⇝ Chapitre 39 ~ Caitlin
Le coup d'envoi de leur tournée « cinq jours, cinq dates » avait été salué par une ambiance dingue dans la salle. Les oreilles pleines de cris, de leurs paroles entonnées avec joie et passion, les yeux encore pleins des projecteurs, des flashs des téléphones et de tous ces visages, Caitlin ne parvient pas à se détacher de l'atmosphère vibrante de la scène. Même quand une jolie jeune femme, accompagnée de sa petite sœur (une adolescente timide de 16 ans qui semble avoir le béguin pour Mike) apparaît dans leur loge.
C'était Cecily, Caitlin l'a reconnue à son visage poupon qu'Emmy lui a montré l'autre jour, un peu après le terrible incident. Aux yeux de Caitlin, Emmy le prenait d'ailleurs trop peu au sérieux, mais c'était sûrement son inquiétude qui transparaissait. En tout cas, elle semblait ravie d'accueillir Cecily. Caitlin, elle, se sent un peu méfiante : même si elle a beaucoup aidé son amie, elle n'en demeure pas moins une étrangère.
— Je vais te présenter aux autres ! lui propose Emmy, en prenant Cecily par l'épaule.
— Attends, l'interrompt la jeune femme. Je ne t'ai même pas présenté ma sœur, Elly !
Elle désigne sa jeune sœur, qui n'a pas encore osé ouvrir la bouche, les yeux rivés à Mike. Caitlin retient un gloussement et donne un coup de coude à ce dernier, afin qu'il vienne au secours de cette pauvre adolescente dont la timidité l'empêchait de s'approcher. Personne ne va pourtant la manger ! Cependant, la jeune femme veut bien admettre que rencontrer des célébrités est intimidant.
Célébrité... La facilité avec laquelle elle s'était décrite était déconcertante. Cela ne signifiait pas qu'elle s'y était habituée, loin de là, mais qu'elle comprenait que ce concept faisait désormais partie intégrante de sa vie. Pour le meilleur et pour le pire. Une seule connexion sur internet lui avait permis de mesurer à quel point chacun de ses faits et gestes serait épié, interprété et colporté.
Bref, elle s'approche de Cecily, un sourire chaleureux plaqué aux lèvres.
— Salut, dit-elle en l'étreignant brièvement. Merci d'avoir aidée mon amie, l'autre jour.
Pour Caitlin, c'était important. Elle était une étrangère, certes, mais elle avait tirée Emmy d'un pétrin qu'elle n'avait même pas distingué. Comment la vigilance de Caitlin avait-elle pu disparaître ce jour-là ? Comment avait-elle pu ne pas remarquer son absence ? Elle était pourtant importante pour elle !
Cecily balaie ses remerciements d'un geste de la main, pas le moins du monde embarrassée, contrairement à Emmy, dont les joues ont pris une teinte cramoisie.
— Ce n'est rien. N'importe qui d'un petit peu censé aurait fait la même chose.
Caitlin secoue la tête.
— Je n'en suis pas certaine.
— Tu as toujours été pessimiste, DobbleKay, intervient Luke en lui jetant un regard plein de tendresse fraternelle.
Caitlin se contente de hausser les sourcils. Ils doivent se protéger plus que jamais, être le gardien de chacun, aujourd'hui plus que jamais. Ce qui est arrivé l'a prouvé.
— Heureux de te revoir, Cecily, ajoute Luke, un sourire parfait, presque séducteur, aux lèvres.
A côté d'eux, Alice vient de prendre Mike et Elly en photo. L'adolescente a l'air ravie et beaucoup plus à l'aise : Caitlin s'empresse donc d'aller la saluer et de discuter avec elle. Ses yeux ont la même forme que ceux de sa sœur, en amande, mais pas la même teinte. Si ceux de Cecily ont la teinte des tourmalines, ceux de sa sœur ont celle, plus claire, du jaspe brun.
De loin, Caitlin jette un coup d'œil à ces amis. Chacun a l'air d'être sa place et Caitlin les connaît suffisamment bien pour savoir qu'ils ne font pas semblant d'être à l'aise. Rassurée, elle laisse Luke et Alice avec Elly et rejoint Emmy, qui discute toujours avec Cecily.
