Chapitre 25

La "chose" qui avait définitivement réveillé Laura fût la proposition faite par Mme. Friedhoff lors de son deuxième cours du mois de décembre. Ce jour-là, Laura avait hésité. Longtemps, et durement. Mais une fois l'esprit entièrement vidé de toutes ces histoires, elle trouva son choix, très vite. Le sien propre, le choix qu'elle voulait à tout prix dès lors, quoi qu'il en advienne du reste de son avenir.

Une fois arrivée chez sa professeure de violon, son aînée s'était décidée à lui parler sérieusement au sujet de son avenir, une fois pour toute. Au lieu d'aller s'asseoir un peu plus loin afin de mieux écouter son élève jouer une première fois le morceau qu'elle lui amenait ce jour-là comme elle le faisait à son habitude, elle avait invité Laura à s'asseoir tranquillement autour de la grande table en bois du salon, sur l'une des quatre chaises en bois ressemblant parfaitement aux décorations de la table. Elle fit de même, et Mme. Friedhoff s'était assise en soupirant profondément, prenant soin de ne pas oublier son gros carnet de notes remplit de toute choses (certaines dizaines voire trentaine dates de concerts prévus non seulement pour elle, mais aussi pour tous ses élèves de sa classe, et autres informations importantes à ses yeux). Le sage élève ne bougea pas d'un poil, sans mot dire, attendant patiemment sa charmante professeure trouver sa page auquel elle avait noté tout ce qu'elle voulait dire en s'adressant à Laura.

En attendant cela, Laura essaya sans peine à faire mine de s'intéresser comme toujours, aux meubles ornant la maison de Mme. Friedhoff. C'était une personne aimant beaucoup les meubles antiques, ce dont elle en possédait plus d'une dizaine. Dans le salon, dans le couloir, dans sa chambre, dans la cuisine, dans sa salle de travail de violon et son bureau... Bref, cela était entièrement l'inverse de la famille de Laura. Sa famille ne montrait pas un très grand intérêt vis à vis à la décoration ancienne, comme les horloges à coucou, ou bien des étagères scrupuleusement décorées à la main, ou encore, des lustres pendant lourdement au plafond, faisant briller les yeux des invités lorsqu'ils pénétraient dans leur maison... La famille de la jeune malade n'aimait guère ce genre d'endroit. Chez eux, ils préféraient le confort avant tout, bien avant l'esthétique. Qu'importait que le visuel ne soit pas cohérent avec le reste des pièces ! Peu importe, si l'armoire ressemblait à de simples planches de bois blanches et pas chères, manquant de s'écrouler au moindre poids ! Peu importe ! Ils habitaient dans une maison confortable, c'était tout ce qu'ils souhaitaient (excepté Laura, qui aimait beaucoup l'aspect visuel des choses).

Lorsque la montre de Mme. Friedhoff sonna à seize heures pile, cette dernière sursauta, et se dépêcha d'éteindre son fardeau. Grommelant des mots incompréhensibles pour Laura, elle se rassit et se hâta de fouiller avec précaution dans un autre sac.

— Attend un tout petit peu ma chère Laura, je vais le retrouver... C'est sûr et certain, puisque je l'ai écrit il y a quelques heures seulement...

Son élève se força à ne pas rire par politesse, et hocha la tête en évitant son regard, l'esprit malicieux.

— Bizarre, je l'avais pourtant dans ma main tout à l'heure.... Oh ! Voilà ! Je l'ai trouvé ! Enfin ! Il était temps ! s'écria-t-elle soudain, brandissant une feuille toute froissée tout droit sortie du fond de son sac à main rouge.

Elle s'excusa rapidement auprès de son élève, et mit ses lunettes sur le nez, ses yeux glissant aussi vif que l'éclair de la gauche à la droite de la feuille, le regard froid. Laura, plus distante, attendait un mot de la part de son aînée, baillant intérieurement. Une fois la feuille contenant ses notes rapides relus entièrement, Mme. Friedhoff hotta ses lunettes, et se tourna vers Laura.

— Bon. J'espère que tu vas bien, tout d'abord ? demanda-t-elle en regardant son élève dormant à moitié.

Laura acquiesça, et sa professeure continua son discours sans attendre plus de sa part.

— Avant de commencer... J'aimerais te poser une petite question, continua-t-elle, le regard encore plus sérieux qu'avant. As-tu un métier ou un avenir de rêve que tu penses, en ce moment même ?

La pauvre élève ne s'était pas attendue à ce genre de question de la part de Mme. Friedhoff. Jamais on ne lui avait posé cette question, jamais elle n'avait pensé à devoir réfléchir d'elle-même au sujet de son propre avenir. La tête blanche comme une feuille vierge, elle ouvrait et fermait sa bouche, cherchant ses bons mots. Premièrement, avait-elle un métier de rêve ? Oui. Si oui, quel était-ce ? Devenir une musicienne professionnelle, peu importe si elle était soliste, dans un orchestre, ou en musique de chambre. Dernière question, pensait-elle être prête et avoir un assez bon niveau pour avoir ne serait-ce qu'une moindre chance de réussir son avenir ? Laura ne répondit pas à elle-même, ne sachant que penser.

— Laura ?

La voix de sa professeure la réveilla en sursaut, et la concernée secoua sa tête.

— Non, je n'en ai pas, mentit-elle.

