⇝ Chapitre 33 ~ Alice
Assise sur son tabouret, légèrement en hauteur, Alice surplombe toute la salle. Elle a un énorme sourire plaqué sur les lèvres. Elle songe à ses parents qui se sont subitement souvenus qu'ils avaient une fille et l'ont forcée à étudier un domaine dont elle ne voulait pas. Elle leur en voudra toujours, même si elle a pu obtenir ce qu'elle voulait. Ce n'était pas grâce à leur soutien, en tout cas.
Les ailes ont repoussé dans son dos, bien plus vastes et solides que la dernière fois. Cette fois, rien ne l'arrêtera. Elle a l'intime conviction que ce n'est que le commencement. Que toutes ces souffrances en ont finalement valu la peine. Que si c'était à refaire, elle referait tout de la même façon, de sorte à aboutir ici et maintenant, au même point.
La dernière fois qu'elle a éprouvé un sentiment aussi pur, c'était lorsqu'elle avait poussé les portes de Sainte-Cécile, il y a de cela bientôt cinq ans. Elle s'était sentie à sa place. Elle n'avait pas eu l'impression d'être une étoile trop grande qu'on cherchait à mettre dans une minuscule boîte carrée. Elle ne pensait pas ressentir à nouveau cela. Ce mélange de félicité et de sérénité soudaines.
La chanson suivante est un bonheur pour sa batterie. Écartant d'un geste brusque ses cheveux trempés de sueur – elle ruisselle autant que la fois où elle est sortie rire et danser sous la pluie lorsqu'elle avait huit ans –, Alice embrasse du regard les visages lointains et souriants, et des oreilles les cris qui traversent les bouchons qu'elle porte. Elle ne savait pas qu'entendre les gens chanter, hurler leurs propres chansons lui procurerait autant d'émoi. Que les gens éprouveraient autant de chose en l'écoutant. Qu'ils la comprendraient. L'épauleraient.
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Sa meilleure amie commence à chanter, seulement accompagnée par quelques notes qu'elle joue à la guitare. Alice aime ce début, calme et doux. Rien ne laisse présager du tonus qui affluera bientôt dans tous les cœurs de la salle. Emmy est très douée pour dissimuler une chanson énergique sous des notes délicates.
— Remember the words you told me, "Love me 'til the day I die" ? Surrender my everything 'cause you made me believe you're mine ! murmure Emmy, presque comme un secret.
Au même moment que Luke se jette dans la chanson, la batterie d'Alice entame un clapotis aussi régulier qu'un battement de cœur.
— Yeah, you used to call me "baby" ! Now you're calling me by name, mhm ! Takes one to know one, yeah you beat me at my own damn game ! continue Luke, la voix déjà puissante.
Mike ajoute quelques accords quelques secondes avant que le timbre de Caitlin ne résonne dans la salle :
— You push and you push and I'm pulling away ! Pulling away from you ! I give and I give and I give and you take ! Give and you take !
Et puis, les baguettes dans les doigts d'Alice tambourinent et grondent les percussions dans un rythme régulier, la pédale est appuyée plusieurs fois. L'instrument s'éveille.
— Youngblood ! Say you want me, say you want me out of your life ! And I'm just a dead man walking tonight ! But you need it, yeah, you need it all of the time ! Yeah, ooh-ooh-ooh ! s'exclame fortissimo Emmy.
Alice redouble d'efforts, les gouttes de sueur tombant un peu partout, telles des flocons légers.
— Youngblood ! Say you want me, say you want me back in your life ! So I'm just a dead man crawling tonight ! 'Cause I need it, yeah, I need it all of the time ! Yeah, ooh-ooh-ooh ! enchaîne Luke, avec encore plus d'ardeur.
Subitement, le cœur de l'instrument ralentit. Poum. Poum. Poum. Comme un cœur qui cogne, qui cogne, qui cogne jusqu'à n'en plus pouvoir.
