34 - Une âme à réparer
Point de vue Katsuki
Je me réveille après 8h30, les cours ont déjà commencé depuis trente minutes et je suis encore sous la couette. Je dors pas aussi longtemps d'habitude.
Ah ouais... On l'a fait deux fois. Et putain que c'était bon...
Je sursaute en me rendant compte que je dormais tout seul et me redresse d'un bond. Les affaires de Sada sont encore là alors elle a pas dû partir comme ça. J'enfile un jogging et la cherche dans l'appartement avant d'entendre sa voix dans la salle de bain. Ma curiosité me pousse à écouter en silence.
<< Tu ne comprends pas Maman...? Je te dis que je suis en dépression, ça fait plus de dix ans que je supporte... Je n'en peux plus maintenant... >>
J'entends aussi sa mère en haut parleur.
<< Je viens de te dire que tu ne fais pas de dépression, tu es en état dépressif c'est totalement différent. >>
<< Si je te le dis c'est que j'en suis sûre... >>
<< Chérie, la dépression c'est une maladie. Tu fais juste une crise d'angoisse. >>
<< Si je te dis que j'ai tenté de me suicider tu vas encore me dire que c'est juste une crise d'angoisse ? >>
<< Hein ?? Qu'est-ce que tu as fais ?! >>
<< Nan rien allez c'est bon j'ai plus de batterie. >>
Je l'entends raccrocher sur un ton agressif puis plus rien. Sa propre famille ne la prend pas au sérieux ? Ah ouais, j'imaginais pas à quel point elle était seule, pas étonnant qu'elle pète un plomb. Je pousse un peu la porte et la retrouve assise par terre à éclater en larmes. Elle relève la tête en sentant ma présence et essuie ses yeux.
<< Je t'ai pas entendu te lever... >>
- ... Je comprends maintenant.
<< Hein ? >>
- Raconte moi.
Je m'accroupis devant elle et passe un linge froid sur ses joues, mais ses larmes continuent de couler, voire encore plus.
<< ... J'ai essayé de leur dire... Encore une fois ils pensent que c'est pas possible... "À mon âge, je devrais pas avoir autant de pensées négatives, je dois avoir de l'ambition et des rêves", mais pourquoi ils ne comprennent pas que je suis à bout ?! >>
Je la serre sans un mot.
<< À les entendre, ils ont tous de bonnes raisons d'être à bout mais les miennes ne sont jamais valides, je dois toujours être forte pour tout le monde et jamais montrer mes émotions, non évidemment je n'ai jamais de problèmes... Quand il s'agit de remarquer ma détresse, je me sens tellement seule... Je suis fatiguée depuis dix ans Katsuki ! Pourquoi ils ne comprennent pas ?! >>
- ... Les gens jugent principalement ta réaction face à leurs propos plutôt que de se demander pourquoi. Tu as grandi dans le silence je me trompe ?
Elle hoche la tête contre mon épaule. C'est bien ce que je pensais... Faire semblant d'être insensible aux remarques blessantes, refouler ses émotions sans jamais les évacuer, toujours adopter le "bon" comportement pour les autres par peur de les blesser, être invisible dans les moments surchargés... Y'a de quoi devenir fou à la fin.
<< J'aime ma famille... Mais elle ne sait rien de moi... Elle ne sait pas ce que je supporte tous les jours dans ma tête, rien qu'elle sait me reprocher de ne jamais sourire, de tout prendre à coeur, d'être exigeante, agressive, ci ou ça... Elle peut avoir des paroles réconfortantes, mais si je dois compter le nombre de compliments que j'ai entendu de leur part, je n'arriverai même pas compter jusqu'à cinq... >>
À ce point ???
- C'est toxique Sada...
