⇝ Chapitre 90

Je ferme les yeux, comme Freddie semble le demander dans sa chanson Si tu fermes les yeux. Je n'arrête pas de l'écouter. Elle m'aide à tenir le coup. Mike va beaucoup mieux et il a pu rentrer avec nous à Londres, mais l'empreinte de ce qui a failli arriver est encore profonde. Je ne sais pas s'il y aura un jour assez de sédiments pour qu'elle disparaisse pour de vrai.

Alors, toujours allongée dans mon lit par ce matin froid de décembre, je me laisse bercer par l'introduction de la chanson. Il l'a écrite cette été, lorsqu'il est parti à Londres, juste après que je l'ai embrassé pour la première fois, et avant qu'il ne me révèle sa maladie. Les paroles l'attestent.

— Être avec toi, c'était comme respirer
Lorsque je m'endors, c'est toi qui danse sous mes paupières
Je n'ai d'autres choix que de me laisser happer
Pour moi plus de retour en arrière
Ferme les yeux et laisse-moi t'emmener
Si tu fermes les yeux, tu peux nous voir tous les deux
Avançant main dans la main
Ferme les yeux et tout ira bien
Dans mes rêves fiévreux, tu es avec moi et nous pouvons être ensemble.

Nous rentrons tout juste de notre tournée européenne, même si nous avons dû annuler les trois premières dates en raison de l'état de Mike. Le reste a heureusement pu être maintenu et Mike a pu performer avec nous. Dans deux jours, nous rentrerons chacun dans nos familles pour fêter Noël et la nouvelle année. Il y a tout juste un an, nous avions donné notre concert à Sainte Cécile, et les engrenages s'enclenchaient, sans que l'on ne se doute de rien.

Je souris avec nostalgie, bercée par la voix de Freddie, qui démarre le premier couplet.

— Ne te retourne pas, l'avenir est devant toi.
Je suis coincé dans le passé, empêtré avec la mort.
Ne vois-tu pas que j'essaie de te protéger ?
Telle Eurydice je suis condamné aux Enfers,
Mais toi mon ange, tu appartiens au monde des vivants.
S'il te plaît envole-toi loin de moi et ne te retourne pas.
On se verra de l'autre côté, je t'attendrai,
Dans cette vie ou dans une autre, peu importe
On se verra de l'autre côté.

Comme toujours, la chanson m'arrache quelques larmes, malgré son style très rock, qui atteint son apothéose lors du refrain.

— Si tu fermes les yeux, tu nous verras tous les deux,
Plongeant main dans la main dans ces mirages fiévreux
Suis-moi, n'aie pas peur.
Ferme les yeux et tout ira bien.
Dans mes rêves tourmentés, tu es avec moi
Et nous pouvons nous aimer juste toi et moi.

Je n'ai pas eu de nouvelles de lui depuis ce qui est arrivé à Mike. Il me répond de moins en moins. Il m'avait promis qu'il s'éloignerait, qu'il disparaîtrait comme s'il n'avait jamais existé, mais il ne m'avait pas prévenue que son fantôme me hanterait.

— La fièvre coule dans mes veines, pleine de mots interdits.
Ne les écoute pas, ils n'ont pas été prononcés à temps.
Ne comprends-tu pas que j'ai fait le bon choix ?
Tel un démon, je suis condamné aux Enfers,
Pour avoir brisé mon cœur au lieu de te l'offrir.
Oh, ne te méprends pas, je ne regrette rien,
Les étoiles m'en soient témoin, je t'attendrai.
Dans cette vie ou dans une autre, peu importe.
Je voudrais juste un peu plus de temps.

Je serre les poings pour m'empêcher de prendre mon téléphone, de l'appeler et de lui donner une réponse à son texte. Il n'y a qu'une seule fois où il a pris mon appel. Le refrain me serre à nouveau la poitrine et alors que le bridge se profile, je me demande comment il a pu penser une seule seconde que je n'éprouverais rien en écoutant ses chansons.

— Sais-tu que j'attends chaque nuit avec impatience ?
Juste pour pouvoir te retrouver le temps d'un songe.
Alors que la nuit tombe et que je m'allonge,
Je me murmure « enfin »
Et la fièvre se déverse,
Fracassante.

Plus rien ne se dessine désormais sur mon visage. Je redoute le temps qui passe comme on redoute le prédateur. Comme à la fin d'un rêve, comme lorsqu'on se réveille, la musique ralentit, et Freddie murmure la fin de la chanson.

