Le génie de la lampe
Je vais vous raconter une histoire, mon histoire en faite. Je serais pour cette histoire un héros malgré moi, un héros qui n'a rien demandé, qui n'a rien fait de particulier, mais qui va recevoir le plus beau des trésors, le plus beau qu'il puisse imaginer. Mais avant, je dois vous parler de mon monde particulier où j'habite...
Dans mon monde, nous sommes fort, physiquement, mentalement ou intellectuellement.
La force engendre l'argent et la popularité, l'argent et la popularité engendre le pouvoir.Dès l'enfance, nous apprenons à être fort, et à blâmer les plus faibles. Nous apprenons à apprécier ceux qui ont réussi à être fort, sur le champs de bataille, dans la gouvernance d'un pays ou d'une entreprise, ou dans l'application des sciences et technologie. L'âge des études passé, nous devons gagner notre vie par notre force. Certains la gagne avec les mains ou les pieds, d'autres avec la ruse, ou encore avec leurs inventivités. D'autres encore sont née dans la richesse, sans besoin d'apprendre à être fort.
Et si d'un coté il y a les forts, de l'autres, il y a les perdants, les faibles, les soumis. Même si leurs vies ne sont pas en danger, ils doivent survivre en encaissant les coups chaque jour. Ils doivent toujours promettre aux plus fort et aux plus puissant de devenir comme eux, mensonge qui les sauvent un temps, mais qui doivent justifier par leurs actes ou leurs volontés. Montrer qu'ils deviendront forts, montrer qu'ils seront à la hauteur de ceux qui dictent les limites et les jugements. Montrer aussi qu'ils peuvent gagner leurs vies sans avoir besoin de l'aide des autres. Certains y arrivent dans la souffrance, pas moi...Me voilà donc un soir de juillet, à contempler une affiche publicitaire. Un fond vaguement oriental, des images tirées des bas-fonds des recherches de Google Image montrant des maghrébins ou des bédouins avec des chameaux, et dans une police tout aussi orientales était écrit :
Venez nombreux aux marchés au puce
Animation sur le thème Aladdin
Buvette et gourmandise thématique
Samedi 10 juillet, de 8h à 20h
C'est donc demain. J'ai déjà prévu d'y faire un tour, même si je n'espère pas voir des choses interessantes. Même, je doute d'y aller encore. Ça ne va pas fort depuis quelques semaines, étant au chômage, je vis au crochet de la société, et la société me rappelle constamment qu'il faut que j'évolue. Je suis timide, gentil, méthodique, solitaire, je n'ai pas confiance en moi et je travaille lentement : j'ai tous les défauts pour ne pas être cet être fort qu'on me force à être et que je ne suis pas devenu. Et ceux qui l'on devenu en ont profité pour m'écraser, mais ceci est une histoire qui n'est pas passionnante.
J'habite dans un appartement au dernier étage d'une maison, sous les toits. L'hiver y est polaire comme l'été y est désertique. Les quelques orages font trembler les poutres vieillissantes, laissant s'écouler un léger filet d'eau sur certaines d'entre elle. Mais j'ai un toit, l'eau, l'électricité et un WC. Cela me convient parfaitement. Je calcule, je fais des concessions, je fais en sorte de pouvoir rester dans mes frais, de survivre par des petits boulots qui me cassent vite et qui me rappellent que seuls les forts peuvent travailler. Et même, les forts ont autre chose à faire pour travailler de ce genre de boulot. Quoi qu'il en soit, cela fait maintenant trop longtemps pour Pôle Emploi que je n'ai pas travaillé, et j'aile droit dans la semaine suivante à un énième rendez-vous pour me dire ce que je sais déjà, me proposer des choses que j'ai déjà testé, me montrer du doigt sur le faite que je ne fais plus d'effort, mais à quoi bon...
