Le fleuve de mes épreuves
Proverbe : "le coeur a ses raisons que la raison ignore"
À quel âge ai-je commencé à penser ? Une question bien difficile que je n'osais plus réellement aborder depuis une éternité. Pourtant, j'ai toujours été fasciné par la vie, qui est bien souvent envoûtée par des voluptés nuancées.
Ce sont les gens qui créent ce courant presque ascendant. Parfois à double tranchant, le mouvement de ces eaux troubles retrouve assez rapidement sa clarté d'antan. Toutefois, la vie avance toujours et ne s'arrête guère à ce léger détour. Et l'humanité évolue tour à tour, créant à un carrefour la mélodie de nos amours.
Cette dernière est un sujet rempli de charnières empilées les unes derrière les autres. Ainsi, les portes qu'elles soutiennent semblent cacher une effroyable infinité de possibilités. Mais l'homme reste un éternel curieux. Parfois vicieux, son rêve est de découvrir ces lieux un brin malicieux. Après tout, beaucoup racontent que l'amour est digne des cieux et qu'il faut le vivre avant de devenir vieux.
Mais la longue rivière ne s'arrête guère à ces simples chimères. La mer y est régulièrement déchaînée, surtout lorsque l'on tente de percer ces secrets de l'univers. Car oui ! Aimer est universel et il est impossible d'échapper à son étincelle. Il nous ensorcelle et nous comble même de sa luxure. Car la dorure de ses courbes angéliques est pour nous une torture presque machiavélique...
Cependant, l'océan est grand et l'horizon est sans limite, tandis que l'amour reste vaste malgré les sentiments illicites qui en découlent. Après tout, nous sommes bien fous de lui et celui-ci a tendance à nous rendre meilleurs. Enfin, c'est la supposition de l'humain qui n'a pas connu le malheur. Ils disent effectivement que l'amour revient toujours, tel un cercle vicieux incassable. Néanmoins, il semble si insaisissable et nous trouble même jusqu'à en devenir insatiable. Sans raison valable, l'humanité m'accable de cette chose dite incroyable. Pour moi ce sentiment est un orage et ce n'était point la rage de mon âge qui me faisait penser ainsi.
Dans ma jeunesse, la délicatesse n'était point de mise. Mes maladresses n'avaient fait qu'enrichir ma mise. Hélas, ma vie n'avait pas connu l'amour. Je n'avais point de mère pour me border dans des draps de velours. Je m'étais construit dans un monde morne et terni par l'argent. Les gens jouaient sans cesse au prix de mes tourments. Des rires pour mes martyres et des mains vilaines pleines de haine, contre ma peine soit disant trop hautaine. Il fut alors évident pour moi de ne pas inclure l'amour à ma raison.
En grandissant, mes larmes s'étaient transformées en une arme plus forte que tout. Ma curiosité m'avait permi d'apprendre à philosopher, tandis que mes traumatismes se transformaient en quelque chose de plus grand... L'écriture était devenue ma nouvelle vie. Une belle réponse à ma colère d'hier pour affronter mon aujourd'hui sous la pluie encore battante.
Mes poings jadis entaché par le sang, saignait dorénavant sur un papier blanc. Très vite des manuscrits sont apparus de toutes mes hypothèses sur la vie. Cependant, il me manquait toujours, jour après jour, la même variable à mes écrits. Je ne cessais de faire des allers-retours sur mes copies car mes sujets sonnaient creux à mon oreille. Il manquait un sens et j'étais incapable de trouver la réponse. Ce fut de cette façon que mon esprit clama pour la première fois, que l'amour pouvait être une solution. Néanmoins, ce mirage s'effaça vite et je me remis à l'ouvrage.
Avec le recul, j'ai mis un long moment avant de comprendre que l'amour n'était point un tourment. Peut-être même trop longtemps...
