Chapitre 17

Suis-je heureuse? C'est la question que je me pose depuis des heures. C'est une question assez troublante que je ne me suis jamais posée auparavant. Je n'ai jamais fait une introspection de ma vie. Je n'ai jamais pris une minute de mon temps pour réfléchir à ce que je ressens par rapport à la vie que je vis.

Si je tentais de répondre sincèrement à cette question, la réponse serait probablement non. Non, je ne suis pas heureuse! Oui, j'ai une carrière, mais qu'est-ce que j'ai d'autre? J'ai une famille. Une famille qui habite à six heures de route de ma maison. Une famille qui a appris à vivre sans moi depuis des années. Et qui qui m'aime? Qui qui m'attende le soir après le travail? Personne. Ils sont où les enfants que j'allais commencé à avoir dès mes 24 ans? Hein, ils sont? Je n'en vois pas présentement! Mon passé me hante, mon présent est sans sens et mon futur est inexistant.

Honnêtement, je suis misérable. Ma vie est vide. J'ai beau me concentrer sur le travail, des moments comme ceux-là arrivent et je dois me confronter pour m'avouer que le travail ne peut pas remplir tous les vides de ma vie. Il y en a tellement.

Il m'a tellement brisé. Il m'a tellement rendu malheureuse. Et lui, il continue à vivre sa vie. Il va même avoir ce que j'ai toujours voulu avoir. Il va avoir un enfant. Il est heureux. Il a refait sa vie. Moi, qu'est-ce que je fais? Je me tue au travail. Je fuis un homme génial qui pourrait possiblement m'aimer.

Est-ce que je ne mérite pas d'être heureuse? Suis-je censée être misérable pour le restant de mes jours? Est-ce à moi que revient la tâche de changer la tournure de ma vie? Ce sont des questions que j'aimerais que le vieillard réponde. J'ai besoin d'avoir une réponse. Maintenant, si possible!

Je respire un grand coup! Je passe mes deux mains dans mon visage pour enlever les larmes qui ont coulé sur ma joue. Je tremble légèrement, ce qui signifie que le chauffage dans ma voiture n'est plus suffisant pour me tenir au chaud. Ça fait quand même deux heures et vingt-huit minutes que je suis restée dans l'auto en plein automne.

Avant de quitter l'automobile, je prends mon cellulaire et je compose le numéro de ma mère. Toujours le même reflexe, l'appeler quand je ne me sens pas bien.

- Salut mon bébé, j'allais t'appeler! Ma mère dit à la deuxième sonnerie.

- Allo maman, comment vas-tu? Je la demande avec la voix la plus sereine que je possède en ce moment.

- Ça va bien. Et toi, comment ça va? Ils sont gentils tes nouveaux collègues?

Je souris. On dirait qu'elle me demande pour mes nouveaux camarades à la maternelle.

- Assez, oui! Ils ne mordent pas.

- Tant mieux. Sinon, comment tu t'en sors à Toronto?

- Bien, je réponds. C'est un peu différent de Montréal, tu sais?

- Oui, je sais. J'ai été une fois avec ton père. On t'avait laissé avec Martine. Tu ne t'en souviens pas?

Je ne réponds pas.

- J'ai emmené Lana au cimetière avant hier, ma mère m'avoue au téléphone après un moment de silence.

- Oh...

- Je sais. Je lui ai parlé de votre papa, comme tu me l'as demandé. Après, elle m'a dit vouloir aller le voir, alors je l'ai emmenée.

- Comment elle a pris tout cela? Je demande inquiète. Elle va bien? Elle est là? Tu veux que je rentre?

- Calme-toi Lili! Tu viens de commencer le travail. Tu ne vas pas revenir sur un coup de tête comme cela. Ta sœur va parfaitement bien. Elle a compris que votre papa est parti au ciel, qu'il veille sur nous. Elle a aussi compris que Ben est son autre papa. C'est une enfant assez intelligente et robuste, elle va survivre, elle affirme calmement.

- Je veux la parler.

- Elle est sortie au restaurant avec Benny. C'est un rendez-vous galant à ce qui paraît, elle dit en riant au téléphone.

