Chapitre 4

– Pile à l'heure !
– Je suis toujours ponctuelle, dis-je en souriant.

J'embrassais Lucas sur les deux joues avant de m'asseoir à côté de lui sur le banc. La surface de la rivière, face à nous, ondulait légèrement sous la brise.

– J'étais sûr que tu allais venir.
– Comme si j'allais louper une occasion de te voir !

Il sourit à ma phrase.

– Donc si je me rappelle bien la soirée d'hier, tu m'as clairement dit que tu ne voulais être que mon amie.
– Juste amis. Autant que ça reste comme ça pour le moment, dis-je.
– Tu m'expliqueras, un jour ?
– Certainement. Ou peut-être pas, on verra bien, répondis-je simplement.
– C'est à toi de décider si tu en as envie ou pas. Mais sache que j'ai hâte de connaître cette histoire. Et d'en savoir plus sur toi et ton passé.
– Ce n'est pas si excitant que ça, au contraire...
– Je voudrais quand même l'entendre un jour ou l'autre, si tu le veux bien sûr. Même si c'est horrible.
– À tes risques et périls. Ça ne sera pas beau à entendre.
– Je prendrais ce risque quand même. Je suis sûr que ça en vaut la peine. Et puis ça nous permettra de nous connaître un peu plus.

Je souris à mon tour, heureuse d'être avec lui en ce moment. J'avais moi aussi envie de le connaître un peu plus, maintenant que nous étions amis, mais sans aller trop loin bien entendu. Une simple danse a suffi pour que nous nous rapprochions, et une deuxième a scellé en quelque sorte notre amitié.

Je mis ma main devant ma bouche pour étouffer un bâillement, et Lucas esquissa un sourire moqueur.

– Tu m'as l'air bien réveillée, ironisa-t-il.
– Disons que je n'ai pas l'habitude de faire la fête jusqu'à je ne sais quelle heure du mat'.
– Pourtant tu étais encore en pleine forme ce matin quand je t'ai ramenée chez toi.
– Alors c'est parce que je n'ai pas assez dormi. Même si j'étais épuisée, j'ai eu du mal à trouver le sommeil.
– Peut-être à cause du stress ? Supposa-t-il.
– Pour quoi est-ce que j'aurais stressé ?
– Parce qu'on allait se revoir et que tu attendais ce rendez-vous avec impatience ?
– Je ne stresse jamais pour des choses comme ça ! Et ne crois pas que je viens seulement pour te voir, ajoutai-je en lui tirant la langue avec malice.

Malgré le fait que nous ne nous connaissions que depuis quelques heures, une grande complicité s'était déjà installée entre nous. Nous prenions un malin plaisir à nous embêter mutuellement, comme lorsque nous étions dans sa voiture pour rentrer chez nous après la soirée. Tessa et Capucine ayant trop bu pour rentrer chez elles, elles avaient dormi chez Manon et Lucas avait proposé de me ramener, ce que j'avais accepté sans réticence. Lui n'avait pas bu de toute la soirée, comme moi, et je n'avais aucune envie de rester dormir dans la maison, entourée d'adolescents bourrés.

– Tu es venue pour admirer le joli paysage alors ?

Le ciel était couvert de nuages gris qui se fonçaient, l'eau de la rivière ressemblait à de la boue et l'herbe était devenue jaune à cause de la chaleur intense qui s'était installée dans la ville. Le décor parfait.

– Peut-être. Ou simplement pour discuter de tout et de rien, répondis-je en haussant les épaules.

En réalité, je ne savais pas vraiment pourquoi j'étais venue. Il existait des milliers de raisons différentes, et je ne voyais pas laquelle pouvait convenir. Mais ce n'était pas très important, au final.

Je regardais la fine montre que je portais au poignet, comme pour détendre l'atmosphère pesante et le silence qui s'était installé entre nous. Nous avions peu de choses à nous dire, vu que l'on se connaissait à peine, mais en même temps nous souhaitions tout nous dire. Le vide qui résultait de cette réflexion sur un sujet dont nous pourrions parler me semblait plus que lourd, et je décidais donc de briser la glace en voyant l'heure qu'il était.

– Bon, je ne vais pas tarder à rentrer chez moi. J'ai pas mal de choses à faire. Mais avant, je voudrais te proposer quelque chose, qui pourrait être assez amusant pour nous, annonçai-je suite à l'idée qui m'était venue en tête.
– Qu'est-ce que c'est ?
– Ça te dirait de faire semblant de sortir avec moi ?

Je ne savais pas pourquoi cette idée insensée avait traversé mon esprit, et je ne savais pas non plus quelles conséquences elle pouvait avoir. Malgré ma réticence intérieure, je sentais que cette folle aventure allait être plus qu'amusante et me permettrait de rigoler un peu. Je tentais le tout pour le tout, tout en me demandant comment mon nouvel ami allait réagir.

Ma question sembla le surprendre au plus haut point pendant quelques instants, mais il afficha rapidement un sourire rempli de malice.

– Pourquoi pas ? Ça pourrait être drôle !
– Tessa et Capucine savent qu'on est rentrés ensemble après la soirée et je ne leur ai rien dit depuis, donc je pense qu'elles vont se poser beaucoup de questions, expliquai-je. On pourrait jouer sur ça.
– C'est une très bonne idée ! J'ai hâte de voir la tête que vont faire les autres lycéens quand ils vont l'apprendre.
– Pareil ! Par contre, pas de baiser ou choses du genre, d'accord ? le prévins-je en me mordant la lèvre inférieure.
– Ça me va. Se tenir la main n'est pas interdit au moins ?
– Oui mais sans plus.

Il acquiesça, comprenant tout à fait ma décision, puis il y eut un petit silence qu'il brisa rapidement :

– Je te raccompagne ?
– Avec plaisir.

Lucas me prit délicatement la main, sous mon regard légèrement inquiet en pensant à ce que ce plan pourrait engendrer, et nous partîmes ensemble vers ma rue, à peine à cinq minutes de l'endroit où nous nous étions installés. Ce jeu allait être plus qu'amusant pour nous deux, et cela renforçait notre complicité. Nous allions bien nous marrer, en faisant croire aux autres ce que je ne voulais pas depuis plusieurs mois maintenant – surtout à mes deux amies. Nous étions devenus en très peu de temps inséparables, comme les meilleurs amis du monde. Nous étions semblables sur plusieurs points, avec surtout le même humour et les mêmes idées. Le couple parfait à première vue. Sauf qu'il n'existait pas réellement. 

Main dans la main, nous parcourûmes les rues quasiment désertes à la limite de la ville, sans échanger un seul mot. Le bonheur était là, juste à côté de moi, et même s'il n'était pas réel je me sentais bien. Il me permettait de rejeter à nouveau mon passé et de penser à mon avenir.

Soudain, ce fut comme si j'avais une vision d'horreur. Il était là. Juste sous mes yeux. À m'observer d'un regard vide. Un fantôme. Mon fantôme. Celui que je redoutais plus que tout de revoir. Lui. Il était revenu. Pour mon plus grand malheur, au mauvais moment. Il m'avait retrouvée, certainement traquée depuis mon départ de mon ancienne ville. Et il allait sûrement recommencer.

Pour la seconde fois depuis plusieurs mois, je sentis les larmes me monter aux yeux et les souvenirs affluer en masse, plus forts que jamais. Ma vue se brouillait, ma respiration s'accélérait et mon corps tout entier se mettait à trembler. Je lâchais la main de Lucas sans m'en rendre compte. Puis plus rien. Le vide et l'obscurité m'enveloppèrent.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top