Mes années s'enchaînèrent aussi vite qu'un éclair. A cette époque, la guerre était d'actualité tandis que les nerfs des familles étaient mis à rude épreuve. Par chance, mon dialecte m'avait épargné cette souffrance. Je siégeais au conseil militaire à un poste de secrétaire. J'y ai appris des horreurs et des mensonges par milliers. Ironiquement, cette atmosphère m'était déjà familière. Mon enfance me servait d'expérience, tandis que mon esprit se satisfaisait de la chance que j'avais.
Hélas, ma bienséance fut brève. Nous perdions la guerre tandis que mon audience approcha rapidement ensuite. Malheureusement, mon choix n'avait pas été le meilleur et ma peur prit le contrôle de mon esprit. Pour les juges, je faisais partie de l'orchestre à l'origine des massacres. Mon rôle, bien que secondaire à cela, ne m'épargna point. La justice avait alors amené l'amnistie pendant que mon nouveau supplice commença à son tour.
La prison me détruisit et ma raison se brisa en mille éclats. Le miroir de mes pensées n'étaient plus. Ma gloire s'était transformée en une illusion. J'avais le sentiment que ma vie n'était qu'une illustration abandonnée par lassitude, laissant alors quelques traits noirs sans structure. Cette image mesurait clairement ma douleur. Ma vie manquait de couleurs sans aucun doute. Mon chemin me déroutait. J'avais conscience que cette route était le reflet de mes choix. Je cherchais donc une nouvelle loi à laquelle m'appuyer. L'amour revenu une nouvelle fois embrumer mes idées. Était-ce réellement la solution que je devais suivre ? Cette question me hanta jusqu'à la fin de mon séjour.
Ma liberté retrouvée, j'étais en quête de fraternité. Ma pensée avançait dans un esprit d'égalité : mes déductions sur la vie étaient devenues trop exagérées à cause de mon passé. Alors je décidais de partir au café pour également me conforter dans mon nouvel idéal. Et sans m'en douter un seul instant, je rencontrais par ce fait la personne la plus incroyable que j'ai pu connaître. Évidemment, je m'en suis rendu compte bien plus tard. C'était la serveuse de la taverne : ce fameux lieu ressemblant vaguement à un bar aux allures vieillottes, suffisamment digne pour comparer l'établissement à une caverne. Il est vrai que cet endroit était peu fréquenté. N'empêche, je me plaisais à y revenir journée après journée.
La blonde qui avait capté mon regard, me servait régulièrement mon thé. Puis, à un moment sans savoir pourquoi, nous commençâmes à nous parler. Chacune de ses phrases résonnait comme une révélation pour moi. Son expérience n'avait clairement rien à voir avec la mienne. Je me suis souvent retrouvé en émoi devant elle, car je commençais à comprendre quelque chose qui m'avait échappé jusque-là. Ses leçons consolaient mon enfant intérieur qui lui, avait toujours demandé de la joie. Je me suis surpris rieur et joueur avec elle. Il est vrai qu'elle était très belle aussi. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait jusqu'au jour où je ne la revis plus.
Personne ne savait où elle était. Je l'ai longtemps cherché sans résultat. Mon état dépassa rapidement le cap de l'incompréhension pour laisser place au dérapage du grand frisson. J'avais eus un moment d'égarement à cet instant. Pourtant, je n'osais pas franchir le pas. L'espoir me guidait encore et c'est la lune qui signa mon réconfort. Je rentrai tout simplement chez moi, en n'étant pas capable de mettre un mot sur mon ébat.
