⇝ Chapitre 36 ~ Alice
Alice enfonce son bonnet noir sur son visage, priant pour que personne ne la remarque, ou pire, la reconnaisse. Elle avait assez vu de la célébrité pour aujourd'hui.
Après l'incident, elle s'était tournée vers Dark Fate, ne sachant pas à qui demander conseil. Et voir son amie contempler le mur d'un air sonné, enroulée dans un plaid, était au-delà de ses forces. Elle aurait préféré que ça soit elle. Elle se souvient s'être dit que ce n'était pas grave si Emmy n'était plus derrière eux, qu'elle les retrouverait un peu plus loin dans la rue. Quelle terrible erreur ! Car Alice avait oublié un détail important : ils n'étaient plus juste un groupe d'amis, ils étaient désormais Sad Joy, le groupe à l'ascension fulgurante, épaulé par Dark Fate. Alors, cela impliquait d'être prudent en permanence, à propos de tout ce qu'ils disaient ou faisaient. La prise de conscience d'Alice s'était conclue par une crise de larmes dans sa chambre.
C'était comme ça qu'elle s'était retrouvée dans l'appartement que louait Freddie, à le questionner pour avoir son aide, et que lui et elle s'étaient rendus en ville faire un cadeau à Emmy.
— Je n'aurais pas dû la laisser seule, avait soufflé Alice, les yeux brillant de larmes, après qu'elle lui eut relaté les faits.
— C'est toujours une très mauvaise idée de s'aventurer dans une foule sans garde du corps, avait répondu Freddie. Malheureusement, vous l'avez appris à vos dépends.
Alice avait reniflé bruyamment et essuyé des larmes teintées de mascara. La franchise de Freddie était difficile à digérer.
— Je sais ! s'était-elle exclamée. Mais je -... Je pensais... Que... Enfin je ne croyais pas que ce serait notre cas.
Il lui avait tapoté l'épaule.
— Votre ascension est spectaculaire, avait-il confirmé. Je crois que pour le moment, il vaudrait mieux que vous ne sortiez pas sans escorte. Ce n'est que l'affaire de quelques temps, s'était-il empressé d'ajouter face à l'air effrayé d'Alice. Bientôt, tout se calmera. Vous n'avez pas eu de chance.
La jeune femme avait hoché la tête puis avait trompeté dans un mouchoir.
— C'est surtout pour Emmy qu'il faut s'inquiéter, avait-elle confié. Elle était aux premières loges.
Le visage de Freddie, qui jusqu'à présent était resté très neutre, avait légèrement tressailli.
— Vraiment ?
C'était comme ça qu'il l'avait accompagnée se procurer les films qui aidaient toujours Emmy à se sentir mieux, tout en lui prodiguant quelques conseils sur la façon dont il s'arrangeait pour passer inaperçu. La plupart du temps, c'était surtout une question d'attitude : la plupart des gens ont du mal à réaliser qu'ils se trouvent réellement en présence d'une de leur célébrité préférée, et lorsque c'est le cas, c'est souvent sans danger véritable.
Freddie était aussi censé l'accompagner dans leur maison (qu'ils avaient tous quitté pour laisser de l'espace à Emmy) mais, après être tombé sur un article, Alice avait fourré ses clés dans les mains de Freddie et l'avait laissé en plan.
« Je vais chez Kit » avait-elle déclaré avant de s'éclipser. L'air incrédule du jeune homme était gravé dans sa mémoire. Le cœur battant, elle serre ses poings dans ses poches, songeant qu'il saurait bien se débrouiller sans elle.
D'un autre côté, Alice culpabilise déjà pour l'impulsivité dont elle a fait preuve. Son amie avait besoin d'elle et elle laissait Freddie, qu'Emmy ne connaissait pas très bien, aller la réconforter. Au vu du manque de tact de ce dernier, elle n'était pas certaine que c'était là une bonne idée.
« Je ne serai pas longue » se promet-elle en poussant la porte de l'immeuble où Dark Fate séjourne.
