Partie III.
3.
Et ils passent plusieurs jours ainsi. A sortir à deux, à manger ensemble parfois, à regarder le coucher de soleil en discutant ou en silence. Pendant que Louis fume, Harry raconte sa journée, des anecdotes sur lui. Et Louis le regarde briller de beauté, dans ses différentes couleurs de chemise toujours ouvertes de façon indécente où sa peau bronzée et tatouée est laissée à vue d'oeil et il ressent parfois l'envie d'y passer le bout de ses doigts où de goût la saveur de sa peau à l'aide de ses lèvres. Seulement, il se refrène et se contient car ce n'est sûrement pas le genre de geste à faire envers une personne face à laquelle il veut rester raisonnable et impose des barrières. Ce serait totalement idiot de les franchir lui-même. Alors, il se contente de le dévorer des yeux – quand Harry ne le regarde pas bien sûr – ses lèvres rosées, ses iris brillants qui semblent vouloir englober le monde entier, ses mains qui bougent sans arrêt quand il parle, ses fossettes aux coins de sa bouche et Louis ne sait pas comment il fait pour se retenir de tendre sa main et venir la toucher. L'embrasser.
Parfois Louis sourit et rit. Comme cette fois où Harry lui a montré des photos de lui datant de cet hiver avec des cheveux longs et Louis s'est dit en voyant ces différents clichés défiler sous ses yeux que jamais il ne rencontrerait un homme possédant une beauté aussi unique et éblouissante.
– Tu veux faire du jet-ski aujourd'hui ?
La question s'échappe des lèvres de Louis avant même qu'il ne réfléchisse, Harry tourne son visage vers le sien avec un grand sourire et hoche la tête. On pourrait presque le prendre pour un enfant. Louis profite que ce soit sa journée de repos demain pour passer sa fin d'après-midi avec lui, il l'emmène alors vers le stand en bord de plage pour se préparer. Étant donné qu'il connaît le propriétaire, celui-ci lui laisse accès au matériel sans problème et leur donne les consignes de sécurité ainsi que les clefs pour démarrer et conduire les jet déjà dans l'eau.
Ils se déshabillent tous les deux afin de rester en short de bain et Louis sait parfaitement que la raison principale de cette idée est de pouvoir regarder une nouvelle fois Harry en tenue de plage. Le bouclé semble tout à fait impatient et met sa casquette en arrière sur ses boucles, son corps au ton doré est encore plus brillant sous le soleil et contraste avec les deux chaînes en argent autour de son cou. Après avoir revêtu leur gilet de sauvetage, ils vont tous les deux vers le sel jet-ski qui se trouve dans l'eau et les attend. Sans attendre, Harry grimpe dessus et relève les yeux vers Louis en souriant.
– Tu en as déjà fait ?
– J'habite ici depuis plus de quatre ans, bien sûr que j'en ai fais.
– Dans ce cas, je te laisse conduire.
C'est donc Louis qui se place à l'avant et, comme sur le vélo mais aux rôles inversés, Harry passe ses bras autour de ses hanches et les nouent au niveau de son ventre. Louis sent son souffle contre sa nuque, réveiller des frissons partout dans son corps mais essaie de ne pas penser à l'effet que sa peau chaude contre la sienne engendre chez lui. A la place, il démarre le moteur et commence à naviguer en douceur. Mais, il accélère rapidement le rythme car ce n'est pas une balade en bateau de croisière, ça doit procurer une sorte d'adrénaline. Le jet-ski prend quelques virages, fait souffler le vent tiède dans leurs cheveux et il sent la prise de Harry se faire plus ferme autour de lui, sans que ce ne soit désagréable non plus. Au contraire.
Bientôt, c'est son rire qu'il entend à ses oreilles et malicieusement Louis se dit qu'un tour en jet-ski sans être mouillé n'est pas réellement un tour en jet-ski. Alors, il prend un tournant assez rapide, en accélérant et ce mouvement soudain projette Harry dans l'eau. Le jeune vendeur se met à rire silencieusement et se mord la lèvre, alors que le bouclé remonte à la surface, les cheveux raides à présent. Il semble autant amusé que lui même s'il essaie d'aborder une moue qui se veut boudeuse. Doucement, il nage jusqu'au bateau resté sur place dont le moteur rugit et tend son bras.
– Un peu d'aide serait trop demandée ?
Toujours avec un air d'amusement léger sur son visage, Louis tend sa main pour attraper celle de Harry, mais celui-ci tire sur sa main et il se retrouve dans l'eau avec lui quelques secondes plus tard. A son tour, mouillé de la tête aux pieds. Après s'être frotté les yeux, ils se regardent et se mettent à rire tous les deux, s'éclaboussent et se taquinent comme le feraient des enfants ou des amis ou... Louis ne préfère pas penser à la fin de cette phrase, il profite du moment où Harry fait semblant de le couler et pendant lequel ses mains peuvent s'accrocher à la peau glissante et humide de ses épaules. Elle est aussi lisse qu'un nid de plume et il aurait aimé la toucher encore un peu, mais tandis qu'ils se calment, il se recule dans l'eau de quelques centimètres et utilise ses bras pour se stabiliser là où ils n'ont pas pied.
