Fort McMurray

« Les livres ne parleront jamais en détail de ce qui est arrivé aux cités situées plus au nord lors de la crise des mutants. Le gouvernement canadien s'est enfermé dans une sorte de mutisme dès que le sujet est évoqué. Sur tous les aspects, que ce soit l'aide envoyée, les moyens mis à disposition, ou même les troupes mobilisés. Personne ne sait, et personne ne veut savoir. »

Jacques Tremblay, journaliste canadien, essai intitulé « la vérité dissimulée », janvier 2016.

***

Fort McMurray, Alberta, Canada, Avril 2019.

Un temps gris et maussade accablait les deux compagnons de voyage alors qu'ils émergeaient du bois. Malgré l'heure matinale de leur départ, le ciel demeurait sombre et la pluie menaçait à chaque instant. Marcus Vermont s'arrêta un instant pour admirer la clairière. Le peu d'herbe qui persistait ne parvenait qu'à mettre en avant le terrain dévasté, à nu sous les nuages. Les multiples monticules de terre argileuse et boueuse qui fleurissaient sur la plaine montraient sans équivoque qu'ils n'avaient rien de naturel, et n'étaient que le reflet des affrontements qui avaient eu lieu il y a maintenant plusieurs années.

Au centre de la formation s'élevait, immense, ce qui restait de la ville de Fort McMurray. Ce qui avait été un poste de commerce fondé aux dix-huitième siècle était à présent une cité en ruines. Elle était entourée des vestiges de la muraille que ses habitants avait vainement tenté d'ériger afin de se protéger des mêmes attaques que celles qui avaient frappé Edmonton. Une élévation circulaire de béton non terminée, comblée parfois même avec du bois, ne s'élevait même pas suffisamment pour camoufler la toiture des hautes maisons dont était composée l'agglomération. Située près de quatre-cent-cinquante kilomètres au nord d'Edmonton, Fort McMurray n'avait pas eu sa chance. Si le joyau de l'Alberta avait tenu six ans avant de tomber, l'ancien fort n'avait sans doute pas tenu plus de quelques mois. La population n'avait pas eu le loisir de construire des fortifications aussi élaborées que celles des cités plus au sud. Les habitants devaient avoir fait avec ce qu'ils avaient sous les mains, pour tenter en vain de contenir les assauts des mutants. Les morceaux de bois, brisés, noircis, ne faisaient qu'attester de la violence des combats, même le béton s'en trouvait éventré par endroits, révélant déjà l'intérieur . Des débris jonchaient le sol boueux, débuts de coagulation interminables d'un sang visqueux. De ce mélange hétérogène s'échappait une odeur nauséabonde, trop bien connue de tout le règne animal.

Une odeur de mort.

Marcus dut recouvrir du haut de son pull ses narines devant une puanteur si vivace. Ses yeux en pleuraient presque. Cette aura de désespoir et de trépas submergeait l'endroit aussi bien que l'avait fait les mutants. Les nausées tenaces se réveillèrent et achevèrent de plonger le méta-humain dans un océan de mal-être. Le ciel toujours menaçant tentait maladroitement de dissimuler ce furoncle hideux dans une chape de plomb, afin de le soustraire aux regards effrayés d'éventuels témoins indisposés. Malgré la présence de plus en plus imminente du soleil, l'ambiance de l'aube demeurait sombre et figé, comme tout ce que Marcus avait admiré depuis qu'il avait franchi les frontières de la civilisation.

Sans un mot, les deux compagnons traversèrent la plaine ravagée avant de franchir les gravats et de pénétrer dans la ville. Les éclats de bétons et de bois craquèrent sous leurs pas, alors qu'il sembla à Marcus que ces bruits résonnèrent à travers la pierre et les murs des ruines de la cité. Celles-ci finirent de retirer au jeune homme le peu de joie qu'il avait éprouvée en ayant atteint le première étape de son périple. Des amoncellements de verres trempés par l'humidité jonchaient les rues couvertes de cicatrices, de balafres et de fossés, au pied de certaines façades où ils avaient volé en éclats. Certaines rues pavées se trouvaient éventrées, obligeant les deux hommes à gravir de véritables tranchées afin de progresser. Le béton de nombreux bâtiments portaient une végétation rampante qui s'était développée au fil des années d'abandon. Leur vert insidieux et vif tranchait de manière extrême avec le gris artificiel mais, contrairement à Edmonton, où l'union de la nature et de la ville construite par l'homme s'était faite dans une parfaite harmonie, ici, le règne végétal semblait plus avoir trait à un parasitisme insidieux et pervers. Il enserrait les murs dans une étreinte non-consentie qui les faisait presque vaciller sous la douleur. Des enseignes électriques depuis longtemps éteintes pendaient aux devantures de ce qui furent des magasins prospères. Or, au sein de ce chaotique spectacle, nulle trace des habitants. Si des traces de sang noirci couvraient par endroit les briques rouges ou le sol, nulle part il n'y avait de cadavres. Seulement cette odeur nauséabonde qui ne suggérait trop bien ce qu'il était advenu de ceux qui avaient péri.

