À feu et à sang

Depuis le toit je regardais le ciel devenir de plus en plus noir, d'une main étourdie je caressais le collier à mon cou: nous en avions tous un muni d'un réservoir d'eau qui laisse couler ce liquide dans nos veines plus ou moins rapidement. Cet objet permettait aussi aux êtres normaux de nous reconnaître malheureusement. Le Soleil finit son éternel cycle dans le ciel alors que mes doigts essayait en vain de se débarrasser de mon collier.

Le feu, cet élément aussi sensible que susceptible. On peut aussi dire qu'il est capricieux comme un enfant de trois ans.

Je fais tourner distraitement quelques flammèches autour de mes doigts depuis le haut d'un toit d'immeuble. Je dispose de ces flammes depuis ma plus tendre enfance, si bien que je ne me souviens même plus quand je les découverte. Ma mère m'avait raconté que je les avais fait surgir pour la première fois alors que je prenais mon bain. Elle avait été si soulagée ce soir-là de me voir avec cette aptitude qu'elle avait failli hurler de joie. Ce qu'elle aurait sans doute fait si les Mages qui ne circulaient pas dans les rues.

Ces mêmes hommes marchaient encore cette nuit dans la rue, le menton bien haut. Si seulement ils pouvaient disparaître, eux qui traquent sans relâche les personnes comme moi. C'est bientôt leur heure ne t'en fais pas, articula soudainement une voix dans ma tête, Aaron. Tu as raison, lui répondis-je.

Autrefois, ils avaient tout fait pour tenter de nous éradiquer, nous qui étions différent d'eux. Hier, ils nous ont persécutés jusque dans la moelle mais aujourd'hui nous sommes plus forts et plus nombreux. Plusieurs ont tenté de signer des traités mais aucun n'a été respecté par le passé. D'autres ont essayé d'écrire des livres pour élever les consciences étrangères et nationales mais aucun de ces écrits n'a pu aboutir. Seuls des rêves ont émergés de ce désir de paix. Alors avec l'aide de tous ceux que je connaissais j'ai construit un mouvement de libération. Et tout ce qu'on a fait nous a amené à ce soir. Cette nuit, tout va changer: on sera tous libre par la destitution des dirigeants qui ont essayé de nous réduire en cendre, ou par notre mort.

*******

Un Mage s'avança seul dans une ruelle isolée. C'était le moment. Je sautai de mon toit pour atterrir silencieusement derrière lui, je le suivis jusque sur une place bondée de Mages, de personnalités et de Seigneurs importants. J'étais sur le point de le laisser tranquille en pensant qu'il était trop jeune pour souffrir de ma main mais soudainement je vis sa cicatrice sur son bras droit. Je n'hésitai plus une seconde car à peine eut-il le temps d'entrée sur la place et de serrer la main d'une personne que je posai mes mains à plat sur le sol pavé: mon calme laissa place à une colère fulgurante, mon sang circula si vite que j'eus l'impression que mon cerveau allait exploser et je ne tins plus. Des flammes bleues et rouges s'échappèrent de moi et coururent à toute vitesse entre les différents pavés pour se rejoindre en un point qu'était l'homme que j'ai suivi.

La panique qui s'en suit fut inoubliable, tout le monde criaient et partaient dans tous les sens pour tenter d'aider le Ministre-Mage qui prenait feu. Ils ne savaient point que quoiqu'ils fassent leur chef ne s'en sortira pas indemne car dès le moment où mon don l'a atteint il était perdu.

Malheureusement je ne pus pas rester pour voir l'homme que j'ai tant haï mourir car j'avais d'autres missions à accomplir. Je courais et sautais au dessus des obstacles dans le silence de la nuit tombée pour rejoindre un autre point stratégique. Je croisais parfois des habitants de la capitale qui mort de peur s'effaçaient de mon passage. J'arrivai bientôt près d'un laboratoire et me cachai derrière une caisse abritée dans une ruelle face au lieu d'expérience. Dans les trois autres ruelles entourant ce point de rendez-vous j'aperçus vaguement mes alliés attendant eux aussi le signal. Leurs yeux jaunes se détachaient dans l'obscurité et témoignèrent de notre ressemblance: tous ceux qui ont ce feu en eux ont les yeux jaunes. Tout comme les possesseurs de l'Eau, la Terre, l'Air, la Glace et l'Électricité ont des couleurs d'yeux propres à leur don. Soudainement une chouette passa au dessus de nous. C'est le signal!

Immédiatement nous nous propulsâmes avec nos flammes jusqu'à la terrasse située sur le toit. Dessus trois mages nous regardèrent surpris et apeurés car ils savaient qu'ils allaient devoir se battre: ils ont vu les flammes ravager la ville par endroit sans s'étendre. Les pointes de pieds ancrées dans le sol, je tournai sur moi-même et dans une danse enflammée je commençais la descente aux Enfers de mes tortionnaires. Eux-mêmes m'avaient obligée petite à utiliser mon pouvoir pour les aider à leur fin mais ce soir c'était ce même pouvoir qui se retourna contre eux. C'est avec la dangerosité d'une lame affûtée et la rapidité d'une flèche que j'envoyai une flamme dans le ciel pour avertir nos compagnons d'arme que nous avions bientôt pris le bâtiment car à chaque mage que nous tuons dix en ressortent. Mais nous savions pertinemment qu'ils ne feraient long feu. D'un mouvement de bras je faisais jaillir un feu bleu et rouge du sol, et l'élevai autour de l'immeuble pour le laisser s'abattre avec force sur nos adversaires qui n'eurent même pas le temps de crier.

