Retour d'expérience #1 - Mes prologues (suite)

Cette fiche non plus ne dévoilera aucun spoiler. En raison de ma fatigue, elle comportera plus de sarcasme et de blagues entre parenthèses que la précédente.

Merci aux quelques personnes qui ont manifesté leur intérêt pour mon blabla du chapitre précédent. Je vais maintenant parler de mes trois prologues autres que celui de La prunelle de vos yeux.

Pour le moment, j'ai produit deux prologues de Cas 2 : celui qui se passe quelque part dans l’histoire avec un autre point de vue. Celui qui est en fait une autre façon de présenter une scène importante qui arrivera plus tard.

Ce genre de prologue est censé intriguer et donner envie de lire l’histoire en entier. Ou au moins jusqu’à ce qu’arrive la scène du prologue et que le lecteur s’aperçoive de la supercherie. (Ceci est une fiction. Tout événement qui pourrait s’apparenter à un événement réel est purement fortuit.)

Ce cas de prologue, lorsqu’il est pertinent (ou juste bien géré), peut également être une démonstration de vos talents stylistiques. Alors n’hésitez pas à en rajouter sur la forme pour transmettre le suspense du fond. Cependant, comme expliqué dans ma fiche de conseils, attention au faux suspense. Les faux prologues de Cas 2 sont très répandus. Ils servent surtout à donner une impression de complexité (totalement inutile) à une structure narrative somme toute linéaire. Dans ce cas, le prologue s’apparenterait à un teaser. Pourquoi appeler ça un prologue ? Arrêtez la publicité mensongère !

J'ai reçu plusieurs fois la remarque qu’un prologue devrait être court, que les miens seraient trop longs. Je ne comprends pas ce point. J’aimerais que quelqu’un m'explique en quoi il s'agit d'une règle. Il y a une académie mondiale du prologue quelque part qui explique les points à suivre scrupuleusement, afin de ne pas perturber la partie du lectorat qui recherche à manger toujours le même burger trop cuit ? Et puis, si on veut s'attacher superficiellement au nombre de mots plutôt qu’à leurs signification, mes prologues sont toujours soit plus courts soit de même longueur que mes premiers chapitres. De toute façon, ce qui importe n’est pas la taille (vous entendrez ça à propos de tout et n’importe quoi), mais la fonction. Si vous voulez du pêchu, du court, du coup de poing, à insérer artificiellement au début de votre histoire qui débute trop lentement… écrivez un teaser. Pas un prologue. Ou alors – suggestion folle – modifiez le début de votre histoire peut-être ? Pour le rendre plus palpitant ?

En ce qui me concerne, l'un de mes prologues de Cas 2 a été mûrement réfléchi et l’autre totalement improvisé. Dans les deux cas, j’avais déjà toute l’intrigue principale en tête.

Pour le prologue improvisé, qui est dans Mon joli papillon, le tome 2 de Conte de faits, je me suis permis de faire ça uniquement parce que les trois chapitres correspondant à ce prologue avaient déjà été écrits. Avant l’écriture du prologue, je savais depuis longtemps ce qu’il se passerait et de quel point de vue je présenterais la scène pivot dans l’histoire à suivre. Je peux donc facilement produire un prologue qui montrera cet événement majeur d'une manière différente, intrigante, qui essayera de lancer le lectorat sur plusieurs théories dès le début du roman. Ce prologue a été ajouté au livre après coup, la structure du tome 2 n'appelant pas un prologue, à l’occasion d'un appel à textes sur le thème de l’idéal. J’aime faire d'une pierre deux coups.

Pour ceux qui connaissent la mouette : pas de commentaires. Pour les autres : Conte de faits est une saga de science-fantasy spin-off de La prunelle de vos yeux. Tandis que mon laboratoire littéraire pourrait passer son permis afin de réclamer son indépendance, son petit frère est en train de faire ses dents sur le bavoir qu'est WP. Et monopolise égoïstement la majorité de mon temps d’écriture depuis janvier 2021. Et récolte bien entendu plus de lauriers. Il a intérêt puisque c’est son objectif : être vendable, complexe mais compréhensible par la majorité, et peut-être publiable de façon professionnelle.

La prunelle de vos yeux s'attache plus aux côtés science-fiction, action et amours torturées de mon univers. (Cher lectorat, je te présente son incarnation : Ashley.)

Conte de faits s'attarde sur les aspects fantasy, géopolitique et romance clichée du même univers. Ces trois points ont leur fier représentant en la personne de Maewon, semi-elfe qui cache un cœur (de mouette hurleuse) de chevalier blanc sous ses airs de diplomate inaccessible.

Quant au prologue mûrement réfléchi, il fait partie d'une structure qui m’amusait pour Can I touch you (CITY), ma romance surnaturelle psychotique (c’est conceptuel). Étant donné les thèmes très sombres de l’histoire, le travail sur sa structure constituait l'un de mes rares divertissements.