— Comment peux-tu être sûr qu'il y a des vivres ici ? questionna Marcus.

Smith ne répondit pas. Le mutant tournait la tête autour de lui, comme s'il guettait quelque chose. Ou quelqu'un. Ses oreilles étaient à l'affût du moindre bruit pouvant trahir la présence d'un autre être vivant.

— On ferait mieux de chercher à l'intérieur des habitations, finit-il par dire, de toute façon il ne va pas tarder à pleuvoir. Autant se mettre à l'abri.

Les deux compagnons se réfugièrent dans une imposante bâtisse qui n'avait pas l'air d'avoir trop souffert. Seules des ouvertures vides prenaient désormais place où se trouvaient auparavant des fenêtres. En un sens, sa taille, son architecture, sa disposition, rappelaient fortement à Marcus sa propre maison, à Edmonton.

Enfin, celle de Victoria, car elle n'était pas sienne. Qu'étaient-elles devenues ? L'habitation avait probablement été dévastée par l'assaut final des mutants alors qu'il était parti. Quant à sa fiancée, il avait connaissance que le protocole d'urgence impliquait l'évacuation vers Calgary, plus au sud. Elle devait être logée dans un centre d'accueil pour réfugiés. Marcus s'inquiétait pour elle, c'était certain, mais encore plus de son propre sort. Le meilleur service qu'il pouvait lui rendre était de revenir en vie.

L'intérieur de la maison était sans dessus dessous. Le mobilier était renversé, la porcelaine brisée, tous les placards avaient été ouverts ou cassés pour récupérer leur contenu. Les frigos, de toute façon privés d'énergie depuis trop longtemps, demeuraient vides. Smith jura en brisant un vase sur le parquet.

— Pas de bouffe, merde ! s'énerva-t-il.

Le méta-humain remit une chaise debout et s'assit dessus. S'appuyant à une table à peu près un bon état, il plaça son sac sur ses genoux, l'ouvrit, et y fouilla de sa main jusqu'à trouver une ration. C'était sa dernière. D'un geste, il invita le mutant passablement irrité à la partager. C'était peu pour la journée mais peu importe, ils engloutirent leur part. D'une poche un peu camouflée, Marcus sentit le besoin de sortir son contenu, une petite photo, et de la déplier. Sur celle-ci, se trouvait le visage de sa bien-aimée dont l'agréable souvenir s'était ravivé il y a juste un instant. Un sourire se dessina sur ses traits fatigués, qui mimait celui, immobile, qui lui répondait.

— C'est qui ? demanda Smith.

Surpris dans sa contemplation, le méta-humain replia la photo et la rangea dans la petite poche.

— T'es encore plus con que je croyais, enchaîna le mutant en riant.

— Et pourquoi ça ? répondit le méta-humain aux joues rouges.

— Lâcher une femme comme ça pour venir crever dans un trou comme celui-là... C'est pas la décision la plus intelligente que tu aies prise.

La honte de Marcus Vermont se mua peu à peu en réprobation.

— Pas plus que celui qui soutenait qu'il y aura de la nourriture ici, asséna-t-il.

— T'es dur. Je supposais seulement. On est loin d'avoir fouillé toutes les maisons.

Conscients qu'il valait mieux économiser leurs énergies respectives, aucun des deux hommes ne renchérit davantage. Ils rassemblèrent leurs affaires puis se remirent à la recherche des provisions tant convoitées.

Toute la journée durant, et ce malgré le mauvais temps, les voyageurs fouillèrent les magasins désaffectés qui avaient été déjà pillés par les envahisseurs, les maisons et les caves déjà ouvertes, même les cinémas dont les affiches détrempées tenaient encore au mur. Pas le moindre reste ne subsistait, les hommes du nord avaient tout emporté, comme des charognards.

