Bête noire de l'humanité
Proverbe : "Chassez le naturel, il revient au galop !"
Klay marchait dans les rues de Londres comme à son habitude. A une heure tardive, il longeait la Tamise et laissait son esprit vagabonder vers des idées plus saugrenues les unes que les autres. Pour une fois, c'était une nuit paisible qui semblait se profiler à l'horizon. Cela fut vrai jusqu'à ce que son instinct de chasseur se réveilla. La plupart du temps, ce n'était pas prémédité, il agissait selon ses besoins. En effet, quand la Lune voilait le ciel, Klay était habité d'une soif bestiale. Il ne savait comment l'expliquer, mais il avait une immense haine à combler, un vide à assouvir. Il n'était plus le même. Pire encore, il perdait tout contrôle. Alors que le froid régnait dans l'atmosphère, il voulait se retenir, mais certaines habitudes avaient la vie dure. Il se laissa donc tenter par cette irrésistible envie qui le narguait. Une fois encore, il voulait se lancer dans ce jeu dangereux. Il souhaitait se lancer dans cette sempiternelle danse dont il ne sortirait sans doute pas victorieux. Peu lui importait l'issue, tout ce qu'il désirait sentir, c'était le jeu.
Comme chaque fois qu'il succombait, il désirait se laisser envahir par toute cette ivresse qui le poussait à courir après le danger. Il jouissait de cette chaleur qui lui emplissait le cœur et l'esprit. Fasciné par cette torpeur qui enlisait ses sens. Il s'abandonnait à la folie. Il relâchait enfin la pression et ne se laissait commander que par ses pulsions. Homme, il devenait bête. Tel était le fardeau qu'il portait depuis des années. Personne ne l'avait remarqué. Ni cet homme qui partageait son lit tous les soirs, ni ses amis qui riaient de bon cœur avec lui. Pour ceux qu'il côtoyait le jour, ce n'était qu'un ours mal léché qui était plus tendre qu'on ne le croyait. Ils le décrivaient comme un homme sympathique et charmant qui souriait à n'importe qui quand on savait briser sa carapace. Ces idiots ne voyaient vraiment pas au-delà des apparences !
Ce jeune homme qui tanguait dans les quartiers d'Harlesdon allait connaître le véritable visage de Klay. Cette zone était de toute façon réputée comme un quartier sensible donc une victime de plus ou de moins ne ferait pas la différence. La cible était un homme qui devait avoir passé la trentaine. Ses yeux noisette vides témoignaient de son ivresse ainsi que d'autres substances illicites ingérées. Quoiqu'il en fût, cela voulait dire qu'il n'était pas maître de ses mouvements et cela arrangeait le jeune blond. De plus, la future victime n'avait pas de stature vraiment imposante, sa coupe bouclée et brune le rendait plus grand qu'il ne l'était vraiment, mais c'était un gabarit que Klay pouvait gérer. Surtout s'il était à moitié conscient de ce qu'il faisait. Destin ou hasard, ce trentenaire à la peau mate n'aurait pas dû rencontrer ce jeune londonien à l'appétit sanguinaire.
En apparence, Klay était un beau jeune homme de vingt-six ans dont la chevelure dorée ne dépassait pas sa nuque. Sa musculature sans être plus développée que cela affirmait le corps d'un être qui faisait du sport quotidiennement. Cela lui permettait d'être musclé sans avoir l'air trop imposant. De son mètre quatre-vingt, il se fondait parfaitement dans la foule en ce qui concernait la gente masculine. Sa peau d'asphalte contrastait avec son âme aussi noire que l'ébène. Les traits fins de son visage ne permettaient pas de douter de son apparente innocence. Son physique incarnait la bienveillance. Sauf en ce qui concernait ses prunelles bleues. En société, son regard azur demeurait neutre, ce que son entourage interprétait être de la timidité. Il devenait doux lorsqu'il partageait des moments d'intimité avec son compagnon car il n'était pas dénué de toute émotion. Au contraire, les émotions, il en était rempli constamment. Et il fallait que ça sortît d'une manière ou d'une autre ! Alors quand l'obscurité prenait place dans la nature, le regard azur du jeune homme prenait une teinte particulière. Il dévoilait tout le vice qu'il contenait en lui le jour. Il dévoilait toute la haine et la colère qu'il semblait maîtriser lorsqu'il était exposé au monde. A priori charmant, il dévoilait le mépris qu'il éprouvait pour cette race humaine si faible et insignifiante.