<< Je sais... Mais j'ai grandi dans une famille où l'affection parentale n'est qu'une option, même pas une étreinte de la part de ma mère pour me sentir mieux... Mon père ne m'a jamais dit en face qu'il m'aimait, et tout le reste, même les amis de famille, qui me regarde avec un air de pitié... Comme si je n'étais qu'une fille complètement teubé et toujours à l'Ouest qui ne savait pas réfléchir et avoir des opinions... Ce sont les premiers à se plaindre que je n'ai aucune attache ! On ne m'a pas appris à donner de l'amour, à m'aider à forger ma carapace sur des bases saines, on m'a juste abandonné au fil des années et on ose me critiquer d'être solitaire ?! De ne jamais faire confiance à personne ?! De haïr le monde entier pour le RIEN qu'il m'apporte, rien que des traumas ?! Je veux juste vivre, pas survivre...!! >>
Sa souffrance est bien plus profonde que je l'imaginais... Cette fille, si je lui avais pas tendu la main à l'époque, je préfère même pas y penser. Sada est morte à l'intérieur, elle se laisse dépérir depuis tout ce temps. Tout ça parce que personne ne l'a aidé avant qu'il ne soit trop tard. Sa haine du monde entier est tellement compréhensible, mais tout le monde n'est pas responsable de ce qui lui est arrivé...
Je relève sa tête pour l'embrasser.
- Viens...
Je l'aide à se lever et l'emmène déjeuner. De simples paroles de consolation, c'est trop facile et en plus éphémère. Demain elle oubliera ce que j'ai à lui dire, vu son état ça serait pas étonnant. Je regarde l'heure et évidemment, trop tard pour aller en cours mais je suis pas sûr que Sada soit en état de bouger. Un jour de sèche c'est pas la mort non plus.
<< Qu'est-ce que tu fais ? >>
- Reste assise et admire.
Je vois qu'un mec qui cuisine ça impressionne vraiment... C'est pas sorcier pourtant !!! Que je sache on est au 21e siècle et les mecs cuisinent plus que les meufs !
Sada me regarde à l'oeuvre en buvant le thé encore chaud. C'est surtout mes mains qu'elle regarde.
<< On ne t'a jamais dit que tu avais des doigts de fée...? >>
- Hein ? C'est quoi cette connerie ?
<< Ca veut dire que tu sais tout faire. >>
Elle rougit derrière sa tasse.
<< Même... pour donner du plaisir... >>
Je souris en lui servant une assiette pleine.
- Hm, je vais prendre ça comme un compliment. Mais ouais, c'est vrai que je suis doué.
<< Tss... Hum, Katsuki... Tu as fais un Donburi à 9h du ma-- >>
- Discute pas et mange. Tu te sentiras mieux après.
<< Oh... Tu sais, ce n'est pas la première fois que ça arrive. Je finis par oublier après... >>
- Je m'en fous, j'ai pas envie de te voir rechuter. Puis t'as besoin de force pour cet aprem.
<< Comment ça ? >>
- Parce qu'on sort toute la journée.
Comme je tiens toujours mes promesses, on sort en ville toute la journée. Si je l'occupe pas un maximum, Sada pensera sans arrêt à ce qui s'est passé ce matin. Au moins au lieu d'aller en cours et ruminer dans sa tête, nos téléphones sont en mode avion et on profite juste d'être ensemble. J'ai pensé aussi à l'emmener faire un tour au planétarium.
On marche dans les couloirs sur lesquels sont projetés les constellations et la voie lactée. Au moins je peux voir Sada sourire et ce calme, rien de mieux que le silence pour se sentir paisible...
<< Tu ne m'a jamais dis quelle planète t'attirait le plus. >>
Elle me tient la main.
- Hm... Jupiter.
<< Parce que c'est la plus grosse ? >>
- Nan, parce qu'elle domine toutes les autres.
Y'avait longtemps que je l'avais pas entendu rire.
- Et toi ?
<< Neptune. Physiquement plus belle et plus mystérieuse. Et puis elle est bleue. >>
- Hm, ça se défend. Je vais t'avouer un truc, je suis pas vraiment calé en astrologie.
<< Pour une fois que Bakugou Katsuki ne maitrise pas un domaine ! >>
- Oh ça va hein j'peux toujours apprendre !
