45 - Je sais qui tu es

Le lendemain...

Point de vue Katsuki



Finalement la France c'est pas si mal, surtout la Provence. Y'a plus de liberté ici qu'au Japon en tout cas, et même après des années de voyage je suis toujours étonné du changement de vie entre les pays. Les français râlent souvent je l'ai remarqué et ont plus de caractère aussi. Tout le monde est différent, dit ce qu'il pense et fait ce qu'il veut quand il veut, même de refuser de bosser après 21h.

Je crois que je suis pas né dans le bon pays...

- Pourquoi t'as quitté la France avant ? À part tes problèmes persos hein...

Même l'appartement de Sada est totalement différent.

<< Eh bien... J'aime mon pays plus que tout, mais je ne me suis jamais sentie à ma place ici. Regarde dehors et tu verras comment les gens se comportent entre eux. En France, la solidarité est de plus en plus rare... >>

- Hm. Tu sais le Japon n'est pas non plus tout blanc. Comme aucun pays d'ailleurs.

<< Peut être, mais le Japon m'a apporté quelque chose que je ne vois presque plus en France. >>

- De quoi ?

Elle sourit.

<< Le respect et l'honneur. >>

J'arque un sourcil. Le peu que je suis resté en France, ok y'avait des français qui m'ont cassé les couilles et d'autres où je comprenais pas leur comportement mais bon, ils savaient pas que j'étais japonais. Les français sont tellement multiculturels qu'ils ne font plus de différences avec un étranger.

Sada boit son thé du matin en regardant la neige dehors.

<< La première fois que je suis arrivée au Japon, j'ai fondu en larmes à peine sortie de l'aéroport de Tokyo. Depuis l'enfance, je rêvais d'y aller un jour et il m'a fallu plus de trois jours pour réaliser que ce rêve se produisait enfin. J'ai manqué un an avant d'entrer au lycée et de tous vous rencontrer, parce que je voulais rattraper tout le retard que j'avais accumulé. Je n'avais pas beaucoup de bases en japonais et très peu de culture. Je n'ai pas cessé de sourire et de pleurer pendant ces premiers jours à me dire "ça y est, je l'ai fais, j'y suis enfin", je mourais d'envie de trouver ma place dans ce pays. Ca peut paraitre fou mais je pense que j'ai toujours senti que ma destinée était d'aller au Japon... Comme si je voulais retrouver la terre natale d'une vie antérieure. >>

- ... Sada.

<< Hum ? >>

- Depuis hier tu ne m'as jamais parlé de ta famille.

Son sourire s'efface et ses yeux se baissent. J'étais sûr que c'était aussi pour ça qu'elle préférait le Japon.

<< Pourquoi parler d'eux ? >>

- Tu as coupé les ponts avec eux ?

<< Un peu oui, depuis six mois... >>

- Pourquoi ?

<< Tu n'as pas envie de savoir... >>

- Hm, essaye toujours.

Elle parle enfin après un long silence.

<< ... J'ai appris beaucoup de choses depuis cinq ans. Même si je voulais te présenter à ma famille, je préfère que tu ne les rencontres pas. Du côté de mon père, mes oncles et tantes sont en conflit permanent pour l'héritage de mon grand père, je n'ai même plus de contact avec la majorité de mes cousins pour te dire. Du côté de ma mère, c'est plus compliqué... Ils sont aussi déchirés que chez mon père, alors pour la faire courte, c'est une famille éclatée en plusieurs clans. >>

- Et tes parents ?

<< Pff... Devant toi ils feront bonne figure, mais tu n'as pas vécu avec eux pour voir leurs vrais visages. Ils sont braves et m'ont élevé avec mes deux frères, mais ils ont tous un problème dans cette famille. Mon père vieillit mal et devient misogyne, ma mère ne contrôle pas ses crises de colère et devient maniaque, et mes frères sont un peu individualistes. Disons que je n'ai pas vraiment de conversation avec eux, à chacun ses problèmes tu vois. Pourtant, pendant les repas de famille, l'ambiance est chaleureuse mais en dehors des fêtes, crois moi que t'as plutôt envie de fuir. >>

Mais c'est quoi cette famille de timbrés ?? Faut pas s'étonner pourquoi Sada est tombée en dépression !