Son regard se pose quelques secondes sur le torse de Harry où les gouttes tombent de ses cheveux. Les quelques tatouages, sa poitrine qui lève et descend sous le rythme de sa respiration. Puis il secoue la tête et cherche le bateau du regard, maintenant à quelques brasses d'eux.
– On devrait remonter dessus, avant qu'il ne s'en aille à l'autre bout de la mer.
Harry hoche la tête et le suit à la nage, il tient ensuite le jet dont le moteur tourne encore afin de le stabiliser pour que Louis monte dessus. C'est ensuite à son tour de lui tendre sa main, en lui précisant de ne pas le jeter à l'eau cette fois, ce qui fait sourire le bouclé. Il s'assoit à son tour et son corps, légèrement froid dû au contact de l'eau et encore mouillé, se colle au sien. S'il les gilets ne seraient pas là pour les séparer, son ventre aurait déjà touché directement le dos courbé de Louis.
Durant plusieurs minutes, ils font encore quelques tours et reviennent ensuite au bord. Les pieds dans le sable, Louis remet les clefs du moteur à son ami-collègues et prend ses vêtements en main. Comme leurs corps sont encor trempés, ils s'installent sur un rocher sec à l'abri des vagues et observent les remous de la mer. Le jeune vendeur fouille dans la poche de son pantacourt et sort une cigarette et un briquet. Harry le laisse fumer en silence, parce qu'il sait qu'il préfère cela. C'est seulement lorsqu'il écrase son mégot qu'il se met à prendre la parole, les paupières closes et bercé par le bruit de l'océan.
– J'aimerai rester ici indéfiniment, c'est tellement calme.
– C'est le paradis.
– Ça va me manquer quand je partirais.
Et la dure réalité frappe douloureusement et violemment les deux garçons au visage. Dans neuf jours, Harry s'en va. Dans neuf jours il n'y aura plus rien de tout ça. Dans neuf jours, ils n'auront plus que les souvenirs pour combler le trou. Dans neuf jours, Louis sera seul à observer la plage et se balader le long de l'eau. Agathe ne fait pas souvent cela avec lui, elle reste le soir à l'appartement pour appeler sa famille et elle sait que Louis aime ses moments de solitude. Mais là, c'est la réalité dure et brutale qui le prend à la gorge et il sait que derrière ce « ça va me manquer » se cache un « tu vas me manquer » et ça l'empoigne, ça le bouscule, ça le ravage parce qu'il s'est promis de ne précisément pas ressentir ça. L'envie que rien ne prenne fin, que cet été soit éternel. Le temps qui passe est assassin, ce n'est pas nouveau, mais ça le prend si fortement à la gorge qu'il en a du mal à respirer.
C'est justement pour cela qu'il ne veut pas et ne peut pas s'attacher, pour ne pas ressentir l'envie de ne pas laisser Harry partir, pour ne pas avoir le sentiment d'être abandonné, vide, à la dérive. Son coeur bat anormalement vite et il se redresse d'un coup, descend du rocher et enfile ses vêtements. Le bouclé le regarde faire, lui sa poitrine se serre car il vient de le faire fuir. Mais il ne peut pas laisser les choses se passer ainsi. Ils ne peuvent pas se quitter sur des non-dits et des mots laissés en suspends, en attente du vent pour les colporter. Alors, il se met debout aussi, revêt sa chemise et son jean puis attrape le bras de Louis avant qu'il ne puisse s'enfuir. Il ne le regarde pas, ses yeux bleus sont tournés vers l'océan. La mer salvatrice qui l'appelle, et lui dit moi aussi mes larmes sont salées mais ce n'est pas grave j'apprends à vivre avec ce n'est pas un fardeau.
– Je ne peux pas te laisser partir en ayant des regrets de ne pas avoir essayé.
– Harry...
– Et je déteste te faire fuir, mais je ne peux pas laisser chaque nouveau jour nous couler entre les doigts, continue le bouclé.
– Je t'en prie...
– Louis, laisse moi t'embrasser s'il te plaît...
La mâchoire de Louis se contracte et il serre les poings. Tout sauf ça, il s'est retenu ce n'est pas pour craquer et détruire les barrières maintenant. Et la voix de Harry est brisée comme un bateau qui vient de faire naufrage dans une tempête, échoué contre un rocher. Les larmes, la tristesse et le désespoir se font sentir dans sa voix et Louis a envie de plonger la tête la première dans la mer et ne plus jamais en sortir. S'y noyer, y disparaître, ne plus jamais souffrir et faire souffrir. Sa propre douleur, il peut la gérer, la contrôler ou du moins la supporter, mais celle des autres... Il déteste en être le fautif, le déclencheur. Et là, c'est exactement ce qui se passe avec Harry.
– Tu ne sais pas dans quoi tu te lances Harry.
– Mais je ne comprends pas, tu... Je t'attire aussi non ?
