4 - La main tendue
Point de vue Katsuki
Ca fait deux heures que j'attends dans les couloirs de l'hôpital et ma seule distraction c'est de regarder mon genou sautiller comme un drogué en manque. Shirosaki se repose dans la chambre juste en face de moi.
Une vrai furie tout à l'heure... C'est quoi son problème, sérieux ?
Je me doutais qu'elle était chelou mais à ce point c'est flippant, si je l'avais pas retenu elle se serai scarifiée la tronche et coupée la langue. Quand l'ambulance est arrivée il a fallu la tenir à trois pour l'embarquer, mais alors pour la calmer c'était spectaculaire. Elle m'a griffé le bras, elle se prenait pour une lionne ou quoi ?!
<< Vous êtes de la famille ? >>
Je me lève en voyant le doc revenir avec les analyses.
- Un "ami" plutôt. Alors ?
<< Hm... Son état s'est stabilisé, les infirmières ont dû la sédater. Dites moi, est-ce qu'elle a déjà présenté des troubles psychologiques par le passé ? >>
- Pas que je sache.
<< Contracté une maladie ? Une greffe ? >>
- Je sais pas.
<< Vous ne savez pas non plus si elle a subi un traumatisme ? >>
- Bah non, pourquoi ? Elle a pas juste un trouble du comportement ?
<< Ces crises ne se déclenchent pas sans raison. Qu'est-ce qui s'est passé avant ça ? >>
Ca va être encore de ma faute...
- On s'est engueulés et elle a crié d'un coup et voilà.
<< Est-ce qu'elle a dit quelque chose d'étrange ? >>
Je réfléchis en me remémorant la scène avant de me rappeler d'un truc qui m'a perturbé.
<< Pourquoi m'avoir sauvé...? >>
<< T'es conne ou quoi ?Comme si j'allais te laisser te faire percuter. >>
<< Mais tu pouvais... >>
Je crois que je commence à comprendre... C'est pourtant clair, faut pas être con pour pas s'en rendre compte !!
- Elle m'a clairement sous entendu de la laisser se faire écraser sur la route...
<< ... Je ne peux donner un diagnostic exact, mais si Mademoiselle a des tendances suicidaires, elle peut souffrir d'une dépression majeure et si c'est le cas il vaut mieux traiter ça rapidement avant qu'elle ne commette l'irréparable. Vous avez bien réagi en l'empêchant d'être seule. >>
En vrai, je m'en doutais mais ça fout toujours un coup d'entendre la confirmation. J'ai pas d'empathie pour cette idiote, mais je me rends compte que j'aurais pu avoir une mort sur la conscience. Pire sensation au monde putain...
Le doc me donne les documents de Shirosaki, je suis censé faire quoi avec ça ??
<< Essayez de la convaincre de consulter un spécialiste, elle ne doit pas rester comme ça. >>
- Heu et sinon elle risque quoi ?
<< La dépression touche principalement le cerveau, en particulier la zone émotionnelle. Ca peut être à l'origine d'une extrême fatigue physique et mentale, des crises de colère ou de larmes, de pertes de mémoires ou de concentration et un dysfonctionnement du système limbique, plus communément appelé "cerveau émotionnel". Mais les symptômes varient selon les personnes malades. >>
Et comment convaincre un dépressif hein ?! Comme si j'avais que ça à foutre !!
Tch... Et sa famille, ils font rien pour l'aider ?! Pourquoi c'est à moi de me taper le boulet ?!
En rentrant chez moi, je passe ma soirée devant mon pc à faire des recherches sur les différents traitements et les démarches à employer contre la dépression. J'ai gardé les analyses de Shirosaki pour avoir plus de précisions, et j'en ai conclu que tout ça, c'est pas un truc qui se déclenche du jour au lendemain mais sur le long terme. Ce qui veut donc dire que ç'a démarré approximativement au début du lycée, si je calcule le temps d'évolution de cette merde jusqu'au stade finale.
Elle était déjà malade à l'époque et en est déjà à la phase finale... Les traitements risquent d'être longs et coûteux avant de faire effet, c'est ça le problème. Pourquoi elle s'est jamais soignée ?
- Qu'est-ce qui t'est arrivé à cette époque...
Je me frotte les yeux en reculant de l'écran et regarde l'heure. En plus de ça j'ai des fiches à faire... Si je loupe mon année à cause d'elle j'en fais du hachis.
