Chapitre 2
(Petit note d'auteur: les répliques en gras signifient que la personne parle anglais. les répliques normaux signifient que la personne parle français... Bonne lecture!)
- S'il vous plaît Mme, je vous demande juste de me dire quel lait votre mère buvait avant de mourir.
- Vous êtes une malade mentale! Vous devriez aller consulter un psychologue. Ma mère vient de mourir et vous, vous m'appeler pour savoir quel lait qu'elle buvait? Vous êtes irrespectueuse! Allez rôtir en enfer! Elle lâche avant de me raccrocher au nez.
C'est la quatrième personne qui me raccroche au nez aujourd'hui.
Je respire bruyamment.
C'est la seule façon que j'ai trouvé pour gagner le procès. Parce que oui, je vais le gagner.
J'appelle chez les patients qui ont le cancer de l'intestin ou qui l'avait pour leurs demander quel lait qu'ils boivent. Cette stratégie me permettra de prouver au juge qu'il existe une corrélation entre le lait pure et le cancer de l'intestin.
Bien-sûr, ça se peut que ça ne soit que pure coïncidence, mais aussi, il se peut qu'il y ait vraiment un lien entre le lait et le cancer.
Mon but n'est pas de le prouver. Mon but est de faire croire au juge ou même de le faire douter, ne serait-ce qu'un tout petit peu.
Après quoi? Eh bien, je demanderai au juge de me permettre de consulter tous les dossiers ayant rapport avec l'alimentation des vaches de la compagnie pour m'assurer personnellement de la qualité de leur nourriture. Les grosses entreprises détestent voir des gens fouiller dans leurs affaires. Je ne pense pas qu'ils voudront me laisser consulter leurs dossiers- dossiers que je ne compte lire pour rien au monde-. Le but de toute cette mascarade est d'obtenir un accord avec l'entreprise. Un accord qui consistera en un gros somme d'argent, bien entendu!
Je regarde le reste de la liste de noms à appeler. Impossible que je continue à m'humilier de cette façon. Je suis avocate- commis d'office- mais, avocate!
De toute façon, j'ai déjà neuf noms, neufs personnes qui ont le cancer de l'intestin et qui m'ont affirmé boire le lait pur. Je pense que ça va être amplement suffisant pour convaincre le juge.
Je regarde ma montre. Il est déjà 14 heures et j'ai rendez-vous avec les avocats de l'entreprise dans leur bureau, au centre-ville, à 16 heures.
Je regarde une dernière fois le dossier que j'ai préparé. Il n'y a rien de pire que d'avoir l'air perdu dans son propre dossier. Et je ne veux pas cela, je ne veux pas avoir l'air d'une débutante devant ses avocats, qui ont un honoraire équivalent à un mois de mon loyer.
Tout est dans l'ordre. Je ramasse tous mes affaires, je les dépose dans mon sac et je sors de mon bureau.
Je passe devant le bureau de mon patron, sans manquer de jurer tout bas et je sors de l'immeuble.
Depuis deux jours, tous les efforts que je mets dans ce dossier n'est pas seulement pour assoupir mon égo démesuré, il s'agit plus de clouer le bec de mon patron, qui verra que j'ai gagné devant une multinationale et qui sera obligé d'avoir du respect pour moi. Parce que ce qui manque à ce vieillard n'est autre que le respect envers les gens. Mes parents m'ont toujours appris de montrer du respect à tout individu, quel que soit son statut social, culturel ou économique. Ce vieillard n'a pas ce savoir. Il prend les gens de haut. Il est censé être notre mentor, mais selon lui, il est trop bien pour nous.
Dans mon cabinet, si je peux le qualifier de ce nom, tous les avocats commis d'office sont en compétition, car les futurs cabinets qui nous engagerons ne regarderont pas que nos moyennes à l'université, ils vont aussi regarder le nombre d'affaires que nous avons gagné, les moyens utilisés pour les gagner et surtout contre qui avons-nous vaincus. En d'autres mots, si je gagne ce procès, j'aurai un point d'avance sur mes collègues. Bref, même si nous sommes en compétition ou nous ne sommes pas des amis ou nous nous détestons, il y a quelque chose qui nous unit tous dans ce cabinet : la haine que nous éprouvons pour le vieux grincheux qualifié aussi de patron!
Il n'y a que la haine que j'éprouve pour lui qui pourrait me faire oublier le stress que je ressens pour la future rencontre avec les avocats de la grande entreprise.
Je monte dans ma petite voiture. Je vais rentrer chez moi, prendre une bonne douche, sortir les plus beaux vêtements de travail de ma garde-robe, répéter un million de fois mon discours, pour enfin me diriger vers le succursale de l'entreprise.
Comme on le dit toujours, la première impression est toujours la bonne!
***
Je me regarde dans le miroir teinté du bâtiment. J'essuie la petite goûte de sueur qui menace de gâcher mes huit minutes de maquillage. Je tire sur ma jupe pour m'assurer qu'elle m'arrive bien en dessous des genoux et je rentre finalement dans l'entreprise.
Je me dirige vers la réception, la secrétaire me fait signe de l'attendre.