— Être avec toi, c'était comme respirer,
Ferme les yeux et laisse-moi t'emmener.
Nous serons ensemble, juste toi et moi,
Si tu fermes les yeux, tout se passera bien.

— Je n'en suis pas sûre, je lui réponds, à haute voix.

Mais je ne lui envoie pas mes mots. A la place, je rejoins mes amis pour le petit-déjeuner. Les dernières semaines ont été difficiles, riches en concert et en fatigue, mais pour rien au monde je n'échangerais cette vie-là. Il me tarde déjà de reprendre la route en Europe au mois de janvier. Jusqu'en février, nous serons en Europe.

A partir du mois de mars, l'Amérique nous tendra les bras. D'abord, l'Amérique du Nord, avec deux dates au Canada, une dizaine aux États-Unis, puis nous ferons la première partie de Dark Fate lors de leur tournée en Amérique latine. Mon cœur cogne à la seule pensée de pouvoir être sur scène juste avant eux, et surtout de faire la tournée avec eux.

— J'ai rêvé de concerts toute la nuit ! claironné-je en arrivant dans la cuisine. Et vous ?

— J'ai trop hâte qu'on y retourne ! se réjouit Alice. Ces deux dernières semaines ont été si belles !

Les yeux marrons d'Alice pétillent de souvenirs lorsque je m'assois en face d'elle. Partir en tournée nous a tous fait le plus grand bien : nous avons pu nous évader et oublier cette horrible soirée à Cannes. D'ailleurs, la presse n'en parle plus non plus. Il faut dire qu'il n'y a rien eu de nouveau depuis qu'ils ont arrêté Cecily et que la presse a découvert la raison.

La seule pour qui la tournée n'a pas été profitable est Caitlin. Elle semble toujours être à mille lieues de nous, comme si Cecily avait cassé quelque chose en elle. Quelque chose qu'on ne sait pas comment réparer. Quelque chose qui n'aurait jamais dû être brisé.

— En même temps, la vie est plus belle quand on vit de musique et de concert ! ajoute joyeusement Mike.

— Surtout quand on fait un concert par jour ! précise Luke. Je suis tellement fier de nous ! Notre premier album cartonne !

— Et Jeff a déjà embêté Mathieu pour un deuxième, grimace Alice. Il pourrait nous laisser profiter, non ?

— Il dit aussi qu'on peut écrire en tournée, ajoute Mike. Et il n'a pas tort ! La preuve, c'est qu'on a déjà une écrit une chanson durant ces deux semaines.

— D'un style qui n'est pas vraiment dans nos habitudes, rappelé-je. Elle est probablement trop pop pour qu'on la sorte juste après Larmes dans la nuit.

— Emmy a raison, appuie Luke. Il faut qu'on confirme notre style avant d'évoluer, même si une seule chanson d'un style différent ne nous fera pas de mal, comme le montre La danse de ma vie !

— Il faudra juste éviter d'en faire un single, si elle est sur l'album, commente Alice. Sauf si on choisit une production plutôt pop-rock. Comme ça, tout le monde sera content.

— N'oublie pas qu'il nous a fortement recommandé d'intégrer une chanson avec des influences latines, pour nos fans d'Amérique latine ! Sauf que je connais très mal cette culture-là..., grimace Luke. J'ai peur de mal m'y prendre !

— On aura qu'à s'entourer d'artistes brésiliens quand on y sera, proposé-je. Ils pourront nous aider ! 

— Surtout que Callisto est devenue virale au Brésil, renchérit Mike. On est obligé de la jouer là-bas !

J'hoche vivement la tête. Jamais ma vie n'a été si mouvementée, et pourtant elle ne m'a jamais semblé être aussi douce. En voyant le teint éclatant de mes amis malgré leurs cernes, je devine qu'ils sont animés par les mêmes pensées. Et chacune des journées à venir promet d'être tout aussi paisible et enrichissant.

— Il faut que je vous dise quelque chose, annonce Caitlin, d'un ton brutal lui ressemblant peu.

D'un même mouvement, nous nous tournons vers elle, pendus à ses lèvres, le regard interrogatif, le visage curieux.

— Je pense à arrêter.

Une massue frappe mon cœur. Abasourdie, je ne peux que la dévisager.

— Pardon ?