Les saisons défilèrent après. L'automne monotone me paraissait très dure. Puis, l'hiver fut bercé par mes vers, comme si l'inspiration coulait de nouveau à flot. Enfin, le printemps qui suivit, j'étais remis de mes peines d'avant. Cette nouvelle année avait marqué mon changement et je n'avais jamais écrit aussi librement. Hélas, j'avais encore des lacunes sur l'amour. Néanmoins, je le pris avec humour cette fois-ci, jusqu'au prochain cycle de la nature. Cet instant pur n'était peut-être pas pour moi tout simplement ? J'ironisais mon ignorance et avait décidé de plus jamais entrer dans cette danse. Je recommençais à chercher des réponses pour alimenter ma logique, qui n'était plus que la seule chose qui me restait. "Il est plus simple d'être amoureux de l'existant que de l'inexistant". Mais l'idée d'enfin comprendre ce contresens ne me quittait pas pour autant. La saison estivale débuta donc sur une nuance de question entre science et occultisme.
Un jour d'été, j'ai de nouveau été prisonnier de cette idylle. À trop vouloir chercher les raisons de la romance, ce fut cette dernière qui m'enlaça de sa semence. Alors, je me suis senti subitement petit face au monde. Cette clémence m'était belle et bien destinée. Mais je ne voulais point croire à ce qui me paraissait être une fatalité. Ma raison ne voulait guère entendre cette chanson commune à l'harmonie d'autrui. Tellement de sentiments contradictoires dérivant d'une seule et même chose. C'était bien trop pour mon esprit cartésien, adepte d'une logique mûrement réfléchie. Pourquoi la retrouvais-je ici ?
Hélas, pour moi, ce courant commença à m'emporter avec lui. Il est si difficile de ne pas résister. La tentation fut trop grande et le fleuve fleuri des émotions m'avait guidé jusqu'à sa silhouette divine. Un regard enchanteur empli de douceur et des lèvres couleur pêche, délicatement soulignées par une nuance du rouge des fruits du fraisier. Je n'eus plus aucun doute lorsque sa voix mélodieuse résonna telle une caresse à mes oreilles. Mes yeux étaient devenus incapables de ne pas la regarder avec admiration. Ironiquement, au même instant, mon instinct me criait de faire attention. Ce rêve me semblait si beau...
Or, son corps m'avait déjà jeté un sort. Son parfum subtil m'appelait à la rejoindre de nouveau. J'avais déjà perdu la notion du temps lorsque je me surpris à me retrouver si proche de mon ange. Mes émotions étranges se confondaient alors dans un mélange de fausses déductions et d'incompréhensions. Quant à elle, elle me souriait de toute sa pureté, avant de toucher tendrement mes lèvres avec les siennes. Mon esprit me lâcha à cet instant tandis que mon cœur battait en harmonie avec celui de cette blonde qui m'avait déjà assujetti. La saison estivale ne m'avait jamais paru aussi belle avant ce jour.
Une fois ma raison conquise, nous nous sommes assis sur l'herbe à nos pieds. Puis, nous avons laissé la journée nous guider dans cette nouvelle aventure. La nature ne semblait pas être étonnée par la suite de nos événements. Nous avions abandonné notre pudeur et bientôt, nous ne formerions plus qu'un seul être qui ne se souci guère de son paraître.
Je compris alors le concept de beauté.
Finalement, la logique n'était peut-être pas la meilleure des réalités. J'y réfléchissais main dans la main avec ma douce. Puis, les jours s'enchaînèrent encore et encore. Ces années n'auraient jamais pu être plus épanouissantes. Ma vision du monde n'avait plus rien à voir avec mon passé. Le nouvel homme que j'étais devenu avait aussi une nouvelle philosophie.
C'est ainsi qu'un jour, j'ai écrit de ma plus belle plume : « Le cœur a ses raisons que la raison ignore ». Une phrase à la fois aussi poétique que mélancolique. Et bien que bucolique également, la logique de ce paradoxe illogique nous rend bien souvent nostalgiques.
Ainsi, ce fut le message que je léguais aux jeunes âges, tel un sage laissant une trace de son passage. Un présage traversant le naufrage que représente le temps. Et dorénavant, mon présent grandit aux quatre vents de toute les vies, comme si ma destinée n'avait jamais vraiment cessé d'exister.
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