Il utilisait son corps comme un piège pour attirer toutes ses proies. Celles qu'il considérait être les pires déchets de l'humanité. Ce qu'il prétendait être une marche nocturne était bien plus sordide que ce qu'il ne voulait bien l'admettre. Auprès de celui qui partageait ses nuits, il affirmait qu'il avait besoin de marcher pour faire le vide dans son esprit et ne pas succomber à tous les tracas que lui incombait son quotidien. D'une certaine manière, c'était vrai. Il se déchargeait juste de cette pression d'une manière peu orthodoxe.
Ils n'étaient donc que tous les deux : le chasseur et son gibier. Ce dernier l'ignorait, mais son air faussement menaçant ne faisait rien ressentir à Klay. Mis à part l'excitation de bientôt éradiquer cette vermine. Parcouru de cette adrénaline qu'il connaissait si bien, il sentait ses sens s'éveiller. Un rien pouvait l'émoustiller car il était parcouru d'un plaisir interdit, mais si puissant. Il sentit son coeur battre la chamade, son sang pulsait sous ses veines, ses yeux s'écarquillèrent et sa respiration se fit plus saccadée. Malgré cette effervescence physique, il gardait parfaitement le contrôle de son corps. Il ne voulait pas précipiter les choses et se jeter avidement sur sa proie. Non, il voulait faire durer les choses, prendre son temps et savourer chaque seconde de cet acte illicite qu'il allait perpétrer. Comme pour se faire désirer, il se rapprocha d'un pas lent, discret, presque timide. Son adversaire bomba le torse comme pour pouvoir dominer cet étrange inconnu. Klay n'était pas dupe, ce n'était que la manifestation d'une peur primale, mais plus que justifiée. Cela fit éclater le blond d'un rire froid et macabre.
Il sentit la puissance enivrer chaque parcelle de son corps. Il maîtrisait la situation, cela lui crevait les yeux. Et cela lui faisait tellement de bien ! Il ne parvenait pas à l'expliquer, mais il se sentait supérieur à cette frêle créature qui lui faisait face. Il possédait sa vie entre ses mains puisque cet homme brun n'avait pas la moindre chance de lui échapper. Klay pouvait en disposer comme il le souhaitait. Son regard azur transperçait le déchet de part en part et le regardait avec un appétit dévorant. Il avait faim de tout ce pouvoir qu'il allait pouvoir consommer. Aprèus tout, personne n'allait l'arrêter. Personne ne l'avait jamais fait, ce qui l'encourageait à continuer encore et toujours. Aucune limite ne lui était imposée, un champ de possibles illimité s'offrait à lui. Alors que le blondin réduisait la distance qui les séparait, un sourire carnassier s'invita sur le faciès du criminel. Quand il fut à quelques centimètres de sa victime, il lui murmura d'un ton faussement désolé :
« Tu as été stupide de rester ici au lieu de fuir. Tu aurais dû saisir ta chance et sauver ta peau...Mais non, tu as été assez bête pour écouter ton égo, c'est dommage, ça aurait pu prolonger ton existence. Maintenant, il est trop tard pour m'échapper, je vais devoir m'occuper de ton cas. ».
Celui qui lui faisait face n'osait pas bouger. Il ne pouvait esquisser le moindre geste de défense, paralysé par la peur. Son ascendant le comprit rapidement et le tourna à son avantage. Sans perdre la moindre seconde, il abusa de ce pantin qu'il pouvait manipuler dans tous les sens. Evidemment, le supplicié cria, ce qui gêna quelque peu l'Apollon sadique, mais vu le quartier, personne n'oserait intervenir. Il prit donc son temps comme si ce territoire lui appartenait. Une fois qu'il eut fini d'assouvir son désir charnel, il décida de se décharger d'autres pulsions plus extrêmes.
