Chapitre 10
Tessa et Capucine me rejoignirent avec leurs plateaux chargés de nourriture, juste au moment où je chuchotais quelque chose à Lucas à propos de notre fausse relation. Les filles s'installèrent à côté de nous et demandèrent immédiatement :
– De quoi est-ce que vous parliez ?
– Des cours, répondit Lucas en mentant magnifiquement bien. Et du fait que plus le temps passe, plus les profs eux-même deviennent ennuyants.
– Vous avez parfaitement raison, admit Tessa en soupirant. J'ai la même impression...
– Heureusement qu'on est quasiment à la fin de l'année ! s'exclama Capucine. Plus que quelques mois et on sera enfin libre.
– Mais avant, il y a le bac, ajoutai-je.
Ma remarque eut pour effet de faire afficher une mine déconfite sur le visage de mes trois amis. Aucun de nous n'avait envie de penser à ce qui nous attendait à la fin de l'année, et surtout pas en ce moment, où tout le monde commençait à décrocher un peu au niveau des résultats et à trouver les cours de moins en moins intéressants.
– Ne m'en parle même pas, maugréa Tessa. Je préfère ne pas y penser.
– Pareil, dit Capucine avec un air pincé.
Je faillis éclater de rire en voyant la tête qu'elles faisaient, mais je me retins de justesse. Le bac approchait, certes, mais ce n'était qu'une aventure de plus dans notre vie – même si c'était difficile, je le savais. Une aventure qui allait en diviser certains et en réunir d'autres, créer de la joie, du stress ou bien des crises de larmes. Comme chaque événement de notre vie, nous ne pouvions pas savoir ce qui nous attendait derrière, alors nous appréhendions.
Nous mangeâmes en silence malgré le bruit qui régnait dans le self, puis nous partîmes du bâtiment. Je tenais la main de Lucas, comme ce matin, fidèle à notre plan. Nous avions une heure de pause en plus de celle du déjeuner, donc nous allâmes nous installer dans le parc du lycée.
Une fois assis dans l'herbe, je m'allongeais en posant ma tête sur les genoux de Lucas, pendant que lui jouait avec mes cheveux. Un petit couple parfait, en apparence. Mes deux amies avaient l'air convaincues par notre petit jeu, et cela m'allait parfaitement. Si ça marchait avec elles, le lycée tout entier pourra nous croire sans hésiter.
Nous passâmes une heure dans le parc, allongés sur l'herbe, sous le grand soleil de ce début de printemps, à parler de tout et de rien. Capucine et Tessa passaient de sujet en sujet sans se lasser, et nous répondîmes comme nous le pouvions aux questions qu'elle nous posaient – beaucoup concernaient notre relation, mais nous parvenions à nous accorder sur nos mensonges sans nous dire quoi que ce soit. Si nous continuions comme ça, tout le monde allait vraiment croire à notre histoire et ça allait être sacrément drôle !
L'heure passa bien trop rapidement à notre goût et je quittais Lucas pour retourner en cours, pendant que lui avait encore une heure de pause avant d'y aller aussi. J'avais hâte d'être à ce soir, quand il m'attendrait devant le lycée pour m'accompagner jusqu'à chez moi. Au moins, c'était un des moments où nous pourrions parler tranquillement, sans être constamment dérangés par mes deux amies et leur curiosité sans limite.
Pendant le cours de philosophie, je tâchais d'être attentive au maximum. L'histoire-géographie de ce matin allait être longue à rattraper... Autant que je reste concentrée autant que je le pouvais pour ne pas avoir trop de pages à recopier ce soir. Je repoussais toutes les pensées qui essayaient de me faire rêvasser une nouvelle fois, avec plus de succès que ce matin.
Le professeur, une femme d'âge mûr aux tenues parfois excentriques, se baladait entre les tables en débitant son cours. Elle répétait plusieurs fois les mêmes choses en faisant de grands gestes à chaque fois, ce qui me permettait de noter largement tout ce qu'elle disait. Une bonne partie des élèves bavardaient, voire dormaient, et seuls quelques-uns écrivaient encore quelques phrases du coup sur leurs cahiers.
Tessa et Capucine étaient à nouveau en grande conversation, juste derrière moi. J'étais seule à ma table, pour une fois, et je n'allais pas m'en plaindre. Les deux pipelettes arrêtèrent soudainement de parler quand le professeur passa juste à côté d'elles et firent semblant de prendre quelques notes avant de bavarder à nouveau.
Même si je ne les connaissait que depuis quelques mois, je savais à quel point elles adoraient parler. Au début, j'ai cru qu'elles ne faisaient que cela et qu'il était impossible de les arrêter. Maintenant, vu que j'étais habituée, je n'y prêtais plus attention sauf quand je n'écoutais pas le cours – ce qui m'arrivait rarement.
Le professeur haussa le ton en voyant soudainement que beaucoup d'élèves n'écoutaient pas un mot de ce qu'elle disait, et cela me fit sursauter légèrement. Je me disputais intérieurement pour cette divagation et tâchais de me concentrer à nouveau. En plus, on étudiait une notion du programme que j'avais attendue avec impatience, alors il ne fallait certainement pas que j'en rate une miette !
Finalement, ces deux heures de philosophie passèrent à la vitesse de l'éclair ! J'étais tellement concentrée sur ce que disait le professeur que je me rendis compte que la sonnerie avait retentit seulement quand tous les élèves se levèrent d'un bond pour se ruer hors de la salle.
Je secouais la tête, désespérée par leur comportement. Je ne voyais pas à quoi cela servait de partir comme des fusées du bâtiment rien que pour monter dans leur bus ou rejoindre des amis. Personnellement, je pris tout mon temps pour ranger mes affaires, sous le regard bienveillant de la seule personne qui était encore avec moi dans la pièce.
– Je ne vous ai pas vue à mon cours de la veille, mademoiselle Milton, me dit mon professeur juste avant que je ne sorte de la salle.
– Je vais bien, ne vous en faites pas, répondis-je avec un léger sourire pour la rassurer. Je ne me sentais pas très bien et j'ai préféré me reposer.
Mon professeur acquiesça. Ce n'était pas pour rien que cette femme était le professeur principal de notre classe ! Elle m'appréciait particulièrement, notamment pour mon investissement et mon attention dans tous les cours. Elle avait certainement dû s'inquiéter pour moi, étant donné que je n'étais pas souvent absente et que j'étais arrivée plus d'un mois après le début des cours.
Gardant mon sourire accroché sur mes lèvres, je sortis de la salle, mon sac sur l'épaule. Je repensais à tout ce que j'avais appris pendant ce cours, qui était l'un de mes préférés de ma filière, tout en marchant à un rythme soutenu. Distraite, je me cognais parfois contre quelques personnes qui passaient à côté de moi et qui me lançaient souvent un regard noir. Je me contentais de les dévisager quelques instants sans pour autant m'arrêter, continuant mon trajet jusqu'au portail du lycée.
Depuis l'endroit où j'étais, je voyais Lucas qui m'attendait, adossé contre le muret qui délimitait l'enceinte du lycée. Il semblait à la fois content de me voir arriver vers lui, mais je perçus une pointe d'inquiétude dans son regard. Certains de ses traits étaient crispés, comme s'il réfléchissait à quelque chose d'important – je l'avais déjà vu faire cette tête la veille, lors de mon long récit, et aussi lorsque nous avions ensuite discuté pendant plusieurs heures.
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