Je change de spot, passant du canapé qui se transformera encore un soir de plus en lit, à la chaise en bois reconstitué low-cost pour me préparer des repas industrielles. Ce sont de ces plats que l'on dit toxique pour la santé et l'environnement, et qu'on ne devrait pas manger sous peine d'être moralement réprimandé. Je regarde la télé ce soir, aussi toxique que ces plats industrielles. Faits divers, divertissement abrutissant ou films d'anciens box office, je regarde au final sans regarder, je me laisse bercer par la lumière changeante que me renvoie l'écran. C'est dans cette état entre deux deux états que je me décide : j'irai à ce vide-grenier avec mes quelques économies.
Samedi, je me retrouve le matin devant un vieux stade municipal, utilisé par quelques collégiens de quartier ou de courageux et forts sportifs faisait les tours de stade. Même le matin est lourd, je transpire de mes quelques kilomètres qui m'a séparé de ma demeure à ce lieu. J'ai une maison, mais pas de voiture : seuls les faibles doivent faire des concessions. Je rentre dans le stade. Le pourtour du terrain, déjà fermé par une barrière épaisse blanche écaillée, est un peu plus enfermé par les différents stands. Je constate aussi que les vides greniers sont à moitié composés de professionnels qui vendent des gadgets neufs, et de stands de boissons stratégiquement placés. Généralement, les prix de ces derniers sont calés sur le cours de la chaleur ambiante. Les premiers stands sont inintéressants, trop de choses inutiles, trop de prix au dessus de mes moyens. Mais toucher du regard est encore gratuit, alors je profite de ce moment où je ne suis pas chez moi, de profiter des seuls sorties que je m'autorise.
De l'autre coté du terrain de foot, les gradins accueillent les organisateurs, bien au frais des couvertures de béton et des ventilateurs, beuglant des incitations à aller goûter au"spécialité culinaire orientale". Au pied des gradins, des cuisiniers de la petite semaines,surtout des personnes qui arrivent à supporter l'addition des chaleurs ambiantes et culinaires, habillé en circonstance en Aladdins, sultans ou Prince. Le reste des stands autour des gradins sont dans cette ambiance Aladdin, mais sans vraiment de manière prononcée. Tant que cela fait rêver les enfants, à rêver de ce héros sans peur, à qui tout lui réussi, et qui obtient fortune, gloire et amour, le reste n'est que petites économies dans la décoration.
J'ai déjà réussi à faire la moitié du terrain, à marche lente sous cette chaleur croissante.Les stands regorgent de produits d'un temps passé, ou d'un temps moins passé, et même quelques peintres exhibent leurs enfants. Je ne m'attarde pas trop, trop rester sur un stand ou un objet, c'est donner une occasion au vendeur de venir et de me persuader d'acheter, malgré mes faibles économies. Je fais la moitié du terrain à mon rythme, un rythme plus lent que la moyenne des visiteurs. J'arrive tout de même à atteindre cet objectif, et d'avoir à mes pieds les gradins. Je me fais alors repérer par les vendeurs de nourritures, essayant de me vendre ce qu'ils peuvent, sans succès. Je marche encore, la sortie se trouve devant moi, et mon esprit est déjà ailleurs, quand je suis éblouie, un instant.
Sur une table pliante, posée avec d'autres babioles d'aucune utilité, une espèce de théière, de loin c'est ce que je crois, m'a renvoyé quelques rayons de soleil. Puis, en m'approchant, je constate que la théière n'est qu'une lampe à huile, originalement sculptée, en métal d'un noir énigmatique. Je pense que le noir est dû en partie à la saleté de l'objet, ce qui est cocasse quand j'y pense : être dans un vide grenier Aladdin pour y trouver une lampe sale, la coïncidence est drôle, mais troublante :
« La lampe t'intéresse ? »
Comme redouté, le vendeur vient me voir, voyant en moins un acheteur potentiel. Il est bedonnant, les cheveux gras et courts plaqués sur son crâne dégarni. Il n'a fait aucun effort vestimentaire ni corporel pour venir vendre, de toute façon, cette chaleur enlève toute tentation de rester professionnel.
