Chapitre 11 - Un invité-surprise

  Cette pièce m'écrase de par ses quatre murs d'obscurité. Je finis par m'assoupir pour mon plus grand bonheur. Le petit éclat de lumière qui s'échappe de la fente grille comme une ampoule lorsque mes paupières deviennent trop lourdes pour continuer à penser dans le vide.

  Ratatiné sur moi-même, je dors tout le long de la nuit recroquevillé sur le sol. La poussière se mélange avec l'air lorsque je respire et je sens le froid des carreaux me coller à la joue. Je comprends enfin le sentiment des SDF lorsqu'ils dorment à la belle étoile. Comparé à un lit bien douillet, c'est une véritable torture.

  Malgré le privilège que j'avais d'habiter en Martinique, certaines nuits pouvaient se montrer pluvieuse et corréler avec le froid. C'était le cas, ce soir. Pour trouver le sommeil, il me fallait une source de chaleur. J'ai alors songé à quelque chose de honteux, certes, mais efficace.

  Mes vêtements de sport étaient trop légers et déchirés à certains endroits. Terence ne m'avait pas proposé de matelas et de draps pour me couvrir. Toutes mes affaires se résume à la chaise bringuebalante, ses quatre pieds menaçant de tomber. Dormir sur une chaise, les bras croisés, j'ai essayé mais ça ne marchait pas. Je ne finissais toujours pas m'écraser à la renverse sur le sol.

  À l'instar d'un survivaliste, je me suis volontairement uriné dessus. Mon visage se défigure au moment où je décide de lâcher mon sphincter. Une odeur nauséabonde de sueur et d'urine me monte au nez, mais je ressens la chaleur s'étaler de mon entrejambe jusqu'à mon torse. Je me fléchis droit au sol, comme un saucisson, avec la certitude que l'urine cascaderait l'entièreté de mon corps.

  J'ai un peu plus chaud. Je me suis endormi. Je regrette simplement que ce sommeil ne soit pas permanent.

***

  L'éclat se fait plus scintillant qu'hier matin. Les yeux fermés, je sens sa chaleur me chauffer les paupières. Les yeux entrouverts, je réalise que je suis trempé de l'entrejambe jusqu'au cou. Je me rappelle de l'urine et lâche un soupir.

  On frappe à la porte, je tords la partie mon cou vers l'entrée et masse ma joue marqué par le carreau sur lequel elle s'est écrasée toute la nuit.

  Je voudrais défaillir. Je voudrais m'écrouler ici, dans la poussière, et ramper jusqu'au côté opposé de la porte pour m'y recroqueviller en boule. La honte me tiraille, je vois déjà Terence me postillonner au visage et me percer les tympans, hilare de ma situation.

  J'ai un moment de réflexion pendant quatre secondes. Pourquoi Terence frapperait à la porte ?

  — Est-ce que je peux entrer ?

  C'est une voix féminine. Je n'arrive pas à contrôler les pulsations cardiaques qui happent ma poitrine.

  — Euh... c'est qui ?!

  Je ne reconnais pas la voix en question.

  — Tu es un garçon ? s'étonne la voix. Il a choisi un garçon, cette fois ?

  Je palpe à sa voix qu'elle est dévorée de curiosité. La fille n'attend pas que je donne mon approbation et j'entends le grincement de la porte.

  Je prends appui sur mes mains et bondis à pieds joints sur le sol. J'attrape les pans de mon t-shirt et tente de l'enlever avant qu'elle me prenne pour un retardé mentale.

  Le temps m'échappe et son regard tombe dans le mien. Je rabats le t-shirt vers le bas, constatant avec effroi qu'il est trop tard.

  — Il fait chaud dans cette pièce ? demande-t-elle.

  — Ce n'est pas de la sueur...

  J'ai trop honte pour garder la tête haute. Je fixe mes pieds lorsqu'elle est en train de réaliser ce que je viens de lui dire. Pendant un moment elle reste silencieuse puis s'avance vers moi.

  Je ne vois que le bas de son corps. Ses cuisses agréablement fermes épousent une sorte de legging noir dont le tissu abimé faisait ressortir des petites boules de coton à certains endroits hasardeux. Elle est pieds nues et ses ongles sont parfaitement limés.

  — Tu veux que je les mette à laver ? Je m'occupe de la lessive, aujourd'hui.

  Je fais non de la tête.

  — Ne t'inquiète pas, Driss. Il n'est pas là.

  Comment elle connaît mon nom ? Et comment elle arrive à lire dans mes pensées ? Je suis sur le point de me raviser lorsque mes yeux montent de plus en plus haut.

  — Rosie ? C'est toi ?