En réalité, Harry est totalement perdu dans cette situation. Il ne sait jamais comment approcher ou aborder Louis et au fond il ne connaît pas grand-chose sur sa vie alors que lui a passé de longues heures à dévoiler des bouts de la sienne. Mais ce qu'il ressent à ses côtés, c'est... totalement naturel. Comme s'ils se connaissaient depuis des années et pourtant ils sont presque encore des inconnus l'un pour l'autre. Louis est un être entièrement contradictoire, qui semble ne jamais cessé de le repousser mais n'ose jamais lui dire en le regardant dans les yeux de partir. A chaque fois qu'il en a eu l'occasion, il n'a jamais dit directement au bouclé qu'il voulait le voir disparaître de sa vie, qu'il souhaitait que leur sortie le soir sur la plage prenne fin maintenant. Il reste silencieux, renfermé, discret, mais n'émet jamais une seule objection. Et Harry a simplement l'impression de jouer à suis moi je te fuis, fuis moi je te suis. Il ne sait jamais sur quel pied danser, quelle parole prononcer et c'est un sentiment très frustrant.
Et Louis soupire parce que c'est évident, ce n'est plus un secret, autant pour lui que pour Harry. Ils s'attirent mutuellement, il y a toujours cette sorte de tension palpable dans l'air mais qu'il se force à repousser. Harry est un homme tout à fait charmant, charismatique et lumineux, en plus d'être intelligent et cultivé, parfois drôle aussi, et Louis sait qu'il perd inévitablement une personne qu'il n'aura plus jamais l'occasion de revoir. Une rencontre dans ce genre ne se produit qu'une fois. Sauf que pour lui, elle ne se produira jamais. Ou du moins, elle ne pourra aboutir à rien.
– Oui...
– Alors pourquoi faut-il que tu rendes les choses aussi compliquées ?
Parce que c'est comme ça. Parce que Harry va finir par partir, par disparaître et ne plus laisser derrière lui que des souvenirs qui petit à petit s'effaceront et retourneront se mêler à la poussière et au sable. Parce que Louis ne peut pas s'autoriser à aimer, il ne peut pas faire cette erreur, il ne peut pas leur infliger cela à tous les deux. Ce serait déjà trop lourd et dur à supporter pour un seul coeur. Parce que parfois la vie est cruelle et ne tourne pas toujours en notre faveur.
Lorsque Louis relève la tête, sa poitrine se serre, il voit les yeux humides de Harry et son regard tourné vers la mer. Ses traits sont tendus et Louis ne s'est jamais senti aussi coupable de toute sa vie. C'est inévitable comme situation, ils auraient dû y passer un jour ou l'autre, maintenant ou à l'heure du départ. Mais les choses sont préférables ainsi. Louis préfère qu'il soit blessé de cette manière plutôt que d'une autre, il préfère que Harry le déteste pour cette raison que de le rendre triste et malheureux tout le restant de sa vie.
– Je ne suis pas quelqu'un pour toi, Harry.
– Et comment tu peux savoir ça ?
– Parce que je me connais mieux que personne.
Incapable de répondre à cette phrase, ce n'est plus qu'un soupire qui s'échappe des lèvres de Harry. Son regard, naguère si certain et emprunt d'assurance, a perdu tout son éclat et ne fait plus que fuir celui de son voisin à présent. Mais Louis sait qu'il ne pourrait y lire que de la douleur, de la colère peut-être aussi, et de la frustration. Et il aimerait lui dire qu'il est désolé, désolé de lui infliger tout ça, que lui aussi voudrait que ce soit possible, mais il en est incapable. A la place, il parle avec ses gestes. Délicatement, il glisse ses doigts contre la joue de Harry qui se laisse totalement aller contre son toucher. Sa peau est douce, lisse et quelques boucles soyeuses viennent caresser le dos de sa main dans le mouvement.
– C'est pour ton bien.
– Mon bien, c'est toi Louis.
– Tu ne sais pas de quoi tu parles.
– Moi aussi je me connais mieux que personne, tu sais. J'aurais tellement aimé que les choses soient différentes... Je ne sais pas si j'ai fais quelque chose de travers ou...
– Ce n'est pas toi le problème.
– Peut-être que si... Je n'arrive pas à m'arrêter de penser à toi, depuis le jour où je t'ai vu me regarder.
– Alors tu devrais arrêter avant qu'il ne soit trop tard.
– Trop tard pour quoi ?
A peine Harry a-t-il terminé sa phrase interrogative que Louis rapproche leurs visages, fixe ses yeux l'espace de quelques secondes comme pour avoir une certitude, et pose finalement ses lèvres sur les siennes. Il essaie de ne plus penser à rien, de ne faire taire les voix qui lui disent de mettre fin à ce baiser et celles qui lui demandent de continuer. Tout est réduit au silence. Il profite juste de la mélodie que produisent les vagues sur le sable et des mains de Harry qui viennent saisir ses hanches pour rapprocher leurs corps. Ses doigts glissent lentement dans ses boucles, à l'arrière de sa tête. Leurs bouches se cherchent un peu plus et il sait qu'il n'y a plus de marche arrière. Ça, il ne peut plus l'effacer. Alors tant pis, il vivra avec sur la conscience. Et s'il ne peut pas donner à Harry la relation qu'il attend, il peut au moins essayer de lui offrir un baiser dont il se souviendra éternellement. Louis n'a jamais ressenti autant de choses, n'a jamais autant aimé se faire embrasser. Toutes ces sensations positives, même si elles finiront pas se retourner contre lui et le ronger, le détruire, il les prend une par une et les amène près de son coeur. Pour ne jamais les oublier. Pour ne jamais oublier que, à cet instant, Harry lui a montré le goût que peuvent avoir le bonheur et l'amour.
