Chapitre 28

Laura se réveilla le jour suivant de bonne heure, l'esprit encore dans les nuages. Elle n'arrivait pas à le croire. Elle passait son premier concours, sa toute première grande scène ! Elle se tourna vers son réveil donné par sa mère, et vérifia qu'elle n'était pas en retard comme à son habitude. Huit heures. Cela devrait aller.

Elle se leva durement après un long et profond sommeil bien mérité, et s'étira en décrochant un grand bâillement. La fillette resta assise sur son lit, pensive. Comme allait être son interprétation ce jour-là ? Elle avait peur. Mais aussi, elle avait très hâte. Hâte d'être sur scène, hâte de pouvoir montrer aux autres sa musique. Elle était confiante, elle était sûre de faire de son mieux.

Après un léger petit déjeuner, Laura remonta quatre à quatre les marches de l'escalier pour prendre ses affaires en silence (car Valentine dormait encore dans son lit). En sortant, elle n'oublia pas de vérifier que son chat dormait tranquillement dans sa caisse.

Arrivée en bas, elle attendit sagement que sa professeure de violon vienne la chercher avec sa voiture rouge, comme le jour d'avant. Quelques minutes seulement passèrent jusqu'à ce que cette dernière fasse son apparition devant la Laura trépignant d'impatience. Elles se saluèrent rapidement, et Mme. Friedhoff invita son élève à prendre place dans sa petite voiture. Durant le trajet, la conversation fut très pauvre qu'à l'habitude, avec le stress sûrement.

— Bon. Es-tu prête Laura ? Tu as bien dormi cette nuit je l'espère ? lui avait-elle demandé au tout début du trajet.

Laura lui avait bien entendu répondu, mais la discussion s'en était arrêté là jusqu'à leur arrivée à la salle où concourra Laura, ainsi que tous les autres candidats.

— Ne sois pas effrayé, c'est plutôt facile d'aller droit devant soit qu'il ne le parait. Amuse-toi, tu dois rêver comme tu le sens au moment précis ! Fais et choisit juste ce que tu veux, et avances. Donnes tout surtout !

Laura remercia sa professeure du regard. Elle stressa davantage en arrivant tout près de cet endroit, d'autant plus qu'elle se rappelait de beaucoup de choses qui s'étaient déroulées hier, après le petit discours des jurys du concours. La concurrente avait obtenu une petite salle afin de travailler dans de meilleures conditions que chez elle à l'internat. A ce moment-là, elle était passée devant de nombreuses autres portes identiques, menant à d'autres salle de travail. Et dans chacune de ces salles de travail, se trouvaient chacun des candidats du concours, de toutes les catégories d'âge. Laura en avait profité pour les écouter, afin de mieux voir le niveau général. Mais elle en regretta rapidement. Plus elle les écoutait, plus sa peur s'agrandissait. L'estomac noué de peur, le chemin jusqu'à sa salle lui parut longue, presque éternelle. Et la musique que jouaient les autres candidats lui semblait à demi céleste. Avait-elle ne serait-ce qu'une seule chance face à eux tous, elle, qui n'avait pas assez d'expérience comptable ?

Elle finit par trouver sa salle de travail avec succès, après une éternité de pensées la hantant les esprits, les oreilles bondissantes d'inquiétude.

Durant tout son temps prévu, Laura ne put travailler comme elle l'aurait voulu. Avant qu'elle ne puisse respirer un bon coup, on toqua à sa porte. Une dame en apparu, passant sa tête pour regarder la candidate.

— C'est à vous, dit-elle.

Laura trembla de tous ses membres. Serrant de ses mains moites son archet et le manche de son violon, elle acquiesça et s'avança vers la dame. Celle-ci lui tendit un sourire rassurant.

— Ne t'en fais pas, ne penses pas beaucoup trop, et amuse-toi. Ne stresse surtout pas, et fais comme tu veux sur scène, d'accord ? Fais en sorte de ne pas avoir de regrets après ta prestation. Les jurys sont très gentils, tu verras, la rassura-t-elle.

Ces mots tournèrent en rond dans la tête de Laura. Pourquoi stressait-elle ? Non, elle ne devait pas avoir de pression. Puisque cette fois-ci, elle le savait, elle avait travaillé comme prévu, autant que possible durant ces mois de préparation ! Elle ne pourrait pas avoir de regrets, puisqu'elle n'aurait pas pu faire mieux de toute manière. Elle donnerait tout ce qu'elle a en elle, et tout sera fini en un éclair.

Elles se dirigèrent dans un couloir, et la dame fit asseoir Laura sur un chaise, derrière la double porte menant à la scène. Laura vit ses jambes trembler sur la chaise. Respire... Calme toi...

Elle entendit la personne numéro quatre interpréter son dernier morceau. Cette personne terminait sur un morceau très vif, et virtuose. Oh mon dieu, comment vais-je les surpasser ?