— Et là, raconte Emmy en riant, quand j'ai eu cette fêlure dans la voix, c'était parce que je m'étais pris les pieds dans les fils du micro ! J'ai failli m'écraser comme une météorite devant des centaines de personnes... Imagine la honte que j'aurais eu !
Les yeux clairs de la jeune femme brillent de malice quand elle remarque que Caitlin les a rejointes. Cecily, elle, rit encore sans vergogne et un sourie étire les traits de Caitlin. La maladresse de son amie est légendaire, et ce n'est qu'une question de temps avant que leur public ne s'en rende compte...
— Oh ! Avec tout ça, je ne suis toujours pas allée parler avec ta sœur ! s'aperçoit tout d'un coup Emmy, effarée. Je reviens !
Et Emmy de s'en aller en sautillant comme un lutin. Caitlin cligne des yeux plusieurs fois, éberluée : jamais, ô grand jamais, elle n'a vu son amie se comporter ainsi. Et maintenant qu'elle était partie, Caitlin trouve qu'il y a beaucoup moins de lumière, que les couleurs semblent beaucoup moins vives. Il lui faut quelques instants pour comprendre pourquoi. Son amie irradiait, littéralement, de bonheur. Et c'était très, très contagieux.
Caitlin s'avise alors que c'était bien triste qu'elle n'ait, finalement, jamais vu son amie heureuse avant aujourd'hui. Elle chasse aussitôt cette pensée de sa tête. L'essentiel, c'est maintenant. Le passé n'est plus, il est désormais camouflé sous leur avenir radieux. Un avenir qu'ils sont en train de modeler de toute pièce.
Elle se tourne vers la jeune femme, dont les boucles brunes tombent de part et d'autres de son visage comme deux cascades. Ses pupilles, fixées sur Emmy, dont les yeux rient jusqu'ici, sont teintées d'admiration. Caitlin décide alors d'en profiter pour apprendre à la connaître, puisqu'Emmy semble lui accorder sa confiance.
— Quel âge as-tu ? lui demande la jeune femme, tirant Cecily de sa contemplation.
— Dix-neuf ans.
Elle reporte aussitôt son regard sur Emmy, dont le visage se fend d'un grand sourire à l'issue d'une remarque de Mike. Le tout éclaire tout d'un coup son visage, tel le soleil à l'aube. Pas étonnant que Cecily n'ait d'yeux que pour elle ! Emmy rayonnait. Elle était le Soleil en personne, une étoile qui n'appartiendrait plus jamais à la nuit.
Caitlin toussote et Cecily se penche vers elle, une lueur espiègle dans les yeux :
— Est-ce qu'elle n'aime que les garçons ?
Cecily est toujours en train d'examiner le visage d'Emmy lorsque Caitlin lui répond :
— Je crois que oui.
— Oh, laisse échapper la jeune femme, une pointe de déception dans la voix. Dommage !
Caitlin connaît très bien cette déception : ça lui est arrivé plusieurs fois par le passé. Cecily se détourne d'Emmy, sans avoir l'air le moins du monde troublée et jette un regard plein de curiosité à Caitlin.
— J'ai entendu dire que tu as refusé une sacrée opportunité pour accepter ce contrat, c'est vrai ?
Le dessin... cela fait si longtemps que Caitlin n'a pas tenu un fusain dans ses mains ! Ou même un pinceau ! Elle doit admettre que cette part d'elle lui manque, mais en acceptant de rejoindre tout le monde à Londres, elle savait ce qu'elle abandonnait.
— Oui, confirme Caitlin. Je pouvais exposer mes œuvres dans une grande galerie...
Elle laisse la fin de sa phrase en suspend, préférant ne pas en révéler davantage. Choisir revient toujours à renoncer.
A sa grande surprise, Cecily lui prend le bras, un sourire compatissant sur les lèvres. Elle a deux fossettes au côté droit.
— Ce ne doit pas être évident d'être coincée entre deux passions. Pourquoi ne pas exercer les deux ? Je suis certaine qu'un jour, tu seras libre d'exposer tes œuvres aussi !
