1 - Prologue


Point de vue Sada




Saleté de réveil... Pourquoi je l'ai mis déjà ? Ah oui...

C'est mon premier jour à la fac ce matin... Qui a inventé les matins ?

Je pianote à l'aveugle sur mon téléphone pour éteindre la musique, sans la moindre conviction de me lever, et me redresse comme un vampire sortant de son cercueil. Mes rideaux sont encore fermés, mais la lueur du jour peut toujours passer au travers des tissus. À cette heure, j'aurais paniqué d'avoir manqué le réveil pour aller au lycée, mais voilà une preuve que le temps passe vite : j'ai passé l'ère de l'adolescence et me voilà dans la vie active.

Enfin "active"... Pas tout à fait, quand on suit par dépit des études supérieures juste pour obtenir une bourse à chaque fin de trimestre et espérer décrocher un job sympa.

Ouais, je suis la pire des ordures. Je compte profiter de mon statut d'étudiante dans cette fac que j'ai choisi pour sa haute réputation juste pour la bourse et me la péter d'avoir été admise à l'élite. Sur un CV, c'est plutôt propre.

En vérité, j'ai choisi un cursus un peu au pif et c'est tombé sur la gestion. Ca va me servir à rien mais bon... Les études à la base, c'est vraiment pas fait pour moi. Je veux juste trouver un taff rapidement pour renflouer mon épargne et profiter de ma jeunesse au moment présent, après tout chaque jour peut être le dernier...

Je me lève en trainant les pieds jusqu'à la salle de bain et me regarde dans le miroir. Je fais vraiment peur à voir... Des cernes qui résultent de mes insomnies et hypersomnies, les cheveux ternes et en bataille et le regard sans aucun reflet ni un sourire.

Je déteste mon sourire de toute façon...

Je me rince le visage à l'eau froide, encore perdue dans mes songes négatifs malgré mes efforts pour trouver du positif à ma vie.

En réalité, je suis malade.

Je relève les yeux vers mon reflet qui me dévisageait d'un air de dégoût. Ouais je sais, je ne fais qu'un caprice. Quelqu'un d'autre sur Terre vit sans doute pire que moi, et je suis là, à me plaindre d'une insatisfaction de vivre tout court.

Bon bref on s'en fout, faudrait déjà que j'arrive à l'heure pour le premier jour hein...









Après un maigre déjeuner, j'arrive 30 minutes en avance à la fac et m'installe à l'amphi, à l'une des rangées les plus hautes. La salle est grande au point que les profs devront se munir d'un micro pour enseigner, on peut y accueillir au moins 50 étudiants ou plus. Je me sens un peu petite et complexée, j'ai l'impression d'être la seule meuf solitaire du bahut. Les groupes ont déjà commencé à se former et je vois que beaucoup de gens se connaissent déjà.

Je prie pour ne pas croiser ceux de mon lycée...

Ils sont gentils, mais s'ils me voient ils me demanderont ce que je deviens, pourquoi je poursuit mes études etc... J'ai pas envie de justifier. Ca ne regarde personne ce que je fais de ma vie non plus. J'ai juste envie de finir ma nuit au calme...

Quelques minutes plus tard, le directeur de l'académie nous souhaite la bienvenue et commence son speech qu'il doit sans doute répéter chaque année comme un vieux disque rayé, je le plaindrai presque. Au lieu de ça, il me donne envie de dormir sur mon pupitre. Je n'ai pas la force d'écouter ce qu'il dit et j'ai un peu honte, le vieux il se donne à fond pour faire son discours devant une foule de la nouvelle génération pour au final parler dans le vent.

Voilà, je culpabilise... Bon, je vais faire un effort de l'écouter jusqu'au bout, par respect pour lui, et puis pour un premier jour, il n'y a pas grand chose à faire mis à part prendre nos marques. 

Je regarde et analyse machinalement les autres étudiants en même temps d'écouter en silence. Je ne vois aucune tête familière, c'est déjà bon signe, et ils ont l'air d'avoir un peu presque tous la même coupe de cheveux ou la même couleur. Je dis ça mais moi aussi je suis brune... En France, c'était assez facile de reconnaitre les gens de par leur physique, tandis qu'au Japon, même à la Fac ils gardent leurs codes du lycée, alors qu'ils ont maintenant le droit aux accessoires et à l'apparence extravagante.

Et au moment où je me fais la réflexion, une tignasse plus claire que les autres se démarque un peu plus en avant. J'étais tellement noyée dans mes pensées et ma somnolence que j'ai pas remarqué ce type s'installer en bas, et pourtant c'est l'un des rares étudiants à oser sortir du lot.