Alors qu'il sortit plusieurs armes de son sac, il observait la carcasse invalide qu'il allait modifier. Il sentait qu'il allait bien s'amuser ! Sortant un à un ses jouets, il se mit à l'œuvre et abîma la carcasse de son souffre-douleur. Frêle innocent qui subissait les frais de sa folie. Sans se préoccuper une seule seconde de ce qui l'entourait, il se délecta de toute la souffrance qu'il lui infligeait. Klay demeurait toujours un minimum alerte, au cas où un héros naïf se présenterait, mais ça n'arrivait jamais. Ainsi, il put faire durer le plaisir le plus longtemps possible. Au cœur de la nuit, seul le chant des êtres nocturnes vint perturber la symphonie des cris d'agonie de son martyr. Chacun de ses hurlements le plongeait dans une extase interdite. Il souriait et respirait d'un rythme saccadé, presqu'en accord avec chacun de ses mouvements. Tout était calculé, froid et réfléchi. Aucun remords n'accompagnait ses actes. Aucun doute ne l'étreignait. Il agissait en pleine connaissance de causes. Il asséna mille coups jusqu'à ce qu'il fût certain que le cadavre qui s'étendait devant lui n'habritait plus le moindre souffle de vie.
Hypnotisé par ce qu'il avait accompli, il demeura immobile quelques instants comme pour se féliciter. Il avait achevé une nouvelle œuvre. Fier de lui, il soupira de soulagement. Enfin, il sentit le calme regagner son âme. Il n'était plus habité de cette violence chronique qui l'avait poussé à commettre une telle atrocité. Vidé de son énergie, il se sentait paradoxalement si vivant ! Il se sentait parfaitement à sa place. Ce qu'il avait fait le comblait de joie et de satiété. Il avait presque envie de prendre un souvenir de ce qu'il avait fait, mais il était conscient que ce serait trop dangereux. C'était triste, mais il allait devoir se défaire de tout ce qu'il avait accompli. Il allait devoir détruire sa magnifique création et cela l'attristait. Même s'il allait pouvoir recommencer le lendemain, il trouvait ça dommage de devoir consummer ce magnifique cadeau qu'il venait d'offrir au monde.
Soupirant de tristesse de devoir se défaire de son chef-d'œuvre, il se résigna à suivre sa raison. D'un geste las, il sortit la bouteille de vodka pure puis il alluma un briquet qu'il jeta sur le corps laissant la nature faire son travail. Puis il rangea ses affaires qu'il laverait quand il serait chez lui. Il ne comptait clairement pas s'attarder sur le lieu de son énième crime. L'envie de demeurer ici ne lui manquait pas, mais ce n'était pas raisonnable. Cette conscience de l'illégalité était la seule chose qui lui permettait d'échapper à la police. Ce qui le rendait plus fort et sûr de lui.
De retour chez lui, il ne rejoignit pas tout de suite sa demeure. Il se dirigea plutôt vers la cabane à outils, c'était du moins ce que cela était supposé être. La porte étant ouverte, il n'eut pas à la toucher de ses gants ensanglantés. Une fois à l'intérieur, il prit le soin de tout nettoyer, de tout ranger et de ranger son sac dans sa cachette habituelle. Pour ce qui concernait ses vêtements, il se dévêtis, ne gardant que son caleçon et les chaussures qu'il prit soin de laver. Concernant le reste de ses affaires, il enleva tout le sang qu'il put enlever à la main. Puis il se dirigea vers sa demeure qu'il ouvrit avec ses clefs. Une fois le pas de la porte franchi et ses chaussures enlevées, il se dirigea sans faire de bruit vers la buanderie dans laquelle il inséra ses habits dans la machine à laver qu'il lança prestement. Puis il rejoignit le lit de son amant comme si rien ne s'était passé. Comme il avait tant l'habitude de le faire. Pourtant, cette fois, les choses étaient différentes. Quelque chose semblait avoir changé. Alors qu'il sombrait peu à peu dans l'inconscience, une voix lui murmura d'un ton neutre :
« Tu es un monstre. Tu ne peux pas continuer comme cela Klay. Tu as beau te déplacer dans tout Londres, les policiers finiront bien par te tomber dessus. Et même si ce n'est pas le cas, imagine que Doug finisse par s'en apercevoir. Que feras-tu quand il saura quel monstre partage sa vie ? Le tueras-tu ?
