- Il n'est pas trop tard pour abandonner, il murmure en se penchant légèrement vers moi quand j'arrive à sa hauteur.

Son souffle vient s'écraser sur ma nuque. Tous les souvenirs de ce que nous avions fait dans cette chambre d'hôtel m'apparaissent en pleine face.

J'ai fait tout ça avec lui ne sachant même pas son nom. Il n'y a pas moyen que je ne sois pas qu'une pute qui utilise ses charmes pour arriver à ses fins à ses yeux.

Sans le répondre, je sors complètement de la salle et je me dirige le plus rapidement possible vers les ascenseurs.

La première impression est toujours la bonne, n'est-ce pas?

*** 

L'audience commence sous peu. Je ne vois toujours pas la tête de mon adversaire. Ma cliente est à côté de moi et elle se ronge les ongles.

Je me retourne vers elle.

- Marta, calmez-vous. Tout va bien se passer, je l'assure.

Mon dossier est bien préparé. Mes preuves sont accablantes, alors il n'y a aucune raison pour que je perde.

Ma cliente respire bruyamment pour essayer d'avoir une respiration normale. Je ne sais pas comment l'aider.

- Marta, s'il vous plaît! Si vous stressez autant vous allez me faire stresser moi aussi, je dis en riant.

Malheureusement, ma blague n'a rien de drôle. Au contraire, elle me regarde avec des yeux plus gros qu'une balle de baseball et elle commence à suer à grosses gouttes.

Je souffle. Elle ne peut pas rester comme cela tout le procès. Je vais vraiment stresser si je la vois comme ça quand je la questionnerai .

- Venez! Je l'ordonne.

Il me reste environ dix minutes avant la rentrée de la juge dans la salle de cour. J'espère avoir assez de temps pour remettre Martha sur les rails parce que maintenant, ça ne va pas du tout.

Nous sortons de la salle. Je tombe nez à nez à Davis qui lui veut rentrer dans la salle.

- Bonjour, il me salue avec une expression très...trop sérieuse.

- Bonjour, je lui réponds avec un faible sourire aux lèvres.

Je me tasse pour le laisser rentrer.

- Bonne chance! Je pense que vous en aurez besoin! Il murmure avant de rentrer et de fermer la porte derrière lui.

Il se fout le doigt dans le nez, s'il pense que je suis sur le point de perdre. Je pense que c'est lui qui devrait chercher à avoir toutes les divinités dans son camp, parce qu'il est sur le point de perdre une affaire contre une novice.

- Qu'est-ce qu'il a dit? Ma cliente me demande.

- Rien d'important! Allons-y!

Je regarde ma montre et je remarque qu'il nous reste que sept minutes avant le début du procès.

- Pressons le pas! Je conseille à Marta.

Nous arrivons rapidement dans la salle de bain de la cour de justice.

- Bon, Marta, je ne peux pas vous dire de passer un peu d'eau dans votre visage, car vous êtes maquillées. Néanmoins, je vais vous demander d'essayer de vous calmer parce que c'est vraiment stressant de vous voir comme ça. Vous n'avez pas une méthode pour vous calmer?

Elle secoue la tête négativement.

Ça commence bien!

- Écoute Marta, je veux gagner ce procès. Je veux vous aider à payer le traitement de votre enfant, mais si vous restez comme cela, je ne pourrai pas bien faire mon travail. Vous n'avez rien à cacher, alors il est inutile de stresser comme vous le faites.

Elle secoue la tête.

- Nous allons utiliser ma méthode d'antistress.

Je la fais faire deux exercices que je fais habituellement avant d'entamer mon cours de yoga. Ça n'a pas marché à 100%, mais au moins, elle a arrêté de suer à grosse goutte.

- C'est déjà beaucoup mieux. Retournons dans la salle.

- D'accord, elle me répond pour la première fois depuis longtemps.

Nous marchons rapidement.