L'appartement de Kit est au premier étage. Le cœur cognant à toute allure dans sa poitrine, elle cherche son nom et appuie sur la sonnette. A peine a-t-il ouvert la porte qu'elle s'engouffre déjà dans la pièce principale.
— Je ne sors pas avec Freddie ! s'exclame-t-elle en brandissant son téléphone dans la direction de Kit.
— Euh... Bonjour ? hasarde le jeune homme, un air perplexe sur le visage.
La porte, qu'Alice n'a pas pris la peine de fermer, se referme dans un claquement sourd. Elle cligne des yeux, décontenancée. Kit se contente de croiser les bras et de la dévisager, attendant qu'elle développe.
— Je ne sors pas avec Freddie, répète-t-elle, droite comme un i.
Elle ne savait pas pourquoi, mais c'était important pour elle qu'il le sache.
— Je sais, répond tranquillement Kit en se laissant tomber sur un des fauteuils noirs de son salon.
Les yeux d'Alice papillonnent de lui à la pièce désordonnée. Visiblement, il n'attendait pas de visiteurs ! A la droite de la jeune femme, la table de salon, d'un blanc immaculé, est couverte de feuilles, de dessins et de photos. « Des lettres de fans ! » comprend-elle. Au vu du stylo et des feuilles devant Kit, celui-ci est en train d'y répondre. Gênée, elle se concentre sur le tableau, représentant New-York et ses gratte-ciel, au-dessus du canapé en cuir noir sur lequel s'amoncellent un plaid et des coussins, ses doigts tapotant nerveusement sa hanche. Sur l'autre fauteuil, en face de Kit, une boîte contenant déjà quelques lettres, attend d'en recevoir plus.
Elle soupire, et son regard se perd sur la table au fond, elle aussi couverte de papiers en tout genre. Du coin de l'œil, elle distingue la cuisine.
— Pardon, murmure-t-elle en baissant les yeux. Je-... Je voulais seulement aider Emmy. Et je me retrouve avec un nombre incalculable d'affreux articles au sujet d'une hypothétique relation avec Freddie !
Ce n'est qu'en entendant l'écho de ses paroles qu'elle se rend compte qu'elle a crié la fin.
— Calme-toi, Alice. Je ne-...
— Me calmer ? ME CALMER ? le coupe Alice, hystérique. Je dois me calmer alors qu'on invente des mensonges sur moi ?
— Je ne sais pas de quoi tu parles.
Les mots de Kit retentissent comme un coup de tonnerre.
— Tu... Tu n'as pas regardé les réseaux sociaux ? demande-t-elle, radoucie.
Kit secoue la tête.
— Je les regarde rarement. Il vaut mieux s'en tenir éloigné, commente-t-il en se levant. Tu veux boire quelque chose ? J'ai du thé, du café, du jus de fruits, des sodas...
— Du jus de fruits.
Kit écarte les lettres de la table, les poussant délicatement dans la boîte posée sur une des quatre chaises avant de l'inviter d'un geste à s'asseoir. Abattue, Alice s'installe. Ses doigts ne peuvent s'empêcher de tapoter la table, la fureur de couler dans ses veines.
« Je dois me calmer », songe-t-elle, « avant que tout ne déborde et que je le regrette. »
Après lui avoir tendu son verre, Kit s'installe en face d'elle, un second verre devant lui. Le regard qu'il lui lance est pensif.
— Alors, qu'est-ce qui peut bien te pousser à débarquer chez moi à l'improviste ?
Les oreilles d'Alice virent au rouge vif. Elle n'a pas voulu arriver comme un cheveu sur la soupe, mais ce qu'elle a lu l'y a poussé. Se sentant soudainement ridicule, elle ne pipe mot et lui tend son téléphone, pour qu'il lise l'article (un des seuls à rester à peu près factuel).
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé avec Émilie ?