— Non, bien sûr que non ! répondit mollement le blondin.
— Dans ce cas, que feras-tu ? Continueras-tu de te dissimuler dans le monde ? Continueras-tu de jouer les hommes parfaits ?
— Oui...c'est la meilleure..solution...
— Sauf que tu ne la mérites pas ! Tu ne sèmes que le désarroi autour de toi !!! Tu n'es qu'une cruelle créature qui arrache des existences sans se soucier des conséquences que cela peut engendrer ! Tous ceux que tu as abattu avaient une famille, mais tu ne t'en es jamais soucié. Tu es un égoïste qui ne pense qu'à son confort personnel.
— C'est faux ! C'est totalement faux !
— Ah oui ? Dans ce cas, pourquoi continues-tu ? Ne vas pas me dire que c'est pour contribuer au bien populaire, je ne pourrais pas te croire ! Tu te voiles la face en pensant que tu pourras avoir une vie heureuse. Au fond, tu n'es pas si différent de ceux que tu tues...
— La ferme ! La ferme, la ferme !!!
— Sinon quoi ? Tu ne peux pas me tuer ni me faire taire. Tu n'as aucun contrôle sur moi, tu ne peux pas m'arrêter. Simplement parce que je suis une vieille connaissance de ton esprit, te souviens-tu seulement de moi, Klay ?
— Oui...je m'en rappelle...
— Donc tu sais que je ne te mens pas. Le fait que tu m'entendes enfin est un bon signe, tu évolues. Tu as donc l'espoir de changer. Sais-tu ce que ça signifie Klay ?
— Oui, je dois...arrêter.
— Oui, c'est bien ça. Tu as enfin décidé de prendre la bonne décision. Tu m'écoutes enfin...
— Je dois arrêter...sinon je ne pourrais jamais être sauvé.
— Oui, mais tu commenceras demain car tu as besoin de te reposer.
— Merci de tous tes conseils. Merci d'être là pour moi.
— Je t'en prie, mon vieil ami, je serai toujours là pour toi. ».
Le sourire aux lèvres, le reste de la courte nuit de cet éphèbe fut plutôt calme car il avait décidé de devenir un être nouveau. D'être enfin celui que tous croyaient voir. Il ne pouvait plus demeurer cet imposteur. Il fallait qu'il change de mode de vie, qu'il s'écarte de toute cette infamie et de toute cette horreur. Il aspirait à avancer et à devenir quelqu'un de meilleur.
Le lendemain, il changea donc ses habitudes. Pour la première fois de sa vie, il n'allait pas mentir. Il se contenterait d'être lui-même, de dire ce qui allait ou non. Avec ses amis, il profiterait simplement de l'instant présent. Il ne ferait plus attention à ceux qui lui feraient du tort, n'ajouterait personne à sa liste de méfaits à commettre. Il n'allait pas sortir et profiter des bras de son bien-aimé. La nuit venue, il soupira. Aussi confortables furent ces bras, ils ne parvenaient pas à combler totalement cette frénésie que lui procurait toute cette violence. Il allait devoir s'en contenter, mais la première soirée d'abstinence fut la plus dure. Il se surprit plusieurs fois à sortir de sa chambre comme il avait l'habitude de le faire. Au dernier moment, il faisait demi-tour.
Il ne devait pas se laisser submerger par cette envie qui cognait violemment contre sa cage thoracique. Cette urgence d'assouvir des pulsions inavouables. Il ne devait pas céder. S'il se laissait aller dès sa première tentative, il ne pourrait jamais faire machine arrière. Il était peut-être trop tard et peut-être que tout cela n'était qu'un leurre, mais il se devait d'essayer. Il fallait qu'il tentât le coup, ne serait-ce que pour ceux qui l'aimaient. Jamais ils ne pourraient aimer le monstre qui se dissimulait en lui.
