Chapitre 36 - Les loups de l'intérieur
Alpha éclate de rire, mais je n'apprécie pas la plaisanterie.
« Bah quoi ? C'est drôle, non ? Vous faites comme deux tourtereaux en pleine première dispute de couple »
— Qui tu es, exactement ?
« Qui je suis ? répète-il en soufflant du nez. Mais Driss t'as déjà tout dit. Il n'y a rien à ajouter. Je suis tout simplement Alpha. Tu devrais être ravi de m'avoir enfin retrouvé, mon gars, t'étais comme un constipé dans les contacts de Terence. Ça faisait peine à entendre »
L'atmosphère demeure tendue tandis que je m'approche d'un pas insécure jusqu'à la porte. Ma main se pose sur la poignée et j'hésite encore à le laisser entrer. Mon autre main tourne la clé dans un cliquetis de serrure, sans réfléchir.
« L'autre imbécile a enfin réussi à entrer ! s'exclame Alpha d'un sourire qui se lisait dans le timbre de sa voix. Qu'est-ce qui t'as fais changer d'avis ? »
Je regarde Driss dans les yeux et pose l'ordinateur sur l'étagère.
« L'ennemi de ton ennemi est ton ami... je vois. Sinon, Driss, c'est normal que tu fasses un boucan pas possible avec tes narines ? C'est incroyable ! T'es asthmatique ou quoi ? »
Il garde ses distances avec l'ordinateur. J'estime Driss suffisamment terrifié pour penser voir un pied de l'individu sortir de l'écran, en guise de portail dimensionnel.
« Un conseil. Il est préférable de connaître son allié jusqu'à la profondeur de son squelette avant d'essayer de le corrompre »
Une inflammation embrase ma poitrine lorsque je l'écoute. Cette phrase m'était destiné, il n'y avait aucun doute.
— Arrête de raconter des conneries ! s'exclame brusquement Driss.
« T'as raison, champion. On devrait te laisser la parole, qu'est-ce que tu en penses ? »
Driss regarde fixement l'ordinateur d'une bouche bée.
« Je sais que tu te sens niqué par les évènements. Mais ce n'est pas une raison pour t'exciter dans tous les sens comme une pucelle attardée de quinze ans. Comportons-nous comme deux Alphas, le veux-tu ? »
Il garde son silence.
« T'as pas le droit de faire le fantôme. Je l'ai si gentiment proposé... Eh merde, hein. J'aurais essayé »
— Attends ! s'écrie Driss en craignant la parole d'Alpha comme une bombe à retardement. Qu... qu'est-ce que tu sous-entends par se comporter...
« Je ne pensais pas devoir l'expliquer. Je croyais qu'on avait au moins ce point en commun. J'ai dû mal entendre ce que tu disais, l'autre fois... »
— Je n'ai rien à voir avec vous.
Il emprunte la voix d'un enfant et peine à puiser dans ses racles de gorges pour aggraver son timbre.
« C'est pas grave. On va mettre ça sur le compte du stress. Ta nana est là et tu t'emballes, normal. Surtout pour des gamins de cet âge »
Alpha est à deux doigts de nous traiter de « génération d'abrutis ». Un homme d'une autre époque malgré ce qu'il laisse transparaître.
« Ma foi, tes ambitions sont déjà plus lucides que celles de l'autre débile avec sa chanteuse anorexique de onze ans. Des éléments comme toi mériteraient plus de lumière dans la Cubile »
— Pourquoi vous parlez comme si j'étais l'un des vôtres ? Vous n'avez pas compris que j'ai tué Terence pour ne pas vous livrer Inès, tout à l'heure ?
« De l'auto-défense camouflée en sauvetage héroïque. Si Terence ne voulait pas te charcuter parce que tu baisais avec sa Rosie, on aurait pu en tirer une bonne morale. C'est dommage »
— Tu ne vas pas croire ce malade, quand même ?! s'exclame Driss en m'attrapant le bras.
Le ton revêche qui emmitoufle sa voix a tendance à trahir.
« Si tu poses la question, c'est qu'il y a déjà un problème. Tu te plantes tout seul comme un grand »
À la tête froide qu'il vient de faire, j'en déduis que Driss se jurait intérieurement à quel point il était dans la merde. Mais je préfère avoir le bénéfice du doute.
« La base de toute bonne relation, c'est la communication... et en plus ça rime ! J'suis fier de ma bête de phrase, là. Faut que je note ça quelque part... »
— On est pas ensemble, nom de Dieu !