- Vous êtes en retard, maître Roy!

- Je m'en excuse votre honneur.

Elle me toise et porte son attention sur le dossier devant elle, pendant que ma cliente et moi nous nous dirigeons vers nos places.

- Bien! nous pouvons commencer. Vous pouvez-vous s'asseoir, la juge nous ordonne!

Elle fait un résumé du dossier de Marta. Ensuite, elle la demande de passé à la barre des témoins où elle prête serment.

Je la souris pour l'encourager. Elle me rend un faible sourire en retour.

Quand Davis s'approche d'elle, je vois son sourire disparaître momentanément. Elle affiche même une expression de crainte.

Je la comprends. Moi-même, si j'avais vu un homme de cette carrure, portant un costume à 5 000$ marchant vers moi de cette manière, j'aurais probablement pris ma jambe à mon cou.

- Bonjour Mme, Davis commence en français.

Je le trouve tellement plus gentil quand il parle en français qu'en anglais.

Marta ne répond rien. Elle stresse beaucoup et cela se voit.

- Bien! vous accusez notre compagnie de causé le cancer d'intestin de ton fils, est-ce exact?

Marta me regarde. Elle ne comprend pas l'anglais et le fait que Davis mélange le français et l'anglais la déstabilise. J'ai l'impression que ses yeux vont sortir de son orbite.

Je la fais signe de dire oui et elle le fait.

- Bien! comment vous arrivez à cette conclusion?

Je passe doucement la main dans la tête. Pourquoi cette compagnie a engagé quelqu'un qui ne parle même pas bien le français? Nous sommes au Québec bordel!

- Quand je ne pouvais plus allaiter, j'étais obligée de donner un autre lait à mon enfant. C'est seulement ce produit qui n'était pas adapté aux bébés.

- Mme, vous venez de dire que le lait n'était pas adapté aux bébés. Alors, pourquoi l'avez-vous donné au vôtre?

Je me lève et je fais une objection.

- Qu'est-ce qu'il y a? La juge me demande comme-ci je la dérange.

- Ma cliente ne comprend pas l'anglais. Nous sommes au Québec, alors je demanderais à l'avocat de l'accusé de bien vouloir se conformer à la loi 101 de notre constitution.

Il lève les deux mains en l'air en signe de capitulation.

- Je m'excuse Mme, il s'excuse auprès de ma cliente.

Marta ne comprend même pourquoi il s'excuse, car j'ai fait mon objection en anglais.

- Je vous ai demandé pourquoi vous donnez du lait que vous ne savez pas bon pour enfant. Davis reprend.

- Je...j'ai...je n'avais pas les moyens de le donner autre chose.

- Donc, vous avez pris risque.

- Oui.

- Pourquoi vous plaindre maintenant? Vous savez qui avait risque pour enfant tomber malade, vous avez donné lait quand même.

- Je savais qu'il pouvait tomber malade. Je m'attendais à ce qu'il ait la diarrhée ou du vomissement. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit diagnostiqué cancéreux à deux ans et demi! Marta crie.

Elle commence à être vraiment émotive. Ça peut être très bénéfique pour notre cause, tout comme ça peut nous mener à notre perte. Je ne sais pas ce qui peut sortir de sa bouche sous le coup de l'émotion, mais je sais que la juge sera sensible quand elle verra la mère crier en Marta.

- Comment êtes-vous sûre que lait a causé cancer? En tant que droguée, vous pouvez avoir donné mauvaise chose à enfant sous effet de drogue!

- Objection! Je crie en me levant. C'est de l'attaque personnelle! Vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez!

- Ce n'est qu'une...spéculation! Il répond un sourire subtil en coin.

- Objection retenue! La juge dit. Maître Davis, essayez de ne pas spéculer. Elle conclut en écrivant quelque chose.

- Je veux répondre, Marta lâche brusquement.

