La petite maison grise (suite)

Petite précision avant de commencer : la fille de l'image, c'est Nell. Juste histoire que personne ne pense que je mets des photos de filles d'anime comme ça gratuitement 😅

Il fait nuit lorsque nous nous arrêtons enfin devant une petite maison grise de la banlieue. On ne dirait vraiment pas la maison d'une criminelle qui fait concurrence au plus grand cartel du pays !

Elle a sûrement choisi cette maison pour passer inaperçue, mais bon, disons que c'est légèrement raté. Dans quelques heures, elle va rentrer chez elle toute contente d'avoir conclu un contrat avantageux, et elle va trouver sa baraque saccagée, son fils assassiné et un dessin d'araignée sur un mur. Une signature qui veut dire : "même si nous avons terminé notre travail ici pour cette fois, nous sommes toujours là. Et même si tu déménages, même si tu changes de nom et de tête, nous saurons toujours où tu es, ce que tu fais, et si ça ne nous plaît pas, nous reviendrons."

Nous avons ordre de neutraliser le ou la baby-sitter du gamin, donc pas forcément de le/la tuer. Mais elle n'a sûrement pas laissé son fils seul avec une nounou normale, donc il faut s'attendre à se battre. Nous avons donc décidé de tous rester au rez de chaussée dans un premier temps pour saccager la cuisine et le salon, sauf Ouran et Vaas qui montent pour tuer le gamin et la personne qui s'en occupe. Je suis déterminé à rester avec Nell quoi qu'il arrive, et à l'empêcher de monter dans la chambre de l'enfant, même si je dois l'immobiliser de force.
Je me fous complètement de ses motivations à l'heure actuelle, je suis uniquement mû par le désir égoïste de la garder en vie, avec moi, le plus longtemps possible, et peu importe si je dois la forcer pour ça...

C'est Reyke qui sort de la voiture en premier, et elle semble plus motivée que jamais. Nell n'a pas tort de dire qu'elle a changé, depuis que son métier consiste à tuer des gens...En même temps, pendant toutes ces années d'humiliations dans ce bordel, elle a dû emmagasiner tellement de colère que ça doit lui faire du bien de se défouler comme ça, même si elle ne punit pas les vrais coupables.

Nous sortons tous un par un, nos armes à la main. La canicule du dehors fait un choc, comparée à l'air climatisé de la voiture. Depuis quelques années, la pollution a tellement augmenté que les villes sont couvertes par une sorte de nappe qui, même si elle n'empêche pas de voir le ciel, ne permet pas à l'air de circuler correctement. Les températures atteignent donc facilement cinquante degrés en été.
Beaucoup de gens sont morts, pendant les premiers étés caniculaires, mais comme toujours l'être humain a su s'adapter...

Je remarque soudain cinq silhouettes sombres, avançant vers nous depuis l'autre côté de la rue. Paniqué, je lève mon arme vers les inconnus et me prépare à appuyer sur la détente lorsque les silhouettes passent sous un réverbère, nous permettant de distinguer les cheveux blonds et les traits de Tristan.

- Bonsoir !

- Mais qu'est ce que vous faites là ? Et c'est qui, ces types !?

- Je vous explique : j'ai reçu une information anonyme comme quoi la mère de notre cible avait renforcé la sécurité. J'en ai parlé au patron, et il m'a demandé d'y aller en personne pour superviser l'opération. Alors évidemment je ne voulais pas venir, j'ai des milliards de choses importantes à faire, je suis surchargé de travail comme d'habitude, mais je ne souhaitais pas discuter avec le patron. Alors finalement je me suis dit que c'était l'occasion de revivre ma jeunesse...J'ai commencé comme tueur à gages, moi aussi ! Maintenant je passe mon temps dans un bureau, alors même si ça rapporte plus je suis un peu nostalgique...Et ces quatre hommes sont mes gardes du corps.

- Tu pars en mission accompagné de tes gardes du corps ? Courageux mais pas téméraire à ce que je vois, peut être que toutes ces années dans un bureau ont endommagé tes capacités ? Demande Vaas d'un air moqueur.

Tristan lui adresse un sourire suffisant. 

- Regarde et apprends, petit avorton.

Les lumières sont allumées partout, sans doute pour rassurer l'enfant et permettre à ses gardiens de bouger librement dans la maison. Tristan s'approche de l'entrée, épaule son fusil d'assaut et fait un petit signe de tête à ses gardes du corps avant de défoncer la porte à coups de pieds.

Nous sommes accueillis par une salve de tirs assourdissante. Des morceaux de plâtre et de bois volent partout, je crois que je me suis pris une balle dans la jambe, la confusion est totale...A la réflexion, c'était pas une excellente idée de faire une entrée fracassante par la porte...Tandis que je gis encore par terre, recroquevillé de douleur, Noah qui a recouvré ses esprits me couvre et les autres membres de l'équipe sont déjà au travail, se défendant de leur mieux. Quant à Tristan et ses gardes du corps, ils sont...professionnels. Les gardes du corps se dispersent dans la maison, traquant les tueurs dans toutes les pièces. Et Tristan...On dirait un gamin le jour de son anniversaire, il est parfaitement dans son élément.
Ses mouvements sont fluides et précis, il atteint toujours sa cible et arbore un petit sourire confiant. Il avait raison de se vanter, ses années de bureau ne l'ont pas du tout fait régresser...Et moi je suis accroupi derrière le canapé où j'ai réussi à me réfugier en rampant misérablement, les mains autour de mon tibia pour essayer de garder mon sang à l'intérieur de ma jambe. Je sens une vague d'humiliation me submerger soudain...

