Chapitre 31 - Mon meilleur allié ou mon pire ennemi

  Tout le monde commence à s'exciter, sur le bateau. En effet, je ne suis pas le seul à avoir remarqué un cadavre plonger dans l'eau. La première chose que tout être humain aurait fait serait de fuir loin de l'incident. Chose qu'ils s'accordent à faire sauf le petit capitaine, lui-même, qui avait déjà la folie des grandeurs rien qu'à l'idée de m'attraper mort ou vif et de passer dans le journal local tel que le héros qui a dérouté l'affreux Driss Truchet.

  Avec tout ce que Terence avait réussi à faire depuis qu'il était soi-disant parti à ses trousses, je commence sérieusement à douter de son efficacité en tant que second maître de cette croisière.

  Il revient sur ses pas en entendant les hurlement se déchaîner quelques étages plus haut. Les gens répètent avec acharnement avoir vu un corps tomber dans l'eau depuis le hall. Je ne sais pas ce que le vrai capitaine fera, mais il ne tardera pas à venir et constater les traces de luttes au sein de la grande pièce.

  — Terence, bouge-toi ! On doit continuer de se battre !

  Je décide finalement de sortir et j'attrape Terence par l'épaule avant de lui taper dans le dos.

  — Vous ne vous en tirerez pas comme ça, bandes de criminels !

  Mais Thomas, empli de rage à l'idée de s'être fait doubler, vient de nous retrouver devant la porte du hall. À deux doigts de nous en aller.

  — Qu'est-ce qu'on fait ?! m'exclamais-je.

  — Je pense qu'on a pas vraiment le choix. Il faut récupérer les filles et se faire la malle !

  Je lui réponds d'un hochement de tête, les émotions étouffant dans ma gorge. Il a l'air de comprendre ce que je ressens et se poste juste devant moi.

  — Driss, il y a des embarcations de sauvetages situés derrière le bateau. Tire en deux du bossoir !

  — Et après ?! Qu'est-ce que je fais ?! lui demandais-je d'une voix haletante, sans pouvoir m'arrêter de hurler.

  — Tu vas chercher Nahla et Inès ! Inès sera sur ton bateau. Je me chargerai de l'autre !

  Il a beau mesurer un mètre quatre-vingt quinze et peser cent kilos de muscles, Thomas ne peut pas rivaliser contre deux hommes plus instables que lui. Et il le sait mais tient tout de même à garder bonne figure.

  — Thomas, on est vraiment obligé d'en arriver là ? Tu veux perdre ta vie bêtement comme Rosie ?

  — Ferme-là, espèce de malade !

  — C'est pas faute d'avoir essayé... pardonnez-moi, Seigneur ! J'ai vraiment pas été sage, aujourd'hui.

  Terence saute en arrière pour éviter un crochet du poing qui manquait cruellement d'ambition.

  — Tu avais l'intention d'assommer qui avec ça, mon grand ?

  Ses yeux injectés de sang dominent les pupilles tremblantes du jeune homme. Il commence à tituber en voyant Terence prendre son élan et se jeter sur lui.

  Je n'avais encore jamais eu à me battre et observer Terence écraser Thomas sous le poids de son ventre puis le rouer de coups pendant qu'il en était paralysé me donnait des frissons d'admiration.

  Je ne le savais pas aussi puissant. Il n'hésite une seule seconde. Bientôt, le visage de Thomas ressemble à un énorme ballon rouge. Le sang empêche de distinguer son nez de sa bouche et seuls les hurlements qu'il expulse de sa gorge lui donne encore le statut d'être humain. À part ça, il était devenu la chose de Terence.

  — Je peux encore t'épargner si tu décides de prendre les embarquement de sauvetages à notre place et que tu ne dis pas un mot de ce qu'il se passe à ton père.

  Terence reçoit un condensé de salive rougeâtre dans la figure et plisse ses lèvres d'une lippe indescriptible pour refrogner sa rage.

  — Va... crever... sale... violeur...

  — Eh merde, hein.

  Terence attrape le pistolet avec lequel il vient de tuer Rosie puis colle deux balles qui lui traverse les tempes. Je sursaute en entendant le canon détonner une énimème fois.

  Je prends l'ascenseur avec l'infime espoir que personne ne me soupçonne coupable de l'accident qui se produit en bas. Pour cela, je dois avoir l'air naturel. J'inspire profondément avant de laisser la porte de l'ascenseur s'ouvrir et déploie mon meilleur jeu d'acteur au péril de ma vie.

