La Congrégation
L'attaque devait avoir lieu la nuit suivante : nous devions récupérer les armes vers une heure du matin, la voiture et l'itinéraire à deux heures pile, et Tristan avait calculé que nous serions là bas vers quatre heures.
Juste après lui avoir parlé, je suis retourné au bar pour indiquer l'heure et le lieu du rendez vous à mon équipe, et pour leur recommander une bonne journée de sommeil avant l'opération.
Puis tout le monde est rentré chez soi...Comme j'habite à l'opposé des autres, j'ai fait le trajet seul. Et maintenant je suis là, allongé sur mon lit, fixant le plafond...Et je n'arrive pas à dormir.
J'espère que les autres n'ont pas remarqué le tremblement dans ma voix, ou mes yeux un peu brillants. J'ai tout fait pour me contrôler, mais tout de même...Astan... Je sais qu'il a arrêté de me parler depuis que Père m'a promis la direction de l'entreprise quand je serai grand, mais avant nous avions tout de même eu des bons souvenirs ensemble. Bien sûr il s'arrangeait toujours pour me prouver sa supériorité, mais bon...j'avais tout de même l'impression qu'il m'aimait un peu...
Je me retourne dans mon lit. Cette idée est insupportable...Je n'aurais pas pensé que cela m'affecterai autant, mais voilà : je suis triste qu'Astan m'ait oublié. Ma mère était une démone manipulatrice qui se vengeait sur nous de ce que Père lui fesait subir, mon père était tellement odieux que je l'ai tué, mais j'aurais espéré que le souvenir de mon frère resterait intact dans ma mémoire...
Je me retourne encore. Je n'arrive pas à dormir. Il faut que je le voie, même si ça doit me faire du mal.
J'allume mon portable, et je tape le nom de mon frère dans la barre de recherche. Aussitôt, une flopée d'articles sur "le jeune milliardaire orphelin" s'affichent sur l'écran, mais ce n'est pas ça qui m'intéresse...La "tragédie Fall", je la connais déjà bien assez.
C'est alors que je tombe sur ce qui m'intéresse vraiment : son profil MyLife. (Nb : MyLife est l'équivalent d'Instagram dans le futur)
Je fais défiler les photos, ça me fait un peu de bien...Je suis heureux de le voir sourire. Soudain je fronce les sourcils : quelque chose vient d'attirer mon attention. Il est en noir sur toutes les photos. Je les fais défiler, aucun doute : depuis cette nuit où j'ai tué mon père et où je me suis enfui en laissant croire que j'étais mort, il ne porte que du noir.
Il est en deuil. En deuil pour qui ? Pour Père ou pour moi ? Je sais qu'Astan haïssait Père de toute son âme, mais il m'a oublié après tout. C'est peut être pour Père, qui sait. Sûrement.
Je continue à faire défiler les photos...C'est fou le nombre de photos que poste mon frère. Tiens, il s'est acheté une nouvelle montre...Encore un truc à 125 000 silvs, sans aucun doute. Enfin, il n'en est pas à ça près...
Mais je remarque un détail. Sur son poignet en gros plan, on voit une grosse montre incrustée de diamants et...Un bracelet. Un petit bracelet en tissu, avec son nom cousu dessus, d'une main maladroite...C'est le bracelet que je lui avais offert pour son anniversaire, quand il avait neuf ans. J'en avais cinq mais j'avais fait de mon mieux...Il avait arrêté de le porter quand nous avons arrêté de nous parler. Mais je vois qu'il l'avait gardé...
Je tire la couverture sur moi et j'éteins mon portable. Aucun doute maintenant, il est en deuil pour moi. Tristan avait menti...Cela me fait tout de même de la peine qu'il me croie mort. Mais si j'essayais d'entrer en contact avec lui, Tristan n'hésiterai pas à nous liquider tous les deux...
Je m'endors enfin, l'esprit peuplé de doutes.
-
À minuit trente, mon réveil m'arrache enfin à mes cauchemars et je me lève péniblement. J'avais dormi habillé pour gagner du temps, donc je n'ai qu'à m'asperger le visage d'eau glacée pour être en pleine possession de mes facultés...Je dévale les escaliers, et dix minutes de marche plus tard je suis au point de rendez vous. Toute l'équipe est déjà sur place, et nous marchons silencieusement vers la décharge que m'a indiquée Tristan. Une fois sur place, nous faisons attention à ne pas réveiller la dizaine de junkies qui traînent par terre, puis nous arrivons devant un type qui porte une boucle d'oreille brillante en forme d'araignée, qui nous accueille d'un grand sourire carié.