Quand leurs langues se touchent, timidement, Harry a l'impression que ce sont les vagues elles-mêmes qui sont en train de le dévorer de l'intérieur. Et il ne sait pas s'il trouve cela douloureusement agréable ou agréablement douloureux. Dans les deux cas, c'est un bien qui lui cause du mal. Pourtant, lèvres contre lèvres, il a enfin un accès direct à Louis. Il a l'impression de pouvoir le comprendre, saisir une petite partie de lui. Mais ce moment est bien trop court, ils sont obligés de se séparer pour reprendre leur souffle et Harry vient directement enfouir sa tête dans le cou de Louis, ses doigts fermement accroché à son tee-shirt léger et leurs corps collés à un tel point qu'ils ne pourraient plus ne faire qu'un. Louis reprend lentement son souffle, ses esprits, caresse d'une manière discrète ses cheveux bouclés.
– Il n'y aura pas d'autres baisers.
– Je sais Louis, je sais...
Et ça leur brise tous les deux quelque chose à l'intérieur, au niveau de la poitrine. Puis ils ne disent plus rien. Ils se content de s'accrocher fort l'un à l'autre pour ne pas oublier, pour s'imprégner, pour continuer d'exister dans le souvenir de l'autre. C'est Louis qui, au bout de quelques longues minutes à s'enlacer sur la plage, se recule et lâche les boucles de Harry. Et tout autre contact avec lui est rompu. Maintenant ou jamais. Il l'a fait, il l'a embrassé, il a laissé ses barrières tomber un instant, mais il ne dois plus se retourner, il doit continuer à suivre son chemin. Ne pas baisser les bras. Avant de laisser retomber son bras le long de son corps, ses doigts frôlent la joue de Harry en laissant contre sa peau la délicate caresse d'une plume.
La seule chose qu'il peut lire dans ses yeux à présent n'est que tristesse, la couleur verte y semble morte, éteinte. Et à nouveau, Louis sait que c'est uniquement de sa faute. Peut-être qu'il devrait s'éloigner pour de bon afin de ne plus voir devant lui la vie mourir dans le regard de Harry. Peut-être qu'il devrait s'éloigner pour de bon afin de ne plus leur donner de faux espoirs. Peut-être qu'il devrait s'éloigner afin de leur éviter à tous les deux d'avoir le coeur totalement brisé.
Ce baiser est signe d'un au revoir, un adieu silencieux qu'ils n'osent pas prononcer ou s'avouer. Malgré ses efforts, Louis ne parvient pas à se détacher entièrement de Harry, l'attraction irrévocable de l'attirance le ramène continuellement vers lui. Il ne peut pas le nier, Harry est vraiment un être unique mais il ne peut pas succomber, il ne peut pas se laisser entraîner par la petite voix dans sa tête qui lui répète de se jeter dans ses bras, sur son corps et de lui faire l'amour maintenant, là, sur le sable encore chaud. Il a besoin de s'éloigner, prendre ses distances. Avant de craquer encore.
– Je vais devoir y aller.
Harry hoche la tête, simplement, il comprend. Il a compris. Depuis le début. Que Louis essaie de mettre des barrières, de l'empêcher d'approcher. Au départ, il croyait que c'était un jeu, pour se tourner autour et mieux se mêler l'un à l'autre ensuite. Sauf que, il n'a jamais été question d'un quelconque jeu de séduction. Pourtant, Harry sait que Louis le veut, Harry sait qu'il lui plaît, que tout ce qu'il peut ressentir est réciproque. C'est pour cette raison qu'il continue, qu'il cherche à obtenir le moindre petit sourire. Et quand il pense l'avoir finalement gagné avec ce baiser, Louis lui coule à nouveau entre les doigts, c'est comme essayer d'attraper de l'eau ou de la fumée avec les mains. Il ne peut rien saisir de concret. Et cet homme qui l'attire déraisonnablement ne cesse de lui échapper. Mais il ne sait pas quoi faire d'autre, si ce n'est attendre.
– Bonne soirée, alors.
– Toi aussi.
Un nouveau hochement de tête. Louis n'ose plus le regarder dans les yeux, il scanne l'océan, fait demi-tour et s'en va. La mâchoire serrée, une boule désagréable en travers de la gorge, il s'éloigne sans se retourner. Et lorsqu'il passe sa langue contre ses lèvres, il peut encore sentir le goût du sel et de la menthe. Le goût que Harry a laissé sur lui.
🌠
Louis passe trois jours chez ses parents. En compagnie de ses sœurs. Ça lui permet de penser à autre chose. Autre chose que Harry. Autre chose que ses lèvres, sa peau bronzée, sa voix lente et rocailleuse. Il a prévenu Agathe qu'il ne viendrait pas travailler du Lundi. Elle s'est contenté de soupirer. De son côté, sa mère devine bien que quelque chose ne va pas, que ce n'est pas simplement la raison habituelle. Il est distrait, grognon, tête ailleurs, continuellement dans ses pensées et sort de la maison uniquement pour fumer.
