Chapitre 11
Ils avaient tous un rendez-vous médical ce matin-là. En premiers, les plus fragiles, et à la fin, les nouveaux. Laura et Valentine faisaient partie de ces rares personnes rencontrant pour la première fois les infirmiers de l'hôpital. Tous les élèves habitués de ces infirmiers, racontaient tous à quel point ces gens-là étaient aussi aimables que des personnes de la famille. Cela n'était guère pour rassurer les nouveaux, ils expliquaient que c'était la pure vérité, et que cet hôpital était l'hôpital des malades de rêve.
Laura avait son premier rendez-vous à 15 heures. L'heure où le soleil était à son plein, décevant la jeune fille. Sa nouvelle amie, Valentine, avait rendez-vous un peu plus tôt qu'elle, à 14 heures 20. Celle-ci ratait donc une heure de cours de Physique-Chimie, tandis que Laura ratait une heure d'art plastique. Elle aurait tellement voulu être à la place de sa chère Valentine ! La Physique-Chimie n'était pas sa matière préférée, bien loin de là ! Elle aurait tout donné pour se débarrasser de cette matière aux notes désastreuses. Alors que l'Art-Plastique ! Rien de tel qu'une matière avec d'excellentes notes si faciles à attraper !
La matinée fût longue. Très longue pour Laura. Elle avait l'impression que quelqu'un avait lancé un sort à l'horloge de toutes les salles, de manière à ce que les cours prennent bien plus de temps qu'à l'habitude. Et bien entendu, les cours préférés de Laura ainsi que l'heure de la cantine passèrent à toute vitesse ! On se demande bien pourquoi.
Il était 14 heures 30 lorsque Laura se retint de s'endormir sur son cahier de Physique-Chimie, près de la fenêtre d'où les rayons du soleil tapaient agréablement la tête de la fillette. Elle se rendit compte alors, en levant la tête, que sa voisine était partie depuis peu. (Sa voisine étant autre que la fille qu'elle avait appelé de "folle" durant tout ce temps, Valentine) Elle décrocha un grand bâillement et s'étira discrètement sous sa table pour se réveiller. Quel beau temps ! Pourquoi devait-elle aller à l'hôpital par une si belle journée ensoleillée ?
Un moineau s'arrêta devant la fenêtre de Laura. Il pencha sa tête sur le côté, observant Laura d'un regard curieux. On aurait dit qu'il se demandait pourquoi elle n'écoutait pas le cours, ce qui fit sourire Laura. Elle pencha sa tête sur le côté, comme le moineau, avec un sourire amusé.
— Tu es drôle toi... Tu es un moineau sauvage, non ?
L'oiseau bougea sa tête comme pour se secouer.
— Dis-moi... N'as-tu pas de la chance de pouvoir voler dans les airs sans aucuns obstacles devant tes yeux ? Voler librement au-dessus du monde...
Le moineau cligna des yeux, et partit dans les airs, avec un petit battement des ailes. Il décrivit un cercle devant Laura, et partit loin de ses yeux, rejoint par un autre moineau. La jeune fille resta à fixer l'endroit où avait volé l'oiseau d'un regard blasé. Elle voulait elle aussi cette liberté qui lui manquait. A tout prix.
Alors qu'elle restait perdue dans ses pensées face à la vue, une voix la réveilla. En se retournant, elle vit Téhanie se pencher vers elle et lui chuchoter de nouveau la même chose :
— Laura, je crois que tu devrais te dépêcher d'aller voir l'infirmière, regardes l'heure...
Surprise, elle leva les yeux vers l'horloge et vit avec stupéfaction qu'elle était en retard. Il était 15 heures 02.
— Oh non !!
Elle se dépêcha de ranger toutes ses affaires en toute hâte, ne remarquant pas son professeur la regarder bizarrement. Elle entendit la voix douce de Téhanie lui rajouter :
— Dépêche-toi, mais ne te fais pas mal !