— Trop de monde est passé avant nous, conclut Smith.

Le maître-chien donna un coup de pied dans une vieille poubelle rouillée qui valsa à plusieurs mètres dans un fracas métallique assourdissant avant de rester un moment interdit. Malgré la fraîcheur printanière, le mutant semblait transpirer à grosses gouttes, à tel point qu'il essuya d'un revers de la main son front ruisselant.

— Pourquoi ne fais-tu aucun effort pour être discret ? questionna Marcus. On n'est peut-être pas seuls ici.

— Comment ça ? répondit violemment le mutant.

— Tu as guetté la rue toute la sainte journée. Comme si tu cherchais quelqu'un plutôt que de la nourriture.

Le méta-humain commençait à se méfier. Smith avait fait preuve d'un comportement pour le moins étrange depuis leur arrivée à Fort McMurray. Son humeur jusque là effacée, au pire stressée, s'était muée en une attente colérique qui frôlait l'impatience. Jamais le mutant n'avait perdu son sang-froid au point d'en devenir violent.

Le teint pâle de Smith avait changé, comme s'il rejoignait la teinte violacée des guerriers des clans décérébrés qui avaient attaqué Edmonton.

— La guerrière des clans, Beth, elle avait fait mention du fait qu'on vous avait laissé en arrière pour m'attendre. Le reste de la troupe attendait pas ici votre arrivée, n'est-ce-pas ?

Marcus Vermont mit lentement la main sur son fusil. La faim, les nausées qui l'accablaient depuis qu'il était descendu de la falaise non-naturelle, qu'il avait éraflé les arbres jaunis et figés des forêts du nord, tout cela l'oppressait, le rendait vulnérable. Il n'avait pas utilisé son pouvoir depuis cette fameuse confrontation avec la guerrière et le dresseur, parce qu'en son fort intérieur, toutes ces attaques mentales sournoises, insidieuses, avaient engendré un blocage, posé comme un cadenas sur son aptitude à disparaître. Devant cette vulnérabilité, le méta-humain ne voulait prendre aucun risque, et était prompt aux réactions expéditives.

— Tu comptais me le dire quand ? poursuivit-il.

Le mutant maintint serrées ses dents jaunes. Lentement, sa vraie nature commençait à se révéler.

— C'est pas tes oignons ! En théorie, c'était chacun pour soi une fois arrivés à Fort McMurray, et bien voilà, on y est ! La déco te convient ? Il n'y a plus de nourriture ici ! Il y en a plus eu depuis l'attaque il y a des années de ça! Parce que c'est pour ça qu'on a attaqué ! On a attaqué pour avoir de la putain de bouffe non irradiée, c'est tout !

— Et moi j'étais le dessert c'est ça ?

Aussitôt, le mutant se saisit d'une lame dissimulée dans ses guenilles et se rua sur le méta-humain. Celui-ci, surpris, avait saisit son fusil mais n'eut pas le temps de l'armer. En un instant, Smith le percuta avec la force de trois hommes et le renversa, son genou contre l'abdomen l'acier froid contre la gorge du jeune américain. Celui-ci sentit sa prise autour de son arme se desserrer pour ne pas étouffer.

— Que les choses soient claires, je ne t'ai jamais menti ! J'avais effectivement besoin de toi pour rallier Fort McMurray, ce qui se passerait par la suite ne dépendait plus de toi ! C'est toi qui ne joue pas cartes sur table, tu nous suivais pour quoi d'abord ? Ce n'est pas uniquement pour venger ton ami, n'est-ce pas ? Tu m'aurais abattu sur place peu importe ce que je t'aurais dit au bord de l'Athabasca !

— Ouais... J'aurais peut-être dû en fait de compte... grogna Marcus, mais faut croire que moi je ne tue pas les gens par plaisir.

— Tu n'as encore rien compris. On tue parce ça nous est nécessaire, parce que ça nous est vital ! J'ai jamais tué personne moi, mais ça pourrait bien commencer maintenant !

— Ils t'ont pas attendu, pas vrai ?

— La ferme, la ferme ! rugit Smith. Je vais les rattraper sur la grand route qui part vers le nord et tout ira pour le mieux, mais tu seras plus là pour le voir !

— Et pour Amy tout ira pour le mieux ?