Alors qu'elle crut entendre des applaudissements, la candidate la précédant sortit, le visage rayonnant.

— Alors, ça s'est bien passé ? lui demanda la dame à la candidate.

— Oui très bien ! répondit celle-ci, confiante.

Comment ont-ils la force de savoir ce qu'ils font, et surtout, d'être sûr d'eux même ?

— Bon super, allez, à toi !

Laura faillit sursauter sur sa chaise. La numéro quatre lui sourit en lui lançant un "Bonne chance !", avant de partir, le pas léger.

Laura ne sut que faire, comme à son habitude. Aurait-elle dû lui répondre avec un "merci" ? Devait-elle faire de même au suivant ?

La dame ouvrit la porte menant à la scène, et Laura y pénétra un pied, suivit de l'autre.

Derrière la double porte, ne se trouvait pas directement la scène, mais l'arrière-scène. Ce n'était pâs très propre, mais Laura n'eut pas le temps de tout regarder avec attention que la dame la poussa vers la scène. La tête blanche comme une page vierge, la violoniste avança lentement, les jambes tremblantes, vers le milieu de la scène en bois. Le public était maigre, mais elle pu voir la longue table contenant les jurys, devant leur ordinateur ou leurs feuilles de notes. Celui du milieu, - le jury ayant parlé la dernière fois -, leva la tête vers elle en souriant.

— Bonjour, dit-il en jetant un coup d'œil à sa feuille.

Laura bredouilla un "bonjour" presque incompréhensible, et se mis en place. Elle sentait ne plus avoir le contrôle sur ses membres tremblants. Elle ne savait plus quand commencer, avant se voir la tête de sa professeure, la mine sérieuse.

Ne commence pas trop tôt, repensa-t-elle à ses paroles. Prends tout ton temps nécessaire. Quand tu es stressée, ton cœur bat plus vite, et ton tempo et tes respirations seront encore plus rapides et courtes qu'à ton habitude. Alors fais bien attention. Oui. Fais bien attention Laura.

Allez, du nerf ! Tu ne vas tout de même pas rester plantée là comme ça sans rien faire ? Tu ne réfléchis même pas à ton premier morceau, gloussa-t-elle seule dans son coin.

Elle jeta un regard vers les jurys. Ceux-ci n'étaient nullement pressés. Elle pourrait prendre encore plus de temps.

Laura installa son instrument sur son épaule gauche, et respira lentement.

Inspire, expire. Inspire, expire. Calmement. Tu ne vas tout de même pas rater ta scène juste pour ça !

Fermant les yeux, elle visualisa toute la partition soigneusement annotée par Mme. Friedhoff.

C'est bon. Je suis prête à y aller.

Elle leva son bras droit, plus calme qu'elle ne l'aurait pensé.

Les membres souples. N'oublie pas.

Elle respira un bon coup d'air de la salle, et se lança. Ses doigts bougeaient plus facilement que d'habitude. Peut-être était-ce par ce qu'elle s'était bien préparée et avait pris son temps avant de jouer ? Elle ne le savait pas. Mais tout ce qui était sûr à ses yeux, c'était le fait qu'elle s'amusait. Elle n'avait jamais eu cette sensation auparavant... Mais elle s'amusait. Danser, chanter, sourire, pleurer, se fâcher, avoir peur, toutes ses émotions, toutes ses expériences vécues jusqu'à présent, elle les mettait dans sa musique, maintenant. Il y avait des jours et des jours de préparation, mais qu'une seule scène. Elle ne pouvait pas le manquer, dans n'importe quelle condition.

Son programme long de dix minutes prit fin en un éclair pour Laura, tellement elle n'avait pas réfléchi profondément. C'est bien, d'être soi-même, songea-t-elle. Elle aurait ainsi espéré que les jurys l'auraient compris...

Après avoir salué le jury et le public sous les maigres applaudissements, Laura se dirigea d'un pas rapide vers la double porte, comme pour fuir les regards incessants.

La dame lui ouvrit la porte avant même qu'elle ne puise l'ouvrît soi-même.

— Alors, ça s'est bien passé ? lui demanda-t-elle, de la même manière qu'aux autres candidats.

Laura s'arrêta net dans ses pensées, le sang refroidit. C'est vrai, elle s'était amusée, mais avait-elle bien joué quand même ? C'était ça qui comptait surtout !

Prise sur le doute, elle lui répondit timidement qu'elle ne savait pas. La dame la scruta d'un regard curieux, avant d'inviter le prochain candidat à se préparer. Celui-ci lui lança un sourire.

— Bien joué ! lui lança-t-il d'une bonne humeur.

Laura ouvrit sa bouche afin de répondre quelque chose, mais aucun mot ne lui parvint à l'esprit. Que devait-elle répondre ? En marchant le long du couloir, Laura regretta tout de suite son attitude. Elle aurait dû lui souhaiter une bonne chance elle aussi comme tous les autres ! Non ? 

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