⇝ Chapitre 58
La lumière filtre à travers les rideaux de la pièce et m'aveugle. Je grimace en sentant un mal de tête pulser entre mes tempes. Je frotte mes yeux pour tenter de les ouvrir, mais les rayons du soleil sont comme un laser transperçant mes yeux. J'imagine que la journée va être très longue. Dans la pénombre, je distingue tout de même une silhouette avachie sur le fauteuil à côté de moi. Mon cœur bondit dans ma poitrine lorsque je m'aperçois que Caitlin a sans doute dû passer une partie de la nuit ici. Elle s'agite sur le fauteuil et s'étire tandis que mes yeux s'habituent à la luminosité terrible.
— Tu es réveillée ! s'exclame-t-elle, visiblement soulagée.
Je me redresse et regarde autour de moi. Je suis toujours un des canapés du salon et celui en face de moi est vide.
— Où est Freddie ? questionné-je en guettant sa place vide.
Je dois absolument avoir une discussion avec lui. Caitlin m'offre un sourire si compatissant que je tressaille. Combien de personnes ont compris avant moi ce dont je ne voulais pas me rendre compte ?
— En train de dormir. Il m'a raconté ce qu'il s'est passé hier soir. Je suis vraiment désolée, on n'a rien vu ! Heureusement que son ami est médecin et qu'ils étaient là tous les deux !
Je hoche la tête, nauséeuse. Il est parti aussitôt que mes amis sont arrivés, et à la lumière de la discussion que nous avons eue plus tôt, ça ne m'étonne pas. « Oublie-moi. » Il fallait qu'il y pense plus tôt !
— Comment tu te sens ?
— J'ai la tête comprimée dans un étau et je ne supporte pas la lumière du jour, grimacé-je, les muscles tout ankylosés. Je ne vous serai pas d'une grande utilité aujourd'hui.
— A mon avis, personne ne travaillera aujourd'hui, commente la jeune femme. On est rentré très tard et plusieurs vont avoir une sacrée gueule de bois.
J'acquiesce et m'enfonce à nouveau sur les coussins.
— Comment tu vas, toi ?
— Moi ? Je suis juste un peu fatiguée. Jay et moi, on était les plus sobres en rentrant. Je t'ai veillée une bonne partie de la nuit pour m'assurer que tu ailles bien. Freddie ne voulait pas te laisser, mais Jay et moi, on l'a convaincu. Honnêtement, vue la tête qu'il avait, il avait vraiment besoin de sommeil.
— Oh. Tu es restée éveillée presque toute la nuit pour moi ?!
— Bien sûr ! s'exclame-t-elle, comme si c'était évident. N'oublie pas qu'on tient tous à toi. J'ai écrit à Mathieu pour lui expliquer la situation. Ne sois pas surprise s'il t'écrit, il avait l'air plutôt inquiet dans ses messages.
Je soupire. Encore une fois, j'ai inquiété tout le monde ! Sous l'œil vigilant de Caitlin, je me redresse, repoussant la couverture dont quelqu'un m'a recouverte. La tête me tourne tellement que ma nausée reprend de la puissance, tant et si bien que je me retrouve encore à vomir dans les toilettes. Caitlin se contente de m'aider à désinfecter et de me demander si je vais mieux. Contrairement à cette nuit, c'est le cas.
— Je vais monter dans ma chambre me coucher, lui indiqué-je. Je pense que tu devrais dormir aussi...
Ses yeux sont si injectés de sangs que je devine sa lutte perpétuelle pour ne pas les fermer. C'était exactement ce que je voulais éviter et c'est exactement pour ça que j'ai demandé à Freddie de ne rien dire hier soir. Au moins, je n'ai pas ruiné leur soirée.
— Tu en es sûre ? questionne-t-elle alors que nous nous engageons dans les escaliers.
— Absolument.
Face à mon ton sans appel, elle n'émet pas d'objections.