— Lately our conversations end like it's the last goodbye ! Then one of us gets too drunk and calls about a hundred times ! So, who you been calling baby ? Nobody could take my place ! When you're looking at those strangers ! Hope to God you see my face ! s'écrie fougueusement Mike.
— Ooh-ooh ! clame Alice, pour couvrir l'accélération des pulsations de sa batterie.
— Youngblood ! Say you want me, say you want me out of your life ! And I'm just a dead man walking tonight ! But you need it, yeah, you need it all of the time ! Yeah, ooh-ooh-ooh ! reprend Luke, d'une inflexion véhémente.
Puis, ils poursuivent, tous ensemble, avec le public :
— Youngblood ! Say you want me, say you want me back in your life ! So I'm just a dead man crawling tonight ! 'Cause I need it, yeah, I need it all of the time ! Yeah, ooh-ooh-ooh !
Alice ralentit à nouveau les coups, laissant à Caitlin le temps de répéter avec tendresse :
— You push and you push and I'm pulling away ! Pulling away from you ! I give and I give and I give and you take ! Give and you take !
— You're running around and I'm running away ! Running away from you, mmm, from you ! poursuit Emmy, d'un ton nettement plus émoussé.
Le corps d'Alice se projette dans l'instrument. Elle est la pédale, les toms, les baguettes, la grosse caisse et la caisse claire. Elle n'est que la traductrice, celle qui transmet ce que lui murmure la musique. Et elle se libère, s'enflamme en elle, au point qu'Alice en sent ses veines brûler.
— Youngblood ! Say you want me, say you want me out of your life ! And I'm just a dead man walking tonight ! But you need it, yeah, you need it all of the time ! Yeah, ooh-ooh-ooh ! Youngblood ! Say you want me, say you want me back in your life ! So I'm just a dead man crawling tonight ! 'Cause I need it, yeah, I need it all of the time ! Yeah, ooh-ooh-ooh ! chante-t-elle, en chœur avec ses quatre amis.
Consumée par la chanson, elle n'a pas envie qu'elle s'arrête. Elle est tellement bien, ici, à se torréfier dans la passion !
— You push and you push and I'm pulling away ! Pulling away from you ! I give and I give and I give and you take ! Give and you take ! Youngblood ! Say you want me ! Say you want me out of your life ! And I'm just a dead man walking tonight ! terminent prodigieusement Caitlin et Emmy.
Un tonnerre d'applaudissements accueille leur prestation, si fort que si Alice ferme les yeux, il lui semble que le grondement provient du fin fond de la terre.
— Alice ! Alice ! Alice ! crie-t-on dans la salle.
Alice ne le sait pas encore, mais le lendemain, tout le monde parlera de la performance poignante et sensationnelle de la batteuse de Sad Joy.
La jeune femme lève haut ses baguettes et sourit à pleine dents, l'air de dire « vous n'avez encore rien vu ! ». Elle a encore tant à dévoiler.
🎼🥁🎶🎸🎤🎹
Hello ! Comment allez-vous ?
Merci d'avoir lu ce chapitre ! Qu'en pensez-vous ? Ça fait plaisir de voir Alice se sentir bien, non ?
N'hésitez pas à me laisser un commentaire, ça fait toujours plaisir et ça me permet de savoir si ça vous plait ! :)
C'était le dernier chapitre de la Partie 4. La partie 5, intitulée « Mars » démarre la semaine prochaine, et sera publiée le vendredi 29 septembre, à 18h ! Elle a la taille d'un chapitre entier, c'est pour ça que je me permets de la publier à titre de chapitre.
D'ailleurs, avez-vous trouvé de quel point de vue sont écrits le prologue et ces parties ? 😏 Vous avez des idées de qui pourrait penser tout ça ?
On se retrouve donc vendredi prochain pour l'ombre d'une réponse...
A très vite !
(D'ailleurs, surveillez bien vos notifications demain... peut-être qu'une surprise arrivera sur mon profil 🙈
Avez-vous une idée de ce que ça peut être ? :) )
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