père a été absolument heureux de l'apprendre ! Mais ma mère, n'a pas été de cet avis-là.
Son regard s'assombrit peu à peu, à ses évocations de ses propres souvenirs d'enfance.
— Mais mon père m'a toujours soutenu durant tout le long de ma enfance. J'ai donc commencé à faire de le hautbois, sous le regard noir de ma mère. Ces journées de rêves se sont interrompues tantôt, rapidement...
Laura vit son amie se pincer les lèvres pour ne pas pleurer.
— Mon père est mort dans un accident de voiture, vois-tu... Et...
— Depuis ce jour, j'ai du vivre avec ma mère... Mais ma vie était une vie sans mon père que j'aimais tant, et sans musique... Car oui, ma mère n'a pas voulu que je continue la musique... C'est donc comme ça, que ce court instant de musique s'est achevé. Le cœur encore bouleversé car je n'avais que dix ans, ma mère a fini par m'envoyer ici, car je n'arrivais plus à tenir en place chez moi. Il y a tout ce qui restait de mon père et de mes plus beaux souvenirs, et... c'est pour cela que je ne pouvais plus rester là-bas.
Elle respira un bon bol d'air, sous le regard bien veillant de son amie violoniste.
— Mais maintenant, je suis contente que tu es choisie cette voie. J'espère que tu feras tout pour t'amuser à ma place, car moi je serais toujours là à te suivre durant tes concerts ! s'écria-t-elle en regardant Laura des yeux joyeux. Peu importe le résultat d'aujourd'hui, tu as réussi à me faire plaisir, moi, et toutes les autres personnes. Alors ne panique pas, tout se passera bien pour toi.
Laura ne put se contenir d'éclater de rire en voyant la mine contrastante de sa meilleure amie. Pour elle aussi, le simple fait qu'elle souriait lui faisait plaisir. Et le fait qu'elle s'était ouverte, à elle, lui faisait sourire intérieurement.
— Allons-y, c'est sûrement l'heure, conclu Valentine en regardant sa montre.
Les deux amies se levèrent, et se dirigèrent le cœur plus léger vers la salle de concert où elles entendraient les résultats du concours...
valentine histoire dure
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