— Je sais que tu te sens coupable, dit-elle pourtant. Freddie m'a dit que tu ne voulais pas que nous le sachions. Mais Emmy, nous préférons le savoir, si tu ne vas pas bien ! Ce n'est pas de ta faute et personne ne t'en veut pour ça. Au contraire, nous nous sommes plus inquiétés du fait que tu préfères te renfermer...
Ma mâchoire tressaille à la mention du chanteur et l'écho de ses paroles résonne à nouveau dans mon esprit.
— Je voulais simplement que vous passiez une bonne soirée, et-...
— Emmy !
La porte de la chambre d'Alice vient de s'ouvrir. Ses yeux sont gonflés comme si elle s'était endormie dans ses larmes. Mon cœur se serre et je la prends dans mes bras sans lui laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit. J'espère que ce n'est pas à cause de moi.
— Je me suis inquiétée, explique-t-elle d'un air penaud, confirmant mes plus grandes craintes.
— C'était ce que je voulais éviter.
Alice me prend par l'épaule et plonge ses yeux dans les miens, une lueur déterminée dedans :
— Écoute-moi bien, Émilie. Tu ne pourras jamais nous empêcher d'être concerné par ce qui t'arrive. Quand quelque chose de terrible se produit, ça nous arrive à nous aussi ! Et puis, je crois que Freddie aurait préféré ne pas avoir à gérer ça seul. Franchement, vue la tête qu'il avait quand on est rentrés, tu as dû lui faire sacrément peur !
« C'est surtout ce que je lui ai avoué, qui l'a terrifié. » songé-je avec désarroi. Est-ce que je l'écœure à ce point, pour qu'il réagisse ainsi ?
Je grimace.
— Si c'était arrivé à l'un d'entre nous, poursuit Alice, intraitable, je suis sûre que tu aurais voulu être au courant ! C'est aussi notre cas.
— On est là depuis le début, reprend Caitlin. Tu n'es pas obligée de tout affronter toute seule !
Penaude, je me contente d'opiner de la tête. Il n'y a rien d'autre à dire de toute façon. Elles me serrent toutes les deux contre elles.
— Le principal, déclare alors Caitlin, c'est que tu ailles mieux.
Alice confirme en hochant vivement la tête et nous partons toutes les trois nous coucher. Ma tête tombe lourdement sur mes oreillers. Je me félicite d'avoir soigneusement fermé les volets hier soir avant de partir. Malgré la douleur entre mes tempes, les souvenirs persistent. Je ne me souviens toujours pas de ce qu'il s'est passé entre le moment où l'on s'est rendu compte que j'étais droguée et le moment où je suis rentrée ici. Par contre, la souvenir de ma discussion avec Freddie, cette nuit, est clair comme de l'eau de roche. Il aurait sans doute mieux valu que cette partie de la nuit s'efface aussi, car à présent, je redoute le moment où je vais devoir lui parler. La perspective de faire comme si tout s'est effacé de mon esprit est aussi douloureuse que l'idée de mettre les choses au clair entre nous.
J'aurais sûrement dû en parler à Alice et Caitlin, même si la dernière chose dont j'ai besoin, c'est que cette affaire s'ébruite. A ma place, je suis certaine qu'Alice le confronterait sur ses sentiments, pour savoir de quoi il en retourne. La peur ceint encore mes entrailles quand je me réveille quelques heures plus tard, l'esprit beaucoup plus clair. De lointaines voix me parviennent du rez-de-chaussée.
Avisant les portes ouvertes des chambres des autres, je me débarbouille et prend une douche rapide avant de descendre les rejoindre. Ragaillardie, je me sens presque prête à affronter la réalité. Presque.
Luke est le premier à m'apercevoir.
— Ça va mieux ? Tu nous as fait une sacrée peur, hier ! m'accoste-t-il en me tendant un verre d'eau.
— Je sais, grimacé-je. Alice me l'a dit. Je suis désolée.
Il secoue la tête.
— C'est moi qui le suis. Avec ma réaction de l'autre jour, quand tu es partie à l'escalade, j'imagine que tu ne voulais pas m'en informer pour cette même raison.