- ... Tu es venue au Japon pour les fuir aussi hein ?

Elle hoche la tête, un peu dubitative.

<< Si on veut oui... Comme je te l'ai dis, je voulais trouver la paix. >>

- Bah ça se comprend là.

<< Pour te dire toute la vérité, je n'ai jamais pleuré dans les bras de mes parents quand j'allais mal. Je me cachais pour pleurer... >>

- Pourquoi ?

<< Que ce soit mon père ou ma mère, ils ne me parlent sur un ton mielleux que quand ils me demandent un service. Quand je pleurais toute seule dans ma chambre, ils me demandaient ce qui n'allait pas sur un ton agacé du genre "qu'est-ce que t'as encore", ou alors "oh c'est bon tu vas pas pleurer pour ça". >>

- Ouais en gros l'affection ils connaissent pas quoi.

<< En fait dans les deux familles ils n'ont pas non plus reçu d'affection de la part de leurs parents, ils ont été élevé à la stricte. >>

- C'est pas une excuse Sada. Tu t'es isolée et ils sont aussi responsables.

<< Tu comprends pourquoi j'ai coupé les ponts avec eux alors... >>

Je soupire et la tire vers moi pour l'enlacer. Elle a grandi toute seule, maintenant je me rends compte à quel point elle était vraiment seule toute sa vie. On lui demandait toujours de faire des efforts, mais personne n'a fait l'effort de la comprendre ou d'écouter son silence. S'ils se préoccupaient vraiment d'elle, ils auraient dû comprendre ce qu'elle endurait.

Quelqu'un qui souffre d'isolement n'est jamais le plus stable.


Pourtant Sada n'est pas née dans une famille si médiocre. On a passé la matinée à discuter d'elle et de ses origines et j'ai appris que sa famille du côté maternel était issu de petite bourgeoisie, et des origines espagnoles et italiennes du côté paternel. Elle m'a parlé de la France et de son histoire dans les grandes lignes, moi je l'écoutais sans l'interrompre, le temps de la regarder sourire quand elle m'en parle.

<< Hum... Dis le si je parle trop. >>

- ... T'as vraiment pas changé.

<< Comment ça ? >>

- J'ai l'impression que tu es partie hier. En cinq ans tu es toujours restée la même.

<< Et... Ce n'est pas ce que tu voulais...? >>

- Si. Autrement j'aurais pas fais tout ce voyage jusqu'à toi.

Elle sourit et baisse la tête.

- ... Ma mère veut te rencontrer d'ailleurs.

<< Hein ??? >>

- Elle sait pour nous deux et... ce qui est arrivé.

<< Oh... Je ne sais pas si je m'en sens capable tout de suite. >>

J'hausse les épaules.

- On verra bien c'est pas pressant. Elle t'a jamais vu mais je crois qu'elle t'aime déjà. C'est moi qu'elle veut plus voir.

<< Pourquoi ?? >>

- Parce que je t'ai pas retenu il y a cinq ans.

Elle se décompose et je la connais trop pour savoir qu'elle culpabilise facilement.

- Elle m'a limite "ordonné" de te retrouver et te ramener au Japon... Si tu le veux toujours.

<< Bien sûr que je veux rentrer et je serais ravie de pouvoir discuter avec tes parents ! Mais je... J'ai encore du mal à cause du bébé Katsuki... >>

- Hé. Toi tu as survécu et c'est le plus important pour moi. On aura qu'à réessayer et correctement cette fois, mais peu importe la situation je veux plus que tu me caches des choses.

<< Mais je le voulais ce bébé... J'avais déjà pensé à lui donner un nom quand j'allais savoir son sexe, je m'étais déjà imaginée le tenir dans mes bras et c'est arrivé si vite... Au début je ne savais pas comment te l'annoncer et j'avais peur de t'enchainer à vie. En plus de ton accident, j'ai préféré ne pas t'en parler pour le moment, au moins le temps que tu reprennes tes esprits. Seulement voilà... Je n'avais pas prévu de m'y attacher aussi vite alors que j'étais à avorter avec ton accord. >>

- "M'enchainer"... Je le vois pas de cet oeil tu sais.