Smith écarquilla de grands yeux ictériques alors qu'il resserra sa prise tranchante sur la jugulaire de son captif. La fureur clanique le maintenait dans un état de colère insondable. Toute sa personnalité s'était noyée dans une sorte de rage animale qui broyait tous ses états d'âme et tous ses remords. Alors, c'était de la méta-humaine dont il était question, c'était ce pourquoi cet américain s'était lancé dans ce voyage insensé. Pour jouer les héros. Il ne savait même pas qui elle était, lui si.

— Dans ce cas, je vais te rendre un service. Ne me remercie pas, nous sommes quittes.

Le mutant lui asséna un coup de tête monumental qui assomma le jeune homme dans un bruit sourd.

***

Marcus Vermont revint à lui sous le martèlement humide de la pluie qui lui frappait le visage. Son crâne endolori vibrait encore du coup porté par le maître-chien et ses paupières se rouvrirent dans la douleur pour rapidement constater que Smith lui avait pris toutes ses affaires. Le jeune homme palpa de manière frénétique et saccadée l'ensemble de son corps. Il n'avait plus rien, plus son sac, plus de nourriture, plus de lampe-torche, plus de munitions, et bien entendu plus de fusil. Le méta-humain émit un juron qui se répercuta sur les allées sombres, à l'abri du crépuscule qui avait déjà commencé à poindre à travers les nuages gris. Il avait dû être sans connaissance plusieurs heures. Marcus, paniqué, plongea les mains dans ses poches, pour y sentir deux papiers qu'il sortit avant de manquer de lumière pour les lire. Il discerna la photo de Victoria que le mutant du nord avait bien consenti à lui laisser, accompagnée d'une petite note sur laquelle était griffonné :

« Laisse tomber. Rentre chez toi, survis ! ».

Comment était-il sensé faire, sans vivres ni armes ? Quelle stupidité ! Alors qu'il se relevait, sa main rencontra un obstacle inattendu. Un revolver se trouvait à ses côtés. Sans doute une courtoisie du mutant pour le forcer à trouver sa pitance lors de son retour vers Edmonton ? Il n'en douta plus lorsqu'il fit tourner la chambre de l'arme sur elle-même, pour ne découvrir qu'une seule balle. Quelle cruauté...

Dans l'esprit embrumé de Marcus, soit c'était un geste de salut de la part du dresseur des clans afin de s'épargner une mort trop lente et peu agréable, soit c'était un jeu très pervers de Smith pour pouvoir ensuite se sustenter sur sa carcasse. Non, cette dernière solution, il n'osait l'envisager. De toute façon, pourquoi ne pas l'avoir tué après l'avoir assommé ?

La nuit approchant, le méta-humain doutait que les murailles éventrées de la ville fournissent une protection plus satisfaisante que de grimper à un arbre, comme il l'avait fait lors de sa première nuitée au-delà des territoires civilisés. Pas le temps de se poser des questions. Il enfourna la photo, la note, et son arme à l'unique cartouche dans ses poches et entreprit de chercher de la nourriture durant les derniers quart d'heures qu'il lui restait avant l'obscurité. Les ténèbres se faisaient peu à peu jour, recouvrant de leur linceul le sommet des immeubles désaffectés. L'ambiance était au mieux oppressante. Marcus enfonça chacune des portes qu'il trouvait, fouillait le moindre placard, le plus petit tiroir. Rien à faire, pas une seule boite de conserve, un seul haricot ni grain de riz. Le ventre du jeune homme criait famine, non rassasié par des jours de rationnement.

Une fois la nuit tombée, le méta-humain ne vit plus rien. Sans électricité, sans feu, ni lampe-torche, il avançait à tâtons dans les habitations abandonnées. La seule lumière qui l'accompagnait était seule de la lune, ses seules compagnes étaient les étoiles. Le silence morne de Fort McMurray dans la journée s'était mué en un néant rempli de multiples petits bruits fouisseurs. Ici comme ailleurs, la nuit, les bêtes étaient de sortie pour la chasse. Marcus était accablé par des sons de pattes raclant le béton, de grognements qu'il ne perçut que trop bien dans l'immensité résonnante des allées vides. Ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'un autre monstre muté ne le prenne en chasse. En toute discrétion, le méta-humain progressait lentement dans les rues, à la recherche d'un salut pour pouvoir y passer la nuit.