Elle essaie de lui parler, d'avoir un petit moment avec lui, mais il soit constamment avec ses petites sœurs à prendre des nouvelles ou jour avec elle, soit enfermé dans sa chambre à lire ou dormir. En tant que mère attentive, elle sait que son fils a besoin de sommeil, de repos, de tranquillité, de son indépendance, mais elle sait aussi qu'il a besoin d'être heureux et doit retrouver ce sourire rayonnant qui, il y a peu de temps encore, animait son visage. Un visage maintenant cerné par la fatigue, fermé et distant.
Alors, elle se dit que ce matin est le bon moment pour parler. Les filles dorment encore, Louis est dans la cuisine en train de préparer son petit-déjeuner. Elle pose son magazine sur la table basse du salon, se lève et le rejoint dans l'espace pour cuisiner. Il se tient debout, encore en pyjama, son jogging et un vieux tee-shirt gris délavé, devant l'eau qui bout dans la casserole. Son regard fixe un point vide jusqu'à ce que la voix de sa mère le ramène sur terre.
– Lou, mon coeur, je crois que ton eau est assez chaude non ?
– Ah euh.. oui oui... Tu sais que j'aime mon thé bouillant.
Tout en lâchant un léger rire, qui sonne affreusement faux, il arrête le feu et verse l'eau dans sa tasse. Il y laisse tremper deux sachets de thé et s'assoit sur le tabouret du bar le temps de l'infusion. Sa mère s'installe à côté de lui et glisse une main contre sa joue.
– Tu es sûr que ça va Louis ?
– Tu connais déjà la réponse.
– Oui.. elle soupire d'un air triste, mais je veux dire, tu sembles encore plus ailleurs que d'habitude.
– Ça passera. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut soigner.
– Tu peux m'en parler, tu sais ?
– Maman, tu me le dis à chaque fois, je finis par le savoir.
– Je ne veux juste pas que tu restes enfermé dans ton silence. Tu as l'air vraiment bizarre depuis que tu es arrivé.
Louis lâche un soupir et joue avec la ficelle de son sachet de thé. La saveur à la fois douce et corsée de ce thé noir lui caresse les narines. Ils restent plusieurs minutes sans rien dire jusqu'à ce qu'il retire les sachets, verse une lichette de lait et une cuillère de sucre. D'une main, il porte sa tasse à ses lèvres et souffle sur le liquide brûlant avant d'en prendre une petite gorgée. Sa mère est toujours là pour lui, dans les bons comme dans les mauvais moments, et même s'il sait que c'est normalement le rôle d'une maman d'être là pour ses enfants, il ne pourra jamais assez la remercier pour l'énorme soutient qu'elle lui donne sans arrêt.
Quand il pleure, c'est toujours elle qui est là pour le prendre dans ses bras, caresser ses cheveux et lui dire qu'il est normal de se sentir triste. Quand il a peur, c'est elle qui le rassure, qui lui offre une protection. Quand il est en colère, au plus bas, quand tout s'écroule, c'est encore elle qui essaie de le faire sourire. Et même si ça ne fonctionne pas toujours, Louis lui en sera éternellement reconnaissant car sa mère dévoue toute sa vie à se battre pour rendre celle de son fils meilleure. Il ne compte plus le nombre de sacrifices qu'elle a dû faire pour venir le voir en catastrophe, tout annuler pour s'occuper de Louis quand rien ne va. Ce qui est devenu assez récent ces derniers mois.
En définitive, Louis a toujours tout dit à sa mère, il n'y a jamais réellement eu de secret entre eux. Et elle ne l'a jamais non plus forcé à avouer quoi que ce soit. Tout est toujours naturel. Puis, il sait aussi que cette distance qu'il commence à construire avec tout le monde inquiète ses proches, sa mère plus encore. Il ne peut pas l'éloigner. Sa famille, Agathe, eux seront toujours là. Une vie de complète solitude n'est pas possible. Et il n'en veut pas non plus. Mais il souhaite simplement limiter les souffrances et les larmes et la douleur qu'il va indéniablement causer. Nerveusement, il joue avec sa cuillère tandis que sa mère observe ses traits fatigués et ses cheveux en bataille qui partent un peu dans tous les sens.
– Il y a ce garçon qui me plaît...
– Oh Louis.
Sa mère intervient directement, le coupant dans son élan, avec un sourire et il lève les yeux au ciel en poussant un premier soupire. Le fait qu'il soit attiré par les hommes n'a jamais été un secret pour sa mère, sa famille même, il l'assume complètement, le problème n'est pas là. Dès que sa génitrice le voit proche d'un autre garçon de son âge ou qu'il commence à en parler, elle s'extasie comme s'il cherchait à trouver le Saint-Graal. Seulement, Louis ne cherche pas quelque chose de sérieux, à développer une nouvelle relation ou construire un couple. Il ne veut rien entreprendre qui s'effondrerait d'ici peu de temps. Il ne veut pas souffrir et faire souffrir. Mais ce n'est pas l'avis de sa mère, à chaque fois elle semble ravie et heureuse, soulagée. Louis ne l'est pas du tout, ce n'est pas quelque chose qui lui fait plaisir, au contraire. Ce sentiment lui ronge l'estomac, lui dévore férocement le coeur et lui serre la poitrine si fort qu'il en perd son souffle parfois.