Je vois le sourire de Davis disparaître. Il comptait intimider ma cliente en lui parlant d'un de ses problèmes, mais Marta semble ne pas être touchée par sa remarque.

- Allez-y, la juge murmure presque.

- J'ai déjà été une droguée. J'ai déjà fait des choses inconcevables pour pouvoir acheter ma drogue. Mais, j'ai vu mon petit ami, le père de mon enfant mourir d'une overdose. Je ne savais même pas que j'étais enceinte à cette époque, elle explique en pleurant. Quand j'ai finalement su que j'étais enceinte, je voulais faire les choses comme il se doit. Je voulais vraiment protéger cet enfant parce que j'aimais son père à la folie. Mais, surtout, je voulais vraiment être une bonne mère parce que c'est la seule chose que je pouvais au moins réussir dans ma vie, elle continue en éclatant en sanglots.

La sécurité de la cour s'avance et donne à Marta un mouchoir.

- Madame, nous pouvons prendre une pause si vous le souhaitez, la juge la fait savoir.

Marta s'essuie et dit non à la juge.

- J'ai été dans un centre de réhabilitation. J'ai résisté ardemment à la drogue et depuis ce temps-là, je ne l'ai jamais touchée et je ne le ferai pas parce que j'aime Matis. Alors, non, monsieur l'avocat, je n'ai pas donné quelque chose de mauvais à mon fils sous l'effet de la drogue autre que votre lait, elle conclut la gorge serrée.

Et Bam! Prenez ça, monsieur, l'avocat riche.

Je regarde la juge. On peut voir de la compassion écrire en gros sur le front de cette dernière.

Je réprime le sourire vainqueur qui veut s'afficher sur mes lèvres. Davis, quant à lui, a l'air perdu.

- Je...je n'ai plus de questions, votre honneur, il dit avant de retourner s'asseoir sur son siège.

- Maître Roy, c'est à vous!

Je me lève et j'avance vers ma cliente. Je la souris.

- Marta, voulez-vous dire à la cour quels genres de douleurs qu'a Matis?

- Il...Marta avale une boule dans sa gorge, il a des crampes dans l'abdomen, il a une perte d'appétit, il vomit tout ce qu'il ingère, il a toujours du sang dans sa selle, elle m'indique des larmes partout sur son petit visage.

- Qu'est-ce qui est le plus dure à supporter? Je demande à ma cliente en espérant que Davis ne fasse pas une objection.

- Le voir crier de douleur sans pouvoir faire quelque chose pour arrêter cette douleur. De le voir maigrir sous mes yeux. Il n'a que quatre ans, il ne devrait pas avoir à souffrir autant, elle dit en éclatant encore une fois en sanglots.

Je me déplace vers mon siège, je prends le dossier que j'ai minutieusement préparé la veille, je donne une copie à la juge et une copie à mon adversaire.

- J'avais donné, comme preuve, trois individus d'âges différents, de sexes différents qui ont le cancer de l'intestin et qui boivent ou qui buvaient le lait pur. Ce matin, j'ai continué mon enquête et j'ai trouvé six autres individus parmi ceux qui ont bien voulu coopérer avec moi. Leurs noms et dossiers médicaux sont présents dans ce dossier. Je souhaiterais ajouter ces éléments en tant que preuve pour mon dossier votre honneur.

La juge vérifie le dossier.

- Retenue!

Encore une fois, je fais en sorte de réprimer le sourire de victoire qui veut s'afficher sur mes lèvres.

- Ma cliente ne veut rien d'autre que de pouvoir enquêter sur cette compagnie afin de pouvoir éclater, au grand jour, la vérité. Elle n'est pas capable de sauver son enfant, mais elle désire éviter qu'une autre famille vive sa situation. Ça va être tout votre honneur, merci.

- Quelque chose a ajouté l'avocat de l'accusé?

Davis dit non.

- D'accord. J'ai besoin de temps pour délibérer. Je vous demande, de ce fait, de prendre une pause d'une quinzaine de minutes.

