⇝ Chapitre 23

— Tu m'as vraiment prise pour une fan ?

Pour ne pas que le champagne me monte trop vite à la tête, j'ai décidé de prendre quelques trucs à grignoter, et évidemment, ils sont sur la table du milieu de la pièce, où Freddie est actuellement en train de prendre aussi quelques victuailles.

— Tu n'es pas très grande, rétorque-t-il, sans me regarder, les cheveux dans les yeux.

Il a parlé avec nonchalance, et une pointe d'accent gallois. C'est plus élégant que l'accent à couper au couteau dont j'ai hérité.

— Quelle perspicacité, ironisé-je en haussant les sourcils.

Je contemple les gratte-ciel qui s'enfoncent dans le ciel bleu. Immédiatement, un sentiment d'apaisement m'emplit : j'aime cette ville ! L'atmosphère chaleureuse est celle d'une maison. Quand je pense que Simon m'a dit qu'il ferait gris et triste tout le temps ! Que je n'aimerai pas ! Je suis à deux doigts de lui envoyer une photo, mais je ne suis pas sûre que ce soit très approprié.

— Et tu n'as pas l'air très vieille, reprend Freddie, en m'observant cette fois. Quel âge as-tu ?

Si je n'avais pas un verre et un sandwich dans les mains, j'aurais croisé les bras.

— Dix-neuf ans, je réponds en relevant le menton. Et vingt en mars.

— C'est ce que je disais. Tu es encore un fœtus.

J'hausse un sourcil avant de me mordre la lèvre, me rappelant que récemment, à Paris, on m'a prise pour une adolescente de seize ans.

— Et toi, tu as quel âge ?

— Vingt-et-un et vingt-deux en juillet.

Je fronce le nez. S'il n'était pas connu, je suis certaine qu'on le prendrait aussi pour un adolescent !

— Ça ne fait que deux ans d'écart.

— Certainement un pont infranchissable, affirme-t-il, le plus sérieusement au monde, si bien que je m'esclaffe.

Il s'éloigne et rejoint sa manageuse. J'en profite pour l'observer à la dérobée. Il est très grand, plus que Luke, qui fait déjà plus d'un mètre quatre-vingt. Freddie doit faire un peu plus d'un mètre quatre-vingt-dix. Je sirote ma boisson et grignote mon sandwich, les yeux rivés sur la ville, que je surplombe. Les rayons du soleil se réfléchissent sur les fenêtres avoisinantes, plongeant la ville dans un froid solaire.

— Alors comme ça, tu viens de France ? me hèle poliment Kit. Jay m'a dit que tu venais de Sainte-Cécile.

Je sursaute, oubliant momentanément où je suis.

— Pardon, se moque-t-il, je ne voulais pas t'effrayer.

— Ça m'arrive souvent.

— Quoi, de venir de France ? C'est loin, quand même.

Un petit rire franchit ma bouche.

— A qui le dis-tu ! En tout cas, il a tout bon, je viens bien de Sainte-Cécile. Comme Alice, dis-je en désignant d'un mouvement de la main ma meilleure amie en pleine discussion avec Luke et notre manager.

— J'ai cru comprendre.

— Et toi ? retourné-je, d'un ton poli.

— Moi ? Je le saurais si j'étais de Sainte-Cécile. Non, moi, j'étais dans les Cornouailles.

— J'ai lu un livre qui se déroulait là-bas, lâché-je, sans réfléchir.

Kit me jette une note de musique amusée.

— Et ? claironne-t-il.

— Je ne sais pas, ça avait l'air joli jusqu'à ce que la chasseuse d'ombres et le sorcier se fassent prendre et qu'elle se fasse torturer. Et quand il l'a ramenée à la vie, elle a tué un de mes personnages préférés.

— Quelle histoire joyeuse ! commente-t-il.

Il poursuit, avant que je ne puisse lui demander s'il aime lire :

— Qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ? Comment tu vois ton avenir ?

— Dans les partitions. Mais à plein temps, cette fois. J'espère ne jamais remettre les pieds à l'université, confié-je sous son regard inquisiteur.

Mon cœur pulse à toute allure dans ma poitrine. Prononcer ces paroles à haute voix est terrifiant.

— Je te comprends. Moi aussi j'étais heureux de ne plus y aller. Tu étudiais quoi ?

— La littérature.

Il se tape le front de la paume de sa main.

— Bien-sûr.

— Et toi ? demandé-je, alors qu'il commence doucement à reculer.

— Science de la terre.

Puis, un sourire rassurant étire ses traits, jusqu'à atteindre ses yeux foncés qui se teinte d'une lueur encourageante. (Si Alice était là, elle serait morte de fangirling.)

— Ne t'inquiète pas, les gens de Sainte-Cécile s'en sortent tous très bien.

Il termine sa phrase d'un hochement de tête avant de retourner avec les autres, me laissant en plan. Je ne sais pas ce que je suis censée faire. Je me sens toute étourdie, et ce n'est pas seulement à cause du champagne : nous avons signé un contrat ! C'est officiel, je suis chanteuse, guitariste, pianiste et parolière. Je réprime mon envie de sautiller partout comme une fée.