Il me semble connaitre cette tignasse blonde... Je peux tout à fait me tromper, mais j'ai une intuition.

Blond, avec une carrure imposante, des épaules carrées, les bras croisés... Il porte une chemise blanche ouverte avec un débardeur noir comme... quelqu'un que j'ai connu autrefois. Je dois sûrement confondre, un an s'est écoulé après le lycée, ça peut pas être lui. Enfin ça m'étonnerait pas qu'il soit intégré à l'Elite, mais pas dans ce cursus. À moins qu'il ne fasse partie de l'autre section combinée à la mienne, la Générale.

Bon bref, je dois sûrement me tromper... Même si c'était lui, pas sûre qu'il me reconnaisse, au lycée c'est à peine si on se calculait, alors je vois pas pourquoi ça changerait cette année.

J'espère juste qu'il me reconnaitra pas...









Les cours de la matinée sont terminés, maintenant j'ai mon après midi libre. Le truc c'est que... je ne sais pas quoi faire maintenant. Est-ce que je rentre chez moi et retourne me coucher ? Si je dors maintenant je veillerai toute la nuit. Quelques personnes m'ont abordé pendant les cours et ont tenté de sympathiser, je ne les ai pas remballé mais disons que mon mutisme les a perturbé.

Je ne suis pas fière, mais j'ai perdu l'habitude d'interagir avec les gens, au point d'angoisser juste pour demander une baguette de pain. Même quand mes parents m'appellent, il y a toujours un gros blanc oppressant qui s'installe. Le milieu social, c'est pas mon domaine...

J'ai mal à la tête...


J'enfile ma capuche en sortant de la Fac et marche jusqu'au konbini le plus proche. Pourtant il ne risque pas de pleuvoir, bien que j'aurais préféré pour éviter de me faire passer pour une psychopathe dans les rues, mais c'est mon seul bouclier contre les eye contacts.

Si on peut le dire autrement, j'ai nourri une phobie sociale, pas besoin de faire un dessin...

Ca date pas d'hier, mais depuis que je suis malade, j'évite un maximum le contact humain. Je pensais que vivre au Japon allait me décoincer un peu, total c'est encore pire qu'avant et pourtant la plupart des japonais sont bienveillants. Je n'ai donc aucune raison d'avoir peur, mais c'est plus fort que moi. Quand j'essaye de parler, je marmonne sans articuler puis finis par paniquer et me sentir idiote de ne plus savoir aligner deux mots. Je serais muette, ce serait la même chose.

Je déteste être comme ça... Je ne fais peut être pas assez d'efforts ou je m'y prends mal. Déjà que j'ai du mal à guérir, l'isolement n'aide pas... J'ai beau me motiver en me disant que tout est question de volonté, les effets ne dure qu'un instant.

On dit aussi que dans la vie, les bons comme les mauvais moments n'arrivent jamais par hasard, dans ce cas quel est le message qu'on essaie de me faire passer ? Je n'ai rien fait de mal, du moins je crois. J'oublie au fur et à mesure.


Bref je suis fatiguée de retourner le problème dans tous les sens, si ça se trouve il n'y a pas de réponse.

Je déambule dans le konbini avec mon panier, casque sur les oreilles à écouter du hard rock, avant de prendre quelques bouteilles d'alcool, des snacks et quelques outils de travaux manuels. Corde neuve, cutter, scotch, punaises... Tout ce qui pourrait me servir au cas où j'en aurais assez de vivre. Je ne sais juste pas comment terminer ma vie, alors j'attends le moment où je me déciderai. Je profite aussi d'acheter des médicaments contre la migraine et pour le sommeil, en espérant que ça fasse effet.

<< Je vous met le tout dans un sac ? demande la caissière avec son sourire que j'envie. >>

J'aimerais avoir le même sourire... Je me contente de simplement hocher la tête en baissant les yeux pour ne pas croiser les siens. C'est un réflexe que j'ai toujours fait, alors j'ai pris l'habitude.

Je paye avant de repasser devant la Fac pour rentrer chez moi, trainant des talons. Je fais vraiment pitié à marcher comme ça, mais qui s'en soucie ? Personne ne sait pourquoi je suis comme ça. Ma migraine s'est intensifiée en si peu de temps et mon cerveau s'est déconnecté en l'espace de quelques pas. Seules mes jambes avancent de leur plein gré et plus mes pensées se bousculent, plus le brouillard dans ma tête s'épaissit et mes douleurs fantômes reprennent de plus belle. Des douleurs à la poitrine, à la tête, au dos et parfois aux genoux.

