Mon père
Pour moi, mon père a toujours été cette ombre qui planait au dessus de ma vie. Ni bienveillant, ni malveillant, simplement supérieur : plus grand, plus fort, moins fragile. Ma mère l'admirait (d'une manière assez malsaine, mais je ne m'en suis rendu compte qu'après coup) et il était l'idole de mon frère. Je ne faisais pas exception à la règle : je ne sais pas si mon père était réellement le maître du monde, il était en tout cas le maître du mien.
Je suis arrivé à l'heure au Temple du Savoir, de justesse, après avoir forcé mon chauffeur à enfreindre presque toutes les règles de circulation pour gagner du temps. Une fois passés les portiques de sécurité, une vingtaine d'élèves se bousculent pour venir me saluer : je suis très populaire au Temple. Mais je sais que ça n'a rien à voir avec ma personnalité ou quelque chose comme ça : ils veulent juste être amis avec le fils de Prestimion Fall...Mais ça ne me dérange pas, je ferai sans doute pareil à leur place ; et j'aime assez être au centre de l'attention d'habitude.
Mais pas aujourd'hui.
Parce qu'aujourd'hui j'ai entendu une horrible voix me traiter de criminel dans ma tête, et que c'est assez perturbant.
Je m'échappe vers le bâtiment en criant quelques mots d'excuse, j'ouvre une porte au hasard, et je trouve enfin ce que je cherche : un petit réduit sale et sombre, qui sert de débarras.
J'enfonce mes doigts dans ma crinière brune et me laisse tomber par terre. Ma tête cogne contre le mur, mais je ne sens plus les coups : je suis en sécurité ici et c'est le plus important. la porte est bien verrouillée, il fait noir, personne ne me voit... L'autre ne peut pas me parler dans ma tête.
Tout à coup, mon portable vibre dans ma poche. J'allume : l'écran lumineux eblouit mes yeux habitués à l'obscurité mais je parviens à lire. Vous avez deux nouveaux messages.
Le premier est un message du Temple du Savoir : Élève n°1281, Yeren Fall : vous êtes en retard pour le test intellectuel d'aujourd'hui. Veuillez vous rendre immédiatement en salle 16.
Je marque un temps de réflexion. Je suis en retard, mon père ne me pardonnera pas facilement...Sans parler d'Astan qui ressortira son fameux "pourquoi c'est lui qui devrait diriger l'entreprise plus tard, alors que moi je suis toujours à l'heure ?" et j'imagine le sourire triste de ma mère...
Je sors du débarras, et je tente de me diriger vers la salle du test.
Mais je n'y arrive pas. Ce n'est pas comme si mes jambes étaient soudées au sol, j'ai simplement l'impression de ne plus avoir de jambes. Je tente de faire un pas mais je me décourage vite : c'est tout simplement impossible...C'est alors que je me rappelle de mon deuxième message.
Expéditeur inconnu
Retourne dans la voiture. Il y a des choses qu'il faut que tu saches.
J'ai peur. Sûrement des kidnappeurs, il vont me torturer puis m'echanger contre une rançon, ou alors me vendre à un bordel clandestin. J'essaye de toutes mes forces de bouger, je n'y arrive pas...On dirait que la seule option est de faire ce qu'ils veulent. Je m'oriente dans la direction de la voiture, et je tente de faire un pas. C'est un succès. Je comprends que je n'ai pas le choix, donc je sors du bâtiment, j'aperçois la voiture. Elle est impossible à confondre avec les autres : c'est la plus grande, la plus chère, la plus neuve. Père aime beaucoup montrer que nous sommes riches.
J'avance le plus lentement possible. Je crois que je n'ai jamais autant transpiré de ma vie. Mes jambes tremblent...Je toque à la vitre.
Une inconnue ouvre la fenêtre. Ce n'est pas mon chauffeur. Je me demande ce qui lui est arrivé. L'inconnue me fixe.
《-Allez fillette, t'attends quoi ?
Je monte dans la voiture sans un mot. J'ai assez envie de pleurer. Mais Yeren Fall ne pleure pas.
Elle conduit vite, sans rien dire. Je n'ose pas poser de questions. Je remarque que nous quittons assez vite les rues que je connais : nous entrons dans la banlieue, là où vivent les classes moyennes, puis nous nous enfonçons dans les quartiers pauvres.
Elle va peut être me vendre pour mes organes.
Finalement nous nous arrêtons devant ce qui ressemble à un hôtel très louche. La femme ouvre la portière, et je trouve enfin la force de lui demander :
《-Vous faites partie de quel gang ? Vous allez me vendre à qui ? Vous savez que je peux prévenir mon père ?
-Dans ce cas, pourquoi tu l'as pas fait ?
Je réalise que l'idée ne m'a même pas traversé l'esprit. Elle me sourit d'un air moqueur et recommence à parler.
- J'appartiens à la Congrégation de la Vérité, et je lutte contre l'oppression des plus pauvres et les mensonges des plus riches.
On m'avait déjà parlé de la Congrégation de la Vérité, comme d'une secte religieuse et antisystème. Elle me terrifie de plus en plus. Et elle continue à parler.
- Si nous avons fait en sorte de t'amener ici, Yeren, c'est pour que tu découvre que le monde dans lequel tu as été élevé n'est pas aussi juste et parfait que tu le penses. Et tout d'abord, il faut casser certains mythes que tu t'es construit.
Elle me prends le bras et me tire à l'intérieur.
C'est un bar, sale, puant et bruyant. La musique est mal jouée et trop forte, des filles trop jeunes et trop maquillées tournent autour des clients, des vieux répugnants et complètement ivres. J'essaye de ne pas vomir et de remettre mes idées en place lorsqu'au milieu de ce ramassis de déchets, j'aperçois quelque chose qui me fige sur place.
Père.
Note de l'auteur
Hello, merci d'avoir lu ce chapitre jusqu'au bout ! Ce n'est pas le meilleur chapitre de cette histoire mais il fallait que je le fasse. N'hésitez pas à laisser un avis dans les commentaires ou un vote si vous avez aimé, et sur ce à la prochaine !
Azzuman
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