<< Eh ? >>

- Ok avoir un gosse c'est faire des sacrifices, mais c'est pas une fin en soi. J'ai réfléchi pendant cinq ans et j'ai essayé d'oublier, mais Sada...

Je baisse la tête pour fuir son regard, pourquoi c'est autant compliqué de le dire franchement ?!

- J'en suis sûr maintenant et... Si t'avais pas eu cette fausse couche j'aurais accepté de le garder. Pas pour toi ou te faire plaisir, parce que j'estime avoir la maturité et les épaules assez solides pour assumer un gamin. Avec moi et tu le sais, c'est tout ou rien. J'ai choisi le tout.

<< C'est... ta façon de dire que... >>

- Que c'est avec toi et personne d'autre que je veux partager ma vie-- Pourquoi tu pleures ?!

<< Désolé ! >>

Putain mais qu'est-ce que j'ai dis encore ?! Elle essuie ses larmes avant de sourire.

<< En fait... >>

- Hein ?

<< Je crois que la seule chose qui me rend vraiment heureuse, c'est de t'entendre prononcer ces paroles... Tu as dis plus de belles choses que ma propre famille et peu de personnes m'ont avoué vouloir rester à mes côtés... Alors quand tu me dis tout ça, je peux pas m'empêcher de pleurer... >>

Elle sait que je suis toujours sincère. Tout ce que je dis, je le pense vraiment. J'étais déjà sûr de ce que je voulais avant, même avec du recul mes ambitions n'ont pas changé. Sada est unique, elle est plus forte qu'elle le pense et plus imprévisible que moi. Elle ne regardait juste pas ce qu'elle avait accompli pendant des années, j'ai l'impression qu'elle s'interdit toute reconnaissance. Pour pas avoir la grosse tête ? Aussi empathique qu'elle, prendre la grosse tête ? J'y crois pas du tout. Même si elle voulait être la pire des ordures ce serait impossible, parce qu'elle a cette part d'humanité si rare à nos jours. Avec tous les efforts du monde, elle ne pourra jamais basculer du mauvais côté et c'est justement sa force.

- ... Sada. Mes sentiments pour toi n'ont jamais changé. Moi je sais qui tu es à l'intérieur.

J'essuie ses larmes et décale ses mèches de son visage. Sous un certain angle de la lumière, ses yeux ont des reflets presque arc en ciel.

- Tu es bienveillante et tu as le sens du sacrifice, plutôt que de te laisser influencer par n'importe quel moyen de te faire sombrer. Tu veux rester la même quitte à en souffrir encore plus, c'est pour ça que tu hais le monde. Parce que ce monde là n'aime pas les gens comme toi. Des gens "entiers" qui préfèrent donner toute leur personne à celles qu'ils aiment. Tu n'aimes pas mentir sur tes émotions et n'es pas du genre à réclamer de l'amour à n'importe qui pour te sentir mieux. Tu n'es pas hypocrite non plus, tu ne sers pas des gens qui te valoriser. C'est plutôt le contraire, tu cherches tout le temps à valoriser les autres pour les voir être heureux à ta place, mais et toi ? Tu aimes aider les autres à réussir mais qui te tend la main ? Tu te caches et tu fuis pour masquer tes faiblesses, mais la page à tourné Sada. Tu crois pas qu'il serait temps de t'imposer pour te faire une place ?

<< Katsuki... >>

- Tout ce que je te dis, personne ne te l'a dit pas vrai ? Personne ne le voit. J'ai compris maintenant. Si les autres sont trop aveugles pour te voir, tu peux rien y faire. Avance sans te retourner, je t'aiderai si tu veux, mais faut que tu brises tes chaines pour de bon. J'ai pas envie de te retrouver dans le même état qu'autrefois, et encore moins de te sauver parce que tu es à bout.

J'ai pas envie de la revoir se mutiler dans tous les sens du terme...

<< Katsuki... Tu as fais tout ce voyage pour moi... Personne n'en a jamais fait autant... >>

Sans me laisser répondre elle se jette sur moi pour me galocher-- et moi je me sens glisser de ma chaise et me péter la gueule ! Mais Sada ne recule pas pour autant et veut plus me lâcher !

. . .

Oh puis merde, cette meuf est à moi.



À suivre...

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