Alice est la première à réagir. Le visage de Caitlin reste neutre, affreusement neutre tandis qu'elle nous dévisage. Je compte les gouttes de pluie qui frappent le sol. Elles résonnent comme dans un tunnel.

— Je pense que je vais quitter le groupe. J'ai bien réfléchi, et je crois que ça ne me correspond pas.

Mike cligne plusieurs fois des yeux, comme si on venait de le frapper.

— Mais... dit-il d'une toute petite voix, tu ne peux pas faire ça ! Tu ne peux pas nous abandonner !

Caitlin soupire, lasse. Ses yeux injectés de sang et ses cernes sous les yeux sont tout d'un coup les signes que nous n'avons pas vus.

— C'est à cause de ce qu'il s'est passé avec Cecily ? interroge Luke, le regard vif mais le visage dévasté. Caitlin, on en a déjà parlé, ce n'était pas de ta faute !

Mais Caitlin secoue la tête, le visage calme.

— Non, ça n'a rien à voir. Je ne pense pas que je suis faite pour ça.

— Pourquoi ? demandé-je enfin. Qu'est-ce qui t'as amené à dire une chose pareille ?

Caitlin hausse les épaules, le regard absent.

— Rien de particulier. J'ai simplement ouvert les yeux.

Je jette un regard alarmé à Luke. Cette indifférence, cette froideur ! Ce n'est pas Caitlin...

— Mais... personne ne t'en veut, Caitlin. C'est de la faute de Cecily, pas la tienne ! répète encore Mike, effaré.

Caitlin secoue à nouveau la tête et répète que cela n'a rien à voir avec elle.

— Quand comptes-tu partir ? demande Alice, dont le visage a pâli.

— Après la tournée en Amérique latine, révèle-t-elle. Pour le moment, je vous demande de garder ça pour vous. J'en parlerai en temps voulu. (Elle se lève sous nos yeux ébahis et se dirige vers sa chambre.) Je vais préparer ma valise, annonce-t-elle, nous laissant en plan, le cœur à vif.

Nous échangeons un regard inquiet et gardons le silence, jusqu'à entendre la porte de la chambre de Caitlin se fermer.

— Qu'est-ce qui lui est passé par la tête ? braille aussitôt Mike. Ce n'est pas, mais alors pas du tout, son genre !

— Et cette attitude ! s'inquiète Alice. On aurait dit que ça ne lui faisait rien !

— C'est bizarre, renchéris-je. Peut-être qu'elle ne se sent plus en phase avec nous ?

— Peu importe, soupire Luke. Elle n'est pas dans son état normal... Il faut absolument qu'on comprenne ce qu'il se passe et qu'on la convainque de rester !

— Tout à fait, appuie Alice. Ses arguments ne m'ont pas convaincue du tout.

— Quels arguments ? grimacé-je. Elle a juste dit qu'elle ne se sentait pas à sa place... ce qui sonne plutôt comme un SOS !

— C'est vrai. Elle ne s'est pas expliquée du tout, étudie Mike. Il faut qu'on arrive à en savoir plus.

— Je lui en parlerai dans l'avion, propose Luke. Ou alors sur la route jusqu'à l'aéroport, ce soir.

— J'espère qu'elle t'écoutera, grimacé-je. Elle avait l'air évasive.

— Complètement éteinte, confirme Alice, atterrée.

Je soupire à mon tour. Pour une surprise... c'en est une ! Et elle est plutôt désagréable.

— En tout cas, déclaré-je en observant chacun de mes amis, il faut absolument qu'on lui montre qu'elle est entourée et que nous la soutenons. Et plus important encore, nous devons lui montrer qu'elle fait une erreur.

🎶🎶🎶🖤🖤🎤🖤🖤🎶🎶🎶

Bonsoir ! Comment allez-vous ?

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Alors, que pensez-vous de la nouvelle chanson de Dark Fate ? Et surtout, que pensez-vous de l'annonce de Caitlin ?
Selon vous, pourquoi a-t-elle pris une telle décision ? 🥺
Et que pensez-vous de sa réaction et de celle d'Emmy ? A votre avis, que va-t-il se passer, à présent ?

N'hésitez pas à me laisser un petit commentaire, c'est toujours un plaisir de vous répondre 🖤

En tout cas, le prochain chapitre est du point de vue de Caitlin... 🤭

A la semaine prochaine ! 🖤
Prenez bien soin de vous 🖤

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top