- Tu n'étais pas invitée? Je la demande en souriant.

- Non! On m'a bien fait comprendre que c'est un souper père et fille...

Un grand silence prend place dans le combiné. Silence pendant lequel mon sourire disparaît.

- Lili, écoute! Ma mère commence. Je sais que tu n'aimes pas quand Lana appelle Ben...

- Je vais survivre, je la coupe. Je comprends, elle doit avoir un père qui l'aime et...

- Exactement, elle me coupe à son tour.

Je soupire subtilement.

- Sinon, comment ça va maman? Je la demande pour changer de sujet.

- Bien...Tu me manques...

- Toi aussi maman. Tu me manques.

- Tu sais, Ryan va avoir une petite fille, elle m'apprend excitée au téléphone.

- Oh...je lâche.

Je racle ma gorge avant de dire à ma mère que je dois m'en aller. Je l'ai appelée pour tout sauf pour savoir comment la vie de mon ex va être bénie avec une petite fille. Ma maternelle me demande des millions de fois ce qui ne va pas soudainement. Je lui bafouille que j'étais juste en pause-café, malgré l'heure tardive. Elle finit par me dire de prendre soin de moi, je fais de même et je raccroche.

Je reste quelques secondes de plus dans la voiture à essayer de retenir mes larmes. Je réussis tant bien que mal la tâche alors, je prends mon sac sur le siège du passager et je descends de l'auto pour rentrer chez moi.

À peine les pieds sur le sol, un objet rond et froid vient se poser sur ma tempe. Je me retourne horrifiée pour voir une arme à feu.

- Donne-moi ton sac! Il m'ordonne en murmurant.

***

- Lisa, ouvre la porte, il m'ordonne pour la énième fois. Tu ne peux pas seulement décider de ne pas venir travailler et de ne jamais répondre au téléphone dans le but de m'éviter! Ouvre cette porte! Il lâche en frappant encore plus fort sur ma porte.

- Ça va, ça va! Je réponds à moi-même en essayant de traverser tous les objets que j'ai éparpillé dans mon salon, ma salle à manger et ma cuisine tout en retenant ma bouteille de vodka.

Je finis enfin par arriver devant la porte. Je lui ouvre comme il me l'a demandé avec un grand sourire. Mais, il ne me sourit pas en retour.

À la place de me sourire, il me prend le menton avec une main. Il arbore une expression dure, qui me fait peur.

- Qui t'a fait ça? Il me demande les dents serrées.

Je respire un grand coup quand je vois qu'il n'est pas fâché à cause de l'alcool.

- Oh, ça? Je questionne en touchant le cocard autour de mes yeux. Hm, tu veux...tu ne veux pas rentrer?

- Lisa, regarde-moi, il dit. Qui t'a fait ça?

- Rentre, je l'ordonne en me libérant de son emprise et en m'en allant vers ma cuisine. Tu veux boire avec moi?

- Lisa, qui t'as frappé? Il me redemande, mais cette fois sur un ton dur qui me fait sursauter.

Il s'avance rapidement vers moi pendant que moi j'essaie de m'éloigner. Il me fait peur en ce moment.

- C'est qui le fils de pute qui t'a frappé? Il m'interroge en sifflant, une fois arrivée à ma hauteur.

Il est tout proche de moi. Son souffle chaud vient me frapper au visage. Les larmes commencent à se déverser.

- Il voulait juste mon sac...et...et je ne lui ai pas donné...j'ai essayé de le frapper, mais il m'a frappé avec son arme avant de prendre le sac et de s'en aller, je raconte les yeux baissés et mouillés.

- Pourquoi tu ne m'as pas appelé tout de suite?

- Mon téléphone est dans le sac.

Je l'entends respirer fort. Quelques secondes plus tard, il me prend le menton dans la main. Son visage est aussi dur, mais je peux voir l'effort qu'il fait pour me paraître rassurant.

- On doit aller voir les policiers, il commence doucement. Tu te souviens de sa...

- Je ne veux pas y aller, je lâche en fondant en larme.

- D'accord...d'accord, il me dit en m'enlaçant. Je suis là maintenant.

Et, il embrasse doucement mon front.

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