« Je n'en ai aucune utilité, votre prix sera le votre, continu-t'il en espérant en avoir un bon prix
- je n'ai pas grand chose, je mens, seulement 10€ et je n'ai pas encore fais le tour.
- Je vous le fais à 5€ »
Je passe devant l'absurde du prix que je peux choisir mais qui m'est imposé, et je réfléchi. Cette lampe n'est pas dans les objets que j'espérai voir aujourd'hui. Mais cette lampe atypique brille encore de son éclat noir. Elle tranche des autres babioles industrielles que j'ai vu, ou même des vieilleries d'un âge passé. Je savais de toute façon que je n'achèterai rien de plus, cela me fera une occupation à l'astiquer avec de vieux torchons.
« D'accord, je décide enfin, je vous la prend. »
Je sors de ma poche les pièces pour payer le marchand satisfait. Je remporte avec moi cette lampe à huile dont je n'ai pas encore l'utilité, à part espérer la revendre plus cher une fois propre et brillante. Je salue le vendeur, et je repars voir la fin du marché. Comme je l'ai prévu, rien d'autre que cette lampe viendra avec moi. Je gagne des regards en coin avec ma nouvelle trouvaille, tantôt amusés, tantôt dubitatifs. Je ne m'attarde pas d'avantage, il est pratiquement midi quand j'arrive à nouveau chez moi. J'ai perdu 5€,pour le moment.
L'après-midi est consacré à ma recherche d'emploi. Prouver qu'on recherche cet emploi qui nous fuis, essayer de courir plus vite que lui pour lui sauter dessus à la moindre occasion et mordre pour ne pas lâcher l'affaire. Quel piètre course, quel piètre chasse.C'est pourtant c'est ce qu'on me demande de faire, chasser comme un fort pour ne pas prouver que l'on est faible comme le chassé. Je passe alors des heures devant un écran d'ordinateur essoufflé, à écrire des lettres affabulatrices, à demander des nouvelles des candidatures, qui se soldent tous par : négatif, négatif, négatif. Encore une fois, les proies m'ont échappées. Voilà mon problème : je ne prend pas les opportunités qui se pressentent à moi, à moins que je ne les perçoive pas, ou que je ne les comprenne pas.
Le soir venu, je me plonge devant l'écran plat du salon. Mais ce soir particulièrement, le programme offert est d'un intérêt tel que je me résous à bloquer mon choix sur les informations en continues, que j'écoute de loin. Je me décide à consacrer mon temps restant de ce samedi à nettoyer cette lampe. Je me mets à ma table, muni de chiffons, de brosse à dent, d'alcool ménager, et d'huile de coude. En y regardant de plus près, la lampe est plus sale que j'avais cru en l'achetant. Mais j'ai l'impression en la regardant qu'elle n'a aucun impact, aucun accroc, ni même éraflure ou décoloration. Le noir aussi,que je pensais dû à la crasse, se révèle d'un incroyable naturel. Je commence par éliminer le plus décollable avec la brosse, surtout au niveau de la anse bien décoré, le couvercle, et le bord du bec. Je n'ai pas enlevé grand chose au final avec cette méthode,et je me résous à utiliser le chiffon, qui n'est en faite qu'une partie de vieux tee-shirt.
Je frotte la lampe, doucement, puis de plus en plus énergiquement. J'arrive à la nettoyer sans même utiliser de produit, je continu alors dans la lancé. Soudain, je frotte la lampe avec une telle énergie, que l'objet tremble brièvement, s'échappe de mes mains, et tombe sur la table. Une forme noire apparaît alors, entourée de fumée, noire comme l'encre, remplissant le moindre mètre cube de l'appartement. Deux grands ronds bleus se dessinent dans la fumée, telle des yeux, qui m'observe déjà. Je tombe à terre, effrayé,cherchant un endroit sécurisant. La forme attend, comme si je dois commencer à dire quelque chose. Je ne sais pas quoi lui dire à part un "qui êtes-vous" bredouillant et puéril.