– Maman, ce n'est pas ça... Il... Il m'attire énormément et ça me fait mal. Je ne peux pas supporter cette sensation, ça me détruit et... Il est beau maman, je te jure il est si beau, je suis certain que tu tomberais sous son charme tout de suite toi aussi. On se parle, on se voit, il sait l'effet qu'il a sur moi mais je ne peux pas, ce n'est pas possible.... Même si c'est réciproque. Et je me sens absolument stupide parce que je n'aurais jamais dû lui parler et le regarder et lui laisser croire qu'il y avait une chance de...
– Louis, Louis mon chéri, regarde moi.
Le jeune vendeur reprend sa respiration qui d'un coup s'est faite haletante, il relève la tête lentement tandis que les doigts de sa mère se posent sur son bras. De petites perles salées emplissent ses yeux azur, un bleu terne et livide. Sa mère n'a jamais vu aussi peu de vie dans son regard, elle passe le dos de sa main contre sa pommette saillante et affiche un léger sourire, rassurant.
– Je sais ce que tu essaies de faire, mais tu ne peux pas tout le temps te mettre des barrières et t'empêcher de tomber amoureux. Ça finira pas te détruire totalement, plus que tu ne le penses, et ce n'est pas une vie. Je t'aime, tu sais à quel point je t'aime, et je devine que ça ne doit pas être facile du tout, que tu dois avoir mal, te sentir misérable et apeuré mais c'est tout à fait normal Lou. Et je pense que tu te trompes, si tu aimes ce garçon, si il t'attire autant que tu le dis, tu ne devrais pas laisser s'échapper ce qui pourrait te rendre heureux. Tu vas finir par le regretter, et tu risques de le blesser aussi s'il ressent comme toi. Surtout, c'est là le plus important, dit-elle en posant sa main sur l'emplacement du coeur de son fils, pas là haut, et posa ensuite celle-ci contre sa tête. Tu dois avoir confiance en tes sentiments, si tu les repousses sans cesse, tu n'auras que d'autant plus mal. Et je refuse de voir mon propre enfant souffrir encore plus.
– A quoi ça sert d'aimer si on final ça nous fait souffrir ?
– Tu te souviens quand ton père et moi on s'est quitté ? Louis hoche la tête lentement. J'ai pensé ne plus jamais pouvoir et vouloir aimer ensuite, je connaissais ton père depuis tellement longtemps... Mais j'ai rencontré la bonne personne, Dan, et ça n'a pas été facile au début, j'avais du mal à lui faire confiance, à croire en son amour envers moi. Mais avec le temps, j'ai compris qu'il était celui qu'il me fallait. On peut toujours se reconstruire, même après une très lourde chute. Et moi je pense que tu devrais laisser une chance à ce garçon, parce qu'il est peut-être ta personne.
Un deuxième soupire sort de la bouche de Louis. Au fond, sa mère sait de quoi elle parle, elle a vécu une dure rupture après six ans de vie commune avec un homme qu'elle a fini par ne plus aimer. Et il a vu sa mère souffrir, il l'a vu seule, s'occuper comme elle le pouvait de deux enfants. Puis elle a rencontré Dan, elle est tombée amoureuse, elle a retrouvé son bonheur et sa joie de vivre. Et Louis a eu le droit à un petit frère et une petite sœur comme nouveaux membres de la famille.
Mais, malgré les mots de sa mère, il y a toujours cette question. Ce doute. Cette angoisse. Il ne peut pas se faire à l'idée de se lancer dans une relation avec quelqu'un pour qu'au final tout soit détruit d'ici quelques années, quelques mois même. Dans un geste las, il porte sa tasse à ses lèvres et boit une gorgée de thé avant d'être interrompu par l'arrivée de sa sœur de dix-huit ans, Charlotte et les jumeaux, les yeux encore fatigués et une tétine dans leur bouche. Ernest vient réclamer les bras de sa maman qui le prend sur ses genoux et Dorie se met devant les dessins animés avec sa peluche. La jeune adolescente se fait griller des tartines et jette un regard amusé à son frère :
– Alors comme ça tu as un amoureux et tu nous le présente même pas ?
Louis manque de s'étouffer avec sa gorgée de thé, encore bien chaude, et toussote deux ou trois fois avant de la regarder. Ses cheveux blonds sont remontés en un chignon sur sa tête et ses grands yeux bleus, entourés par des cils tout à fait volumineux, sont fixés sur lui. Et il n'a pas le temps de se défendre qu'elle ajoute, en souriant :
– Ça doit bien faire trois ou quatre ans que tu ne nous a présentés personne.
– Parce qu'il n'y a personne à présenté.
– Pourtant j'ai entendu maman parler d'un garçon qui te plaisait.
– Ce n'est pas bien d'écouter aux portes.
– Je descendais pour prendre mon petit-déjeuner, je ne savais pas que vous alliez avoir une conversation aussi sérieuse.
Charlotte hausse les épaules et Louis lève les yeux au ciel, il tourne son regard vers sa mère qui se contente de lui offrir un sourire doux et rassurant. Un sourire de maman qui repousse tous les cauchemars.
– Il n'y a rien de sérieux.
– Donc aucun garçon qui te plaît ?