« Calme-toi ! Je sais que ça t'enrage de passer à côté de la fille de tes rêves mais j'y suis pour rien, moi »
— Qu'est-ce que tu racontes ?! J'en ai après toi, pas elle !
« Précepte numéro un du Mâle Alpha : les qualités premières d'un homme se reflètent dans la conjugaison de son honnêteté et la valeur intrinsèque de ses pulsions ! »
Driss meurt d'envie d'expédier une réponse malgré son manque de répartie. Mais on ne sait pas encore la chose qui nous prendrait à contre-pied.
« Comment peux-tu prétendre devenir un chef, un leader. Un Alpha. Si tu n'impose pas la synergie qui te semble adéquate au sein de ta meute ? »
Driss arque un sourcil et passe un main sur son front. Ses doigts trempés suintent la sueur.
Soudain, la voix, qui s'étale dans les haut-parleurs, disparait. Elle se retrouve ensevelit de grésillement qui étire son débit, brouille le champ.
Elle est supplanté par une autre voix avant de fondre dans le silence.
« Elle est vivante ?! Putain, Driss ! C'est pas le moment de faire le con, là ! Où est-ce que vous êtes ?!
— Je te dirais tout ça en temps et en heure. Réponds d'abord à ma question... Est-ce qu'il y a quelque chose entre toi et Inès ?
— On en parlera plus tard ! Arrête avec tes questions idiotes et dit-moi où vous êtes !
— Attends, je crois que je ne me suis pas fait comprendre. Est-ce que tu fréquentes Inès ?
— En quoi c'est important, là, tout de suite ?!
— En fonction de la réponse, je jugerai s'il vaudrait mieux te révéler la planque ou rester caché.
— Ça veut dire que tu peux sortir, là ?
— Effectivement, mais j'ai pris du temps à gagner la confiance de Terence. Si je prends le risque de quitter la maison, ça sera à mes risques et périls. Et tu veux que je te dises ?
— On s'en bas les couilles que tu aies réussi je ne sais pas quoi ! Donne l'adresse !
Il avait ce tremblement dans la gorge qui faisait crépiter les haut-parleurs de l'ordinateur.
— Je commence à comprendre pourquoi tu enchaînes les conquêtes sur conquêtes. Il faut dire que c'est satisfaisant.
Morgan ! Morgan, j'aimerais tellement que tu saches où je suis vautrée. Les larmes me montent aux joues rien que d'entendre ta voix. Tu es si paniqué et excité. C'est la seule chose qui me plait. Tu es prêt à tout pour me trouver, je le sais.
— Eh oui, c'est fini l'époque où tu me traitais d'incapable devant Inès, de sale puceau et j'en passe. D'ailleurs, tu devrais me demander ce que j'ai fait durant ces dernières semaines enfermés avec Rosie.
— Rosie ? Tu parles de...
— Ton ex, oui. Je vais bien le souligner.
Il le disait sans un éclat de voix. J'entends Morgan gratter nerveusement ses cheveux au niveau de la nuque. Les claquements que je perçois viennent de sa nouvelle passion à se ronger les ongles.
— C'est pas si mal en fait...
— Passe-moi Inès, s'il te plaît.
— D'être comme toi. Je veux dire, la sensation d'abondance que l'on ressent en couchant avec pleins de filles, c'est presque incontrôlable. J'ai l'impression d'être un gosse qui a dévalisé un magasin de bonbons.
— Pleins de filles ? Il y en a d'autres à part Inès et Rosie ?
— Oups, j'oubliais que monsieur est un habitué de cette abondance sexuelle. Ce chiffre est trop petit pour des connards dans ton genre.
— Je te le redemande, passe-moi Inès.
— C'est si gentiment demandé, dommage que je n'en ai rien à foutre. Rosie ne t'as pas suffit, tu as besoin de t'attaquer à Inès ? Tu t'arrêteras quand, Morgan ?
— Je pensais pas que tu pouvais être aussi demeuré.
— Le demeuré, il t'emmerde, petit con !
Le son des haut-parleurs qui grésillent sous le courroux de Driss me pince les tympans.
— Ici, c'est moi le chef. C'est moi le roi. Je suis le mâle Alpha. Et personne ne peux m'empêcher de vivre comme je l'entend. Y compris toi.
— Attends, est-ce que toi et Inès...
— Elle m'a sucé jusqu'à ce que je gicle dans sa bouche, oui ! Ô mon Dieu, j'ai tellement prit mon pied, ce jour-là !
Il avait lâché ça en attendant le moment propice depuis le début de la conversation. Driss tente de s'approcher de l'ordinateur et appuie sur toutes les touches mais rien n'y fait. En inclinant l'écran contre le clavier, le son reste perceptible en vain et s'échappe comme s'il était toujours ouvert.