Sérieux, arrête de te plaindre... T'es pas amputée d'une jambe ou d'un bras, tu n'as pas subis de maltraitance, ni été violée, alors de quoi tu te plains encore ? C'est juste un caprice--

<< Mademoiselle ? interpelle un homme en traversant la rue avant de me barrer la route. >>

Je sursaute en pensant à un potentiel dragueur gros lourd, mais quel dragueur se balade avec des prospectus de concert ? J'enlève alors mon casque pour l'écouter.

<< Bonjour, est-ce que vous connaissez notre groupe ? sourit-il en me montrant le papier. Nous offrons aussi des goodies pour chaque personne en espérant les retrouver au concert cet été. Ca vous intéresse ? >>

- ... Concert...?

Je ne me rappelle plus de la dernière fois que j'ai parlé, ma voix s'est enrouée avec le temps.

<< Oui. En voyant votre casque, je me suis dis que vous aimiez la musique-- >>

Son regard s'attarde sur mon sac de courses ma foi suspect. Je baisse de nouveau la tête en le contournant.

- Non désolé, je ne suis pas intéressée--

<< Attendez ! >>

Il me barre à nouveau la route avant de sortir un disque, des cartes et des autocollants de son groupe d'Idols, puis sort un stylo.

<< Même si vous ne venez pas, je tiens à vous offrir quelque chose. Votre nom ? >>

- ... Shiro...

<< Comment ? >>

Il rapproche son oreille pour m'entendre.

- Shirosaki...

Il sourit et commence à griffonner sur le dos du CD avant de me le donner et me confisquer les courses.

- Eh ?

<< En compensation, dit-il en repartant. En espérant vous voir au concert tout de même ! >>

- Mais...!

Je rêve où il m'a volé mes courses ? Je regarde son CD dédicacé sans comprendre son geste avant de m'apercevoir qu'il avait compris ce que je préparais rien qu'avec son écriture.

"Toute vie est aussi précieuse qu'un joyau et mérite d'être vécue."

...

En réalité, comme toute personne en détresse, l'ultime décision m'a traversé l'esprit, alors j'ai anticipé les choses pour le jour où mon corps n'aura plus la force de continuer. Et ce simple mot a suffi à faire monter mes larmes alors que je pensais ne plus être capable de pleurer. J'ai versé tellement de larmes et les ai tellement refoulées que...

Pourquoi ça me fait mal...? Au fond, je suis contente de son geste... Mais j'ai mal au coeur...

J'ai attendu pendant des années ce simple geste si insignifiant pour certains... Ma main s'accroche à ma poitrine et mes jambes fléchissent alors que je ne pouvais plus retenir mes larmes.

J'ai envie de hurler... Ma gorge est en feu à force de retenue...

Mes yeux me brûlent, mais je ne peux plus m'arrêter de chialer devant la Fac où peut être des gens me dévisagent en se demandant ce qui se passe...

Ma tête me lance encore plus, je sens que je vais m'évanouir...




Mais ça fait du bien...



À suivre...?

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Dites moi quand même si cette histoire vous plait ou vous intéresse, votre avis est aussi important.


J'ai prévenu que cette histoire allait aborder des sujets sensibles, alors je préviens aussi de ne pas lire cette histoire si vous êtes dans un état dépressif ou en perte de confiance.

Mon but n'est pas de vous enfoncer encore plus avec des histoires tristes, je traite seulement de faits réels qui peuvent arriver à n'importe qui et peut être permettre aux gens de mieux comprendre les personnes atteintes de dépression à n'importe quelle échelle.


La dépression est une maladie chronique et sérieuse à ne pas négliger et peut être longue à soigner. Elle peut prendre quelques jours, quelques mois, voire des années à guérir avec un suivi adéquat à l'individu et facilement détectable lors d'une consultation chez un médecin spécialisé.


Je sais, c'est moi qui fais des préventions alors que je suis moi même malade, mais je souhaite à personne de s'isoler en pleine période de détresse, tout le monde n'a pas la même force mentale, ni les mêmes méthodes de guérison, ni le même mode de vie.

Si vous avez l'occasion de vous confier à vos proches en sachant qu'ils sont à l'écoute, profitez en pour vous soigner avant de laisser cette saloperie vous détruire.

Il n'est jamais trop tard pour guérir, sachez le.

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