Cette bête assoiffée de sang qui se tapissait dans l'ombre. Celle qui l'accompagnait depuis tant d'années. Il eut du mal à la maîtriser car l'animal réclamait sa pitance, mais il finit par voir le Soleil se lever. Cela signifiait qu'il avait su résister ne serait-ce qu'un jour. Il suffisait de recommencer. Il se disait que c'était aussi simple que cela. Il pensait qu'à force de se plier aux exigences de la société et de ses proches, il finirait par oublier la part d'ombre qui sommeillait en lui. Il se devait d'apprivoiser cette bête qui avait dicté tant de ses jours.
Les journées moribondes s'enchaînèrent et Klay s'enlisait dans un morne quotidien. Jeune salarié d'une quelconque entreprise de la City londonienne, il se contentait de faire croire qu'il était heureux. Que sa vie fût parfaite comme s'il vivait un conte de fées alors qu'il ne demandait qu'une chose : que tout cela s'arrêta. Sans ses activités nocturnes, le blond endurait un véritable supplice car son existence ne rimait plus à rien. Il était à peine fonctionnel, réduit à l'état d'une ombre parcourant les rues de sa ville. Déambulant parmi ses pairs, il ne rimait plus à rien. Il n'était plus rien. Klay fut remplacé par un automate qui agissait selon les normes et les codes qu'on lui avait inculqué. Il réfléchissait à peine pour se donner une apparence d'éclat de joie et d'espoir.
En son sein ne régnait que le désespoir. Son cœur continuait de tambouriner dans sa poitrine, avide du dû qu'il n'avait pas reçu depuis plusieurs mois, mais Klay s'efforçait de l'ignorer. Pourtant, son esprit ne cessait de réclamer ce sang dont il était privé. Il voulait retrouver l'euphorie qu'il avait perdu depuis si longtemps. Avide de cruauté et de destruction, il réclamait ce qu'il lui devait. Il devait maîtriser cette envie constante de retomber dans ses travers. Sans que personne ne s'en rendît compte, Klay menait un combat perpétuel contre lui-même. Pour l'instant, il était celui qui gagnait, mais il ne savait combien de temps cela durerait. Il était satisfait de se retenir, mais c'était la chose la plus difficile qu'il n'eût jamais entrepris.
Le reste de Londres avait remarqué son abstinence de meurtres car la presse s'étonnait de la brusque disparition de ce tueur en série, celui qu'on avait surnommé « L'incendiaire noctambule ». Comme il regrettait d'avoir cessé un tel loisir alors qu'il était si bon. Lui qui se promenait près du Buckingham Palace voyait dans chaque passant une potentielle âme à dérober. Une lumière à éteindre, un avenir à voler. Il se retenait de toutes ses forces, mais tous ces humains qui l'entouraient ne lui faisaient ressentir qu'une chose : un profond dégoût. Hélas, cela lui rappelait ce qui l'avait poussé à se laisser entraîner par sa folie meurtrière. La seule chose qui le retenait encore était l'amour qu'il éprouvait pour Doug. Il était le seul humain qui l'empêchait de renouer avec ses anciens démons même si cela était atrocement dur.
Il ressentait un profond dédain pour ses congénères qui se contentaient de détruire le monde qui les entourait. Ils osaient le nommer de vile créature, mais il rendait service à la planète bleue qui s'étouffait de plus en plus. Personne ou presque ne s'en souciait. Ces humains étaient trop occupés à mener leur routine et ne voulaient en rien abandonner leur confort si vital. Ils ne prêtaient pas la moindre attention aux personnes pauvres qui quémandaient une pièce dans la rue. Ils ne faisaient pas attention aux malades qu'ils excluaient dans des taxis pour ne pas les avoir sur leur chemin. Ils ne s'extasiaient même plus devant tous les monuments que possédaient leur ville alors qu'elle regorgeait de richesses. Ces êtres abjects ne se contentaient que de s'enrichir, consommer et polluer. Le reste ne les intéressait pas. Seule leur petite personne pouvait valoir quelque chose, ce qui le mettait hors de lui. Il ne comprenait pas que l'on pût oublier ceux qui souffraient juste à nos côtés. Il ignorait comment tout le monde faisait pour ignorer les maux qui peuplaient le monde.