Avant que Laura ne parte de la salle, son sac à dos sur l'épaule, courant dans le couloir. A la hâte, elle fit tomber son manteau dans les escaliers. Elle fût donc contrainte de remonter ces quelques marches pour attraper son manteau, avant de reprendre sa course de plus belle. Lorsqu'elle arriva en bas dans la cour de l'école, le souffle court, elle chercha autour d'elle l'entrée de l'hôpital. Elle tourna sur elle-même autant de fois qu'une toupie tourne en un lancer, avant de courir droit vers l'entrée principale, dans la rue.
Elle y pénétra en haletant, et se dirigea vers l'accueil.
— Excusez-moi, j'ai un rendez-vous médical pour l'école aujourd'hui à 15 heures...
Le souffle court, elle tentait de reprendre ses esprits lorsque la dame de l'accueil lui sourit tristement. Elle lui pointa la direction opposée avec son doigt.
— Malheureusement, tu es au mauvais endroit jeune fille, c'est le petit hôpital de droite que tu dois aller.
Laura voulu protester, mais acquiesça rapidement d'un signe de tête avant de reprendre sa course, cette fois, le cœur battant à tout rompre. Elle n'était pas prête à supporter tout ce carnage dès son premier rendez-vous ! La malade arriva au pied de l'autre bâtiment, plus petit que l'autre, et ouvrit la porte vitrée. Il y avait un petit accueil, et se dirigea droit vers celui-ci, le cœur serré par l'effort.
— Est-ce que... C'est bien ici... Pour le... Le rendez-vous médical... ?
Le monsieur de l'accueil la regarda d'un air surprit.
— Oui c'est bien ici. Mais il est 15 heures 12, êtes-vous en retard ou en avance... ?
Laura sentit le rouge lui monter aux joues.
— Euh... la première proposition monsieur.
Ce dernier soupira et regarda l'emploi du temps sur son ordinateur.
— Vas tout au fond, la porte de droite. Le docteur Bell vous attend depuis un certain bout de temps, sa dernière patiente étant partie depuis dix bonnes minutes.
— Merci, souffla-t-elle pour courir vers la salle indiquée.
A peine eut-elle passée le seuil de la porte que la voix du docteur Bell l'interrompit.
— C'est toi Laura Perrot ? Eh bien dis-donc, bravo pour ton extrême régularité de l'heure !
Laura s'arrêta devant le docteur Bell. Celle-ci avait un visage sévère, mais ses yeux trahissaient son amusement. Elle ne sût quoi dire, et marmonna une excuse inaudible au docteur qui pencha sa tête.
— Bon passons, mais saches que tu n'as pas intérêt à être en retard la prochaine fois. Dois-je me présenter, ou tes camarades de classes se sont occupés de le faire ? dit-elle avec un sourire aimable.
Laura se détendit. Alors cela était donc vrai, que les docteurs de cet hôpital étaient presque tous très aimables envers leurs patients ! Elle secoua sa tête sur le côté, et Dr. Bell s'attarda à sa présentation.
— Eh bien, j'imagine que je dois bien le faire de nouveau ! Je suis le docteur Marine Bell, pneumologue. Tu devras donc me consulter, moi, ou mes collègues pneumologues. J'imagine que tu sais ce qu'est un pneumologue, non ?
La concernée fit non de la tête d'un air timide. Dr. Bell fût très surprise.
— Un pneumologue, c'est un médecin spécialisé en matière des maladies des poumons, mais aussi des voies respiratoires. Tu sais, le poumon est l'organe le plus important dans le corps humain. Mais comment faisais-tu avant pour te faire soigner ?
Laura répondit d'une voix faible.
— Ma ville était assez petite, alors il n'y avait qu'un seul hôpital, et celui-ci n'était pas très grand. Il n'y avait donc pas de... pneumologue. Et puis, je crois que ma maladie n'est pas si grave que cela par rapport à d'autres.
— Pour l'instant, mais on ne sait jamais jeune fille.
Laura grimaça. Pourquoi toutes les personnes d'ici l'appelait "jeune fille" ? Le docteur avait apparemment compris ses sentiments, et elle sourit, amusée.