« Je suis le génie de la lampe, je suis celui qui exauce les vœux à ceux qui m'appellent, et toi qui m'a appelé, je t'offre la jouissance de trois d'entre eux... »
Une voix ténébreuse et surnaturelle sort cette phrase. Aucune lèvre pourtant ne bouge,aucun espace dans cet épais brouillard ne s'ouvre. Je ne m'attends pas à cela, je ne sais pas quoi lui répondre... je lui fais alors une demande tout aussi puéril :
« Serais-je possible d'avoir des vœux illimités ?
- Je ne peux accepter cette requête, car seul les génies peuvent user d'un pouvoir infini me répond la forme fantomatique.
- Tu dois te sentir seul dans ce si petit espace... mon premier vœu est que tu es un endroit convenable pour vivre.
- Je te demande trois vœux, et tu me demande un vœux qui me concerne ? »
Je me laisse encore submerger par ma faiblesse. J'aurai pû lui demander de m'accorder richesse, popularité, force et courage. Mais comme une logique implacable, j'accorde un vœu à mon visiteur. Je lui répond :
« Pour que tu vives dans une lampe, tu ne dois pas pouvoir user de ton proposé pouvoir pour toi-même, alors mon premier souhait est que tu puisse vivre mieux. Mon second souhait serait de te libérer de cette malédiction de la lampe. »
Un long silence s'en suit. J'ai donné mon second vœu à ce génie, ce dernier me rappelle ce fait :
« Es-tu sûr de toi ? Tu ne pourras pas faire marche arrière. Quel est ton troisième et dernier vœux ?
- Pour mon troisième vœu, j'aimerai que tu sois mon ami. »
Le génie reste silencieux, une nouvelle fois. Il laisse sa voix dramatique pour une voix plus perplexe :
« Pourquoi ne veux-tu pas de vœux ? Chaque homme et femme à qui j'ai donné ce cadeau ont était égocentrique, mais toi, tu ne veux pas de vœux...
- Recevoir des désirs d'un claquement de doigt est un poison camouflé dans un joli gâteau. Mes désirs une fois exaucés, j'en serais devenu fou, ou malade de les avoir choisi par rapport à d'autre. J'ai toujours vécu sobrement, je continuerai à vivre comme cela. Je préfère atteindre moi-même mes désirs, plutôt que de les recevoir en cadeau. Je préfère avoir un ami libre qu'un génie prisonnier.
- Si tel est ton souhait... »
Le génie commence alors à tourner autour de lui, la fumée suit ce mouvement en formant en cyclone. Le tourbillon s'approche alors de moi et s'invite dans mon corps, sans que je puisse faire quoi que ce soit. Je reste ébahi de cette fumée qui se dissipe et se fait absorber par ma peau, tel l'éponge et l'eau, pour disparaître tout à fait. Pourtant, je n'ai rien sentis, je ne sens rien, et je ne vois aucune modification sur moi.
« J'ai exaucé tes trois vœux, j'entends en mon fond intérieur, j'ai trouvé en toi un espace si vaste, que j'y vivrais tant que tu vivras. Je suis aussi libre de cette "malediction",libre de mes propres choix, libre de mes propres pensées. Quand au troisième vœux, je ne peux exaucer une chose que j'ai envie de t'offrir naturellement. »
Depuis ce jour, ma vie a changé, pas comme vous pourriez espérer, mais comme moi je le voyais. Je ne regrette pas mes vœux, et je ne regrette pas cette nouvelle conscience,qui, malgré la promesse de ne pas m'octroyer plus de trois souhaits, est soupçonné de certaines choses inexplicables qui m'arrive. Je ne suis plus un faible maintenant, je suis un faible avec un ami, et je n'échangerai ma position avec un autre pour rien au monde.
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