Un grognement sort de la gorge du plus vieil enfant de la famille et il pose sa tête contre ses bras sur la table. Charlotte regarde sa mère en souriant et pose ses tartines dans une assiette. Louis a juste le temps de relever la tête pour les voir s'échanger ce genre de message par le regard, il descend de son tabouret, pose sa tasse presque vide dans l'évier et marmonne en partant vers sa chambre d'enfance :
– Vous êtes insupportables.
Quand la porte est fermée derrière lui, il soupire longuement et va ouvrir la fenêtre de sa chambre, qui mène à un petit balcon. Il ne peut pas y poser une chaise ou quoi que ce soit d'autre, mais il a assez d'espace pour s'accouder à la barrière qui le sépare du vide et fumer. Alors, il sort une cigarette de son paquet, son briquet et en allume le bout. Tout en tirant une bouffée, il repense à ce que sa mère lui a dit et il ne peut pas indéfiniment repousser Harry, même si d'ici six jours il ne sera plus là. Six jours... Louis sent les larmes lui monter aux yeux et une boule se former en travers de sa gorge. Six jours et toute trace de Harry aura disparu. Six jours et Louis n'aura plus que des souvenirs de ce jeune homme de la plage pour lui donner une raison de se lever chaque matin. Six jours et il va le laisser partir, leurs deux coeurs en miette et sûrement sans le sourire qui animait ses lèvres les premières fois qu'il l'a vu sur la plage. Ce sourire a disparu et Louis sait qu'il en est le seul responsable.
Six jours et il n'aura plus rien. Cette pensée le terrifie. Et sans pouvoir les retenir plus longtemps, les larmes coulent sur ses joues et ses pleurs lui font tellement mal qu'il ne parvient plus à fumer. Il laisse sa cigarette s'éteindre dans le cendrier dehors et s'allonge dans son lit défait. Les gouttes qui perlent aux coins de ses yeux mouillent l'oreiller, et son coeur se serre douloureusement. Il est épuisé, il souffre et il n'entend pas sa mère entrer dans sa chambre. Elle s'assoit sur le rebord du lit, glisse ses doigts dans cheveux et les caresse. Sans chercher à cacher son état ou à résister, il vient se cacher dans ses bras et laisse toute sa tristesse s'évacuer. Ici, il peut se permettre de se montrer faible, de laisser tomber ses barrières. Sans quoi, il exploserait.
Sa mère continue de caresser ses cheveux, Louis pleure silencieusement contre son épaule. Ils restent ainsi pendant plusieurs minutes. Enlacés. Il a besoin du contact de sa mère pour se rester les pieds sur terre.
– Je suis épuisé de lutter maman...
– Je sais mon coeur, c'est pour ça que tu ne dois pas te mettre toutes ces barrières.
– Mais je ne veux pas le briser.
– Tu sais, je pense que tu lui fais plus de mal en le repoussant. Je ne le connais pas, je ne peux pas savoir, mais si c'est un garçon bien il comprendra et surtout... Il restera.
– S'il reste il va souffrir.
– Et s'il part vous allez souffrir tous les deux.
– Dans tous les cas il ne sera plus là dans six jours...
– Mais ça ne veut pas dire que tout se termine à ce moment là. Ce n'est peut-être pas que le temps d'un été.
Les larmes luisent encore dans ses yeux bleus gris, la main de sa mère vient replacer quelques mèches de ses cheveux et elle pose un baiser délicat sur son front. Louis se sent comme un enfant de cinq ans auquel on est en train de raconter que le père Noël n'existe pas ou à l'adolescence lors de son premier chagrin d'amour. Mais là, ce n'est pas juste ça. Ce n'est pas simplement l'histoire d'un coeur brisé. Il n'est pas seul dans cette histoire et il sait que son comportement affecte déjà Harry et même s'il voudrait le voir éloigner de lui, distant, l'idée de devoir l'abandonner l'effraie et le détruit déjà.
– Tu devrais aller le retrouver, lui laisser une chance.
Et Louis ne répond rien, parce qu'il sait qu'au fond sa mère et raison et c'est ce qu'il veut aussi. C'est ce que son coeur lui crie de faire depuis la première fois que son regard s'est posé sur lui.
🌠
Le temps est une chose précieuse. Louis en est parfaitement conscient. Alors, il n'a pas perdu de temps. Il a repris la route juste après la discussion avec sa mère et une bonne douche pour se remettre les idées en place. Le trajet lui a permis de réfléchir, roulant au rythme d'une playlist sur un cd gravé. Il est à peu près midi quand il arrive à son appartement. Après avoir garé sa voiture au parking, il se met à courir vers la plage. Plus il s'approche, plus il espère que Harry sera encore là. Il veut lui parler, ne pas perdre encore la moindre seconde.
Le soleil tape, il n'a pas mis de crème solaire ou de casquette, il court sous les rayons assommants. Son souffle se fait rapide, déstructurée. A vrai dire, il commence à ressentir une brûlure au niveau de la poitrine, puis un resserrement. Mais il arrive, il atteint la plage. Son regard plissé scanne la plage. Aucune trace de boucles brunes ou d'un short de bain jaune et un corps svelte, bronzé et tatoué. Essoufflé, il s'approche du magasin et Agathe ouvre les grands les yeux quand il entre en catastrophe. Sa poitrine se soulève frénétiquement au rythme de son souffle désordonné, il parvient à souffler :
– Où est Harry... ?