Elle frappe le marteau et se retire.

- Vous pensez qu'on a une chance de gagner? Martha me demande une fois à l'extérieur de la salle.

- Oui, on en a au moins une.

Son visage rouge à cause des larmes se détend légèrement. Au loin, je vois Davis discuter au téléphone. Il a l'air d'être vraiment en colère.

Je souris. Qui qui a besoin de chance en ce moment?

- Je vais aller dans la toilette, je vous rejoindrai, Martha me fait savoir.

- D'accord, je réponds.

Je vais m'asseoir sur un banc pour tuer le temps.

Davis s'avance vers moi après avoir raccroché son appareil.

- Bien joué, il dit en arrivant à ma hauteur avec un sourire en coin.

On aurait juré qu'il n'était pas fâché, il y a de cela une minute.

- Rien n'est certain encore, je réponds.

- En plus, elle est modeste, il dit en riant.

Un vrai rire, cette fois. Un rire comme il l'avait fait ce soir-là, dans le bar.

Je ne sais pas pourquoi, mais je trouve cet homme très mystérieux. Est-ce qu'il est quelqu'un quand il est sous l'effet de l'alcool et une autre personne quand il est lucide?

- Je rentre, il me fait savoir.

- D'accord.

Je reste assis encore un bon moment en attendant Martha. Elle arrive et nous retournons à l'intérieur de la cour de justice.

Quand la juge rentre dans la salle, nous nous levons tous pour l'accueillir.

- Vous pouvez vous rasseoir, elle annonce. Bien, le camp adverse a décidé de vous faire une offre maître Roy. Il s'agit de 50 millions de dollars ainsi qu'un don de 10 mille dollars pour aider à la recherche du cancer de l'intestin. Discutez-en avec votre cliente.

Martha se retourne vers moi. Son visage devient radieux momentanément.

- Oui, elle me dit avant que je dis quelque chose.

Je souris. Je me retourne vers la juge.

- Ma cliente accepte l'offre votre honneur.

- Parfait. Alors, la compagnie de lait pur doit verser une somme de 50 millions de dollars à madame Marta Landry et 10 mille dollars sera versé à un centre de recherche pour le cancer de l'intestin. Affaire classée!

La juge se lève et quitte la cour.

Marta saute dans mon cou.

- Merci, merci mille fois, madame, elle murmure dans mon cou. Vous venez de donner une chance de survie à mon bébé, je ne pourrai jamais vous remercier pour ce que vous avez fait pour nous. Merci, merci.

Elle me serre fort dans ses bras. Elle renifle dans mon cou, ce qui me chatouille.

- Marta, dis-moi que ce sont des larmes de joie, je chuchote.

- Ce sont des larmes de joie et d'espoir!

Je souris et je la serre fort dans mes bras.

- Je suis contente pour vous.

Elle se détache de moi et sort de la salle.

Je commence à ramasser mes affaires pour, moi aussi, m'en aller. Davis avance vers moi les mains dans les poches.

- Je suis impressionné.

Je lève la tête pour le regarder. Je ne sais vraiment pas quoi répondre.

- Puis-je vous inviter à souper? Il me demande.

Je suis surprise.

- Pourquoi? Vous avez eu...je me tais et me contente de continuer à ramasser mes affaires.

- Ce n'est qu'un souper d'affaires.

Je le regarde encore une fois. Je ne comprends pas ce qu'il dit.

- En fait, je veux vous proposer un travail. Vous êtes commis d'office en ce moment et vous risquez de le rester pendant un bon moment. Je vous offre la chance d'être un vrai avocat dès maintenant.

Il sort une carte de sa poche. Je peux supposer que c'est sa carte de visite. Il prend un stylo et écrit quelque chose dedans.

- Soyez à l'heure. Je n'aime pas attendre, il lâche avant de prendre sa valise et de s'en aller.

Je regarde la carte.

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