<< Non reste chef cuistot. >>
Je m'arrête net et la tire par la taille.
- Tu sais ce qu'il te dit le cuistot ?
<< Que je vais avoir un Donburi ce soir...? >>
- Tu me cherches hein...?
<< C'est toi qui m'a appris ça... >>
Je me mords la lèvre devant son sourire provocateur, elle est sexy quand elle me répond... Elle est brisée, je le vois bien, mais quand elle est avec moi je la sens revivre. C'est comme si je voyais deux personnes en une seule.
- ... Sada.
<< Oui ? >>
Je soupire et lui prend les mains, les mots sont plus compliqués que prévu...
- Tu te souviens de ce que je t'ai dis il y a un an ?
<< Heu... Sois plus précis. >>
- Quand tu m'as demandé pourquoi je tenais à t'aider. Je t'ai dis que c'était par charité, mais maintenant je veux pas seulement t'aider à aller mieux. Je veux que tu ailles mieux parce que je t'aime.
Ses yeux s'arrondissent avec un sourire. C'est fou comme on se sent vulnérable dans ces moments là...
<< Katsuki... >>
- Putain... Je le dis pas assez mais c'est sincère et tu me connais. Juste... Laisse moi encore un peu de temps pour m'y habituer.
<< Mais tu n'as pas besoin de te forcer à me le dire tous les jours, je sais que tu ne mens pas. Tu n'es pas du genre à dire "je t'aime" sans raison, comme si c'était une tendance à la mode. Tu le dis parce que tu dis toujours ce que tu penses et parce que tu as envie de le dire, je le sais... Même le temps d'un regard, je comprends ce que tu veux dire. >>
Je sens mes mains trembler en serrant les siennes et mon front se cale contre le sien. Dans un moment pareil, je repense au matin où je l'ai retrouvé scarifiée l'autre fois. Je pensais pas en être traumatisé maintenant... Je veux plus la revoir comme ça...
- Tu iras mieux, c'est une promesse... Le temps qu'il faudra, mais je sais que c'est possible. Ok ?
<< Je veux essayer-- >>
- Non n'essaie pas, fais le. Tu iras voir un psy et je t'accompagnerai si tu veux, mais ne reste pas comme ça parce que je n'aurai plus d'idées pour te convaincre. Repose toi sur ceux qui te tendent la main et avance. Ta famille, si elle ne veut pas comprendre c'est son problème. Ils sont pas là pour te consoler ni pour t'écouter, c'est moi qui t'écoute. Tous ceux qui t'ont laissé derrière, tant pis pour eux. Il n'en valent la peine parce que ta haine, elle te bouffe toi, pas eux. Alors oublies les. Et ton ex, pourquoi le pleurer hein ?
Je recule en souriant et déploie mes bras.
- T'as pas mieux devant toi ?
Au moins ç'a le mérite de la faire rire.
<< C'est vrai. C'est juste... difficile à oublier... >>
- Laisse le temps faire son taff et concentre toi juste sur ce qui se passe là dedans.
Je tapote du doigt son front avant de lui mettre un pichenette.
<< Aie ! >>
- Compris ?
<< T'étais obligé de me faire mal ?? >>
- Compris ?!
Elle gonfle les joues avant de soupirer en boudant comme une gamine.
<< Oui. Si tu me fais un Donburi ce soir. >>
- Tu fais chier avec ton Donburi !
<< Mais le tien est trop bon, alleeeeez ! >>
- Paye moi les courses alors !!
Elle se fige et le regard qu'elle me lance fout un peu les jetons. Qu'est-ce qu'elle a en tête ??
Je sursaute en la voyant se coller à mon oreille et--
<< En espèce ou en nature...? >>
ET TU ME POSES LA QUESTION ??!!!!
- Oh toi tu m'cherches vraiment.
<< Quoi-- Maintenant ?? Katsuki ! >>
Je la charge sur mon épaule et l'embarque en vitesse jusqu'au loft. Miss, quand on me cherche on me trouve !
À suivre...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top