Mais avant de pouvoir continuer sa phrase et questionner son ami, il sent sa tête tourner ainsi que le décor autour et sa respiration se bloquer. Son corps se fait faible, et sa main s'accroche au comptoir, il fait tomber quelques stylos au passage et affolée Agathe se précipite pour lui afin de le retenir d'une chute imminente. Elle parvient à le retenir de ses petits bras, avant qu'il ne s'écroule et l'aide à s'allonger. Elle sait ce qu'elle a à faire. Louis la voit, la respiration sifflante et le coeur battant comme une furie, sortir son portable.
Puis c'est le trou noir.
Quand il se réveille, il doit être bien plus tard dans la journée car le soleil se couche au travers des fins rideaux de sa chambre. Ses paupières s'ouvrent lentement, il grogne en se sentant encore légèrement faible. Il s'étire doucement et le drap qui recouvrait son corps pour se lever. Durant quelques secondes son regard se pose sur les boites de médicaments empilés sur sa table de chevet, il soupire et se décide à rejoindre le salon. Agathe s'y trouve devant la télévision et tourne sa tête vers lui, se redressant en tenant sa tasse de thé.
– Lou, tu te sens comment ?
– Comme un charme.
Le ton ironique de Louis ne rassure pas du tout son amie qui lève les yeux au ciel. Elle s'approche de lui et glisse une main contre son front pour vérifier la température de sa peau. Mais il se défile et va attraper sa paire de chaussures et se rend dans la salle de bains pour chercher un tee-shirt propre.
– Je dois voir Harry.
– Tu vas d'abord te reposer et...
– Je dois aller le voir.
– Louis....
Elle a beau l'appeler, il ne s'arrête pas de chercher des vêtements dans le panier de linge à plier et enfile un tee-shirt sans manche noir et fin. Avant qu'il ne puisse partir, Agathe saisit son bras et plante son regard sérieux dans le sien.
– Ça ne sert à rien que tu fasses ça, il n'est pas là ce soir.
– Quoi ?
– Il est allé en ville avec ses amis, ils passent la soirée et sûrement une bonne partie de la nuit dans un bar, je ne sais plus lequel.
– Comment tu sais ça toi ?
– Raphaël me l'a dit. Et Harry est venu chercher après toi chaque jour pendant le temps que tu étais absent.
Louis pousse un juron et se dégage de la prise de son amie pour retourner vers sa chambre, mais Agathe ne lâchera pas aussi vite, elle compte bien avoir des explications. Il s'accoude à sa fenêtre grande ouverte et s'allume une cigarette, regardant le ciel se transformer doucement en nuit.
– Tu peux m'expliquer ce qu'il s'est passé l'autre soir et pourquoi tu as disparu si soudainement ? Harry avait l'air totalement bizarre et pas dans son assiette.
– Je l'ai embrassé.
D'un coup, le regard de la jeune femme s'illumine comme si elle vient tout juste de retrouver son Louis. Celui qu'elle a connu au tout début. Avant tout ça. Mais elle n'a pas le temps de dire quoi que ce soit que Louis enchaîne, en soufflant sa nicotine :
– Je n'aurais jamais dû faire ça, parce que maintenant... Maintenant je ne pense qu'à ce baiser et ce n'est pas bien, il ne peut pas être avec moi, on ne peut pas être en couple ou envisager de l'être c'est... Non.
– Et tu voulais le trouver pour lui dire ça ?
– Mh. Je ne veux pas qu'il souffre Agathe, je ne veux pas lui faire subir... Tout ça. J'ai déjà bien trop de personnes que je vais faire souffrir dans ma vie.
– Ce que tu ne comprends pas c'est que s'il t'attire, si tu l'attires aussi, ça va vous déchirer quand il va devoir partir parce que vous allez regretter tous les deux de ne rien avoir tenter. Toi encore plus, je te connais, tu vas ruminer pendant des semaines et t'enfermer ici.
– Mais dans tous les cas il va partir.
– Oui, mais ça ne veut pas dire que tout doit finir et que rien n'est possible.
A nouveau le jeune vendeur soupire et Agathe s'approche pour se mettre à côté de lui, elle le regarder apporter sa cigarette à ses lèvres et murmure :
– Qu'est-ce que tu as ressenti durant le baiser ?
– J'ai adoré, il ne réfléchit pas, j'ai adoré chaque seconde. Parce que non seulement il embrasse bien et ses lèvres sont douces mais aussi... J'avais l'impression qu'il me redonnait vie.
– Alors ne repousse pas sans arrêt la seule personne qui pourrait te redonner cette étincelle et te rendre heureux Louis.
Et le pire c'est qu'il sait qu'elle a raison, elle aussi, elle tient exactement le même discours que sa mère. Il se mord la lèvre, termine sa cigarette et la laisse poser sa tête sur son épaule, de son côté il dépose ses doigts libres contre son bras et ferme les yeux. Parfois, il rêve à ce que la vie soit plus facile et il se dit aussi que c'est lui-même qui s'impose ses propres obstacles à franchir. Mais que s'il parvient à baisser ses barrières, peut-être que le chemin sera moins compliqué. Et justement, il est épuisé de se battre pour mener une existence qui ne signifie rien, qui ne lui ressemble pas.
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