*******

Au bout de plusieurs heures d'acharnement et de bataille je me retrouvai sur le balcon du palais royal à moitié détruit avec à mes côtés mes compagnons avec lesquels je me suis battue toute la nuit durant. Devant moi, tout le peuple de la capitale a été réuni et, avec appréhension, est prêt à m'écouter. D'une voix chevrotante puis assurée je commence mon discours:

«- Arrachée à mes parents alors que je n'avais que sept ans, j'ai été le cobaye de ces mages dont vous suivez la doctrine depuis des années. J'ai dû commettre des atrocités que personne ici ne pourra imaginer. Sept autres années plus tard, j'ai réussi à m'enfuir et en conséquence de cet acte j'ai été traquée comme une bête féroce sans foi ni loi. Seul, puis par centaines nous nous sommes rebellés de nos bourreaux pour mettre fin à leur tyrannie, c'est alors que nous avons construit notre propre mouvement. Avec l'aide des Nations de Terre et d'Électricité nous avons pris les armes contre votre ancien gouvernement et nous vous posons l'ultimatum suivant pour notre survie: soit vous vous soumettez à nos lois; soit vous prenez le bateau qui est à quais dans notre port pour voguer vers de nouveaux horizons. Vous avez jusqu'à l'aube pour vous décider.»

Sur ces mots je rentrai dans le palais suivi de mon bras droit, le premier maître du feu que j'ai rencontré il y trois ans. Nous pénétrâmes dans l'une des rares pièce qui ne présentait aucune égratignure: la salle du trône où Roi comme soldats avaient baissé les armes sans livrer combat. Aaron tira une chaise pour se placer devant moi, laissant, volontairement ou involontairement, nos genoux se frôler. Ses yeux jaunes semblèrent me sonder, nous étions si proche que je pouvais discerner ses cernes qui témoignaient de sa fatigue. Des taches de sang sur sa chemise et sa chevelure d'or brun attestaient de notre bataille.

«- Pourquoi as-tu dit que les Nations nous ont aidé alors que ce n'est pas vrai?

-Pour éviter toute rébellion cette nuit, s'ils savent que nous nous sommes battus seul, sans armées étrangères en appui, ils nous sous-estimeront et nous attaqueront. Alors que pour le moment nous possédons de réelles puissances importantes derrière nous. Qu'estce que tu en penses?

-J'en pense que tu es très belle ce soir ma Femme de Feu.»

Aaron a toujours été présent pour moi et occupe de tout temps une place particulière dans mon cœur. Au début, je le détestais car je pensais que c'était un ancien habitant de la Nation de Terre, il faut dire que sa peau légèrement halée ne pouvait m'aider à savoir qu'il était d'une tout autre origine: un enfant de la Nation de Glace au sang de Feu. C'est en général le produit d'une progéniture non voulu des Dieux.

Il se place un genoux à terre, pose une main sur ma joue et dans l'autre il tient le médaillon de ma mère que je lui ai donné juste avant la bataille pour lui porter chance. «- Est-ce que tu veux m'épouser, moi l'Enfant Maudit des Dieux pour partager ma vie jusqu'à ce que l'un de nous meurt?

-Que ce soit pour un jour ou pour cents ans je te promets de t'aimer jusqu'à la fin de mes jours.»

Mes cheveux platines que j'avais attachés plus tôt encadraient mon visage pâle et mes yeux. Ceux qui nous gouvernait avait peur de nous, et nous soumettaient pour protéger leur famille peu importe ce qu'ils faisait pour atteindre leur objectif. Dans un sens je les comprenais, mais je ne pouvais pas comprendre qu'ils en arrivent à utiliser des moyens aussi importants. Ne pouvaient-ils pas seulement scindées notre pays en deux, ne disons nous pas diviser pour mieux régner? Mais je ne voulais plus penser à eux, ni à notre futur mort juste à l'instant présent.

Aaron posa une main sur chacune de mes joues et s'approcha doucement de mon visage. Mais tout d'un coup je me dégage prenant soudainement feu.

Mes mains étaient rouges. Un mélange entre... Les corps s'alignent par certaines devant moi... Aaron se releva en sang et incrédule. Rêve et réalité. Tous ceux que j'avais tué pour eux, tous ceux que j'avais tué pour la liberté de ce que j'aimai et celle des enfants comme moi, sont là comme je les ai laissé pour me demander la même chose, un unique mot, une seule question: Pourquoi?

Pendant plusieurs plusieurs heures des hallucinations prirent possession de mon esprit. Celui que j'ai accepté d'épouser m'essuie le front d'un chiffon humide en me chuchotant des mots doux. La chambre dans laquelle il m'a porté hier soir quand j'ai commencé ma crise semblait neuve et était pourvu d'une fenêtre donnant sur des montagnes. Lorsque l'aurore pointa le bout de son nez, des rayons de Soleil incandescent rentrèrent dans la pièce pour illuminer la pièce et se poser sur nous. En une promesse muette de rester ensemble pour l'éternité nous nous embrasons sous le regard apaisant du Soleil et des montagnes apparaissant par la fenêtre.

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