Chapitre 7 - L'ascension de l'Oméga
Alain a perdu connaissance. Son crâne fusionne avec la vitre autrefois transparente qui a viré rougeâtre. Si je n'appelle pas très vite les secours, il va y passer.
Au début, mon esprit brouille sa réflexion lorsque j'aperçois Terence. Si bien que je le préviens du danger. Puis il me rappelle facilement que le danger ne venait pas d'ailleurs...
— Descend de la voiture ! me hurle Terence.
J'ai du mal à croire que ce soit lui. Sa voix transpire la nervosité avec une forme d'assurance qu'il n'avait habituellement pas.
— Mais pourquoi tu fais ça, putain ?
— Tais-toi et sors de la caisse !
— D'accord, d'accord ! répondis-je d'une voix tremblante. Ne t'énerve pas...
J'essaye de bouger la jambe, mais je sens des énormes picotements. Comme des épées qu'on s'amuserait à m'enlever et me planter dans les membres.
En sortant du tas de ferraille bon pour finir en pièce détaché, je boite de la jambe droite. Je suis presque sûr que je perds beaucoup trop de sang et que l'hémorragie me fait de l'œil.
Il est encore plus effrayant vu de près. Terence se tient face à moi, les dents resserrées comme le serait un chien enragé, je peux voir sa veine battre à sa tempe et son doigt trembler sur la gâchette. Ma vie ne tenait qu'à un vulgaire coup de pression.
Je sens une très forte odeur d'ammoniaque s'émaner de son corps. J'en suis presque étourdi. Je n'ai aucune possibilité de me battre. Je suis affaibli et je n'ai pas d'arme contrairement à lui.
Il en avait profité pour m'attacher les mains et s'est rapproché du bord de l'autoroute.
Est-ce qu'il a l'intention de me jeter dans le vide, le con ?
Puis il revient, m'attrape par les jambes et me traîne jusqu'à son coffre.
— Mais qu'est-ce que tu fous, bordel ?! C'est... c'est quoi ce délire ?
Le coffre se ferme et me ronge dans l'ombre.
Je hurle. Je me démène. Un désespoir aveugle m'inonde le cœur. J'entends le moteur vrombir et je me sens, alors recroquevillé sur moi-même, trembler au rythme de la voiture.
Depuis le gouffre où je suis enfermé, je regarde les lampadaires défiler à toute vitesse derrière moi.
C'est trop tard, la police n'aura jamais le temps d'être alertée ni même de remonter jusqu'à lui. Jusqu'à nous.
Mon visage se cogne contre l'un des recoins étroits du coffre. Plié en deux, je tente de reculer aux niveaux des sièges arrière dont je ne vois que le dos en cuire gris.
Sans énergie, mon seul allié était la gravité. Il fallait que j'anticipe la façon dont Terence allait prendre ses virages. Parce qu'on avait quitté l'autoroute depuis maintenant cinq bonne minutes et que ce gros bœuf conduisait comme un malade.
Mon cœur bat à tout rompre. J'en ai le souffle coupé. Mes mains croisées sur mes jambes commencent à m'engourdir. Ma blessure au tibia me brulait mais j'essayais de faire abstraction de la douleur.
La voiture s'arrêta et je ne voyais plus rien à travers la lunette brisée. L'obscurité m'accueille.
***
Nous étions dans un petit quartier pavillonnaire. Je ne pourrais pas donner le nom de la ville, je ne sais pas où je suis réellement arrivé. C'est la première fois que je viens ici, et pas de gaité de cœur.
Mon état s'aggrave, je n'arrive presque plus à marcher sans hurler et Terence m'a ligoté les mains dans le dos. Très pratique pour garder son équilibre dans ce genre de situation.