Je lui offre un sourire gêné. Il a vu juste : cela a aussi joué.
— Je travaille dessus, poursuit-il, même si je m'inquièterai toujours pour chacun d'entre vous.
— Lukey est trop sentimental, le taquine Mike en lui ébouriffant les cheveux. Tu as meilleure mine ! Je vais pouvoir dire à Ludovic que tu es réveillée et prête à chanter à tue-tête.
J'éclate de rire, pas franchement sûre de pouvoir chanter quoi que ce soit, avec la douleur qui perce encore ma tête. Mike me serre dans ses bras.
— Je ne vais pas te répéter ce qu'Alice t'a déjà dit, annonce-t-il en me relâchant. Mais sache que tu m'inquiètes encore plus en ne disant rien.
Je lui souris faiblement et poursuis :
— Je comprends. Mais cela vaut pour toi aussi. Je vois bien que quelque chose te tracasse.
Mike soupire, las.
— Je t'en parlerai très bientôt. Il m'a juste fallu le temps de digérer tout ça.
J'oriente de la tête et entreprend de m'asseoir à la table avec tout le monde. Dark Fate n'est pas là et d'après Alice, Kit ne va sans doute pas émerger avant demain, et Jay non plus, puisqu'il a apparemment passé le reste de sa nuit à s'occuper de lui. Quant au chanteur du groupe, il ne va sans doute pas se montrer, dans la mesure où je dois être la dernière personne qu'il a envie de voir. Cette idée me pince le cœur.
Je me masse les tempes en repoussant mes larmes. Hors de question que je pleure maintenant, devant tous mes amis. Je ne veux pas leur parler de mes problèmes de cœur maintenant, surtout quand il m'a fallu autant de temps pour les accepter.
— Tu as mal à la tête ? questionne Luke, soucieux.
J'hoche la tête.
— C'est comme si un tambour avait élu domicile dans mon crâne.
Sans me laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit, Alice me prend par le bras et me tire dans la salle de bain, où elle se met à farfouiller, sûrement à la recherche de Doliprane.
— En réalité, il y a quelque chose dont je voudrais te parler, dit-elle en ouvrant un placard. Mais seule à seule, dans la mesure où je ne sais pas trop quoi faire.
Je m'assois sur la seule chaise de la pièce.
— Je t'écoute.
Ma meilleure amie se tourne vers moi, l'air à la fois apeurée et émerveillée.
— Eh bien voilà, je crois que je suis amoureuse, et-...
Sans lui laisser le temps de finir, j'éclate de rire, le cœur soudainement léger.
— On le sait tous, Alice. Ne t'inquiète pas.
Elle fronce le nez d'un air pincé.
— Je ne suis tout de même pas si prévisible !
Je me retiens de lui rappeler que je la connais bien et qu'elle ne sait pas très bien camoufler ses émotions.
— Bon, souffle-t-elle en me tendant le paquet de médicaments qu'elle a déniché. J'imagine que tu n'es pas surprise si je te dis que c'est Kit.
Je secoue la tête, toujours en riant à moitié.
— Cela dit, ajoute-t-elle en penchant la tête de côté, je suppose que tu n'aurais pas eu le même genre de réaction si je t'avais raconté que c'était Freddie qui m'intéressait.
Le sang quitte mes joues.
— Ce n'est pas le cas, rassure-toi, s'empresse-t-elle de préciser. Je parle bien de Kit. Seulement... j'ignore ce qu'il se passe entre vous, et je ne veux pas paraître indiscrète, mais il n'avait vraiment pas l'air d'aller bien hier soir.
Je l'observe, les larmes aux yeux. Quand a-t-elle compris ?
— Je crois que j'ai fait une bêtise.
— Quelle genre de bêtise ?
— J'ai manqué de tact, soupiré-je. Et de discernement. Je n'ai rien vu venir, Alice !
— Moi si, répond-elle, tranquillement. Ça t'a pris un peu de temps, mais tu as fini par comprendre. Même Luke a compris avant toi, et Dieu sait qu'il est aveugle en matière de sentiments !