Une honte cuisante tapisse soudainement les traits d'Alice. L'article en question évoque à peine ce qui est arrivé à la jeune femme ce matin et porte plutôt sur l'escapade d'Alice et Freddie.
— Le bain de foule a mal tourné... Une fan l'a aidée à rejoindre Luke. Je suis ensuite allée en parler à Freddie et... voilà où j'en suis ! Parce que nous sommes allés acheter à Emmy la trilogie du seigneur des anneaux pour qu'elle puisse se détendre, on nous prête une soi-disant relation ! s'exclame Alice, une veine cognant contre sa tempe.
— Le célibat de Freddie accapare beaucoup d'articles, reconnaît Kit en lui rendant son téléphone. Ça ne m'étonne pas ! Le mieux est de ne rien dire et de laisser passer la tempête.
— Ah...
Alice n'a pas pu s'empêcher de tweeter « Guy I'm not dating anyone lol ».
— Mais visiblement tu n'as pas pu t'empêcher de répondre, commente Kit en observant son propre téléphone.
Penaude, Alice baisse les yeux et refais défiler les titres des articles. Ce qu'elle a tweeté n'a rien changé.
— Sincèrement, Alice, ne regarde jamais ces articles. Ça va juste impacter ta santé mentale de la pire des façons possibles. Fais-toi ce cadeau en n'y jetant jamais un seul coup d'œil.
Cependant Alice n'écoute plus Kit. Les articles s'attaquent maintenant à son amie de la pire des façons :
EMMY DE SAD JOY, TROP FAIBLE POUR LA CÉLÉBRITÉ ?
LA CHANTEUSE DE SAD JOY LAISSE APPARAÎTRE UNE FRAGILITÉ ALARMANTE
— Mais, bredouille-t-elle les yeux brûlant de larmes, c'est injuste qu'elle soit traitée de la sorte !
Kit lui arrache son téléphone des mains avant de le verrouiller, non sans y avoir jeté un œil.
— Écoute Alice, ça fait désormais partie de ta vie. Cet aspect-là... ressort dès qu'un événement se produit. Ne lui donne pas plus d'importance que nécessaire ! Est-ce que lire tout ça va vraiment t'aider à mieux gérer ta célébrité nouvelle ?
Le bruit de la sonnette dispense Alice de répondre.
— Ce doit être Jay, déclare Kit en se levant pour lui ouvrir.
« Tout était si parfait ! » songe la jeune fille avec désarroi. Et voilà que le revers de la médaille transparaît déjà ! Personne ne les avait prévenus, et emportés par leur élan, ils n'avaient pas pu anticiper tout ça.
— Je suis venu dès que j'ai pu.
— Je sais, répond Kit en se rasseyant, tandis que Jay prend place à côté d'Alice.
Un air morose flottant dans ses yeux foncés, Jay se sert un verre d'eau tandis que Kit tripote son piercing à l'arcade.
— Pardon, Alice, ça ne devait pas se passer comme ça, s'excuse Jay. Même à nous, ça ne nous est jamais arrivé.
La jeune femme soupire. Qu'est-ce qu'ils peuvent bien y faire de toute façon ?
— Peut-être que vous devriez vous faire plus discrets et sortir avec des gardes du corps le temps que ça se calme, suggère Kit.
— Freddie me l'a déjà dit...
— J'imagine, remblaie Jay. Ces articles n'existeraient pas si tu ne lui en avais pas parlé, cependant... tu as bien fait. Car tu n'es pas seule, Alice.
— Tu as vu..., constate la jeune femme avec effroi.
Jay hoche la tête, les paupières mi-closes, tandis qu'Alice craque et déverrouille son téléphone, ne pouvant s'empêcher de passer en revue tout ce qui se raconte sur eux.
— Alice, la sermonne Kit.
Un article retient l'attention d'Alice :
EMMY ET LUKE DE SAD JOY, EN COUPLE ?