Sincèrement, je n'aime pas écrire des histoires sombres. Celles que je produis sont donc soit utilitaristes – comme celle-ci, soit des accidents. Deux fois je me suis lancé sur du feel-good et par deux fois du sous-texte angoissant s'est faufilé pendant l’écriture, à l'insu de mon plein gré. (Ceux qui ont la référence sont vieux.) Pour anticiper la question des curieux : les deux accidents sont Éclosion et Mon oiseau blessé, le tome 1 de Conte de fait. Allez y faire un tour si vous avez le temps, ça me ferait plaisir. Je recommande ces deux romans, qui partagent les mêmes thématiques mais touchent des publics plutôt distincts.

Pour en revenir à CITY, sa fonction première en janvier 2022 était de servir de test avant réécriture de Mon oiseau blessé. Mais en février, la mouette a fait des siennes et a obtenu la réécriture express de son roman en trois semaines. Après plusieurs nuits blanches pour cet esclavagiste, j'ai failli « voir la lumière », comme qui dirait. La v2 de Mon oiseau blessé comporte d’ailleurs un prologue de Cas 1 dont je vous parlerai dans un instant...

CITY n'est plus une priorité, j’ai donc mis l’histoire en pause. La structure reste amusante, je la reprendrai un jour. Le prologue de CITY sert en fait d'annonce à son chapitre pivot. Littéralement pivot, puisqu'il introduit l'embranchement vers les trois fins alternatives, assez longues et totalement différentes les unes des autres.

Enfin, nous abordons mon dernier prologue, celui de Cas 1, qui se passe bien avant l’histoire principale.

Dès sa version premier jet, Mon oiseau blessé comportait deux lignes temporelles éloignées, racontées en parallèle. À la réécriture les deux lignes en sont devenues quatre, voire cinq : il fallait donner le background des personnages, pour rendre leurs actions plus compréhensibles par la majorité. Il était prévu de distiller leur complexité dans le tome 2, mais je me suis aperçu que le tome 2 aurait fait trois ou quatre fois la longueur du 1, avec une ambiance beaucoup trop différente. L'aspect romance fantasy feel-good, si désespérément recherché pour Mon oiseau blessé, a donc changé. Pour son propre bien, ce livre est devenu une féerie géopolitique. On essaye des nouveaux trucs, on dépense une énergie folle à les tenter. Puis on s’aperçoit que le résultat est tout de même meilleur quand on fait ce qu'on sait faire :’)

Le prologue, qui n’était pas présent dans la première version de Mon oiseau blessé, était la façon la plus simple et efficace à la réécriture pour introduire deux des personnages principaux, trois des personnages secondaires, et l'historique d'un des deux continents sur lesquels l'intrigue principale a lieu. Ce prologue commence une centaine d'années avant l'histoire. Tout comme dans la première version du roman, chaque chapitre du passé vient avant ou après un chapitre du présent, afin de le présenter d'une façon différente, avec un autre point de vue. Et aussi lancer le lecteur sur certaines fausses pistes. Parce que ça m'amuse.

Ce prologue est écrit dans un style différent du premier chapitre, afin de correspondre aux personnalités des personnages concernés. Je trouve le style de mon prologue plus accessible. En plus d’être utile à la structure du roman, ce prologue essaye donc de plaire à un public plus large. Malgré toute l'ironie du premier chapitre de Mon oiseau blessé, le but final de ce tome 1 est tout de même de vendre la saga de la mouette au plus offrant. (It's a material world.)

Je finis par une auto-pub : deux spin-off hyper accessibles de Conte de faits sont possibles. Le synopsis de l'un est déjà disponible dans mon livre de bonus « Fables utopiennes - Les coulisses ». Imaginer et imbriquer tous ces clichés renouvelés était d’ailleurs très amusant. (Éditeurs, éditeuses : Achetez la mouette, vous aurez accès aux annexes !)

Plus sérieusement, je ne le répéterai jamais assez : un prologue n’est ni obligatoire ni là pour faire joli. Soit vous l'utilisez pour sa fonction première de structuration d'une narration complexe. Soit vous l’utilisez pour vous amuser avec votre histoire. C’est ainsi que vous progresserez rapidement, sans le sentiment d’écrire dans le vide. Si votre prologue est là uniquement pour faire comme les livres populaires ou cool que vous avez vus, alors que vous savez à peine ce qu'est un prologue, comment voudriez-vous vous démarquer de la masse ?

Les choses intéressantes touchent les gens. Vous êtes l'un de ces gens. Votre premier lecteur est vous-même. Commencez donc votre livre de façon simple. Inutile de compliquer le début de votre roman, et donc votre tête, juste pour faire joli. Utilisez-la pour transformer vos rêves en des mots. Vous augmenteriez vos chances de les rendre réels plus tard.

(Pardon pour la leçon de morale à la Disney. Je m'adresse à la majorité de mon lectorat, les adolescents, pour les motiver à des choses plus grandes que chercher la vaine popularité.)

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