«Oh Soledad, Soledad»!

La joie, l'exultation vibraient dans le sang du jeune amoureux : il allait finalement être réuni avec la personne qu'il aimait tellement. Plus de crainte d'être découverts, plus de peur de déshonorer sa famille, plus besoin de se cacher, d'attendre des journées entières pour se voir que pendant quelques heures. Enfin, lui et sa belle Soledad allaient être ensembles, unis, sans aucunes inquiétudes et là, il pourrait la demander en mariage.

Les cheveux au vent, la tête rejeté vers l'arrière, le rire aux lèvres, Neymar lança son cheval dans une course folle à travers la forêt. Épouser Soledad, il ne pensait qu'à cela depuis des mois. Quand lui faire la demande, de quelle manière? Arriver le lendemain et lui faire tout de suite part de ses plans? Il s'imaginait déjà comment après l'avoir aidée à descendre du balcon en la rattrapant dans ses bras, il lui proposerait la serrant fort contre sa poitrine assis ensemble sur son cheval. Il pouvait aussi attendre d'être établis dans une autre ville et là, à genoux, dans leur nouvelle demeure, lui présenter une magnifique bague en or avec un joli diamant au milieu lors d'un couché du soleil. Ou encore...

«Et, Neymar»!

L'intéressé arrêta brusquement son cheval et tourna la tête. Il était devant la maison de Marcelo, son meilleur ami de toujours. Celui-ci se tenait à l'entrée avec Thiago, un autre ami d'enfance, qui lui faisait de grands signes avec les mains avec un grand sourire moqueur.

«Je vois que tu as encore été chez elle! Absorbé dans tes pensées à ne plus faire attention à ses amis!

- Eh bien oui, j'ai été chez elle mais ce n'est pas à moi de te rappeler avec quel distrait avons-nous eu affaire il y a quelques mois! Comment s'appelait-elle déjà? Isabelle? Attend, non. Isabelle-Maria... répliqua Neymar d'un ton railleur en descendant de cheval.

- Maria-Isabella je t'en prie», le corrigea Thiago.

Les trois amis s'embrassèrent fraternellement en riant.

«Alors comment va-t-elle? demanda chaleureusement Marcelo.

- Bien, si on ne parle pas de son frère...

- Ah, Lionel? Je dois te dire que parfois je me demande comment cela se fait qu'elle est sa sœur. Jolie, aimable, elle est la douceur incarnée, alors que lui n'est qu'un orgueilleux méprisant! s'écria Thiago en fronçant le nez.

- Je dois avouer que tu as raison.

- Et si on allait chez L'Étalon Noir, proposa Marcelo, tu pourras tout nous raconter là-bas, il n'y a jamais personne».

Les jeune gens agréèrent enthousiastement et, menant le cheval par la bride, ils marchèrent jusqu'à leur auberge préférée en plaisantant. Arrivés, ils attachèrent l'animal et entrèrent.

Comme l'avait dit Marcelo, l'endroit était vide à part pour Olivia, la séduisante gitane de la région, qui assise à une table à côté d'une fenêtre scrutait quelque chose à travers la vitre. Au bruit de leur entrée, elle pivota sa tête et regarda de leur côté.

Olivia était d'une ce que l'on appelait redoutable beauté. Âgée de dix-huit ans, elle était fière et indépendante. Habillée d'une robe rouge avec une ceinture noire serrant sa fine taille, ses cheveux bouclés couleur bleu nuit tombant librement sur ses épaules et sa parfaire peau mate éclairée par la lumière blanche de la lune, elle les observait avec ses beaux yeux étranges : l'œil droit était d'un bleu pur alors que celui de gauche était vert émeraude.

«Cela fait longtemps que je ne me suis pas divertit un peu», souffla Thiago à voix basse à ses amis puis en se tournant vers la jeune tsigane :

«Oh, Olivia! Je disais justement à ces deux messieurs qu'il n'y a aucune personne qui peut lire dans l'avenir mieux que toi.

- Oh non, la bonne vieille femme qui m'a appris cet art était bien meilleure que moi, répondit la gitane.

- C'est ce que l'on va voir! Prête pour une petite session de chiromancie»?

Sans attendre de réponse, il s'assit à côté de la bohémienne et lui présenta ses mains. Celle-ci les retourna lentement afin de voir ses paumes et passa ses longs doigts effilés sur les lignes qui se présentèrent à elle.

«Rien n'a changé, une longue et nette ligne de vie, tu vas vivre longtemps et stablement, celle du cœur est peu profonde donc des amours passagers et frivoles et pour la tête... eh bien! Quoique l'intellect ne sera pas toujours au rendez-vous, pour l'équilibre mental tu n'auras pas à t'inquiéter.