Alors pourquoi devraient-ils vivre ? Qu'est-ce qui faisait qu'ils méritaient de vivre ? S'il se faisait attraper, pourquoi finirait-il en prison alors qu'il ne faisait que rendre service ? Un assassin de scélérats méritait-il vraiment de se faire punir ? Si tel était le cas, il désespérait du monde qui l'entourait. A tel point qu'il en doutait vouloir en faire partie. Il entendait en lui cette voix qui lui intimait de reprendre ses hideuses activités. A défaut de servir le peuple, cela lui permettrait de retrouver le sens qu'il cherchait tant. Il ne ferait plus que simplement survivre. Evidemment, il fit taire cet écho sourd venu d'ailleurs pour se concentrer sur autre chose. Il avait fait une promesse, il ne pouvait pas faillir si facilement. Il laissa donc filer les jours puis les moins sans commettre le moindre meurtre. Si bien qu'il croyait que tout cela était fini et qu'il était parvenu à accomplir son but : changer.
Pourtant, presqu'un an après son dernier accès de fureur, Klay céda à une étrange impulsion. Cela avait été plus fort que lui, il ne pouvait plus se retenir et ignorer cet affreux instinct.Alors que la pluie inondait le sol, il sortit de chez lui et se lança dans une course effrénée. C'était un élan qui n'avait pas de réel but ni de réelle destination. Il ignorait même ce qui l'avait poussé à sortir alors qu'il avait arrêté d'avoir cette manie. Malgré les nuages qui obscurcissaient le ciel, la pleine Lune inondait les environs de sa douce lumière. Elle était rassurante et semblait lui montrer la voie. Celle qu'il devait suivre pour guérir et passer à autre chose. Du moins, c'était ce qu'il croyait. Au bout d'une heure et demie de course, il s'arrêta, essoufflé, afin de reprendre sa respiration. Alors qu'une brise automnale vint agiter sa tignasse, un familier frisson s'empara de son corps.
Ses sens se mirent en éveil, à l'affût de la moindre agitation. Aucune peur ne titillait ses entrailles, Klay se fourvoyait sur le sujet. Il ne voulait pas reconnaître qu'il ressentait de nouveau l'adrénaline pulser à l'intérieur de son organisme. Il ne voulait pas admettre qu'il était vaincu par son instinct premier. Pourtant, il dût rapidement se rendre à l'évidence : il n'était pas terrifié. Au contraire, il était excité et emballé par ce sentiment connu qui le parcourait des pieds à la tête. De nouveau, ses sens étaient décuplés. A nouveau, il retrouvait l'exaltation qui l'envahissait. Il était redevenu ce chasseur qui avait besoin de se défouler sur une pauvre âme inconnue qui ferait les frais de sa frustration. Il n'avait cure de savoir qui cela serait : cela devait être aujourd'hui.
Après quelques minutes de marche, il repéra une jeune femme assise par terre contre un pont. Isolée du reste du monde, exposée à la pluie, elle était si belle. Sa tristesse et son désarroi appelaient presque Klay au secours. Ils le priaient silencieusement d'en finir avec toute cette oppression qui la détruisait peu à peu. Avec un grand sourire, il allait rendre ce service. Il entendit de nouveau une sorte de chuchotis qui lui affirmait que ce serait une mauvaise idée. Sauf que cela cessa bien vite. De nouveau, il se laissa submerger par toutes ses envies de violence et de sang. Une fois encore, l'assassin frappa, sa bonne résolution vola en éclats. En cette nuit de pleine Lune, Klay redevint le tueur en série qu'il avait toujours été. En cette nuit sombre, un feu de joie finit par illuminer le ciel de cette capitale anglaise : son célèbre incendiaire était de retour et avait le désir de tout consumer.
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