Je crois que le plus terrifiant était la maison parfaitement blanche qui se distinguait dans la sombre pénombre de la nuit. Elle se fondait dans la masse, c'était un pavillon parmi tant d'autre. Il y avait un chic petit jardin dont les herbes ajustées à la bonne hauteur montrait l'application des gens qui y habitaient. La haie, fleurie de quelques roses, parvenait à dissimuler une partie de la devanture qui donnait sous le porche et la porte d'entrée. Des nains de jardins, implantés de manière hasardeuse sur toute la surface de la pelouse, s'habillent de sourires jovials particulièrement malsain. Ils me regardent empiéter dans leur propriété, certains avec une pelle à la main, d'autres des brouettes. Qui sait à quoi ces choses pourraient leurs servir maintenant que j'étais là ? S'ils font dans l'originalité, je suis foutu.
Je n'ai plus aucune notion de l'heure mais les autres maisons plongent dans le noir. Il doit être aux alentours de vingt-deux heures. Le village s'endort quand le loup-garou se réveille, comme on dit.
Terence me fait passer dans le salon mais je n'y vois rien. Il fait trop sombre. Je sens une bonne odeur s'échapper de ce qui semble être la cuisine, juste à ma droite. Serait-il un bon cuisinier ?
Il me pousse sur le fauteuil du salon. J'entends alors un son de cliquetis qui justifie la fermeture de la porte. Mais ce n'est pas tout.
Mon cœur sursaute lorsque j'entends des bruits de chaines se frictionner autour de quelque chose.
Je me tourne et reste pétrifié. Une silhouette fine, squelettique, se dresse face à moi. Ce n'est pas Terence, il est en train de verrouiller la porte et le corps ici est son total opposé. La masse penche lentement son cou sur le côté mais ne dis rien. La chose dont je suis sûre c'est qu'elle est en train de m'observer.
— Tu es rentré ? racla une voix ratatinée.
Cette voix cassée et aigue. C'était une fille. Elle se mit pour la première fois à bouger en tendant sa main vers moi. Je n'arrivais pas à voir son autre bras à cause de l'obscurité.
La fille me caressait le visage, comme si j'étais un animal de compagnie.
Les bruits de chaines s'estompèrent. Terence détona d'une voix furieuse sans prévenir.
— Pourquoi tu n'es pas dans l'Antre !!!? Qu'est-ce que je t'ai déjà dit ?!
— Je t'ai f-fait à manger... je-je pensais que ça te ferait plaisir.
Je sursaute tellement fort que je bondis au sol, toujours ligoté comme un détenu tandis que mes yeux ne quittent pas la jeune fille.
Elle est terrifiée et choquée, un peu comme moi. Sauf qu'elle avait eu le geste réflexe de se recroqueviller en protégeant son corps avec la même main de tout à l'heure.
Il n'a même pas commencé à la frapper qu'elle se met déjà à gémir comme un animal blessé.
Je pense que la chose la plus troublante que j'ai pu voir était la façon dont Terence l'avait trainé derrière lui. Par les cheveux comme une poupée de chiffons et elle ne se débat que d'une seule main.
Terence la balance sur le fauteuil avec plus de rage qu'il en faisait pour moi. Il lui dépèce une sorte de drap qui pend autour de son corps, un peu comme une serviette. Il en fait de même pour le bas de ses vêtements.
Elle n'a pas la force de pleurer et se contente de quelques expirations en saccades.
Terence enlève son t-shirt avec une bestialité infinie. Je vois sa main caresser l'épaule de la fille désormais nue sur le canapé.
Il pose une main sur l'un de ses seins. Elle ferme les yeux.
Terence découvre son ventre plat, puis remonte en l'embrassant vers le thorax.
— Cambre-toi !
Je n'arrive pas à réaliser qu'elle vient de s'exécuter comme le ferait un animal domestique. Presque à quatre pattes, elle attend que Terence monte par-dessus son dos. Ce qu'il fit avec brutalité. Je la vois tenter de tenir en équilibre avec toujours une seule main, mais son visage s'était écrasé sur le canapé.
Elle est suffisamment proche de moi pour que je me mette à tenter de déchiffrer ses traits.
Oh, mon Dieu... c'est Nahla... Elle est encore vivante. Son bras est amputé et... son visage marqué par les cernes l'avait vieilli d'au moins une décennie. Les cicatrices arquées sur ses joues la rendent méconnaissable.
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