- Ah cela, pour être une bonne diseuse de bonne aventure, tu l'es! s'esclaffa Marcelo. Surtout pour la partie  de l'intellect!

- Très drôle, bougonna l'interpellé, je te cède donc la place, Monsieur le perspicace.

- Oh non, moi je ne m'amuse pas à ces sortes de bagatelles. Écoutons plutôt ce qu'Olivia a à dire sur notre cher Neymar!

- Sur moi? Oh non, je...

- Pas de non»! s'écria Thiago.

Il prit son ami par le bras et le fit s'asseoir en face de la jeune gitane.

«Je peux? demanda-t-elle en prenant délicatement sa main dans la sienne.

- Je ne... d'accord, vas-y. Je sais que tu voulais le faire depuis pas mal longtemps». 

Olivia ferma les yeux et caressa doucement la paume du jeune homme. Pendant un bref instant Neymar crut percevoir un léger sourire sur les lèvres de la tsigane mais celui-ci disparut aussitôt.

«Alors, commença-t-elle, une profonde ligne du cœur vers l'âge de vingt ans qui se creuse par après et reste stable, elle ouvrit les yeux et le regarda. Toutes mes félicitations Neymar, l'amante que tu as maintenant deviendra la femme de ta vie.

- Je t'ai dit qu'elle est imbattable, rigola Thiago en applaudissant.

- L'esprit quant à lui est clair et imaginatif.

- Et la vie?

- Et la vie? L'enfance et l'adolescence furent heureux quoique pour ce dernier je n'ai pas besoin de tes mains pour le savoir, sourit-elle.

- Oh cela est vrai, ria Neymar en se levant, nous avons passé beaucoup de temps ensemble. Combien de jeux, d'astuces ai-je t'appris...

- Eh! Mais elle n'a pas terminé, l'interrompit Thiago, et la suite de sa vie?

- La suite...»

Elle sauta de sa chaise et fit un signe au jeune Brésilien de s'approcher.

«Tu connaîtras bientôt le paradis, chuchota-t-elle d'une voix envoûtante dans son oreille.

- Qu'est-ce qu'elle a dit, Neymar? Qu'est-ce qu'elle a dit? requirent ses deux amis en l'encerclant.

- Rien d'important pour vous mes chers et en passant, Marcelo, n'est-ce pas toi qui nous racontais hier que l'indiscrétion est un bien vilain défaut? 

- Oh toi»!

Les trois amis éclatèrent de rire et allèrent s'asseoir à une table. Aussitôt accourut un serveur et la triade se commanda une bouteille de leur vin favori. 

«Maintenant raconte-nous un peu à propos de ta soirée, demanda Thiago en remplissant le verre de son ami.

- Ce fut magique», confessa Neymar.

Ses yeux s'inondèrent d'amour en repensant comment Soledad lui promit de l'attendre le lendemain soir. Il s'adossa plus confortablement sur son siège, croisa ses longues jambes. Son regard semblait lointain, perdu dans ses songes.

«Quand je suis arrivé elle était préoccupée mais...»

Brusquement la porte d'entrée s'ouvrit.

«Neymar da Silva Santos, fils unique et héritier de la lignée des da Silva Santos!

- Oui c'est moi. À qui ai-je l'honneur de parler?

- Retournes-toi donc pour voir».

Le jeune homme se tourna mais avec une telle paresse, une telle insolence que même les princes en auraient été jaloux. Devant lui, un pistolet à la ceinture, les yeux brûlant de haine, se tenait Lionel. Neymar pâlit légèrement mais garda néanmoins son sang-froid. Il comprenait parfaitement que dans la situation dans laquelle il se trouvait, le moindre signe de malaise risquait de le trahir.

«Lionel! Que me vaut donc cet honneur de ta visite?

- Je présume que tu la connais déjà, la raison pour laquelle je suis ici.

- Pas vraiment pour être honnête, mais je suis sûr que tu assouviras ma curiosité, lança le Brésilien en faisant glousser ses amis; même Marcelo ne put s'empêcher de ricaner.

- Toi...Ton arrogance est sans limite et puisque tu t'abstiens à faire le malin et à jouer le jeu ainsi je vais te le dire pourquoi je suis venu. Neymar, je suis ici pour te demander une correction pour avoir fréquenté ma sœur Soledad»!    

À ses mots Neymar se leva brutalement de sa chaise.