- Salut, les petits jeunes ! Vous êtes l'équipe qui doit récupérer les armes ?
- Oui, c'est nous. Mais donnez nous ça vite s'il vous plaît, nous sommes pressés.
- Ok, ok...Pas la peine de monter sur tes grands chevaux gamin...C'est pas parce que t'as un diamant sur ta boucle d'oreille qu'il faut te croire le roi du monde...
Un coup d'oeil aux autres membres de l'équipe confirme mon intuition : Ce type est raide défoncé. Je commence à m'impatienter :
- Écoutez, nous avons une mission de première importance à accomplir. Donc si vous ne nous indiquez pas très vite l'endroit où on peut récupérer le matériel, vous serez retrouvé demain dans cette décharge, avec une araignée tatouée sur le front. Est ce bien clair ?
- Hum...Oui, assez. Venez, je vous montre.
Évidemment, Tristan a prévu pour nous des armes favorisant la discrétion : fusils équipés de silencieux, grenades lacrymogènes et fumigènes, plus un petit poignard pour chacun. Une fois l'arsenal récupéré, nous sortons sans un mot, laissant le type seul et désemparé.
Caché dans le chargeur de mon fusil, un petit papier indique les coordonnées gps d'une autre décharge, assez éloignée. Elle est à une demi heure de marche et nous sommes furieux de devoir progresser à pieds, mais bon...discrétion oblige. Et puis après tout, nous sommes une équipe d'élite...marcher une demi heure n'est pas un problème pour nous.
Une fois arrivés là bas, une dispute éclate : tout le monde veut conduire, or il ne peut y avoir qu'un seul conducteur...
- Ah non, c'est juste mort ! J'ai été obligée de me réveiller à une heure pas possible et de marcher une demi heure dans ces quartiers puants, alors c'est moi qui conduit !
- Mais ta gueule, Reyke ! On s'est levés à la même heure que toi et la route, on l'a faite ensemble ! Je vois pas pourquoi t'aurais plus de droits que nous ! S'exclame Vaas.
- Hum, si je puis me permettre...Je ne crois pas qu'il soit très prudent de vous laisser conduire, vous deux. Toi, Reyke, tu n'as appris à conduire que depuis trois semaines...
- Et alors ? Je m'en sors déjà très bien !
- Laisse moi finir. Toi, Vaas, tu sais conduire depuis longtemps mais je ne crois pas que ce soit très adapté...Je te rappelle qu'on doit être discrets. Toi, tu klaxonne à la moindre occasion, tu roules beaucoup trop vite et à chaque virage, j'ai l'impression qu'on va sortir de la route !
- Nell a raison. Honnêtement, Vaas...On se connaît depuis qu'on est tout petits mais sérieux...Ta manière de conduire est beaucoup trop flippante !
- Super, Noah, toi aussi tu m'abandonne ? Très bien, vous proposez qui ?
Héka relève la tête.
- Peut être Ouran, nan ? C'est le plus responsable d'entre nous, je pense qu'on peut lui faire confiance...Tu es d'accord, Ouran ?
- Très bien, j'accepte.
- Bon, on a perdu assez de temps comme ça ! Je vais devant avec Ouran, vu que je suis le seul à connaître l'itinéraire, et vous essayez de pas trop vous disputer à l'arrière. Ok ?
- Ok !
Deux heures de route plus tard, durant lesquelles toute l'équipe à dû supporter les déclarations d'amour mielleuses de Reyke et de Noah qui se promettaient de se retrouver au paradis si ils mouraient pendant l'opération (ce qui leur a valu une crise de nerfs de Vaas qui les a menacés de les jeter par la fenêtre) , nous arrivons enfin dans un terrain vague.
Après avoir un peu inspecté l'endroit, nous découvrons une plaque de métal sur le sol, munie d'une poignée.
Une fois tirée d'un coup sec, la trappe révèle un conduit étroit et une échelle verticale.
Je m'y engage le premier puis une fois en bas, je fais signe aux autres de me rejoindre.