- Bonjour Mme, elle commence en souriant après avoir raccroché le combiné, comment puis-je vous aider aujourd'hui?
- Bonjour, je la réponds gentiment, j'ai rendez-vous avec M. Huard.
- Oh, vous êtes Mlle Roy, elle se justifie après avoir regardé dans son ordinateur, suivez-moi, on vous attend dans la salle de réunion.
Elle se lève de son poste et se dirige vers l'ascenseur le plus proche. Elle presse le bouton treize et nous attendons en silence.
- C'est ici, elle m'informe en m'ouvrant la porte. Bonne fin de journée, elle dit poliment avant de se retirer.
Je suis surprise de voir qu'il n'y a pas quinze avocats assis autour de cette grande table, avec au milieu un gros vieux monsieur qui serait sûrement le PDG. En tout cas, c'est ainsi dans les films. Il n'y a qu'un homme assis sur cette table. Doucement, il lève la tête de son dossier. Même si je ne l'ai vu qu'une fois dans ma vie, je me souviens très bien de ce visage.
Même si sa barbe de trois jours a disparu, même s'il porte un costume qui pourrait probablement payer ma dette d'études universitaires, il ressemble toujours à ce même homme que j'ai rencontré la dernière fois dans le bar.
C'est le même homme, le même. Il a le même regard. Il me regarde de la même façon.
Son visage sans émotion, comme la dernière fois, m'auraient encore laissé croire qu'il est un homme inaccessible. Peut-être qu'il l'est vraiment, je ne le connais pas.
Je reste devant la porte à le fixer comme il me fixe. Je ne sais pas si je suis surprise de le voir, si je suis honteuse de le voir ou même, si je suis contente de le revoir. Je n'ai aucune émotion en ce moment, je ne fais que constater sa présence de manière objective, enfin j'essaie!
Ma face n'a aucune émotion. Je ne voudrais pas qu'il me voit perturber.
- Bonjour Mlle Roy, il dit doucement en français. Asseyez-vous, il continue dans ma langue maternelle.
Je souris et je m'avance pour m'asseoir.
«Bon travail Lisa, continue comme ça. Ce n'est probablement pas la première fois qu'une femme couche avec un homme rencontré dans un bar et qu'il le revoit dans la grande salle de réunion d'une grande entreprise, crois-moi! Et c'est aussi très normal qu'il voit que tu lui avais donné un faux nom, ne t'inquiètes surtout pas pour cela!» je pense sarcastiquement.
- Davis, il se présente.
- Bonjour, je le salue, j'étais censée rencontrer les avocats de cette entreprise. Où sont-ils? Je le demande dans sa langue.
- Bien, ils ne viendront pas, il dit faussement désolé dans sa langue. Je serai le seul avocat représentant de cette compagnie.
- D'accord, je réponds frustrée.
Et il a fallu qu'il soit un avocat!
Sans compter que les membres de cette entreprise ne me prennent vraiment pas au sérieux! Un avocat? Il pense qu'ils vont pouvoir gager ce procès avec un seul avocat? Bien-sûr, vu ce qu'il porte et pour qui il travaille, ça se peut qu'ils ont assez confiance en lui pour régler le problème en un clin d'œil.
- Vous avez l'air déçu. L'êtes-vous?
Sérieusement, je n'ai aucune émotion en ce moment. Si j'en avais, je ne serais sûrement pas assise, aussi calmement, avec cet homme qui pense sûrement que je suis une pute.
- Est-ce que nous pouvons parler du dossier.
- Bien-sûr, il me répond le visage très sérieux. Qu'est-ce que votre client veut? Il me demande.
- Cent millions, je le fais savoir sérieusement.
Il rit d'un rire que je ne pourrais décrire et, en un clin d'œil, il reprend son sérieux.
- Ça ne va jamais arriver.
Je souris.
- Jérémy Tremblay, Genève Gagnon et Ann Henry, je cite.
Il fronce les sourcils.
- C'est supposé signifier quoi? Il me questionne.
- Ces trois individus ont eu le cancer de l'intestin. Deux d'entre eux en sont morts et l'autre est encore malade. Savez-vous ce que ces trois personnes ont en commun? Je le demande.
- Je suppose qu'il buvait du lait pur?
- Oui! Je réponds en français.
Il reste en silence un moment. Il baisse les yeux sur ses dossiers, les ramasse, se lève, se dirige vers la porte, l'ouvre et le tient.
Je comprends qu'il le tient pour moi.
Je ramasse mes affaires et je me dirige vers la porte à mon tour.
- Il n'est pas trop tard pour abandonner, il murmure en se penchant légèrement vers moi quand j'arrive à sa hauteur.
Son souffle vient s'écraser sur ma nuque. Tous les souvenirs de ce que nous avions fait dans cette chambre d'hôtel m'apparaissent en pleine face.
J'ai fait tout ça avec lui ne sachant même pas son nom. Il n'y a pas moyen que je ne sois pas qu'une pute qui utilise ses charmes pour arriver à ses fins à ses yeux.
Sans le répondre, je sors complètement de la salle et je me dirige le plus rapidement possible vers les ascenseurs.
La première impression est toujours la bonne, n'est-ce pas?
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