«Tu... Eh bien oui! J'aime Soledad! Je l'aime très fort! Je l'adore et je veux faire d'elle ma femme! Je refuse qu'elle marie un homme de quarante ans, elle mérite mieux que cela! Tu veux l'épouser non par amour mais pour l'argent, l'argent la seule chose qui t'intéresse! Tu exiges que je me batte en duel? Parfait, aujourd'hui avant le lever du soleil sur la falaise! Comme second je prends Marcelo!

- Moi intéressé que dans l'argent? J'essaie de la protéger des bourreaux des cœurs de ton style!

- Le fait que j'ai déjà eu des soi-disant maîtresses ne veut pas dire que je suis indigne de confiance! Et pour la protection, j'avoue que la marier à des hommes âgés est une excellente idée!

- Ce n'est pas à toi de te mêler dans mes affaires de famille! Et... Bon laissons faire, dans quelques heures je pourrai enfin t'assigner ce que tu mérites», conclut Lionel et quitta l'auberge sans attendre de réponse.

Neymar resta debout pendant un moment à fixer l'endroit où se tenait l'Argentin il y a quelques instants. Il fut découvert. Comment il ne le savait pas. Par qui il n'en avait aucune idée. Il savait seulement qu'il tuerait Lionel, ce lâche, ce vaurien, ce fat, ce prétentieux!

Olivia, restée témoin pendant toute la durée de cette scène, se leva et se dirigea discrètement vers la porte. Tout le monde savait que d'une certaine façon elle était liée aux Messi, Ángel Di Maria, son admirateur dévoué, était l'homme de confiance de Lionel mais en passant à côté de son ancien complice d'enfance, son œil bleu étincela.

Resté debout au côté de son ami tout au long de la provocation, Marcelo regarda Thiago en inclinant légèrement la tête vers la sortie ; c'était vrai que les deux étaient ses alliés et cela depuis leur enfance mais quand la situation devenait grave, c'était vers lui que Neymar s'orientait chaque fois. D'un signe de main, Thiago fit comprendre qu'il saisissait et les laissa seuls.

«Neymar...

- Je le tuerai.

- Neymar, écoutes, tu es le fils unique de ta famille. Tu es le seul héritier des da Silva Santos et...

- Je sais. Qu'ils se débrouillent. 

- Que vont-ils faire s'il t'arrive quelque chose?

- Cela m'est égal. Je le tuerai quand même.

- Ce que diront tes parents en apprenant que tu t'es battu en duel contre le chef des Messi t'est égal? Cet évènement risque d'envoyer ta pauvre mère au ciel et ton père, sans autre héritier, aussi et cela t'es égal? Même si tu en sors vivant tu deviendras la honte de ta famille et cela t'es égal?

- Oui, Marcelo. Cela m'est totalement égal», parla Neymar. Sa voix vibrait de colère et il se forçait pour ne pas crier. Tout son corps tremblait de rage et de fureur.

«Lionel veut la marier avec un homme qui a vingt-ans ans plus qu'elle. Je ne peux pas le consentir, jamais. Il ne me reste qu'à le tuer.

- Mais à la fin comprends-tu que Lionel n'est nul autre que le frère de ta Soledad? Si tu le tues, qu'elle sera sa réaction? Tu sais bien comment elle est attachée à sa famille. Qu'est-ce qui te dit qu'elle ne te repousserait pas si tu venais à abattre son frère»?

Le fougueux Brésilien regarda son ami pendant un instant. Marcelo venait de toucher un point auquel il n'avait pas pensé : pour vrai qu'allait dire Soledad? mais emporté, le sang bouillant de haine, il s'écria avec impatience :

«Si Soledad m'aime, elle me pardonnera!

- Et si c'est toi qui meurs! Neymar, tu n'as pas besoin de ce duel, cet affrontement n'est qu'une question d'honneur, un jeu dans lequel nous sommes tous pris, un poison mortel qui nous assassine un par un. Tu es jeune, tu es amoureux, prends Soledad, changes de pays et pars vivre librement. L'honneur ne te servira point...

- Perdre mon honneur?! Moi, perdre mon honneur?! Marcelo tu l'as dit toi-même, c'est un jeu dans lequel nous sommes tous pris! Moi, fils de toute la lignée des da Silva Santos me sauver comme le dernier des lâches? J'ai honte juste à y penser et je ne parle pas de Soledad! Je préfère encore mourir que de devoir lui infliger ma présence!

- Mais...

- Marcelo, c'est déjà décidé! Aujourd'hui avant le lever du soleil sur la falaise et tu es mon second! Je ne veux plus rien entendre»!

Neymar sortit de l'auberge en claquant la porte de toutes ses forces laissant Marcelo seul.