Techniquement, je le suis depuis des années. Mais cette fois, c'est d'un point de vue professionnel.

Je ne décèle pas de changement en moi, si ce n'est une joie rayonnante et une impatience frétillante. Peut-être que le changement s'effectuera plus tard. Je n'ai pas encore conscience d'avoir atteint mon objectif.

— Ah, la France, Paris, la Tour Eiffel ! m'accoste le dernier membre de Dark Fate.

Je me tourne vers Jay, qui a l'air d'être de très bonne humeur. Je ne me trompais pas lorsque j'affirmais que c'était lui qui souriait le plus : les pattes d'oie autour de ses yeux ressemblent à des traînées de comètes.

— En fait, il y a Paris et le reste de la France, je réponds, amusée.

— C'est que me disent tous les français que je croise. Tu viens d'où ?

Il parle d'un ton jovial, comme si tout était amusant. Un peu comme John. (D'ailleurs, n'aurons-nous pas besoin d'un photographe de temps en temps ? On pourrait lui demander de l'aide !)

— De Lyon.

— Ah. Ça ne me dit rien. C'est près de l'Allemagne ?

— Non, dis-je en riant. Ça, c'est Strasbourg.

— Sans doute. Comment vous vous êtes connus, tous les cinq ? reprend-il, l'air plus sérieux.

— Alice était ma coloc', expliqué-je. Et Luke, Caitlin et Mike, c'était en voyage scolaire. Mike était mon correspondant.

— Oh, je vois. Moi, je prenais des cours de violon avec Kit. Et on a posté des annonces stipulant qu'on cherchait un chanteur. C'est là que Freddie est tombé sur nous, raconte Jay, les yeux voilés par les souvenirs. C'est beaucoup moins cool que vous.

J'hausse les épaules.

— Sans nos lycées, nous ne nous serions jamais rencontrés tous les cinq. On a surtout eu de la chance, riposté-je, mon pessimisme de retour. Imagine si l'un de nous avait été refusé.

C'est au tour de Jay d'hausser les épaules.

— Freddie a bien été refusé par Sainte-Charlotte et ça ne l'a pas empêché de devenir chanteur.

J'ouvre grand la bouche, les yeux fixés sur les cheveux noirs de Freddie.

— Quoi ?

Jay se penche vers moi et place sa main à côté de sa bouche, un air de conspirateur sur le visage.

— C'est notre petit secret. Ne lui dis pas que je te l'ai répété, il est très sensible sur ce point, chuchote-t-il.

— Je vois, commenté-je, les yeux toujours rivés sur le chanteur.

Il est en pleine discussion avec Luke. Au vue de la mine intéressée de ce dernier, ils doivent échanger autour d'un sujet enrichissant.

— En tout cas, j'ai hâte d'écouter vos prochaines démos. Peut-être que nous serons amenés à collaborer, qui sait ?

🎶🎶🎶

Nous passons la première après-midi dans le salon de notre maison à débriefer avec Mathieu. Nous réfléchissons à un thème pour notre prochain EP.

—  En fait, finit par conclure Mike, le mieux serait de faire comme on a fait la dernière fois et de voir quelles chansons peuvent bien s'accorder.

— Tu veux dire qu'il vous faut un fil conducteur, l'interrompt Mathieu. Je vois. Votre premier EP s'intitule Dans le vent et a des sonorités automnales. Il a sa propre identité, ce qui est excellent. Il faudrait recommencer avec celui-là. Peut-être que vous pourriez vous baser sur des éléments ? L'eau, le feu, la terre, suggère-t-il. Avec le vent, vous avez pu parler de la nostalgie.

— C'était mon idée, rappelle fièrement Luke.

— Et elle était excellente.

— C'est aussi ce qu'a dit Freddie, se félicite-t-il.

— Injuste que ce soit toi qui lui ai parlé le plus, bougonne Mike.

— Ne te plains pas, Mickey. Toi au moins, il ne t'a pas pris pour un fan ! glousse Caitlin.

— C'est vrai, renchérit Alice. Si je n'avais pas été autant subjuguée, j'aurais hurlé de rire.

— Une chance pour moi qu'il t'ait ôté la parole en s'approchant, commenté-je, maussade. J'ai l'air si enfantine que ça ?

— Franchement, oui.

— Merci, Luke.

Mathieu toussote.

— On peut revenir aux choses sérieuses ? J'aimerais savoir quand est-ce que je dois vous réserver un studio d'enregistrement.

— Pas avant qu'on sache quoi enregistrer et comment l'enregistrer. Avec quels instruments, etc, précise Mike. Si vous avez des chansons qui vous plaisent bien, vous nous les présenterez demain et on avisera.

— Ça me paraît être un bon plan, acquiescé-je, déjà tournée vers mes pensées.

Je sais déjà quel texte je vais chanter et proposer. Peut-être que Luke pourra m'aider à lui trouver un titre.

🎶🎶🎶

Hello ! Comment allez-vous ?

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Que pensez-vous des trois membres de Dark Fate ?

N'hésitez pas à me laisser un commentaire, ça me ferait très plaisir 🧡

On se retrouve vendredi 21 juillet pour le chapitre suivant !

Prenez soin de vous !

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