Je me fige.
— Tu veux dire que tout le monde est au courant ?
C'est au tour d'Alice d'éclater de rire.
— Il faut dire que tu es aussi discrète qu'un dinosaure dans un jardin.
— On fait la paire toutes les deux, bougonné-je en avalant un cachet avec le verre qu'elle me tend.
Sauf qu'Alice s'apprête à avoir un dénouement heureux. Bah, il y aura au moins l'une d'entre nous qui aura droit à sa belle histoire !
Elle rit aux éclats, et je m'aperçois que je ne l'ai pas vue comme ça depuis des années.
— Qu'est-ce qui t'a mis sur la voie ? interrogé-je. Moi, je n'ai compris qu'il y a quelques jours !
— Ton regard s'éclaire s'il est dans la pièce où tu es et s'éteint s'il n'y est pas. Et puis, c'est toujours vers lui que tu vas lorsque tu as un problème.
— Je ne fais pas toujours exprès, rétorqué-je, en me souvenant de l'autre nuit, où je l'ai trouvé par hasard en train de chanter.
— Peut-être. Mais tu choisis quand même de t'ouvrir à lui.
— Parce que je pensais qu'il ne serait pas autant blessé que vous si je lui parlais de la façon dont je me sentais.
A ma grande stupeur, Alice éclate de rire.
— Tu peux te mentir à toi-même si tu le souhaites, mais je pense plutôt que c'est parce que tu trouves du réconfort dans sa présence. Cela, tu ne peux pas le cacher. On a tous remarqué qu'il t'apaisait.
Je soupire avant de lui raconter en détails le déroulement de la nuit précédente.
— Mhm, réfléchit tout haut Alice. C'est vrai que ce n'est pas logique. Peut-être qu'il ne voulait pas que vous ayez cette discussion maintenant, étant donnée que tu étais encore sous l'emprise de la drogue et de l'alcool. Il a dû penser que tu n'étais pas dans ton état normal et que tu délirais complètement.
L'espère renaît tout d'un coup dans ma poitrine.
— Tu crois ?
— Bien-sûr. Dis-moi, Emmy, pourquoi sommes-nous ici, d'après toi ?
— A cause de moi, soufflé-je. Mais il l'aurait faut pour n'importe lequel d'entre vous.
— Hum, toussote Alice. Je n'en serais pas si sûre, à ta place.
— C'est lui qui me l'a dit, insisté-je.
— Tu l'imagines vraiment prétendre le contraire un instant ? (Elle secoue la tête avant de reprendre :) Peu importe, tu devrais tirer ça au clair avec lui. Oh... Et si j'étais toi, j'irais discuter avec Ludovic. Je sais que tu n'es pas amoureuse de lui, précise-t-elle face à mon air perplexe, mais à ta place, j'irai mettre les choses au clair.
— Mais... pourquoi ?
Alice hausse les épaules.
— Ce n'est qu'une supposition, mais à mon avis, tu as joué un rôle dans sa venue ici.
Je grimace. Dans quel pétrin me suis-je fourrée ? A la place de poser cette question à Alice, je lance :
— J'espère que tu comptes aussi parler à Kit, prochainement.
En guise de réponse, Alice sourit de toutes ses dents.
— Quand il sera remis de sa gueule de bois.
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Bonsoir ! Comment allez-vous ?
Merci d'avoir lu ce chapitre ! Que pensez-vous de la discussion d'Emmy et Alice ?
J'ai choisi de raccourcir ce chapitre et d'en faire quelque chose d'un peu plus léger, dans la mesure où les trois derniers étaient plutôt riches en ascenseurs émotionnels. Mais rassurez-vous, ça redémarre au prochain chapitre ! J'ai hâte que vous lisiez tout ça 🥰
N'hésitez pas à me laisser un commentaire, c'est toujours un plaisir de vous répondre ! ❤️
Prenez bien soin de vous ! ❤️
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