Je me relève péniblement en m'appuyant sur le canapé, autant essayer de faire mon travail...Je penserai à la douleur plus tard. J'avance lentement dans la pièce en tirant sur les tueurs dans l'escalier, qui désertent le premier étage pour venir nous combattre dans le salon. J'essaye de viser mais ma tête tourne un peu, une mare de sang se forme derrière la jambe que je traîne sur la moquette...Je crois bien que mon artère fémorale est touchée. Enfin, je réussis quand même à en atteindre deux.

Soudain, alors que je tente désespérément d'atteindre un tueur caché derrière la télé ( le fait que je sois moi même caché sous la table est la seule raison pour laquelle il ne m'a toujours pas eu ), je remarque du mouvement dans l'escalier : une silhouette aux longs cheveux bruns grimpe rapidement vers le premier étage, maintenant totalement désert à l'exception de l'enfant puisque tout le monde se bat au rez de chaussée. Encore une fois, Nell a refusé de m'écouter...Je boite, ma jambe me fait atrocement mal et si je sors de sous la table, le mec derrière la télé va m'avoir. Dévoré par la frustration, je me contente de lui faire un petit sourire triste et de prier pour que tout se passe bien.

De son côté, Tristan lui jette un coup d'œil et prend l'air blasé de celui qui avait tout prévu, avant de se précipiter à sa suite dans l'escalier, pendant qu'un de ses gardes le couvre. Sur la crosse de mon arme, mes mains commencent à trembler. 

Je regarde les autres, personne n'a rien remarqué. Noah est acculé par deux tueuses devant un placard, Reyke achève un homme à terre, Ouran à rejoint les gardes du corps dans l'exploration du sous sol et Vaas, qui est blessé au bras, s'est enfermé dans la salle de bain. Je lance un regard suppliant à Reyke qui comprend aussitôt et qui, à court de munitions, lance une petite statuette sur la télé, ce qui fait tomber celle-ci sur mon adversaire.
Je le tue vite avant qu'il ne se relève, mais un deuxième coup de feu fait écho au mien. Le son vient du premier étage. Le sang glacé, je débarrasse Noah d'une de ses agresseuses, avant de tituber vers l'escalier, que je monte lentement en m'agrippant à la rampe. Des photos du petit garçon sont accrochées sur les murs. Il a un joli sourire.  

  Le couloir est complètement désert, les lumières sont éteintes. Je titube vers la seule pièce allumée, au bout du couloir, que je suppose être la chambre de l'enfant.

Le papier peint est d'un jaune très lumineux, apaisant, il y a des dessins d'animaux sur les murs. À côté de la fenêtre fermée encadrée par des rideaux blancs mouchetés de rouge, une petite bibliothèque bleue occupe l'angle de la pièce. Sur les tranches des livres (La ferme de Raoul, Petit oiseau et Grozoizeau, Maggie la vache) , des petites taches rouges ajoutent une touche de couleur. Je baisse le regard. Un petit ukulélé est posé sur la moquette, qui est bleue avec des motifs de dinosaures. Les taches rouges, de plus en plus grosses, semblent noires sur le bleu foncé de la moquette. Des cheveux bruns, étalés sur le sol, forment un tourbillon sombre au travers duquel on peut distinguer une grande tache noire. 

Tristan est assis sur un petit fauteuil en forme d'ours, son Uzi encore fumant posé sur les genoux.

 

Je me laisse glisser par terre, le sang de ma jambe se mêlant aux taches de la moquette. Tristan ne dit rien, il ne me regarde même pas. Un enfant debout dans son petit lit à barreaux regarde le tourbillon de cheveux noirs d'un air étonné. 

Dans les films, le héros assiste toujours aux derniers instants de ses amis. Il a le temps de leur dire quelques paroles émouvantes, peut être de recueillir leurs dernières volontés, puis de leur fermer les yeux. Est ce que les siens sont fermés ? Impossible de savoir, son visage est caché par ses cheveux. Et j'ai pas envie d'écarter ses cheveux, j'ai peur de croiser ses yeux noirs. Je peux apercevoir un bout de sa cicatrice sur sa joue, entre les mèches. 

J'ai même pas envie de pleurer, je ressens juste une grande fatigue. Je voudrais dormir des années dans un sarcophage hermétiquement fermé, dans les profondeurs inviolables d'une pyramide, enterré loin de toute compagnie. Je replie mes jambes contre moi. Au bout de quelques minutes, je lâche mécaniquement quelques mots inutiles : 

- Je lui avais dit de pas le faire. 

- Hélas, elle ne t'as pas écouté. 

-...Ouais.

Il laisse passer quelques secondes, puis me demande d'une voix neutre : 

- Tu devrais tuer le gamin, maintenant. Plus vite ce sera fait, plus vite on pourra partir d'ici. Il va bientôt faire jour.

- Ouais, t'as raison...

Le regard vide, toujours adossé contre le mur, je pointe le canon de mon arme vers l'enfant au regard perplexe. Plongé dans mes souvenirs, je fais à peine attention à ce que je fais.

Une silhouette brune dupliquée mille fois défile devant mes yeux éteints, et sa voix résonne dans mon crâne pendant que je presse la détente. De nouvelles petites taches rouges viennent consteller les murs jaunes soleil.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top