  Contrairement à Inès ou Nahla, elle parait bien moins mal en point. Je dirais presque qu'elle n'a aucune séquelle physique. Surprenant, elle est plus belle aujourd'hui.

  — Mon dieu ! Je t'ai retrouvé, aussi !

  Le visage de Morgan me vient à l'esprit. Les souvenirs de notre discussion remontent. Comment fit-elle pour rester aussi inébranlable face à cette situation ?

  — Est-ce que tu vas bien ?

  Je mets une main sur son épaule lorsque je vois un sourire timide se former sur son visage.

  — Je sais qu'on partage juste la même classe et qu'on n'a jamais été vraiment proche, mais je m'inquiétais beaucoup pour toi... on s'inquiétait pour vous toutes...

  Elle cambre le pied, gênée, alors que ses orteils la fait pivoter.

  — Pourquoi Terence t'a emmené ici ? lui demandais-je.

  On dirait qu'elle est contente de savoir que le monde extérieur songe encore à son existence mais elle me fait trois pas en arrière comme si quelque chose l'empêchait de se ravir de la nouvelle.

  Rosie ne répond pas à ma question et fixe mes vêtements trempés.

  — Tu es blessé ?

  Je jette un œil à ma jambe bandée et pousse un léger soupir de soulagement.

  — Ne t'en fais pas, Terence m'a soigné et depuis je n'ai plus du tout mal...

  Elle me fronce des sourcils.

  — Si je suis ici, c'est simplement parce que je voulais vous retrouver. Je ne sais pas que ce tu penses, mais je ne suis pas l'associé de Terence.

  — Ça ne serait pas très poli d'enfermer son associé dans une pièce sans de quoi dormir.

  Rosie met sa main devant sa bouche pour étouffer un rire.

  — Allez, enlève tes vêtements et donne-les-moi. Je vais faire tourner ça.

  Je ressens du soutien pour la toute première fois depuis que je suis arrivé dans cette maison démoniaque. Rosie reste devant moi, les bras croisés, tandis que je regarde une dernière fois son legging et son push-up avant de déboutonner mon pantalon.

  Je lui donne d'une main timide mon jean et mon t-shirt, trempé et empestant l'urine. Elle voit mes poignées d'amour, ça me gêne. Rosie attrape le paquet du bout des doigts et me décoche une petite grimace. Est-ce que c'était pour ça ?

  — J'ai fait ça simplement pour me tenir chaud. Je n'arrivais pas à dormir dans le froid !

  — Il ne t'as pas installé de toilettes dans ton cachot. Tu n'as pas à te justifier, ne t'inquiète pas.

  — Il ne savait peut-être pas qu'il aurait un invité-surprise...

  J'essaye de détendre l'atmosphère face aux timides ricanements de Rosie. Je pense avoir réussi mon coup.

  Mais moi aussi, je ne pensais pas être invité, d'ailleurs.

  — Tu n'enlèves pas ton caleçon ?

  — Euh, pardon ?

  Je me fige devant elle. Ses yeux arrondis me répondent que je ne devrais même pas me poser la question.

  — Ton caleçon aussi est trempé. Tu ne comptais pas le laisser sur toi, quand même ?

  Rosie me parle avec une telle évidence que j'en deviens désorienté.

  — Mais... je...

  — Driss, ça ne me dérange pas, tu sais. Par contre, tu peux toujours te mettre derrière la porte si tu te sens gêné.

  J'avale avec difficulté ma salive sur cet aveu et me glisse derrière la porte. Ma face à moitié aplati derrière la porte, je lui tends mon caleçon.

  — Merci, monsieur ! me répond Rosie avec une voix claironnante pendant qu'elle attrape mon torchon jaunâtre.

  Je la regarde s'éloigner. Ses fesses se balancent au rythme de son déhanché pendant qu'elle marche. Je trouve ça sexy... si bien qu'elle commence même à réveiller une érection. Heureusement que j'ai la porte pour me cacher.

  — Euh, Rosie ?

  — Oui ?

  Je ne pensais pas qu'elle allait faire le tour de l'étrange couloir lugubre pour s'arrêter en face de moi.

  Je crois que me savoir nu et en érection avec elle en face de moi, comme si de rien n'était, fait monter mon excitation à son comble. Je ne remercierai jamais assez cette foutue porte.

  — Je me demandais...

  Ma main qui n'est pas agrippée au rebord de la porte empoigne mon sexe et se met à le branler.

  — Euh...

  Je la regarde dans le blanc des yeux alors qu'elle redresse ses lunettes devant moi. Faisant mine de chercher mes mots. Je descends mes yeux vers ses cuisses bien garnies.

  — Où... (je frissonne) où est-ce qu'on est, exactement ?

  — Au sous-sol de la maison. Tu es dans le couloir à la chambre unique.