Caitlin secoue la tête.
— Je perds également la possibilité d'apprendre de nouvelles techniques et de repousser mes limites.
— Beaucoup d'artistes sont autodidactes, enchaîne gaiement Cecily. Et puis, si c'est vraiment un problème pour toi, pourquoi ne pas te prendre des cours quand tu auras le temps ?
Cette femme a tellement réponse à tout que c'en est presque agaçant, songe Caitlin. Et son enthousiasme entêtant la poussait à tenter de prendre les choses sous un tout autre point de vue.
— Tu as sans doute raison, finit par admettre Caitlin.
Elle marque une petite pause et s'éclaircit la voix avant de reprendre :
— Et toi, Cecily, as-tu une passion ?
— Moi ? demande-t-elle en se désignant avec étonnement. Je veux être une aventurière !
Maintenant qu'elle le disait, c'est vrai que la jeune femme revêtait la tenue d'une exploratrice : un chemisier blanc noué au-dessus d'un pantalon en lin beige, des bottines brunes, un ceinturon sur lequel était attaché une boussole et pendait une montre à gousset. Et, juchées au sommet de son crâne, des lunettes d'aviateurs. Pas étonnant que le sourire de Luke avait été presque dragueur : cette femme était unique en son genre.
— J'ai commencé des études d'archéologie, raconte-t-elle, les yeux brillants d'une ferveur que Caitlin connaissait bien.
Elle l'avait tellement de fois croisée dans son reflet ! Et si Caitlin a bien un conseil à donner, c'est d'attiser cette flamme.
— Et ça te plait ? questionne-t-elle, bien qu'elle connaisse déjà la réponse.
— Tu plaisantes ? J'adore ! Ça n'a de cesse de me conforter dans mon choix d'être archéologue. Je suis sûre que l'Egypte regorge encore de secrets enterrés... et j'ai plus que hâte de les exposer au grand jour !
Elle se penche alors et chuchote à l'oreille de Caitlin :
— L'Egypte me passionne.
C'est là que Caitlin remarque son parfum sucré, aux notes caramélisées. Elle lui prend la main et la serre, en gage d'encouragement. Elle plonge aussi ses iris dans les siens.
— Dans ce cas, je ne peux que te souhaiter bon courage. Car c'est beaucoup de patience et de travail que d'atteindre ses rêves. Mais les sacrifices en valent la peine. Alors quoiqu'il arrive, n'arrête jamais de te battre.
Cecily lui jette un regard humide. Ses mots l'ont touchée, Caitlin le sait. Puis, ses prunelles se teintent d'un lueur de détermination.
— Jamais, répète-t-elle.
Puis, elle jette un regard à sa montre et se fige.
— Il est très tard ! Je crois que nous allons devoir rentrer, déplore-t-elle en se pinçant les lèvres. En tout cas, c'était un plaisir de te rencontrer Caitlin, et encore plus de discuter avec toi.
Caitlin se penche pour l'étreindre et l'odeur caramélisée atteint à nouveau ses narines.
— Bonne continuation. J'espère voir ton nom associé à une découverte un jour prochain.
Cecily rougit de plaisir.
— Je suis sûre que votre prochaine chanson sera encore gravée dans mon cœur, répond-elle, un grand sourire aux lèvres.
Dans la bouche de Cecily, ce compliment pompeux ne sonne pas comme tel, il ne sonne d'ailleurs par faux, on dirait plutôt un carillon. Et cette sensation est agréable pour Caitlin, qui le temps de cette discussion, s'est sentie en sécurité. Elle s'est même permise de baisser la garde, de moins surveiller le bien-être de ses amis de loin. En somme, cela avait été comme grimper au sommet d'une montagne et respirer l'air frais à pleins poumons. Et ce n'était que le début.
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Bonsoir ! Comment allez vous ?
Merci d'avoir lu ce chapitre ! Qu'en pensez-vous ? :)
Appréciez-vous le personnage de Cecily ?
On se retrouve la vendredi prochain pour le chapitre suivant ! Prenez soin de vous 🤎
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