Ses pas le menèrent dans ce qu'il semblait être un grand parc urbain, situé au nord de la ville. Les plantes laissées à elles-mêmes avaient soit dépéris, soit poussées dans des proportions gigantesques et désorganisées. Dans un froissement, les chaussures de Marcus avançaient parmi les herbes dont certaines lui arrivaient à la taille. Il sentait les pointes frotter son blouson, et il en entendait les échos tout autour de lui. Chaque buisson était une menace, chaque bruit était un prédateur, chaque forme, sa mort.

N'y tenant plus, Marcus accéléra le mouvement, se mit à trotter puis à courir. Ses empreintes marquaient le sol, et il avait l'impression d'être poursuivi par mille menaces mortelles. Il courut, courut jusqu'à épuiser ses dernières réserves d'énergie. Il parvint finalement à apercevoir l'immense traînée de béton qui constituait la grande route dont Smith lui avait parlée, et qui s'enfonça dans le noir du nord. Les formes étaient derrière lui. Il n'avait plus de forces pour continuer sa fuite. Il comprit alors le revolver, s'en saisit et même si l'idée de le braquer sur sa tempe lui traversa l'esprit, il s'interrompit bien vite. Une lumière orangée se distingua de l'envahissante obscurité, à quelques dizaines de mètres. Et cette odeur ? C'était une odeur de viande grillée, il en était certain !

Son revolver en main, il se traîna tant bien que mal vers ce que ses sens considérèrent comme salvateur. Qui avait bien pu faire ce feu ? Smith ? Non, en quelques heures, il serait plus loin ! Il lui aurait suffi de suivre la route. À mesure qu'il s'approchait du brasier, il percevait les innombrables formes d'ombre l'abandonner. Il écarta les derniers buissons épineux, pour pouvoir observer un mince cercle de flamme, identique à celui qu'avait érigé Smith lors de leur voyage. Une pièce de viande cuisait effectivement sur les braises en son centre, mais Marcus ne voyait aucun être humain, mutant ou non, aux alentours. Il avait trop faim.

D'un pas leste, il franchit la frontière enflammée et s'approcha du repas si alléchant. Sur la pointe des pieds, il ne rompit pas la moindre brindille alors qu'il touchait presque du doigt son salut. Une fois arrivé à côté de la pièce de viande, ses yeux discernèrent finalement un pick-up sombre garé en périphérie de l'installation. Les autres guerriers des clans ? Non, il les aurait entendus bien avant.

Soudain, un cri suraigu retentit dans la plaine. Marcus se retourna, braquant son arme sur la petite forme humanoïde qui avait poussé ce hurlement. Sa surprise fut totale. Une petite fille, qui ne devait pas avoir plus de huit ans, se tenait recroquevillée devant lui. Elle avait laissé tomber les bouts de bois qu'elle était allée chercher pour tenter de raviver le fait où dorait son repas. Tremblante, elle se tenait la tête entre ses mains. Elle était vêtue d'une petite robe d'un rose pastel, salie par son excursion dans le bois, mais ses mains et sa peau révélaient sans le vouloir sa véritable nature. Une peau blanche qui tranchait même avec ses cheveux blonds, chevelure clairsemée en de nombreux endroits d'une peau nue.

Une petite mutante.

Cette vision attendrit le méta-humain affamé qui abaissa son revolver. La fillette était terrifiée. Elle n'osa lever le regard qu'une fois que le jeune homme cessa de la braquer. Marcus ne savait que faire, lui parler ? Lui voler son repas ? Non, le partager ? Que faisait-elle tout seule ici d'ailleurs ? Ce n'était quand même pas elle qui avait conduit le pick-up jusqu'ici ?

Non, elle n'était pas seule ! Ou du moins, elle n'allait pas le rester longtemps.

— Papa ! Papa ! s'écria-t-elle en pleurs.

C'était un appel à l'aide ! Marcus n'entendit les pas lourds que trop tard, pour sentir le contact d'une crosse de fusil avec l'arrière de son crâne. Il s'effondra avant de voir trois formes troubles se précipiter sur la petite fille qui les prit dans ses bras. Les mots et exclamations ne lui parvinrent que brouillonnes et lointaines.


Dépossédé de ses dernière réserves, sentant le sang couler le long de sa nuque, Marcus Vermont perdit connaissance. Il n'avait pas eu le temps de disparaître.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top