  — Où sont les filles ! Rosie a disparue et maintenant je ne trouve plus Inès et Nahla ! Ô Seigneur ! Qu'ai-je fais pour mériter ça ?!

  Un couple de retraité se rue sur moi. La vieille dame m'attrape par le bras et me demande de respirer profondément afin de reprendre mes esprits perturbées par la situation.

  Alors que je connaissais méticuleusement l'emplacement de la porte 19-34, je les incite à m'indiquer le chemin. Bien que cela prenne plus de temps que prévu, j'arrive à me glisser dans la chambre et les laisser au palier.

  Face à elles, je me jette sur le sol et expire.

  — Qu'est-ce qui se passe, en bas ?! s'exclame Nahla en me regardant trembler de tous mes membres.

  — Rosie est tombée du bateau... soupirais-je. Il faut qu'on s'en aille d'ici tout de suite !

  — Tu veux dire qu'elle est morte ? demande Inès d'une voix enrouée.

  C'est la première fois depuis un moment qu'elle m'adresse un regard autre qu'une colère pleine d'amertume. Presque béate, ses yeux ronds me fixent d'un air vitreux.

  — Est-ce que c'est toi qui...

  — Non, répondis-je en avalant difficilement ma salive. C'est trop long à expliquer, pour le moment. Il faut qu'on s'en aille d'ici tout de suite !

  J'attrape Inès par la main, mon coeur cogne contre ma poitrine lorsque je palpe sa peau sur la mienne. Quelque chose me chatouille le ventre. Et Nahla suit notre sillage lorsque je donne un grand coup de pied contre la porte pour détaler le balcon.

  Les gens nous observent courir en se posant des questions. Je suis submergé par les murmures qui se glissent autour de nous. Recroquevillés sur eux-mêmes, les passagers de la croisière se demandent s'il vaut mieux rester tranquillement sur le bateau à attendre la prochaine excursion ou prendre la fuite pour des raisons dont ils ignorent l'existence.

  Le temps qu'ils perdent à parler sur notre compte, on avait déjà franchi l'ascenseur et descendu deux étages. À travers les portes en verre, Nahla plaque la seule main qui lui reste contre la vitre et observe Terence d'un regard inquiet. Il est plus loin, les mains chargées par les manivelles de la bossoir.

  — Est-ce que c'est à cause de lui qu'on est obligé de faire tout ça ?

  La question puérile s'était échappée des lèvres de Nahla avant qu'elle n'ait pu la retenir.

  — À cause de lui ? Pas du tout ! m'exclamais-je. C'est un autre qui a prit Rosie en chasse avant de lui coller une balle dans le ventre. On a essayé de la sauver mais c'était trop tard...

  — Et donc, où est le coupable ? rétorqua Inès qui ne semblait pas convaincue pour autant.

  Elle s'assimile au choc avec une rapidité déconcertante. La jeune fille n'est pas prête à se faire manipuler aussi facilement. Je devrais faire preuve d'une grande imagination.

  — Tu as entendu les deux gros trucs tomber dans l'eau, tout à l'heure ?

  Elle hoche de la tête et m'ôte sa main de la mienne pour croiser ses bras. Je regarde les gens se presser derrière nous, formant une grande émeute. Je commence à réaliser que je devais la faire courte pour réussir à la convaincre avant le moment fatidique.

  — C'était Rosie, la première à mourir. Et le deuxième corps que tu as entendu tomber dans l'eau n'était autre que le fils du capitaine. Il avait essayé de violer Rosie pendant qu'elle était seule en train de faire de l'auto-tamponneuse dans le hall.

  — Wow ! s'exclame faussement Inès. Quelle histoire ! Et tu crois peut-être qu'on va gober des salades.

  — Écoutez, je m'en fiche que vous me croyez ou non ! Tout ce qui importe, c'est que vous montiez dans ce putain d'embarquement ! Merde à la fin !

  J'entends des gens s'exclamer de peur lorsque je m'emporte face à elle. Je suis devenu suspect dans les inconscients collectifs.

  — Driss, amène-toi !

  J'attrape Inès qui tente malgré tout de se débattre. Elle se penche en arrière, ses pieds râpent contre le parquet dans un crissement désagréable. Nahla se bouche les oreilles face au bruit et avance sans discuter mes ordres. Elle jette des regards inquiets de droite à gauche en se voutant le plus que possible, comme pour éviter une attaque aérienne.