J'attrape ensuite mon tel et commence à écrire sur le groupe.
[Les gars,
J'ai trouvé Shirosaki mais problème.
Faut qu'on parle.]
Pour une fois j'y arriverai pas seul, peut être que si tout le monde est au courant ils pourront la convaincre de se faire soigner. Après tout ce sont ses potes non ?
Attends...
Au moment d'envoyer le message, je réfléchis sur les conséquences de ce que je m'apprête à faire. Pendant des années, Shirosaki a caché sa maladie. Elle voulait pas que ça se sache et j'en déduis que c'est pour ça qu'elle est partie, donc si j'en parle aux autres, non seulement ça va pas aider à la convaincre et en plus elle risquera de faire un vraie connerie la prochaine fois. Ou alors elle fuira.
J'efface le message et éteins le portable. Mieux vaut éviter de remuer le couteau dans la plaie, je l'ai assez vu péter les plombs.
Le résultat revient au même, je vais devoir me démerder-- MAIS JE SUIS PAS PSY MOI !!!
Le lundi suivant, la routine matinale à la fac, sauf que cette fois je m'assure que Shirosaki est revenue en cours. Elle est censée être sortie de l'hosto y'a deux jours. J'attends à ma place et scrute chaque étudiant qui arrive, mais toujours rien.
Puis je sursaute à un coup de coude à ma gauche.
<< Salut, je peux m'asseoir ici ? chuchote je-sais-pas-qui. >>
- ... Hm. On se connait ?
<< Heu non. Y'a juste plus de place au fond de l'amphi et puis j'aime bien les gens qui se démarquent... >>
Je lui lance un regard en coin. Elle est chelou aussi elle...
<< Avec ta tignasse c'est dur de t'louper, rit-elle. >>
- Tu tiens à crever toi ? Si c'est un plan de drague à deux balles j'te le dis de suite redescends d'un cran l'albinos.
<< Heu te prends pas pour une bombe non plus mon gars, pour dire la vérité je suis lesbienne alors range tes crocs. >>
- Oh la ferme...
Je l'aime pas du tout celle là. Finalement y'a pire que Shirosaki...
En parlant de la louve, elle se pointe ENFIN à la porte en courant pile à l'heure. Ca va alors, j'ai pas à me fatiguer de l'empêcher de se tuer encore une fois, mais je vais quand même la garder à l'oeil aujourd'hui.
Elle me regarde trois secondes avant de tourner la tête et s'asseoir vers les premières rangées des gradins. Je me doutais bien qu'elle allait m'éviter, mais c'est pas un problème ceci dit. J'ai l'intention de me contenter de l'observer de loin, pas besoin de lui taper la causette. Et pour dire quoi aussi ?
"Salut, maintenant je sais que t'es une grosse dépressive et que t'es pas capable de te démerder seule, du coup je t'ai à l'oeil à partir d'aujourd'hui."
<< Elle est canon la meuf là bas... bave l'autre abrutie à côté de moi. >>
- Mouais...
Je m'en bats les couilles.
<< Tu la connais ? >>
- Et alors ?
<< Elle est ouverte d'esprit ? >>
- T'as qu'à lui demander.
Shirosaki lesbienne... Ca se tient en vrai. Bref ça, c'est à elle d'en juger.
Shirosaki disparait de nouveau à la pause déjeuner et pour l'avoir bien observé, elle prenait aucune note du cours. Sa page est restée blanche jusqu'à la fin, mais peut être qu'elle enregistre mieux à l'écoute. Et d'un autre côté, si elle a vraiment des problèmes de concentration, donc de mémoire, ça m'étonnerait qu'elle ait retenu grand chose.
Je me suis posé sous le Saule pleureur et la regarde de loin aller et venir aux toilettes. J'ai vu sur internet que ça peut déclencher des troubles digestifs, dont la boulimie. Pour être aussi maigre, ça m'étonne pas.
<< Au fait je me suis pas présentée tout à l'heure. >>
Encore elle... Je roule des yeux.
- Tu vas pas me lâcher toi.
<< Oh ça va arrête de faire ton mec, moi je sais que t'es quelqu'un de bien. >>
- Et tu te bases sur quoi pour dire ça ?
Elle sourit et regarde Shirosaki.
<< Cette fille, tu la regardes souvent mais pas comme un dalleux. Tu cherches à l'aider n'est-ce pas ? >>
- Hein ?
Elle s'assoit en face.