Tu oublies de mentionner que je ne l'ai pas fait de mon plein gré ! Qu'est-ce que Morgan va penser, maintenant ?
— Qu'est-ce qui te fait rire, sale monstre ?!
— Malgré le fait que tu ne sois pas là, Morgan. Tu arrives quand même à semer le bordel au sein de ma meute. Sans rage, je te tire mon chapeau.
— Si tu veux un coupable, prend-toi en à Terence, putain de merde !
— Eh eh, c'est pas de la faute de Terence si deux filles sur les trois qui sont ici se sont crêpés le chignon.
— Tu veux dire que...
— Ouais, elles se battaient pour toi. Et si Rosie ne me l'avait pas dit, jamais je ne l'aurais su.
Je me mords la lèvre et jette un oeil par-dessus mon épaule. Il y a ce sentiment de culpabilité qui me ronge lorsque j'observe Driss se crisper les poings face à la conversation sanglante. Peut-être que si je lui avais parlé de ma relation avec Morgan depuis le début, on n'en serait pas là.
— Lorsque je trouverai ta cachette...
— Qu'est-ce qui te fout en rogne ? Est-ce que c'est pour moi et Inès ou...
— Passe-la moi !
— Écoutes, petit con ! Ce n'est pas normal que Inès se retrouve à se battre avec Rosie par rapport à toi. Alors soit tu me dis toute la vérité ou soit je raccroche et tu ne pourras jamais nous retrouver.
J'entends Morgan respirer avec agacement dans le haut-parleur. Il soupir et reprend.
— On ne l'avait dit à personne mais il y a bien quelque chose entre elle et moi. C'est pas contre vous, les gars, on attendait de voir où ça nous menait, voilà tout.
J'ai la sensation que la retranscription est coupé. La respiration de Morgan se confond avec le silence qui tombe dans la pièce.
— Driss ? Driss... bon sang, dis quelque chose.
— Tu crois que tu peux débarquer comme ça dans sa vie et détruire tout ce que j'ai bâti ? Prendre ma place en quelques mois... VA CREVER, ENFLURE !
Des grésillements surgissent de nulle part et submergent la discussion. Bientôt, la voix qu'empruntait Driss se fait ronger avant de disparaitre.
— Ne me touche pas !
Maintenant qu'on est à nouveau seuls, cet espèce de salaud tente de calmer le jeu en posant une main sur mon épaule. Il a vraiment cru que son timbre de voix attendri allait marcher après ce que je venais d'entendre ?
— Ça date d'il y a super longtemps, cet appel.
— Je sais, maintenant, puisque tu es venu juste après passer tes nerfs sur moi ! On avait une chance de sortir d'ici et tu as tout gâché !
— Qu'est-ce que tu voulais que je fasse. Je suis fou amoureux de toi et quand je compris ce qui se passait entre vous, j'ai totalement pété les plombs. Mais je t'assure que je ne suis plus pareil, maintenant !
— Je veux rompre.
— Rompre ?
— Notre accord. De toute les façons, je sais pertinemment que tu ne voulais pas qu'on retrouve la police, peu importe les arrangements.
— Qu'est-ce que ça veut dire ? Je ne comprends plus.
« Ça veut dire qu'elle va te balancer aux flics dès qu'elle en aura l'occasion, pauvre abruti ! »
Mon coeur explose dans ma poitrine. Il n'était pas censé être parti ?
Driss fait volte-face entre moi et l'ordinateur posé sur le potager. Cette manie de mêler ses doigts dans sa touffe de cheveux doit le ramener à la réalité. La confusion s'empare de lui. Je le vois à ses gestes brusques.
— Laissez-moi, putain ! Tout ça c'est votre faute !
« Tu ne veux pas lui faire de mal parce que tu l'aimes ? Ça, je l'ai bien compris. Pourtant, il va falloir faire un choix, mon grand »
— Où que vous êtes, je vous retrouverai et je vous tuerai !
« Tu t'en prends à la mauvaise personne. Tu prends une pose à chaque mot qui sort de ta bouche... assied-toi sur la cuvette et chie un bon coup, ça va te faire du bien »
Ses expirations deviennent de plus en plus forte. Je vois son torse se gonfler et redescendre pendant que son corps s'affale sur le sol. Son dos dégorge une marre de sueur qui assombrit son t-shirt.
« Laisse-moi gérer le reste, tu veux ? Tu n'es clairement pas en état de t'en sortir »
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