La galerie qui s'ouvre devant nous ressemble plus à l'entrée des égouts qu'à celle d'une base secrète. Je doute un instant, puis je me rappelle qu'il n'y a pas de système d'égouts dans les quartiers pauvres : nous sommes bien à l'entrée de la base de la Congrégation de la Vérité...d'ailleurs, j'entends des pas.
Nous progressons silencieusement dans le couloir, vérifiant à chaque instant qu'il n'y a pas de caméras, puis nous arrivons devant un croisement : trois couloirs. Tristan n'ayant pas réussi à mettre la main sur un plan, impossible de savoir dans quelle direction se trouvent la mallette et le pc...
Je me retourne vers l'équipe, qui attend tapie dans le noir :
- Ok, on va se séparer. Comme on a pas de plan, on va explorer toute la base jusqu'à trouver ce qu'on cherche, en restant joignables sur nos portables. L'équipe qui trouve l'ordi et la mallette préviens les autres et on se replie tous vers la sortie. Si au bout d'une demi heure personne n'a toujours rien trouvé, vous êtes autorisés à choper un type pour qu'il vous dise où se trouvent les objets qu'on cherche, mais pas avant. Et si vous en arrivez là, commencez toujours par l'intimider avant de taper dessus : je vous rappelle que notre objectif est la discrétion et la rapidité, donc la violence est inutile. On ne se replie que quand on a les deux objets et pas avant : si vous avez trouvé seulement un des deux, vous prévenez les autres et vous continuez à chercher. C'est clair ?
- Très clair, répond Ouran. Du coup, on fait deux équipes de deux et une équipe de trois ?
- Exactement. Reyke va avec Noah vers la gauche, toi, Vaas et Nell irez vers la droite, et je partirai tout droit avec Héka. Sommes nous d'accord ?
- Objection ! Je veux être avec Noah ! Si tu le laisse seul avec Reyke...Qui sait ce qui pourrait arriver ? Chuchote Vaas, avec un sourire qui en dit long.
Reyke prend un air indigné et s'apprête à dire une réplique cinglante, mais je ne lui en laisse pas le temps :
- Desolé, Vaas, mais je préfère que tu restes avec Ouran et Nell. Ils sont plus réfléchis que toi, et ils ne seront pas trop de deux pour te...contenir. C'est pour ton bien, d'accord ?
- T'es chiant...enfin, je veux bien faire ce que tu me dis, "mon chef adoré".
Tout le monde éclate d'un rire étouffé et chacun se met en route de son côté, àla recherche de l'ordinateur et des 12 500 000 silvs.
-
Cela fait à peine cinq minutes que nous marchons et j'ai l'impression qu'il s'est écoulé un siècle. Nous ne pouvons pas parler (de toute façon, Héka n'est jamais très bavarde...) et nos nerfs sont à vif...Nous avons déjà évité deux gardes en nous cachant dans des coins et en changeant brusquement de direction. C'est censé être un simple groupe religieux, mais vu les objets qu'ils gardent ici...La surveillance a dû être renforcée. Je me demande comment ça se passe pour les autres...soudain, Héka me fait signe d'arrêter. Je stoppe brusquement :
- Qu'est ce qu'il y a ?
- Regarde, la porte est ouverte...Et il y a une femme à l'intérieur de cette pièce, devant un bureau. Donc fais bien attention, elle peut nous voir d'ici...
Je regarde dans la direction qu'elle m'indique, et je la reconnais. C'est par elle que tout à commencé, c'est elle qui m'a arraché la première à mon enfance dorée, celle qui m'avait kidnappé ce jour là pour tenter de me recruter...Asphodèle.
Je retiens mon souffle. Un seul bruit et nous sommes morts, ou pire...Je retiens ma respiration et je fais un pas, puis un autre...Et j'entends alors cette voix que j'avais presque oubliée. Et cette douleur insoutenable dans mon crâne, cette voix horrible et désincarnée qui hurle dans ma tête...
Ça fait mal, hein ? C'est fait exprès, Yeren Fall...Tous les crimes se paient, tu te souviens ? Tu n'as pas encore assez payé...alors hurle maintenant, puisque tu as si mal. Hurle, de toutes tes forces...
La douleur est insupportable. C'est comme si toute ma tête était en train de brûler de l'intérieur...Je tombe soudain à genoux, et je hurle. De toutes mes forces.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top