5ème arrêt : Proximité

Depuis ce fameux matin où j'avais la quasi-certitude que c'était moi et ma présence qui l'avait fait sourire, je ne pouvais pas m'empêcher de penser à lui à chaque fois que je montais dans un bus, n'importe lequel.

- Mais tu as bien un copain ? me demanda mon ami à qui j'avais raconté cet « événement ».

- Oui mais... C'est de la cu-

- Curiosité, je sais. Mais la façon dont tu m'as raconté ça... On aurait dit une adolescente ayant un crush.

- Oh arrête ! En plus je ne connais presque rien de lui et il ne m'attire pas.


Aux premiers abords oui. Mais le facteur « récurrence » a changé la donne.

À force de le voir, d'espérer son sourire, j'ai commencé à le regarder du coin de l'œil plus fréquemment. Passer son style qui ne me plaisait que moyennement et son prénom me rappelant un personnage de dessin animé, il était « moyen ».

Je classais les gens comme ça : « moche », « moyen - » , « moyen », « moyen + », « canon ». Lui était moyen mais plus je le regardais, plus je trouvais qu'avec d'autres vêtements, voire pas du tout, il avait des chances d'être un moyen +.

Oui, j'avais un petit copain mais je mettais tout sur le dos de la curiosité mais quelques années après, j'étais sûr que c'était plus que de la simple curiosité. Ce n'était pas de l'amour car je ne connaissais rien de lui, même à peine le son de sa voix !

C'était autre chose.


Avril. Les partiels du second semestre à la fin du mois, la fin de la licence, les dossiers envoyés dans d'autres universités pour le master, la pression des projets de groupe pas fini... Et moi qui espérais chaque soir, en plus du matin, de le voir rentrer en même temps que moi.

C'était rare mais quand ça arrivait, avec l'affluence des voyageurs, il s'était déjà retrouvé deux fois à côté de moi. Oui, j'avais compté. On ne s'était échangé aucun mot, juste un « Pardon » ou « Merci » pour faire preuve de politesse.

Un soir où j'avais fini les cours bien plus tard que d'habitude, j'avais pris place dans le bus qui n'allait pas tarder à être rempli et mon inattention m'avait conduit à côté du type du bus. Lorsque j'avais tourné la tête vers lui en plein mouvement pour retirer mon sac de mon dos, j'avais vu son petit sourire en coin.

Je l'avais vu ou imaginé ? N'avais-je pas trop tendance à m'emballer ?

La première partie du trajet se déroula normalement. Les lumières du bus étaient allumées seulement à l'arrière et donnaient une atmosphère tamisée à l'avant, là où nous étions. On pouvait voir à travers la vitre les derniers instants du crépuscule.

J'étais en train de somnoler, comme à mon habitude, même si la présence du type du bus me retenait. Et puis je l'ai senti. Comme si l'air avait changé.

Sa cuisse contre la mienne.

C'était anodin. Un geste qui aurait émoustillé la plus prude des adolescentes mais pour moi n'aurait pas du avoir cet effet. Pourtant, c'était quelque chose. Comme si la barrière que l'on n'osait franchir par manque de courage, parce que l'on n'osait pas se parler alors que nous nous côtoyons presque tous les jours, commençait peu à peu à céder.

Je fixais mes mains jointes sur mes jambes et sentait sa cuisse presque se frotter à la mienne avec les mouvements du bus. J'ai tenté de regarder de son côté, par la fenêtre mais ait croisé une demi-seconde ses yeux avant qu'il ne regarde lui aussi par la fenêtre.

Ses yeux sont marron. Ce n'était pas une information exceptionnelle mais c'était celle qui me manquait par le manque quotidien de proximité entre nous.

Le bus prit un virage plutôt serré, me faisant pencher de son côté, mon épaule touchant la sienne. Une étincelle.

J'ai posé ma main sur ma cuisse. Il m'a imité. Nos mains glissaient à mesure que le trajet entre l'université et chez nous se réduisait. Je fixais le siège devant moi et comptais les minutes avant la descente, désirant le plus possible qu'un embouteillage nous retarde.

Mon cœur a soudainement cessé de battre un instant avant de s'agiter frénétiquement : son petit doigt tendu touchait ma main. Ce n'était pas involontaire, lui aussi avait perçu la tension entre nous et ce geste était le début ou la fin de quelque chose.

Et le bus s'arrêta à notre arrêt.

Les joues rouges, j'attrapais mon sac et filait vers la sortie. Il me dépassa en courant pour se dépêcher d'avoir son bus-navette le ramenant chez lui.

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