— Tu préfères que je t'appelle Laura ?
Celle-ci acquiesça.
— Bon très bien. Il faut que je t'explique quand tu devras venir me voir d'ailleurs. Déjà, je te convoquerais régulièrement, mais je pense qu'il n'en est pas si nécessaire que cela pour toi, continua-t-elle en l'observant attentivement. Tu m'as l'air robuste. Cependant, tu dois tout de suite venir me voir si tu as une toux persistante, des crachats de sang, ou des douleurs thoraciques qui persistent. Comprit ? Ceci est très important, alors n'hésites pas à venir me voir en cas de doute. Je préfère cela qu'à un retard de vue d'un symptôme. Cela peut mener à des choses tragiques.
Laura acquiesça de nouveau, en silence.
— Au fait, si jamais tu as des essoufflements plutôt forts, dis-le-moi. Tu sais quelle maladie tu as, n'est-ce pas ? Ou veux-tu que je te l'explique plus précisément ?
— Je veux bien, répondit Laura en serrant ses dents.
C'était l'occasion de connaître tout sur sa maladie. Ce sera sa première, elle était prête à tout, et elle le savait.
— Très bien. Je suppose que tu es au courant que tu as une pneumonie depuis toute petite ? La pneumonie, c'est causé par une bactérie. Selon ton ancien médecin, tu avais attrapé le virus influenza, quand tu étais petite. Et c'est ça qui a causé la pneumonie chez toi. Mais tu as eu beaucoup de chance, car la pneumonie est responsable d'au moins 5% de la mortalité chez les enfants de moins de 5 ans. Cette maladie peut être mortelle tu sais. Mais chez toi, elle n'est pas si grave. Enfin, à surveiller bien sûr, mais pas de près.
Laura l'écouta sans broncher, la tête pleine.
— Comme complications, tu peux avoir un épanchement pleural. C'est l'accumulation de liquide d'inflammation entre les deux feuillets de la plèvre, qui cause une compression du poumon. Ou tu peux avoir un abcès au poumon, une détresse respiratoire, ou alors un choc septique. Mais toi, la pneumonie n'a pas touché tes deux poumons pour l'instant, alors tu n'as pas besoin de mise sous ventilation assistée. Bon. Des questions ?
La jeune malade resta sans mots un certain temps. Elle ne savait pas tout cela, c'était la première fois que quelqu'un lui expliquait tout cela en face à face. Mais elle n'était pas inquiète, au contraire, elle était soulagée. Soulagée d'apprendre que tout allait bien, soulagée de connaître toute la vérité, soulagée... Pour tout. Comme le Dr. Bell la regardait d'un œil inquiet, elle se hâta de répondre à sa question.
— Non, je n'en ai pas pour l'instant Madame Bell. Merci beaucoup de m'avoir tout dis cela...
Cette dernière eu un regard surprit.
— Tu ne le savais pas !
Laura secoua la tête négativement.
— Mes parents ne voulaient pas m'inquiéter, d'après ce que j'ai compris. Enfin, surtout ma mère. Même avant mon départ, elle n'avait pas voulu m'annoncer mon départ vers la banlieue de Paris. Je ne l'aurais pas su tôt si seulement je ne les avais pas espionnés la nuit...
Dr. Bell éclata de rire, ce qui fit sourire Laura.
— Et bien, bienvenue ici ma chère Laura ! Tu verras, tout se passera bien, et tu pourras retrouver ta famille très bientôt, je te le promets !
Après que le Dr. Bell eut vérifié l'état de santé de Laura, celle-ci sortit du bâtiment, le cœur plus léger que jamais. Elle était heureuse d'avoir appris à se connaître. Elle avait fait un pas en avant vers la liberté, même si ce n'était pas gagné.
Soudain, un moineau vola devant son nez, en compagnie de deux autres congénères. Laura les regarda attentivement. Mais elle le savait, elle trouverait cette liberté.
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