Au moins, c'est mieux que de ne pas savoir répondre aux questions au sujet de mon rêve, pensa-t-elle amèrement.

Mme. Friedhoff fronça légèrement les sourcils sans se faire avoir par son élève, et continua donc.

— Dans ce cas, si j'ai bien compris, il se pourrait donc que tu veuilles continuer le violon en prenant la voie professionnelle, autant que tu le continues simplement pour le plaisir, c'est bien cela ?

Laura maudit la violoniste dans son cœur. Que devait-elle répondre ? Oui, elle avait cinquante pourcents de chances de ne pas continuer la musique professionnellement ? Ou alors, non, elle ne voulait pas continuer le violon juste pour le plaisir, mais pour son avenir ?

— Je...

Elle s'arrêta, respirant à peine tant la pression lui bloquait les poumons.

— Je pense... que... j'aimerais continuer le violon, dans une vue professionnelle... bafouilla-t-elle en serrant ses dents.

Son aînée la regarda attentivement.

— Tu en es sûre et certaine ?

Laura ne sut que penser à ce moment précis.

— Tu sais, penser et faire est différent. Je serais bien entendu ravi que tu puisses avancer dans cette perceptive-là, et j'en suis sûre que cela marchera à merveille. Mais c'est à toi de décider, et non aux autres, lui expliqua-t-elle lentement, comme pour qu'elle comprenne chaque mot de ses phrases. Faire de la musique, c'est quelque chose de beau, c'est quelque chose que l'on a de la chance. C'est quelque chose, qui permet de forger des liens entre d'autres personnes, mais aussi de se connaître mieux soi-même. Cependant, il y a des choses que l'on doit laisser de côté pour obtenir ce que l'on veut. Et ce choix, ce que tu veux faire, ce qui t'est le plus cher, il ne faut pas se tromper, ou il te sera difficile de t'en débarrasser. C'est pour cela que je te le dis. Si tu veux prendre cette voie, ou non.

Laura réfléchit sans comprendre réellement ses mots.

— Par exemple, murmura-t-elle en levant les yeux au plafond. Tu auras moins de temps pour toi même, ou bien avec tes amis. Tu devras aussi travailler dur, et accepter le fait que tout ne marchera pas toujours bien. Qu'il faudra être fort, autant psychologiquement que physiquement.

Un long silence froid régna dans le salon, dont personne n'osa l'interrompre. Entre Laura qui ne savait plus que dire ou réfléchir, et la professeure de violon de celle-ci, Mme. Friedhoff, qui attendait patiemment une réponse de sa part, la suite semblait être bien longue...

Laura repensa à ses temps passés avec ses merveilleux amis de la classe. Ces temps inoubliables l'ayant soutenus. Non. Elle ne pouvait pas faire cela, elle ne pourrait pas le supporter. Mais ses souvenirs et ses expériences dû grâce à la musique, elle ne pouvait pas les nier non plus. Mais reste à savoir, lequel des deux choix devait-elle mettre en priorité ?

Mme. Fridhoff rouvrit la bouche, coupant ainsi le silence.

— Tu sais, si jamais tu choisis la musique comme ton partenaire pour le reste de ta vie, je peux te conseiller beaucoup de choses à faire dès maintenant, comme un grand concours que je connais très bien, qui se déroulera aussi cette année. Cela pourrait être une très bonne occasion de te tester toi-même, et si tu le souhaites, tu pourras y réfléchir encore après, rien ne t'oblige à choisir ta voie tout de suite. Tu as encore tout ton temps devant toi. Mais étant donné que l'école demande beaucoup de sérieux et de discipline, j'aurais aimé entendre ton avis à ce sujet, pour mieux t'orienter et ne pas te surcharger si tu préfères continuer tes études après le lycée.

Elle jeta un coup d'œil à sa feuille de nouveau, un sourire malicieux apparaissant sur son visage.

— D'ailleurs, à la finale de ce concours, tu auras l'occasion de jouer un concerto avec un orchestre si tu arrives à faire partis des finalistes... lui apprit-elle en riant à moitié, ses yeux brillants d'un air amusés.

Laura sentit ses oreilles se dresser. Un concerto ? C'est vrai ? Mais ses esprits revinrent très vite la déstabiliser. Non. Elle ne pouvait pas choisir une voie seulement pour ça. Cela n'avait pas d'intérêt, pas de crédibilité. Il fallait qu'elle choisisse quelque chose qu'elle voulait faire dans un long temps.

Sa professeure finit par se lever de sa chaise en s'étirant, buvant une gorgée d'eau dans sa tasse.

— Ecoutes, tu me donneras de tes nouvelles quand tu le souhaites, je serais toujours à ta disposition si tu le souhaites. Prends ton temps, réfléchit calmement, rien n'est pressé dans ta vie, lui lança-t-elle joyeusement, en allant ouvrir la porte de l'entrée.

Laura se leva lentement, les membres aussi lourds et crispés que de la pierre. Elle rassembla ses affaires, regardant si elle n'avait rien laissé dans la salle, et se dirigea vers le couloir où se trouvait actuellement sa professeure - et conseillère. En passant devant elle, elle la salua avec politesse, un sourire timide au visage.

— Merci beaucoup, à la semaine prochaine...

Mme. Fridhoff ne répondit qu'avec un sourire, suivant son élève partir du regard.  

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