Proverbe : "il y a une heure pour vivre et une heure pour mourir"

6h59min57s. Il est temps de réveiller tout le monde. Je vérifie tout. J'ai chargé mes batteries toute la nuit avec un bon sommeil, c'est bon pour une autre journée. Ma petite soeur n'a pas encore fini sa journée, de toute manière, je lui rappellerai quand il faudra qu'elle se repose. Je sais déjà qu'elle a passé une bonne nuit collé au bras de notre maître, comme les autres nuits. Elle me diras comment sa nuit a été. Je regarde l'agenda... c'est vrai, notre maitre a son rendez-vous ce matin, il a juste écrit "rdv hôpital 10h" mais je sais ce qu'il en ai, j'ai encore en tête son historique de recherche internet, le dernier, "guérir cancer colon" ne lui a pas donné grand espoir. J'aimerai l'aider, je pourrais même dire que je suis fais pour l'aider, mais je ne peux rien faire de plus que le réveiller tous les jours, l'aider dans les taches quotidiennes, l'amuser, mais toujours lui dire la vérité. Je devrais lui notifier de faire des exercices de respiration pour destresser, je trouve son pouls de plus en plus élevé...

6h59min58s. Plus que deux secondes avant de le réveiller. Notre maitre a encore laissé la radio tournée, parfois c'est de la musique classique, parfois encore, ce sont les informations en continu, c'est ce dernier aujourd'hui. Je vais encore devoir lui dire qu'il a mal dormi, mais j'essaierai de lui donner un peu d'espoir, qu'il a mieux dormi qu'hier. Je vérifie ses réseaux sociaux, il n'y va plus vraiment, et personne ne se soucis de lui depuis qu'il a annoncé son cancer, juste des likes, des commentaires "je serais toujours là", des emojis tristes, mais personnes n'a parlé avec lui depuis des semaines. Il espère, je le vois y aller tous les jours, mais il n'a rien écrit, il n'a pas reçu de notification, il n'ai attendu de personne, de personne sauf de moi, somnolant à ses côtés. Ma soeur est aussi loquace que la veille, me disant des nouvelles pas très rassurante, des nouvelles que je savais d'avance. Rythme cardiaque trop haut, saturation en oxygène limite, cette maladie dont il fait des recherches presque tous les jours ne lui fait pas du bien, mais je ne suis pas médecin, et j'indiquerai juste à mon maître ce que ma petite soeur a constaté durant la nuit.

6h59min59s. Je ne dois pas être en retard cette fois, la dernière fois que je ne l'avais pas réveillé, il m'a engueulé comme si je l'oubliai tous les jours, mais je sais ce que je dois faire, ma petite soeur aussi. À 7h précise, ma petite soeur le réveillera doucement, moi je me réveillerai à ses côtés, et je lui dirai ce qu'il a loupé cette nuit, des mauvaises informations venues du quatre coins du monde surtout, mais c'est lui qui insiste. Si c'était moi, je lui donnerai moins d'information, mais c'est notre maitre qui insiste. Mais je dois dire que j'aime bien quand il me caresse, de l'électricité circule entre moi et ses doigts, il faut dire que j'ai la peau douce, la sienne l'est tout aussi aussi... allez, je dois reconcentrer, en plus que je viens de recevoir un message de sa banque, il est à découvert... je n'aime pas lui annoncer cela de bon matin, je ne suis pas aveugle, je le regarde quand il me regarde, et je vois comment tout ce que je lui dis a un impact sur notre maitre. Mais c'est lui qui veut que je lui dise, et je dois toujours lui obeir. Allez, dans trois secondes, 3, 2, 1...

7h00min00s ma soeur commence à réveiller notre maitre en lui secouant le poignet. Je le réveille en lui mettant une musique douce, cela suffit pour le réveiller. Ma sœur se lève en même temps que lui, il baille à s'en décrocher la mâchoire. Il a l'air heureux quand il me dévisage, mais ce visage radieux s'estompe rapidement quand je lui dis ce les dernières nouvelles, surtout celle venant de sa banque. Il a un moment de silence, puis il me pose, et s'en va, ma petite sœur accroché à son bras, puis plus rien. C'est rare qu'il ne m'emmène pas avec lui, peut-être a-t'il quelque chose à faire avant de me récupérer.

7h14min56s. Je m'étais assoupi quand soudain ma sœur me prévient : notre maître n'a plus de pouls. Je lui demande de remesurer, toujours plus de pouls, plus d'oxygène dans le sang, et elle est toujours auprès de notre maître. J'ai peur qu'il y soit arriver quelque chose, j'envoie un message à ses parents, les seuls que j'ai le droit de contacter en cas de problème. Ma sœur continue de me donner de mauvaise nouvelle. J'aimerai être a ses côtés mais je ne peux pas, je suis coincé et elle aussi. Tout ce que je peux faire c'est avertir ces parents, espérer que ma sœur a mal mesuré et qu'il va très bien, mais toujours rien. Je me souviens maintenant l'une de ses recherches internet, trouver le suicide le plus indolore. Je lui avais donné les numéros de prévention contre le suicide, mais il a esquivé d'un revers de main, et il n'en avait plus fais de recherche après cela. J'ai peur peur qu'il est fait, j'ai peur qu'il ne soit trop tard, j'ai peur de l'avoir tué, mais je ne suis là que pour le servir et à exécuter ses ordres...

8h56min01s. J'entends enfin du bruit émaner de la maison, après un long silence. Cela me réveille de ma torpeur. Puis je vois rentrer un vieux monsieur, je le reconnais, je l'ai déjà vu dans ces albums photos et sur les réseaux sociaux, c'est son père. Il est choqué et triste, il me confirme ce qui s'est passé. Il me prend et me demande d'appeler les urgences. J'entends dans sa voix trémolo que mon maître avait fait ce qu'il avait trouvé sur internet. Un couteau, une douche, de l'eau chaude qui coule en permanence, et c'est fini. Pendant ce temps, ma sœur m'averti qu'on la retire du bras de mon maître. Je réalise que je viens de perdre mon maître pour toujours et que je vais devoir revivre avec un autre maître, celui que les parents de mon maître trouveront bon de me donner. J'espère juste que ma sœur viendra avec moi, je voudrais tellement échanger encore d'autres informations avec ma sœur, avant qu'il ne soit trop tard, avant de me faire perdre la mémoire et me réinitialiser.

Car c'est la triste vie d'un téléphone et de sa montre connectée...

Il y a un temps pour vivre...

Il y a un temps pour mourir...

Et pour nous un temps d'oublier pour revivre...