Cette fois, c'en est trop pour la jeune femme, qui tape du poing sur la table :
— Est-ce qu'un jour on va nous laisser tranquille à la fin ? hurle-t-elle, tandis que Jay sursaute face à sa rage soudaine.
— Je t'avais dit de ne pas regarder ! s'emporte Kit, après avoir lu le titre de l'article.
— Tu ne comprends pas !
— Du calme ! intervient Jay. Ça ne sert à rien de s'énerver !
Kit ouvre la bouche pour répondre mais Jay le devance, tandis que des larmes baignent le visage d'Alice :
— Non, Kit, tais-toi ! Alice, reprend-il, explique-nous ce qui t'arrive.
A la grande surprise d'Alice, les mots franchissent ses lèvres sans qu'elle n'ait à réfléchir. Elle leur raconte tout, Luke et Emmy, leur relation et la première fin du groupe.
— Leur relation a déjà provoqué l'explosion du groupe ! Il est hors de question que je reste les bras croisés ! éclate Alice, en guise de conclusion.
Elle se lève d'un bond et commence à faire les cents pas, telle une lionne en cage. Le silence sous ses pas n'en est que plus éloquent. Ils ont compris. Ils ont compris ce qu'elle refuse d'admettre.
— Écoute Alice, pour le moment ce n'est pas d'actualité, commence Jay. Vous êtes des adultes, maintenant.
— Si vous restez tous les cinq soudés et surtout, honnêtes, rien de tout ça ne se répétera, renchérit Kit.
La jeune femme, qui leur tournait le dos, fait volte-face.
— Vraiment ? Vous ne les connaissez pas aussi bien que moi...
Les visages de Kit et Jay sont soucieux.
— Tu es partie très loin à partir de peu de choses, Alice, la rationalise Kit. Quelques doutes ont été émis, mais le plus important est que tout soit clair entre vous.
— Justement, murmure Alice en fermant les yeux.
Où son amie en était-elle avec Luke ? L'avait-elle vraiment oublié ? Avait-elle arraché la page ? Elle n'en était plus aussi certaine, maintenant qu'elle l'avait vue se serrer contre lui à l'issue de l'horrible bain de foule. Mais en même temps, comment lui en vouloir ? Elle aussi aurait sûrement apprécié de retrouver une chaleur familière après un tel événement !
— Je devrais lui en parler, souffle-t-elle, pour elle-même.
— Non, cela ne te regarde pas pour l'instant, intervient Jay.
Elle lève vers lui des yeux teintés d'amertume.
— Si, ça me regarde !
— Ce qu'il veut dire, s'immisce Kit, c'est que ce n'est peut-être pas le moment opportun pour une telle conversation.
Alice soupire. Les deux membres de Dark Fate ont raison. Emmy doit être dans un tel état ! Et elle ne pensait qu'à la confronter sur d'hypothétiques sentiments... « Quel égoïsme ! » songe-t-elle avec désarroi.
Elle reste encore une dizaine de minutes, un peu honteuse d'être allée si vite trouver Kit et s'en retourne dans leur maison, le cœur lourd de peur. Mais à sa plus grande surprise, elle trouve tous ses amis, ainsi que Freddie, pas encore reparti, confortablement installés devant La communauté de l'anneau.
Le visage d'Emmy est apaisé lorsqu'Alice les rejoint, et la jeune femme peut enfin expirer le souffle qu'elle retenait depuis qu'elle est entrée. Peut-être que Kit et Jay ont raison.
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Bonsoir ! Comment allez-vous ?
Merci d'avoir lu ce chapitre ! Qu'en pensez-vous ? Alice a l'air plutôt éprouvée par la situation... À sa place, qu'auriez-vous fait ?
Et quel est votre avis au sujet des articles sur le groupe ? Vont-ils avoir un impact sur Sad Joy, comme le craint Alice ?
En tout cas, le prochain chapitre est du point de vue de Luke...
J'ai hâte de vous le partager !
On se retrouve vendredi prochain pour le chapitre 37 !
Prenez soin de vous 🤎
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