  — Les garants ont lâchés ! On va pouvoir sortir d'ici ! me hurle Terence, au loin.

  Je fais signe à Nahla de passer devant nous pendant que j'attrape Inès par la taille et la soulève sur mes épaules. Je commence à courir avec une sueur froide qui me perle au front. L'idée d'être pris en chasse par l'un des passagers me mets une pression dans le ventre dont je n'arrive pas à me dépêtrer.

  Les barques s'écrasent sur l'eau. Un amat de bulles, formant un tapis blanchâtre, se dérobe en contre-bas.

  — On va devoir sauter, annonce Terence en regardant la surface.

  — Quoi ?! Mais on n'a même pas de gilet de sauvetage !

  — C'est maintenant ou jamais ! Le capitaine va remonter jusqu'à nous et ce sera trop tard !

  Il attrape Nahla comme s'il s'agit d'un bébé et la plaque contre son torse.

  — Attends, tu ne vas pas...

  Avant que je n'ai pu finir ma phrase, il saute par-dessus la balustrade et roule dans les airs avec les bras plaqués contre Nahla. Mes jambes répondent par des picotements en entendant le cri de Nahla se fondre dans le vent. Il s'arrête au moment où les deux se font engloutir par le joug de la mer.

  J'entends comme un gargouillement puis une explosion dans l'eau. En m'approchant, je remarque Terence et Nahla, sains et saufs, remonter à la surface. La fille claque des dents et s'appuie contre le dos du tortionnaire pour grimper dans l'embarquement.

  — Allez, c'est facile !

  Je pose Inès à terre, mon coeur ne va pas pouvoir l'assumer, celle-là. Elle me fait le même regard effrayé. Puis j'essaye de considérer la distance qui me sépare de mon bateau.

  — Mais ça a l'air vachement profond. Il doit y avoir quarante mètres qui me sépare du bateau.

  Je regarde avec appréhension. Mon cou se penche vers le bas et lorsque je comprends que Terence ne rigole pas avec moi, je sens une chaleur me souffler au visage.

  Bien qu'Inès me regarde et que je dois tenir un mental d'acier face à elle, il faut bien admettre que c'est peine perdue. Elle n'a qu'à observer mes jambes sur le point de se claquer tant elles tremblent pour se rendre compte que je ne maîtrise pas la situation.

  Terence et Nahla m'apparaissent comme des petits points noirs depuis la balustrade. Je fronce les sourcils et essaye de penser à la façon dont j'allais devoir...

  — Arrête de penser, saute !

  — Euh... o-ok ! M-mais je saute sur le bateau ou...

  — NON, idiot ! À part si tu cherches à te briser un os.

  — Qu-qu'est-ce que je dois faire alors ?

  — Saute dans l'eau pour amortir ta chute. Ne t'inquiète pas, la mer est très salée par ici. Tu remonteras à la surface en un rien de temps.

  Ma salive se coince dans ma gorge et je suis à deux doigts de m'étouffer – ou vomir – en voyant l'écart monstrueux qui me sépare de Terence et Nahla.

  Je commence à lâcher lentement la barre, un doigt après l'autre. Puis, au moment où Inès s'y attend le moins, je m'agrippe à son bras avant de l'entraîner dans le vide.

  Mes talons tournent, par la force d'Inès, je me retrouve propulsé dans le vide et n'entends rien d'autre que le vent souffler dans mes oreilles. Mes vêtements flottent comme une bannière et j'ai l'impression de voler, me rapprochant un peu plus de mon objectif.

  Et en moins de temps qu'il me fallut pour commencer à hurler, la température change brusquement, l'air relayant mon corps à la mer. J'ouvre les yeux et observe l'océan d'un bleu sombre qui ne laisse absolument rien paraître dans ses abysses.

  Je n'ai pas le courage de regarder ce qui se passe au-dessous de moi. À tout moment, la légende du kraken ou du Léviathan se confirme pour mon plus grand désarroi.

  Je fixe la lumière du soleil, comme si l'endroit où je jette l'oeil m'emmène automatiquement dans cette direction. Puis, comme Terence l'avait prédit, mes poumons se relâchent avec une profonde expiration. Inès réapparait quelque seconde après moi, ses cheveux sales et trempés voilaient son visage.

  — Espèce de malade !

  Terence pousse un puissant ricanement qui me rappelle qu'on avait pas vraiment frôlé la mort.

  — Plus de peur que de mal, n'est-ce pas ? 

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