<< Quand on la regarde, ça se voit qu'elle ne va pas bien. Depuis le premier jour, je la vois tout le temps seule et murée dans son coin. C'est triste mais je ne sais pas comment lui parler... Tu la connais depuis longtemps ? >>
Je sais garder un secret. Cette albinos je la connais pas, inutile de lui dire ce que je sais.
- Qu'est-ce que ça peut te faire, toi qui te présente pas au final ?
<< Je m'appelle Nour. Et toi ? >>
- Celui qui va te botter l'cul si tu dégages pas de suite de mon champ de vision, Bakugou Katsuki.
<< Voilà, j'adore ta répartie ! rit-elle. J'aime les gens audacieux comme toi ! >>
Je suis tombé dans une Fac de timbrés ou quoi...?
Je me lève d'un bond en attrapant une bouteille d'eau dans mon sac après avoir vu Shirosaki presque tomber en sortant des chiottes. Elle se tient au mur avec le teint pâle et en plein soleil, avant de sursauter en me voyant approcher.
<< Baku-- >>
Je lui laisse pas le choix de me fuir encore et chope son poignet avant de retourner sous mon arbre.
<< Lâche moi tu me fais mal...! >>
- Ferme la.
Je l'oblige à s'asseoir et lui donne la bouteille d'eau avant de me rasseoir. Evidemment elle comprend pas ce qui lui arrive, je vais quand même pas la laisser faire un malaise.
- T'as mangé ?
<< Heu... >>
Elle regarde Nour qui lui sourit, un peu perplexe.
- T'inquiète c'est juste un pot de colle albinos.
Cette dernière tchipe en me faisant un side eye.
<< Salut, moi c'est Nour. >>
Shirosaki se contente de hocher la tête en signe de respect et commence enfin à boire. Je retiens un rire.
- Le vent que tu t'es pris...
<< On t'a causé le hérisson ? >>
- Je t'emmerde. Shiro', t'as mangé oui ou merde ?
<< ... Je n'ai pas faim... >>
- Parce que tu crois que l'eau va te caler l'estomac ?
Elle baisse la tête et ce que je vais entendre va me foutre en rogne.
<< Arrête de faire semblant de m'aider... >>
Je lui jette un bento sous ses yeux, ce qui la fait sursauter. J'avais prévu une portion en plus au cas où.
- Mange. Tout de suite.
<< Bah dis donc t'es doué pour mettre les gens en confiance... tacle Nour. >>
- Ta gueule toi.
En fuyant mon regard Shirosaki ouvre la boite et regarde ce qu'elle veut manger. Elle a intérêt à profiter de la main que je lui tends parce que ce petit jeu ne va pas m'amuser bien longtemps.
- Mange tout.
<< ... Pourquoi tu fais ça... >>
Je viens de remarquer que sa voix est cassée et ses yeux n'ont aucun éclat. C'est un bleu mort. Je prenais pas le doc au sérieux quand il disait que c'était grave. J'ai l'impression d'avoir une zombie en face de moi et elle ose me demander pourquoi je fais ça ?
- Je réponds même pas à cette question stupide. Mange maintenant.
Heureusement j'ai pas besoin de me répéter et la regarde manger à sa faim. pour me confirmer d'un doute, je fouille discrètement dans son sac sous la table et comme je m'y attendais, elle n'apporte pas de bouffe avec elle ni d'eau.
Les dépressifs sont vraiment complexes à gérer...
Je soupire en sortant mon carnet de cours et lui donne.
- Recopie mes cours ce soir.
<< Que... >>
- Je sais que t'as rien écris ce matin, fais pas genre.
Forcément elle ne comprend pas comment je peux savoir tout ça. J'observe TOUT ! Nour me fusille du regard, je rêve ou elle est jalouse ?
<< Mon écriture est bien plus soignée que ce cochon, prends les miens plutôt, clash-t-elle en donnant son carnet. >>
- T'as pas des potes à aller emmerder toi ?!
<< Si, toi. >>
- D'où j'ai signé ?!
<< Dans un Death Note. >>
Je vais la tuer cette...!!! Nan nan, calme toi devant Shiro' sinon elle va encore fuir. Elle nous regarde s'embrouiller sans comprendre mais se pose visiblement pas plus de question et prends mon carnet, à la grosse déception de l'albinos. CHEH !
<< Merci... >>
- De rien.
C'est déjà un bon début...
À suivre...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top