  — C'est...

  Je peux entendre le claquement de mes testicules entre mes cuisses tellement j'y vais fort.

  — C'est vachement grand, cette maison, je m'y attendais pas...

  — Au début, je pensais vraiment qu'un membre de sa famille allait nous trouver et... que... enfin, bref... En tout cas, ce n'est pas le seul sous-sol de la maison. À croire qu'elle a été pensée pour y enfermer des gens depuis le début...

  Elle pousse un soupir qui me fait penser à un gémissement. Ma respiration se hache.

  — Terence vit seul avec nous. Mais il s'est gardé une chambre près du salon, au niveau « zéro » de la maison.

  — Ah ouais... je... je... je vois le genre.

  Elle son regard donne un air désespéré. Tu as peut-être envie de te confier ?

  — Est-ce que tout va bien, de ton côté ? Tu trembles...

  — Quoi ? Moi ? Ouais, ouais ! dis-je toujours avec ma voix haletante.

  Je me trahis tout seul, Rosie ne dit rien pendant un moment. Elle se contente de mordre sa lèvre inférieure et fixe la porte comme si elle arrivait à voir à travers.

  — Driss...

  — O-oui ? 

  — Est-ce que tu es en train de te masturber, depuis tout à l'heure ?

  Putain de merde. Pourquoi je suis aussi con ?

  — Non, c'est... c'est ma jambe qui me relance ! Elle me picote un peu alors je la bouge en espérant que ça me soulage...

  — Laisse-moi voir.

  Rosie prend appui sur la porte et bascule sa tête en dessous de la mienne. En parallèle, je sens tous mes muscles se contracter et mon sperme gicle sur le bas de la porte – l'adrénaline de ma peur avait précipité mon excitation au point de non-retour.

  Je lâche mon sexe, dans l'espoir qu'elle ne voit pas mon érection. Mais c'est bien la première chose qu'elle remarque.

  — Wow !

  Je cligne des yeux et mon front dégouline de sueur. Son visage reste figé, je ne sais pas encore comment elle va réagir. Mais j'ai peur.

  — Pardon ! Je ne voulais pas... enfin, si je le voulais... mais je voulais pas te manquer de respect... Pardon, pardon, Rosie ! Avec tout ce qui s'est passé depuis hier, je ne sais pas ce qui me prend, je fais n'importe quoi et...

  — Je ne savais pas que je te faisais autant d'effet, pose-t-elle calmement dans un sourire.

  Ma pression ralentie.

  — C'est pour ça que tu ne voulais pas te déshabiller devant moi ?

  — Tu ne m'en veux pas ?

  — Un peu... mais bon... avec tout ce qu'on est en train de vivre... je peux peut-être comprendre que tu avais envie de te faire plaisir.

  Si elle savait ce que j'avais été obligé de faire avec Inès, tiendrait-elle le même discours ?

  — En tout cas, ça ne sera jamais pire que ce qu'on fait avec...

  Rosie ferme les yeux et son visage se resserre. La veine à sa tempe montre qu'elle a envie de pleurer.

  — Tu avais besoin de décompresser. Je comprends.

  — M-merci, et je suis désolé. Ça ne se reproduira plus.

  Elle me tourne le dos et marche jusqu'au bout du couloir.

  — Si tu sens que tu en a envie... tu peux te masturber en pensant à moi.

  Qu'est-ce qu'elle vient de dire ?! Mes pupilles se dilatent tandis qu'elle me coche un clin d'œil à l'autre bout de la porte.

  — Je dois admettre que c'est plutôt flatteur. Mais la prochaine fois, dis-le-moi. Je pourrais peut-être te donner un coup de main.

  Mon cœur s'accélère de nouveau.

  — Rosie... Tu... tu voudrais ?

  — Faire des choses avec toi ? Pourquoi pas. J'ai vraiment envie de me vider la tête et me faire plaisir, un peu comme toi.

  — Je ressens exactement la même chose !

  — Par contre, Driss... tu dois me promettre quelque chose.

  Je lui hoche la tête à m'en briser la nuque. À ce stade, tous tes désirs seraient des ordres.

  — Ne dis rien de tout ça à Terence. S'il l'apprend, il risque de me... enfin, tu vois.

  Une dernière vision de ses fesses se balancent jusqu'à ce qu'elle arrive à l'intersection du couloir. Elle passe la porte du fond et me laisse seul dans cette chambre unique.

  Ça ressemblait presque à un film porno, ce qui venait de se passer. Le doute s'installe en moi et remonte des suspicions rationnelles qui me laisserait supposer que Rosie est sous l'emprise du Syndrome de Stockholm et avait jeté son dévolu sur moi au moment où elle a décidé d'entrer dans cette pièce.

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